Rapport n° 38 - 1997/1998 - Projet de loi organique modifié par l'Assemblée national relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France autres que les ressortissants français du droit de vote&d'éligibilité élections municipale


M. Pierre FAUCHON, Sénateur


Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale - Rapport n° 38 - 1997/1998

Table des matières






N° 38

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d' éligibilité aux élections municipales , et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994,

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 381 , 415 et T.A. 107 (1996-1997).

Deuxième lecture : 21 (1997-1998).

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 223 , 232 et T.A. 11.

Elections et référendums.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le jeudi 16 octobre 1997, sous la présidence de M. Jacques Larché, Président, votre commission des Lois a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, le projet de loi organique n° 21 (1997-1998), modifié par l'Assemblée nationale, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.

· Ce projet de loi organique, adopté à la quasi-unanimité par le Sénat en première lecture, a pour objet de transposer la directive européenne permettant la mise en oeuvre effective de l'article 8 B paragraphe I du Traité de Maastricht, qui stipule :

" Tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter, avant le 31 décembre 1994, par le conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un Etat membre le justifient ".

Ainsi que le prévoit l'article 88-3 de la Constitution, cette loi organique devra être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

· L'Assemblée nationale, en première lecture, a approuvé trois modifications importantes proposées par le Sénat :

1. la définition du critère de résidence en France ;

2. l'interdiction de cumuler un mandat de conseiller municipal en France et dans un autre Etat de l'Union ;

3. le recours aux " suivants de liste " français des conseillers municipaux communautaires lors des élections sénatoriales.

Elle a, en revanche, rejeté plusieurs des amendements du Sénat, les principaux points de désaccord portant sur :

1. l'inscription dans la loi organique du principe de réciprocité entendu, non pas au sens du droit communautaire, mais comme une réciprocité de fait, réservant le droit de vote et d'éligibilité aux seuls résidants communautaires dont l'Etat d'origine accorde des droits équivalents aux Français qui y résident ;

2. le " double électorat ", c'est-à-dire la faculté pour un ressortissant communautaire exerçant son droit de vote en France de continuer de voter, s'il le souhaite, aux élections municipales dans son Etat d'origine ;

3. la nécessité de mentionner la nationalité des candidats sur les bulletins de vote, afin d'assurer la pleine information des électeurs ;

4. le mécanisme de remplacement par leurs " suivants de liste " français des ressortissants communautaires membres du Conseil de Paris, lorsque celui-ci siège en qualité de conseil général du département de Paris ;

5. l'applicabilité de la loi organique aux territoires d'outre-mer.

· Votre commission des Lois a considéré que sur ces dispositions essentielles, le texte de l'Assemblée nationale ne répondait pas de manière satisfaisante aux questions soulevées par le Sénat.

Aussi croit-elle devoir proposer au Sénat de rétablir, sous réserve de deux modifications purement techniques, le texte qu'il avait adopté en première lecture.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autre que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.

· L'examen de ce texte en première lecture, le 17 septembre 1997, est assez récent pour ne pas nécessiter à nouveau une longue présentation. Tout au plus faut-il rappeler que :

1. L'article 8 B, paragraphe 1, du Traité de Rome tel que modifié par l'article G du Traité de Maastricht, reconnaît aux citoyens de l'Union européenne établis dans un autre Etat membre le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales de cet Etat.

Le Conseil a adopté à l'unanimité une directive du 19 décembre 1994 " fixant les modalités d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité ".

Le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales étant ainsi devenu une réalité dans l'ordre juridique communautaire, la directive doit être transposée dans notre législation interne pour en permettre l'exercice effectif.

Il s'agit d'un exercice essentiellement technique, à partir du moment où les appréciations d'opportunité ont déjà été débattues et ont abouti à des décisions qui s'imposent à tous.

2. Ce projet de loi organique a, du même coup, pour objet de déterminer les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution, résultant de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, intervenue, notamment, pour permettre la ratification par la France de cette stipulation du Traité de Maastricht.

· Le Sénat, en première lecture, n'a nullement cherché à remettre en cause les principes posés par la directive, s'efforçant tout au contraire de leur donner une pleine effectivité dans le respect des règles constitutionnelles et, notamment, de l'article 88-3 de la Constitution.

· L'Assemblée nationale a examiné le projet de loi organique le 8 octobre 1997.

Elle a approuvé certaines des propositions du Sénat -qui ne sont donc plus en discussion- notamment :

1. la définition du critère de résidence en France (les ressortissant communautaires ne pourront s'inscrire sur les listes électorales complémentaires en France que s'ils y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu) ;

2. l'interdiction de cumuler un mandat de conseiller municipal en France et dans un autre Etat de l'Union européenne ;

3. le mécanisme de recours aux " suivants de liste " français des conseillers municipaux européens pour suppléer ces derniers lors de l'élection des sénateurs et des délégués supplémentaires et suppléants au collège électoral des sénateurs.

