2. Une faiblesse préoccupante des recettes de TVA

Les craintes suscitées par les possibilités de fraudes nouvelles semblent confirmées par la faiblesse des recettes de TVA en France depuis l'entrée en vigueur du régime transitoire intracommunautaire.

Certes, la diminution marquée des recettes de TVA intracommunautaire enregistrée entre 1992 et 1993, qui sont passées de 104,9 milliards de francs à 83,8 milliards de francs, n'est pas significative.

En effet, cette baisse s'explique à la fois par le changement du mode de perception de la TVA intracommunautaire qui, au lieu d'être due lors de l'entrée sur le territoire national, est désormais déclarée à la fin du mois suivant la livraison, et par la récession traversée par l'économie française en 1993, qui a réduit sensiblement les importations en provenance du reste de la Communauté. Mais ces raisons conjoncturelles n'expliquent pas le manque de dynamisme préoccupant du produit de la TVA en France.

Depuis 1992, les recettes nettes de TVA progressent à un rythme inférieur à celui des indicateurs économiques pertinents que sont le PIB, la consommation finale des ménages et les emplois taxables. Ce phénomène peut s'expliquer par des raisons d'ordre économique, telles que la déformation de la structure de consommation des ménages en faveur des biens les moins taxés ou le fait que la croissance soit tirée par des exportations exonérées de taxes. Mais il pourrait également recouvrir un développement de la fraude fiscale dans le cadre du régime intracommunautaire.

L'analyse de la Cour des Comptes des Communautés européennes, dans son dernier rapport de novembre 1996, est sur ce point sans appel. En effet, la Cour estime que "l'instauration du régime transitoire de TVA sur les échanges intracommunautaires en 1993 s'est accompagnée, pour cette année, d'une stagnation des recettes nettes TVA qu'on ne peut expliquer par des facteurs tels que la croissance économique, l'inflation ou les changements de taux et d'assiette. La question est de savoir si ce phénomène est dû uniquement à des délais techniques liés à ce nouveau régime ou s'il a d'autres causes... Les données disponibles pour la période 1989-1994 confirment que l'arrêt de la croissance des recettes en 1993 ne peut être expliqué au niveau général par la modification de trois principaux facteurs d'évolution des recettes de TVA (changements de taux et de base de TVA, inflation, croissance du volume de l'activité économique). Elles indiquent une perte de recettes TVA potentielle, de l'ordre de 5 à 6 % pour 1993. Ce manque à gagner pour l'ensemble des États membres serait de l'ordre de 18 milliards d'écus en 1993, compte non tenu des fluctuations du taux de l'écu 4 ( * ) ".

En tout état de cause, il serait curieux que le phénomène de fraude à la TVA intracommunautaire soupçonné à l'échelle européenne par la Cour des Comptes des Communautés épargne la France. Si des facteurs économiques de fond peuvent expliquer la stagnation des recettes de TVA, votre rapporteur doit constater que ces facteurs sont bien mal anticipés dans les prévisions de recettes fiscales soumises au Parlement.

En effet, les prévisions des recettes brutes de TVA des dernières lois de finances ont constamment été démenties. Le tableau ci-dessous permet de comparer les prévisions de recettes présentées en loi de finances initiale, les prévisions de recettes modifiées en loi de finances rectificative, et les recettes effectives constatées en loi de règlement.

Bien sûr, l'écart entre les prévisions et les réalisations de recettes de TVA s'explique principalement par les erreurs sur la prévision de croissance, notamment en 1993. Mais ce facteur joue beaucoup moins à compter de 1994, où les taux de croissance prévus par les lois de finances initiales ont été assez proches de la réalité. Il est remarquable de constater qu'en 1995, les recettes de TVA effectivement encaissées s'établissent à un niveau inférieur de 4 milliards de francs aux prévisions de la loi de finances initiale, alors même qu'un relèvement de deux points du taux normal de la TVA est intervenu en cours d'année.

* 4 108 milliards de francs.

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