B. LE CONTENU DU PROJET DE LOI INITIAL DE ZONE FRANCHE ET LES APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NA TIONALE

Le projet de loi relatif à la zone franche de Corse a été adopté en Conseil des ministres le 13 novembre 1996 et adopté par les députés le 6 décembre.

Le dispositif, destiné à s'appliquer du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2001, comporte trois volets distincts : une exonération d'impôt sur les bénéfices, une exonération de taxe professionnelle et une exonération de charges sociales. Pour ces trois volets, les situations visées et les activités concernées sont les mêmes, sous réserve des spécificités propres à chaque catégorie d'exonération.

1. Les situations visées

Le projet de loi vise les entreprises se trouvant dans trois situations clairement distinctes :

- création et extension d'activité (création d'emplois pour le volet social) ;

- activités déjà existantes (emplois existants pour le volet social) ;

- entreprises en difficulté.

La définition des entreprises en difficulté

Le présent projet de loi prévoit que les entreprises de moins de 250 salariés bénéficient sur agrément, quand elles sont en difficulté structurelle, des exonérations de la zone franche.

Une entreprise est considérée comme étant en difficulté :

- lorsqu'elle fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire : cette condition s'inspire du dispositif de l'article 44 septies du code général des impôts qui prévoit une exonération temporaire d'impôt sur les sociétés en faveur des sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté "qui fait l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal en application des articles 81 et suivants modifiés de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises."

- ou lorsque sa situation financière rend imminente sa cessation d'activité.

Si le premier critère est éprouvé et ne pose pas de problèmes d'interprétation, on peut regretter l'imprécision du second. 11 convient cependant de l'analyser au regard de l'échange de lettres entre le Gouvernement et la commission de Bruxelles.

En effet, dans sa notification à la commission européenne, le Gouvernement a retenu deux critères pour définir les entreprises en difficulté éligibles à la zone franche de Corse :

ï un critère de difficulté structurelle : les entreprises bénéficieront des dispositions Précitées « si le rapport de leur endettement au montant de leurs fonds propres dépasse de 20 % la moyenne nationale des PME du secteur. La définition du secteur retenue est celle de la classe, au sens de la nomenclature NACE (règlement de la commission du 24 mars 1993). La référence utilisée pour la moyenne sectorielle est celle de la Banque de France. »

ï un critère relatif à l'appréciation du plan de restructuration : « afin de se conformer aux lignes directrices de la commission sur les aides au sauvetage et à la restructuration (JOCE du 23 décembre 1994), les exonérations fiscales et sociales seront attribuées sur agrément de l'État afin de :

- s'assurer des perspectives de rétablissement de la compétitivité de l'entreprise à terme.

- fixer à l'avance la durée des exonérations au niveau strictement nécessaire pour rétablir l'équilibre de l'entreprise, en tenant compte de l'ensemble des soutiens publics, dont les prêts participatifs de restructuration. Cette durée n'excédera pas trois ans et sera modulée en fonction de la situation de l'entreprise.

Dans le cas ou l'activité de l'entreprise bénéficiaire se situe dans un marche souffrant de surcapacités, les autorités françaises s'engagent à ce qu'elle apporte une contribution appropriée à la restructuration de la branche considérée par une réduction définitive ou la clôture de sa capacité de production.

Les autorités françaises s'engagent également à ce qu'une même entreprise ne puisse bénéficier qu'une seule fois de ces dispositions pendant la durée de la zone franche. »

Enfin, le Gouvernement a complété sa notification à la commission en précisant que « pour les entreprises en difficulté, aux critères déjà mentionnés, s'ajoutera notamment celui d'un résultat négatif au cours des deux derniers exercices précédant la demande d'agrément. Par ailleurs, les entreprises éligibles devront se trouver dans une situation où elles sont incapables d'assurer leur redressement avec leurs propres ressources ou avec des fonds obtenus après de ces actionnaires ou par l'emprunt, conformément à la communication de la commission sur les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JOCE C 368 du 23 décembre 1994). »

La commission européenne a décidé d'autoriser cette mesure en tenant particulièrement compte de ces engagements.