Sur ce dernier point, l'Assemblée nationale s'en est tenue à cette tradition parlementaire selon laquelle chaque assemblée doit demeurer seule juge de son régime électoral.

Pour le reste, l'Assemblée nationale a écarté plusieurs amendements importants du Sénat pour en revenir, dans ses grandes lignes, au texte initial du projet de loi organique.

· Avant d'examiner les dispositions restant en discussion, il n'est pas inutile de rappeler qu'en vertu de l'article 88-3 de la Constitution, le projet de loi organique devra nécessairement être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, si bien qu'il ne pourra pas donner lieu à la réunion d'une commission mixte paritaire ni à la procédure dite " du dernier mot à l'Assemblée nationale ".

Le Constituant a, en effet, souhaité conférer au Sénat, non pas un droit de veto, mais le même pouvoir d'appréciation qu'à l'Assemblée nationale sur un texte qui a une incidence directe sur l'élection des sénateurs, chargés de représenter les collectivités territoriales de la République.

Il convient aussi de rappeler qu'au terme d'un débat approfondi, tant au sein de la commission des Lois qu'en séance publique, le texte issu des travaux du Sénat en première lecture a été adopté par scrutin public à l'unanimité des suffrages exprimés, soit 311 voix pour.

I. PARMI LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION, DEUX MODIFICATIONS TECHNIQUES PEUVENT ÊTRE APPORTÉES AU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Les débats, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ont montré que deux dispositions purement techniques du projet de loi organique, tel qu'il résultait des travaux du Sénat en première lecture, pourraient utilement être modifiées en seconde lecture.

1. Le non rétablissement de l'article 7, redondant par rapport aux dispositions de l'article 6

En premier lieu, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 7 du projet de loi organique, introduisant dans le code électoral un article L.O. 287-1 aux termes duquel, lors de l'élection des délégués, des délégués supplémentaires et des suppléants au collège électoral des sénateurs, " le choix des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris ne peut porter sur une personne qui n'a pas la nationalité française ".

De fait, cette précision est redondante car l'article 6 du projet de loi organique (article L.O. 286-1 du code électoral) dispose déjà sans aucune ambiguïté que les conseillers municipaux étrangers ne pourront participer, à quelque titre que ce soit, à l'élection des sénateurs et des délégués de la commune au collège électoral des sénateurs. Ils ne pourront ainsi être électeurs, ni être candidats.

Dans ces conditions, le rétablissement de l'article 7 du projet de loi organique n'apporterait rien de plus, tout en alourdissant inutilement le code électoral.

Votre commission des Lois propose donc au Sénat de confirmer en deuxième lecture la suppression par l'Assemblée nationale de cet article 7.

2. Une simplification du texte proposé par l'article 5 bis, relatif à la mention de la nationalité des candidats européens

En second lieu, il se révèle que l'article 5 bis introduit en première lecture par le Sénat (et supprimé par l'Assemblée nationale) afin d'assurer l'information des électeurs sur la nationalité des candidats dans les communes de 2.500 habitants et plus va sans doute au-delà de l'objectif poursuivi, car il imposerait en outre un certain nombre de formalités techniquement incompatibles avec l'absence de formalisme qui entoure la présentation des candidatures aux élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants.

En fait, la seule indication utile est celle de la nationalité, laquelle doit figurer sur les bulletins remis aux électeurs.

Pour s'en tenir à cette exigence, il conviendrait de rétablir l'article 5 bis mais en y visant, non pas l'ensemble de l'article L.O. 265-1, mais seulement son premier alinéa (si le Sénat rétablit cet article dans le texte adopté en première lecture, comme le propose votre commission des Lois).

De cette sorte, la nationalité des électeurs communautaires serait mentionnée sur les listes, sans pour autant que soient exigées les autres formalités prévues par les alinéas 2 à 4 de l'article L.O. 265-1.

II. POUR LE RESTE, VOTRE COMMISSION DES LOIS CROIT DEVOIR PROPOSER AU SÉNAT DE RÉTABLIR LE TEXTE QU'IL AVAIT ADOPTÉ EN PREMIÈRE LECTURE

Les travaux de l'Assemblée nationale en première lecture n'ayant pas apporté les réponses aux questions soulevées par le Sénat, votre commission des Lois croit devoir proposer au Sénat d'en revenir, sur les autres articles restant en discussion, aux solutions qu'il avait adoptées en première lecture.

1. La mise en oeuvre de la condition de réciprocité prévue par l'article 88-3 de la Constitution

· Dans les articles LO. 227-1 et LO. 228-1, l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions introduites par le Sénat afin de tirer toutes les conséquences du principe constitutionnel de réciprocité.

