2. Le contenu du projet de directive : une ouverture limitée et maîtrisée du marché

Le projet de directive comporte deux types de dispositions : celles qui sont obligatoires, qui s'imposeront donc à tous les pays, et celles qui laissent aux Etats membres une certaine marge de manoeuvre, qui leur permettra de construire un système adapté à leurs spécificités nationales.

a) Les dispositions obligatoires

Deux dispositions sont obligatoires, qui constituent les seules règles communes réelles de la proposition de directive :

- La première obligation concerne les entreprises électriques verticalement intégrées ( ( * )2) , comme EDF, qui devront tenir des comptes séparés pour les activités de production, de transport et de distribution. Il s'agit de « l'unbundling » comptable.

- La seconde obligation concerne l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence . Les Etats membres devront permettre à un certain nombre de leurs clients, correspondant à une part déterminée du marché, de choisir leur fournisseur. Il faut toutefois souligner que cette ouverture sera à la fois progressive et maîtrisée. Elle se fera sur six ans. D'environ 24 % au départ, la part du marché ouvert à la concurrence devra passer à 29 % trois ans après, pour concerner finalement environ 33 % des marchés au bout de six ans . Ces pourcentages seront calculés précisément par la commission européenne. La première ouverture correspondra au pourcentage que représente en moyenne, à l'échelle européenne, les clients consommant 40 Gwh, par an et par site. La seconde correspondra au pourcentage de clients qui consomment 20 Gwh, et la troisième ouverture au pourcentage de clients de l'Union européenne consommant au moins 9 Gwh par an.

b) Ce qui relève de la compétence des Etats-membres

- Chaque Etat membre devra définir ses propres critères d'éligibilité des clients ( ( * )3) , à partir du cadre défini par la directive, le pourcentage d'ouverture du marché devant être respecté ( ( * )4) .

Une clause de sauvegarde permettra de protéger les pays qui choisiront une définition plus large des clients éligibles. Ainsi, EDF ne pourra pas s'adresser à un client éligible à l'étranger qui ne le serait pas en France, si l'État importateur s'y oppose.

- La proposition de directive offre aussi aux Etats membres qui le souhaitent la possibilité de confier des missions d'intérêt économique général à des entreprises du secteur électrique. La France devra utiliser au mieux cette faculté pour mener une véritable politique énergétique, ceci d'autant plus que la directive reconnaît expressément à chaque État la possibilité de mettre en oeuvre une planification à long terme. Votre commission est particulièrement attachée à ces dispositions. Rappelons que les missions d'intérêt économique général comprennent le respect des obligations de service public françaises (obligation de desserte, égalité de traitement dont péréquation tarifaire...), auxquelles viennent s'ajouter la contribution à la mise en oeuvre de politiques nationales essentielles telles que l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et la sécurité d'approvisionnement.

- Par ailleurs, pour la mise en oeuvre des nouveaux moyens de production, chaque pays aura le choix entre un régime d'autorisation ou un régime d'appels d'offres ou une combinaison des deux. Dans le système d'autorisation, chaque producteur peut, à tout moment, déposer une demande pour installer de nouvelles capacités de production et proposer son électricité à des clients éligibles. Ces demandes sont accordées ou refusées par les pouvoirs publics qui statuent en fonction des besoins énergétiques à long terme du pays et selon des critères objectifs définis à l'avance (utilisation des sols, nature des sources primaires, protection de l'environnement...). Autre possibilité, les pouvoirs publics peuvent, pour le secteur non concurrentiel, choisir de lancer des appels d'offres quand de nouvelles capacités de production sont nécessaires. Soulignons que la question du renouvellement des capacités de production d'EDF ne se posera pas avant dix-quinze ans.

- Enfin, pour la mise en oeuvre du contrat de fourniture conclu entre un producteur indépendant et un client éligible, les pouvoirs publics pourront choisir entre l'accès au réseau EDF moyennant péage (ATR négocié) et l'obligation d'achat par le gestionnaire du réseau (EDF) au lieu de production, avec revente au lieu de consommation (acheteur unique).

Au terme d'une période de neuf ans, les Etats membres décideront s'il convient de maintenir les choses en l'état ou s'il est préférable, à la lumière de l'expérience et des résultats enregistrés, de modifier tout ou partie de la directive.

Votre commission se félicite que la proposition de directive admette la coexistence en Europe de systèmes électriques différents.

Il est cependant indéniable que l'obligation d'ouvrir le tiers de notre marché intérieur au bout de six ans constitue une contrainte sérieuse qui va nécessairement imposer des adaptations non négligeables.

LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE, EN BREF :

Le texte repose sur deux types de dispositions :

1. Dispositions obligatoires pour tous les États membres :

- « unbundling » comptable pour les entreprises intégrées : publication de comptes séparés pour les activités de production, transport et distribution ;

- ouverture progressive et maîtrisée du marché électrique.

2. Points laissés à la liberté des États membres :

- choix du type des consommateurs qui seront éligibles ;

- possibilité de confier aux entreprises du secteur électrique des missions d'intérêt économique général ;

- possibilité d'introduire la mise en oeuvre d'une planification à long terme ;

- choix entre un régime d'appel d'offres ou d'autorisation pour la construction des nouveaux moyens de production ;

- modalités d'accès au réseau : ATR négocié ou Acheteur unique.

* (2) Selon la proposition de directive, une « entreprise verticalement intégrée est définie comme une entreprise assurant au moins deux des fonctions suivantes : production, transport ou distribution d'électricité. »

* (3) Les clients « éligibles » sont ceux qui auront le droit, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, de faire appel aux producteurs d'électricité de leur choix

* (4) Seuls les clients consommant plus de 100 Gwh devront obligatoirement être éligibles dans tous les pays.

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