Par ailleurs, aux termes du projet de loi, l'octroi de l'agrément est subordonné à la condition que « la sauvegarde de l'entreprise présente un intérêt économique et social pour la Corse » .

Votre rapporteur note que les notions d' "intérêt économique et social pour la Corse" laissent une large marge d'interprétation au ministre de l'économie et des finances dans la délivrance de l'agrément. Or, le Conseil d'État se demande, dans son rapport public au Président de la République de 1995, "si, lorsqu'il subordonne à un agrément par le ministre des finances, l'octroi d'un avantage fiscal, le législateur ne viole pas l'obligation que lui fait la Constitution de déterminer les règles d'assiette, car le renvoi à un agrément revient en fait à subordonner le bénéfice de l'exonération - donc le champ de l'application de la loi au niveau du contribuable -à l'appréciation des services fiscaux, voire à l'arbitraire d'un ministre".

II rappelle que le Conseil constitutionnel dans une décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987 relevait que « l'exigence de l'agrément confère seulement au ministre (...) le pouvoir de s'assurer que (...) l'opération (...) satisfait aux conditions fixées par la loi » et que les dispositions contestées « tendent seulement à charger l'autorité ministérielle de prendre les mesures individuelles nécessaires à l'application de la loi » .

Toutefois, si l'on considère que la sauvegarde de toute entreprise implantée en Corse présente un intérêt économique et social pour l'île, la présence d'une telle condition d'octroi de l'agrément ne concerne en réalité que les entreprises implantées sur le continent qui ont un ou plusieurs établissements en Corse.

2. Les activités concernées

a) Un champ d'application strictement limité dans le projet de loi initial

Les exonérations fiscales, d'une durée de cinq ans, concernent les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu (quel que soit le régime d'évaluation de leurs bénéfices) ou de l'impôt sur les sociétés, qui exercent ou créent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 du code général des impôts, ou agricole au sens de l'article 63 du même code.

A contrario, sont exclues du champ d'application du projet de loi les activités industrielles ou commerciales relevant des bénéfices industriels et commerciaux par assimilation législative (et non par nature) en vertu de l'article 35 du code général des impôts (achat et revente d'immeubles, de fonds de commerce, d'actions ou de parts de sociétés immobilières, activités de location...).

Ces activités de nature immatérielle sont généralement exclues des régimes de faveur dans la mesure où leur implantation n'entraîne dans la plupart des cas aucune création d'emplois. Leur inclusion dans le champ d'application du régime permettrait uniquement à des contribuables de localiser sans contraintes particulières et dans un but d'évasion fiscale, leurs profits en Corse.

b) Les assouplissements apportés par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a étendu le champ de la zone franche de Corse sur trois points ciblés, sans modifier l'économie générale du texte.

Il est apparu lors de la discussion du projet de loi devant l'Assemblée nationale que l'exclusion générale des activités industrielles et commerciales relevant des BIC par assimilation - et notamment l'exclusion du secteur de la location d'immeubles - créait une discrimination à l'encontre du secteur du tourisme alors même que ce secteur constitue « l'épine dorsale » de l'économie corse qu'il convient de redynamiser.

C'est la raison pour laquelle les députés ont adopté un amendement du Gouvernement réintégrant les activités de gestion ou de location d'immeubles lorsqu'elles sont exercées par des entreprises implantées en Corse et que leurs prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse. Cet amendement va encore plus loin qu'un amendement de même nature présenté par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, qui proposait de viser les agences immobilières dont les prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse. Il inclut en particulier les activités de gestion d'immeubles et non seulement de location.

Il convient d'interpréter cette disposition comme contrevenant à l'exclusion générale des activités visées à l'article 35 du code général des impôts pour le secteur particulier de la location et de la gestion d'immeubles. En particulier, les personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation visées au 5° du 1 de l'article 35 pourront bénéficier de l'exonération d'impôt sur les bénéfices, ce qui est de nature à favoriser certaines opérations de crédit-bail et à permettre aux PME situées dans l'île d'acquérir des locaux commerciaux.