· En première lecture, le Sénat avait jugé impératif de subordonner l'exercice du droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires résidant en France au respect du principe de réciprocité, tel qu'il a été expressément exigé par l'article 88-3 de la Constitution.

En d'autres termes, il souhaitait que le droit de vote et d'éligibilité en France ne soit ouvert qu'aux ressortissants communautaires dont l'Etat d'origine accorde des droits équivalents aux Français qui y résident.

A ce jour, deux de nos partenaires de l'Union européenne n'ont pas encore introduit dans leur législation nationale les mesures permettant le vote et l'éligibilité des ressortissants communautaires établis sur leur territoire : la Belgique et la Grèce.

Au-delà des subtilités juridiques sur la notion de réciprocité en droit international, en droit communautaire ou en droit constitutionnel interne, l'exigence de réciprocité, telle qu'elle a été précisée par le Sénat, est une mesure de bon sens : l'opinion publique comprendrait-elle qu'un Belge ou un Grec résidant en France puisse y voter et y être élu conseiller municipal alors que les Français établis en Belgique ou en Grèce n'y bénéficieraient pas des mêmes droits ?

· Votre commission des Lois n'ignore pas que l'introduction dans la loi organique de la clause de réciprocité expressément visée par le Constituant peut paraître contrarier le principe de primauté du droit communautaire.

Ce conflit doit cependant se régler dans le sens prévu par le Sénat car la France n'a accepté de ratifier le Traité de Maastricht que sous cette condition de réciprocité. A cet égard là, le texte de la Constitution doit l'emporter sur le principe communautaire de primauté, tel qu'il est entendu ordinairement.

2. La question du " double électorat ", en France et dans l'Etat d'origine

· L'Assemblée nationale a rétabli l'interdiction du " double électorat " figurant dans le texte initial du projet de loi organique, c'est-à-dire l'interdiction, pour les ressortissants communautaires votant en France, de continuer d'exercer, s'ils le souhaitent, leur droit de vote aux élections municipales dans leur Etat d'origine (article LO. 227-4, dernier alinéa, et les dispositions subséquentes).

· Le Sénat avait au contraire jugé opportun de ne pas les priver de cette faculté.

Votre rapporteur a fait valoir qu'une telle interdiction ne se justifiait guère.

Elle lui a d'abord paru aller au-delà de la directive, qui ne comporte pas de stipulation particulière à cet égard.

En second lieu, cette interdiction reviendrait à légiférer pour les autres Etats de l'Union européenne et à s'immiscer dans un domaine qui concerne en propre leurs rapports avec leurs nationaux établis en France.

Il est vrai que certains Etats -l'Allemagne fédérale, par exemple- n'autorisent pas leurs nationaux expatriés à voter dans leur Etat d'origine, mais ce point relève de la législation interne de chacun d'entre eux. Notre législation n'a pas, quant à elle, à se substituer à la législation de nos différents partenaires européens, d'autant qu'elle n'interdit pas aux Français expatriés de voter en France.

Lorsqu'ils ont transposé la directive, les autres Etats de l'Union européenne n'ont pas interdit aux Français qui y sont établis de continuer de voter en France, s'ils le souhaitent.

Il serait pour le moins singulier de refuser aux ressortissants de ces Etats une faculté que nos partenaires européens reconnaissent aux Français résidant sur leur territoire.

Sur le fond, votre rapporteur a fait observer qu'en l'état actuel de la construction européenne, la citoyenneté de l'Union ne se substitue pas aux citoyennetés nationales, l'exercice des droits -d'ailleurs limités- attachés à la citoyenneté européenne ne devant pas faire obstacle à l'exercice des droits inhérents à la nationalité de chaque citoyen de l'Union.

La citoyenneté européenne complète la citoyenneté nationale mais ne l'oblitère pas dans tous les cas où les deux citoyennetés ne sont pas incompatibles.

Enfin, on voit mal, en pratique, comment assurer le respect de cette interdiction.

3. La mention sur les bulletins de vote de la nationalité des candidats européens

· L'Assemblée nationale a supprimé les dispositions tendant à permettre à l'électeur de connaître la nationalité des candidats (article L.O. 265-1, alinéa premier).

Allant même plus loin que le projet de loi organique initial, elle a également supprimé, contre l'avis du Gouvernement, le troisième alinéa de l'article L.O. 227-3, aux termes duquel la nationalité des électeurs communautaires devrait être mentionnée en regard de leur nom sur les listes électorales complémentaires. Il serait ainsi impossible de connaître, même d'un point de vue purement statistique, le nombre et les nationalités des ressortissants communautaires exerçant leur droit de vote aux élections municipales en France.

· Le Sénat, pour sa part, a considéré que les électeurs doivent être informés de la nationalité des candidats qu'ils sont appelés à choisir pour diriger leur commune.

