II. LE MAINTIEN D'UN "ÉCART DE CROISSANCE" DÉFAVORABLE

Le scénario de croissance retenu prolongerait donc l'écart entre croissance potentielle et croissance effective.

Le taux de croissance serait de 2,3 %.

Hors effet des stocks, la croissance ne dépasserait pas 1,8 % en 1997 contre une croissance potentielle généralement estimée à 2,5 %.

L'économie française continuerait donc à ne pas employer "normalement" les facteurs de production disponibles en 1997.

Toutefois, ce phénomène s'atténuerait.

L'écart à la croissance potentielle :

"l'écart de croissance"

Le taux de croissance potentielle de l'économie française est estimé depuis plusieurs années à 2,5 % par an.

Le taux de croissance potentielle est celui qui serait atteint si les facteurs de production -le travail et le capital pour l'essentiel- étaient normalement utilisés. L'écart entre le taux de croissance potentielle et le taux effectif de croissance -"l'écart de croissance"- permet de rendre compte lorsque le second est plus élevé que le premier des phénomènes de rareté et d'inflation.

Lorsque la situation inverse se présente, il permet de rendre compte de phénomènes de sous-utilisation des facteurs de production (chômage, sous-investissement).

Cependant, l'observation d'un "écart de croissance" n'a guère de portée explicative en tant que telle, parce que la mesure de la croissance potentielle suppose que soient résolues des questions aussi importantes que celle du niveau normal d'utilisation des facteurs ou encore celle du niveau de leur productivité.

Partant, l'observation d'un "écart de croissance" n'a une valeur opératoire efficace que pour autant que ces questions soient correctement résolues.

Pour illustrer la signification de ces deux observations, on peut raisonner sur l'exemple de l'emploi.

La croissance potentielle dépend d'une utilisation normale du facteur travail disponible. La population active détermine quantitativement les disponibilités. Mais la question des acteurs déterminant qualitativement l'utilisation "normale" de la population active se pose en de tout autres termes. La réponse donnée à cette question suppose un jugement normatif et passe généralement par l'idée qu'une utilisation normale de la population active est celle qui n'engendre pas de tensions inflationnistes ou de tensions salariales.

On remarquera d'abord que l'une et l'autre de ces deux conditions ne sont pas entièrement assimilables -tensions salariales et inflationnistes ne vont de pair qu'à partage inchangé des gains de productivité entre profits et salaires.

On remarquera surtout que l'évaluation du taux de chômage nécessaire pour que lesdites tensions soient contenues est conjoncturelle et très certainement variable en fonction de multiples paramètres : le coût du travail bien sûr mais aussi la qualité de la main d'oeuvre ou encore l'organisation des relations de travail.

Ainsi le rapprochement de la croissance effective et de la croissance potentielle suppose de résoudre des problèmes méthodologiques considérables et en même temps de prendre parti sur les raisons -du même ordre- qui expliquent l'écart entre les deux grandeurs.

A cette situation serait associé un effet plutôt positif : l'absence de risque inflationniste continuerait à prévaloir.

Mais deux phénomènes, défavorables, perdureraient :


• la poursuite d'une conjoncture peu propice à la réduction du chômage ;


• le maintien d'une situation peu favorable à l'investissement.

A. UNE CONJONCTURE PEU PROPICE À LA RÉDUCTION DU CHÔMAGE

1. L'enrichissement de la croissance en emplois

L'accumulation des "écarts de croissance" observés ces dernières années peut être présentée comme étant à l'origine de la hausse du chômage, celui-ci expliquant à son tour les écarts de croissance.

Pour dépasser le débat récurrent sur les causes profondes du sous-emploi, il faut faire état d'une évolution importante déjà soulignée dans le rapport général de l'année dernière : l'enrichissement de la croissance en emplois.

Alors qu'entre 1974 et 1989 il fallait en moyenne un taux de croissance de 2,3 % pour que des emplois soient créés, le rythme de croissance à partir duquel l'économie crée désormais des emplois serait de l'ordre de 1,6 %.

Pour expliquer ce phénomène on avance deux motifs essentiels : la baisse de la durée du travail et surtout celle de la productivité du travail.

L'explication souvent donnée de ce dernier phénomène insiste sur l'impact des différents dispositifs d'aides à l'emploi qui seraient favorables à la création d'emplois peu qualifiés.

Il faut en tout cas insister sur trois facteurs très importants :


• le développement du travail à temps partiel qui a progressé de 27 % entre mars 1992 et mars 1996 (+ 757.000 emplois à temps partiel) et agit sur la durée du travail ;


• le développement de l'emploi public (+ 414.000 emplois publics non marchands entre 1990 et 1995) 2 ( * ) ;


• et l'inflexion de la productivité dans les services cumulée avec la tertiarisation de l'économie.

* 2 Ces deux évolutions ne peuvent pas être cumulées car elles concernent des données partiellement communes.

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