Votre rapporteur rappelle d'ailleurs que les activités de location meublée et de crédit-bail de l'article 35 du CGI avaient été expressément intégrées dans le périmètre d'application de l'article 44 octies concernant les zones franches urbaines.

L'Assemblée nationale a ensuite étendu le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les bénéfices et de l'exonération de charges sociales aux activités libérales lorsque celles-ci sont exercées dans le cadre d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés dont l'effectif est égal ou supérieur à trois salariés.

La subordination de l'octroi de l'exonération à des conditions relatives au régime fiscal de l'entreprise et à l'effectif employé est justifiée par la nécessité de réserver l'avantage aux entreprises créatrices d'emploi.

M. Patrick Ollier a en effet considéré que ces entreprises constituent un "gisement important d'emplois' ' et qu'il n'aurait pas été équitable d'établir une discrimination à leur encontre. Sa préoccupation concernait surtout les études constituées en sociétés civiles et les cabinets médicaux regroupant plusieurs médecins.

De surcroît, le dispositif s'inspire des conditions auxquelles la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a subordonné l'extension de l'exonération d'impôt sur les bénéfices de l'article 44 sexies aux activités libérales (cf. supra), conditions qui avaient reçu l'agrément du Conseil constitutionnel.

Il convient cependant de préciser que les activités professionnelles non commerciales au sens du paragraphe 1 de l'article 92 du CGI (professions libérales, titulaires de charges et offices n'ayant pas la qualité de commerçant, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus) étaient d'emblée incluses dans le champ d'application du dispositif "Zones franches urbaines" (loi du 14 novembre 1996) sans conditions restrictives quant à la forme juridique de l'entreprise ou quant à son effectif.

Votre rapporteur considère que l'extension prévue par l'Assemblée nationale permet également de répondre en partie à l'argument selon lequel la justification du dispositif d'exonération particulier à la zone franche, au regard des spécificités géographiques et économiques de la Corse et du but d'intérêt général poursuivi, ne serait pas apportée. En effet, la mesure proposée par le gouvernement dans son projet initial était juridiquement critiquable aux yeux du principe d'égalité en ce qu'elle exonérait les bénéfices de l'ensemble des contribuables de la collectivité territoriale de Corse appartenant à certaines catégories, sans prendre en considération le fait qu'ils créent ou non des entreprises ou des emplois et n'était pas applicable à certains contribuables de la même collectivité exerçant un autre type d'activité professionnelle, même s'ils contribuaient à l'équilibre économique régional par leurs investissements et les emplois qu'ils créent ou maintiennent.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, cette mesure bénéficierait à 10 % des professionnels libéraux de Corse : 260 sur 2.600 sont en effet organisés sous forme de sociétés.

L'effectif de trois salariés doit se comprendre de l'effectif des salariés établis en Corse et bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée de trois mois au moins. Il doit rester supérieur ou égal à trois Pendant toute la période d'application du régime prévu par le présent article.

L'Assemblée nationale n'a toutefois intégré dans la zone franche de Corse les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés au titre de leurs bénéfices non commerciaux (BNC) que pour les volets exonération d'impôt sur les bénéfices et exonérations de charges sociales. L'exonération de taxe professionnelle ne concerne donc pas les professions libérales après le passage du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité tempérer l'exclusion de Principe de la pêche en permettant à ce secteur d'activité de bénéficier de la seule réduction de cotisations sociales patronales.

La portée de cet aménagement, certes non conforme à l'autorisation de la commission européenne, reste très limitée : sur les 400 pêcheurs recensés en Corse, on dénombre 250 patrons-pêcheurs pour seulement 150 salariés. Seules les rémunérations des salariés ouvrent droit au bénéfice de la réduction des cotisations sociales.

3. Les activités exclues

Au-delà des principes généraux définis ci-dessus, et afin d'éliminer tout risque d'affectation des échanges entre États membres de l'Union européenne, conformément aux principes énoncés par la commission européenne dans ses communications sur les aides d'État, le bénéfice de la zone franche est limité selon la nature des activités exercées par les entreprises.

