B. LA DISPARITION DE LA SÉPARATION DU FAIT ET DU DROIT

En 1808, le code d'instruction criminelle reprend le principe, posé par la Constituante, de la séparation du fait et du droit : le jury décide seul de la culpabilité et les juges prononcent la peine.

Mais l'application de ce principe se révèle délicate car la séparation du fait et du droit n'est pas toujours aisée. Ainsi, les jurés, ne pouvant en aucune manière influencer les magistrats sur le prononcé de la peine, préfèrent parfois, même lorsque la culpabilité de l'accusé ne fait aucun doute, le déclarer non coupable plutôt que l'exposer au risque d'une sanction trop lourde.

Cette attitude est à la source d'une certaine suspicion à l'égard des jurés. Celle-ci conduit dès l'origine à correctionnaliser de nombreuses affaires, afin de les soumettre à des juridictions composées exclusivement de magistrats professionnels.

Par ailleurs, des correctifs sont mis en place pour remédier à une excessive impunité caractérisée par un taux d'acquittement souvent proche de 30 %. Ainsi, l'article 352 du code d'instruction criminelle permet aux magistrats, convaincus à l'unanimité de l'erreur du jury, de surseoir au jugement et de renvoyer l'affaire à la session suivante pour être soumise à un nouveau jury.

Mais, progressivement, cette suspicion à l'égard des jurés conduira à la séparation du fait et du droit, à une entière collaboration avec les magistrats.

Au cours des années 1980, alors que le jury sera bien ancré dans les moeurs, seront créées, face aux menaces risquant d'être proférées à l'encontre des jurés, des cours d'assises dites " spécialisées " composées exclusivement de professionnels.

1. La cour d'assises de droit commun : la collaboration des magistrats et des jurés

a) L'évolution historique

La loi du 28 avril 1832 a reconnu au jury le droit d'accorder à l'accusé le bénéfice des circonstances atténuantes et donc d'avoir une influence sur la sanction puisqu'une telle décision avait pour effet d'abaisser d'un degré la peine encourue. Souvent considérée comme la première entorse à la séparation du fait et du droit, cette faculté pouvait cependant paraître respecter ce principe, l'octroi de circonstances atténuantes supposant une appréciation des faits.

Cette réforme ne lève d'ailleurs pas les craintes des jurés quant au prononcé d'une peine trop sévère et le taux d'acquittement demeurera substantiel tout au long du XIXème siècle.

La loi du 5 mars 1932 franchit le Rubicon en associant pleinement les jurés aux questions de droit. Elle marque le véritable début de la collaboration avec les magistrats.

Cette collaboration devient intégrale avec la loi du 25 novembre 1941, validée par l'ordonnance du 20 avril 1945 : les magistrats sont associés à la décision sur la culpabilité. Ainsi, en quelques années, la pleine collaboration se substitue à l'indépendance totale. La séparation du fait et du droit a vécu. On verra même apparaître pour certaines affaires, à partir de 1982, des cours d'assises spécialisées composées exclusivement de magistrats professionnels.

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