Le champ d'application des exonérations est ainsi modulé en fonction des trois situations mentionnées plus haut, imbriquées à la façon de « poupées-gigognes » :

a) Les contribuables qui créent des activités ou qui étendent leurs activités

Pour les contribuables qui créent des activités, les étendent (pour l'exonération de taxe professionnelle) ou accroissent leurs effectifs (pour l'exonération d'impôt sur les bénéfices et la réduction de cotisations sociales), sont exclues du champ d'application des exonérations :

Une première série d'activités que le Gouvernement français a de lui-même décidé d'exclure (activités « immorales » ou sans effet sur le tissu économique de l'île) : les activités de gestion ou de location d'immeubles qui ne sont pas limitées au territoire corse (cette dernière précision a été adoptée, on le rappelle, par l'Assemblée nationale), les activités bancaires, financières, d'assurances, de transport ou de distribution d'énergie, de jeux de hasard et d'argent.

Une seconde série d'activités faisant l'objet de dispositifs spécifiques d'aides communautaires : l'industrie charbonnière, la sidérurgie, les fibres synthétiques, la construction et la réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, la construction automobile, la pêche (sauf pour les exonérations de charges sociales patronales, comme rappelé plus haut).

Les activités agricoles ou agro-alimentaires lorsque les contribuables ne sont pas éligibles aux aides européennes à l'investissement et/ou lorsque les méthodes de production sont incompatibles avec les exigences de la protection de l'environnement et avec l'entretien de l'espace naturel.

Autrement dit, les contribuables exerçant des activités agricoles ou agro-alimentaires, ne pourront bénéficier des exonérations que s'ils sont éligibles aux aides européennes à l'investissement (règlements (CEE) du Conseil n° 866/90 du 29 mars 1990 ou n° 2328/91 du 15 juillet 1991).

En outre, en application de l'article 10 du règlement (CEE) n° 2078/92 du Conseil, le bénéfice de la zone franche sera étendu, selon une procédure d'agrément, aux agriculteurs dont l'activité n'entre pas dans les dispositions des deux paragraphes ci-dessus. L'agrément délivré par l'État visera à s'assurer du respect des objectifs de l'article 1 de ce règlement au titre de l'agri-environnement :

- diminution des effets polluants,

- extensification,

- protection et amélioration de l'environnement, de l'espace naturel du paysage,

- lutte contre les risques d'incendie...

Enfin, pour le seul volet d'exonération de l'impôt sur les bénéfices, les activités créées dans le cadre d'une reprise, d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes exercées en Corse, et les activités exercées dans le cadre de groupes fiscalement intégrés.

L'exonération est totale pour les contribuables qui créent des activités ou les étendent, et est proportionnelle au nombre d'emplois créés lorsque le contribuable procède à des embauches dans le seul cas des exonérations d'impôt sur les bénéfices.

L'exonération est soumise à agrément lorsque l'activité du contribuable relève de l'agri-environnement.

b) Les entreprises en difficulté

L'économie de la Corse se caractérise par la présence d'un grand nombre d'entreprises en situation financière difficile. La conjoncture régionale actuelle, avec deux saisons touristiques consécutives mauvaises, a révélé et avivé cette faiblesse structurelle.

Aussi est-il prévu que les entreprises de moins de 250 salariés bénéficient sur agrément, quand elles sont en difficulté structurelle, des exonérations de la zone franche ainsi que de prêts participatifs.

Le champ des activités couvertes par les exonérations pour les entreprises en difficulté est légèrement plus étroit que celui des entreprises nouvelles ou qui s'étendent. Il ne comprend pas les activités de transport aérien ou maritime.

En revanche, l'intégralité du secteur agricole et agro-alimentaire est éligible aux exonérations.

c) Les contribuables déjà installés dans l'île

Compte tenu de l'effort consenti en leur faveur et des risques que l'extension des exonérations aux contribuables déjà installés dans l'île faussent les échanges entre États membres, la commission européenne a souhaité que le régime des entreprises existantes soit très étroitement encadré.

Ainsi, dans sa lettre d'agrément, M. Karel Van Miert, commissaire européen « prend acte de l'engagement des autorités françaises de limiter les aides aux entreprises existantes :

- soit au de minimis, au sens de la communication de la commission parue au JO n° C 68 du 6 mars 1996 ;

- soit aux petites entreprises au sens de l'encadrement des aides aux PME paru au JO n° C 213 du 23 juillet 1996, qui exercent des activités purement locales, définies de manière limitative dans le projet notifié ;

et d'exclure les secteurs de l'agriculture, de la pêche et du transport aérien et maritime. »

En conséquence, le champ d'application des exonérations pour les contribuables déjà installés dans l'île au 1 er janvier 1997 est encore plus étroit que celui qui précède puisque sont exclues les activités de transport routier, dès lors que le contribuable exerce cette activité hors de la zone courte des départements de la Corse, ainsi que les activités agricoles et agro-alimentaires.

La zone courte des départements de Corse est définie comme suit :

Le décret n° 86-567 du 14 mars 1986 impose de disposer d'autorisations particulières pour effectuer des transports hors de la zone courte où se trouve établi le transporteur. Selon l'arrêté du 29 mai 1986 définissant les zones courtes, celle de la Corse est limitée à l'île.

Cependant, par symétrie avec un arrêté du 4 mai 1988 qui prévoit que « lorsqu'un véhicule de transport routier est acheminé par voie maritime au départ ou à destination d'un port continental de France métropolitaine, à destination ou en provenance d'une île du territoire métropolitain, l'ensemble du territoire de cette île est compris dans la zone d'attraction urbaine du port de départ ou de destination » , le Gouvernement devrait, après que la commission de Bruxelles lui en aura donné l'autorisation, étendre la zone courte de Corse aux ports continentaux reliés à la Corse.

Compte tenu de cet engagement, le Gouvernement a, lors du débat devant l'Assemblée nationale, refusé d'étendre le bénéfice de la zone franche Corse aux transporteurs routiers exerçant leur activité hors de Corse au motif que cette extension n'était pas conforme à l'autorisation donnée par la commission européenne.

Par ailleurs, outre cette délimitation plus restrictive du champ des activités éligibles, le montant des exonérations varie selon l'effectif employé.


• L'exonération est totale :

1°) lorsque l'effectif n'excède pas 30 salariés (seuil de minimis en-dessous duquel la commission de Bruxelles considère que les aides ne sont pas susceptibles d'entraver le jeu de la concurrence, quel que soit le secteur concerné) ;

2°) ou, quand l'effectif est compris entre 30 et 50 salariés, lorsque l'activité est exercée sur un marché strictement local :

- construction,

- commerce,

- réparation automobile et d'articles domestiques,

- transports terrestres exercés dans la stricte limite de la zone courte de Corse,

- location sans opérateur,

- santé et action sociale,

- services collectifs, sociaux et personnels.

11 est à noter que ces secteurs d'activité diffèrent légèrement de ceux que le Pacte de relance pour la ville considérait comme « de proximité » puisque étaient inclus dans ces derniers le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que les activités récréatives, culturelles et sportives.

Par ailleurs, contrairement à ce que prévoit le Pacte de relance pour la ville ( ( * )5) , l'exercice d'une activité dans un secteur autre que ceux précédemment énumérés ne prive pas le contribuable des exonérations mais limite le montant des exonérations dont il peut se prévaloir, dès lors que son effectif excède le nombre trente.


• L'exonération est partielle dans les autres cas : l'exonération de charges sociales s'applique à trente (ou cinquante) salariés et les exonérations de taxe professionnelle et d'impôt sur les bénéfices sont plafonnées en proportion de la part de 30 (ou de 50) salariés dans l'effectif total de l'entreprise.

Le tableau suivant récapitule les cas d'éligibilité aux exonérations de la zone franche de Corse de l'impôt sur les bénéfices par type de situation et pour les trois types d'activités faisant l'objet d'exceptions.

Entreprises existantes

Entreprises créées

Extension d'effectif

Entreprises en difficulté

Transport routier

Oui (1)

Oui

Oui

Oui

Transport aérien et maritime

Non

Oui

Oui

Non

Activités agricoles ou agro-alimentaires

Non

Oui (2)

Oui (2)

Oui

(1) Lorsque l'activité du transporteur est exclusivement limitée à la zone courte de Corse.

(2) Lorsque les contribuables sont éligibles aux aides européennes à l'investissement et/ou lorsque leurs méthodes de production sont compatibles avec les exigences de la protection de l'environnement.

4. Les spécificités de chaque régime

a) L'impôt sur les bénéfices

La mesure prévue pour la Corse consiste à exonérer les contribuables pendant cinq ans, à compter du 1 er janvier 1997, d'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux ou agricoles et d'impôt sur les sociétés, à hauteur d'un plafond de bénéfices de 400.000 francs.

Cette mesure complète les exonérations :

- d'impôt sur les sociétés pendant huit ans pour les activités créées en Corse, selon la loi relative au nouveau statut fiscal de la Corse,

- d'impôt sur les sociétés et sur les bénéfices industriels et commerciaux, sans plafond d'exonération, pendant deux ans pour les entreprises en création, en vertu de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (cf. commentaire de l'article premier).

Dans les cas où ces régimes sont plus favorables que le régime nouveau, les entreprises pourront continuer à en bénéficier.

b) La taxe professionnelle

L'exonération est accordée sous un seuil de bases nettes imposables de 3 millions de francs. Ce seuil est repris du régime mis en place pour les zones franches urbaines.

Par ailleurs, il convient de souligner que deux secteurs d'activité qui peuvent en tout ou partie être exclus du mécanisme de zone franche sont toutefois exonérés de plein-droit de taxe professionnelle en vertu de dispositifs de portée nationale : la pêche (du moins pour les artisans) et l'agriculture.

c) Les cotisations sociales

La réduction de cotisations sociales sur les rémunérations des salariés des établissements situés en Corse se présente comme un élargissement du dispositif de ristourne dégressive résultant de l'article 113 de la loi de finances initiale pour 1996. Cette réduction ne porte que sur la Part patronale des cotisations sociales.

Selon le dispositif de droit commun, l'abattement est au maximum égal à 1.160 francs pour un salaire égal au SMIC, et s'amenuise progressivement jusqu'à disparaître au niveau de 1,33 SMIC.

Dans le dispositif spécifique proposé pour la Corse, l'avantage maximum est porté à 1.500 francs et la réduction dégressive s'étend jusqu'au niveau de 2 SMIC.

Cette construction juridique présente une faiblesse. En effet, le dispositif de l'article 113 de la loi de finances initiales pour 1996, qui fusionne à titre expérimental l'allégement sur les cotisations d'allocations familiales et la ristourne dégressive sur les bas salaires, vient à expiration le 31 décembre 1997. Il semble donc délicat de greffer sur ce dispositif transitoire un dispositif dont l'échéance est plus lointaine.

La réduction de cotisations sociales ne concerne par définition que les salariés des établissements existants, créés ou transplantés en Corse : elle ne nécessite donc pas de mécanisme de proratisation lorsqu'une entreprise exerce son activité à la fois sur le continent et sur l'île.

La réduction au titre des créations d'emplois est réservée aux embauches sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée d'au moins 6 mois (cette durée minimale résulte d'un amendement de l'Assemblée nationale, le texte initial prévoyant 12 mois). Elle s'applique pour une durée de cinq ans à compter de l'embauche.

L'employeur ne doit avoir procédé à aucun licenciement pour motif économique dans un établissement situé en Corse au cours des six mois précédents.

Lorsqu'il s'agit d'entreprises existantes, l'embauche doit avoir pour effet de porter l'effectif de leurs établissements à un niveau supérieur à l'effectif mensuel moyen de l'année 1996.

Pour les activités existantes, une limite de 30 salariés permet de respecter le plafond du de minimis, une limite de 50 salariés étant prévue pour les activités locales. La réduction s'applique pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1997.

Le bénéfice de la réduction est subordonné à la condition que l'employeur soit à jour de ses cotisations au 1 er janvier 1997 ou ait souscrit avec l'URSSAF un engagement d'apurement progressif de ses dettes.

* (5) Pour les entreprises déjà installées dans les zones franches urbaines, seules sont éligibles à l'exonération de taxe professionnelle celles qui exercent une activité de proximité ou qui exportent peu.

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