Jusqu'à présent, seuls les Français pouvaient participer aux élections municipales. Aucune mention particulière de nationalité n'était donc nécessaire sur les listes électorales ou sur les bulletins de vote, car elle se déduisait d'elle-même.

Mais si des étrangers participent désormais à cette élection, il paraît normal que tous les électeurs -français comme étrangers- soient dûment informés de la nationalité des uns et des autres, afin d'arrêter leur choix en toute connaissance de cause.

Cette exigence est d'autant plus logique que les conseillers municipaux étrangers ne pourront être maires ou adjoints ni participer à quelque titre que ce soit à l'élection des sénateurs. Il s'agit donc d'une donnée importante dont tout électeur doit pouvoir mesurer les conséquences lorsqu'il désigne l'équipe chargée de la gestion de sa commune.

La bonne information de l'électeur n'est-elle pas la condition première d'un fonctionnement correct de la démocratie ?

4. La question du remplacement des ressortissants européens membres du Conseil de Paris, lorsque ce conseil siège en formation de conseil général.

· L'Assemblée nationale a supprimé le mécanisme adopté par le Sénat en vue du remplacement par leurs " suivants de liste " des membres européens du Conseil de Paris, lorsque celui-ci siège en formation de conseil général du département de Paris (article L.O. 228-1, dernier alinéa).

· Dans la mesure où le Conseil de Paris siège tour à tour en formation de conseil municipal ou de conseil général, selon qu'il délibère des affaires de la commune de Paris ou de celles du département de Paris (le territoire de ces deux collectivités se superposant exactement sur celui de la ville de Paris), le Sénat, sur la proposition de votre commission des Lois, avait complété l'article 2 du projet de loi organique par un nouvel alinéa disposant que les membres du Conseil de Paris n'ayant pas la nationalité française ne pourront pas siéger à ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général. Ils seraient remplacés, dans ce cas, par leurs " suivants de liste " de nationalité française, à l'instar du dispositif adopté pour l'élection des sénateurs et des délégués des communes au collège électoral des sénateurs.

· Votre commission des Lois souligne que l'article 8 B, paragraphe 1, du Traité de Maastricht, porte sans aucune ambiguïté sur le droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales .

Si les ressortissants communautaires doivent pouvoir être élus et siéger au Conseil de Paris quand celui-ci se réunit en formation de conseil municipal, ni le Traité de Maastricht, ni la directive, ni la Constitution ne prévoient qu'ils participent aux travaux de cette assemblée lorsqu'elle siège en qualité de conseil général.

5. L'extension de la loi organique aux territoires d'outre-mer.

· L'Assemblée nationale a rétabli la disposition d'extension du projet de loi organique aux territoires d'outre-mer (article 12 du projet de loi organique).

· Le Sénat, soucieux de préserver l'organisation particulière des territoires d'outre-mer garantie par l'article 74 de la Constitution, et constatant que les assemblées territoriales n'avaient pas été consultées, avait préféré ne pas étendre cette loi organique aux TOM.

Il ressort s'ailleurs des considérants d'une délibération du 13 août 197 de l'Assemblée de Polynésie française, que la loi organique ne pourrait en tout état de cause pas être appliquée dans ce territoire, faute d'avoir prévu l'introduction des dispositions adéquates dans le code des communes (le code général des collectivités territoriales n'ayant pas été étendu aux TOM).

· Votre commission des Lois a constaté que du point de vue juridique, la question du statut exact des TOM au regard de l'article 8B, paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne était controversée, même si les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 montrent l'intention non équivoque des négociateurs du traité de ne pas en imposer l'application aux territoires d'outre-mer.

Il est vrai que le Traité de Maastricht n'a pas modifié la quatrième partie du Traité de Rome, laquelle définit limitativement les dispositions applicables aux TOM. Mais, dans le même temps, l'article 8 du Traité, relatif à la citoyenneté de l'Union, pose des principes généraux et détermine les droits attachés à la citoyenneté de l'Union, laquelle est détenue par " toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre ". Il s'agit d'un problème ressortissant plus au droit communautaire qu'au droit interne.

Pour s'en tenir à la Constitution, il convient de souligner que la révision constitutionnelle de 1992 n'a pas eu pour objet ni pour effet de modifier les rapports juridiques entre l'Europe et les territoires d'outre-mer.

Tout au contraire, elle a été l'occasion pour le Constituant de réaffirmer la nécessaire prise en considération de l'organisation particulière des TOM, tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République, puisque c'est lors de cette révision constitutionnelle qu'a été réécrit l'article 74 de la Constitution.

Dans ces conditions, votre commission des Lois a considéré qu'il n'y avait pas lieu de modifier la position qu'elle avait adoptée sur ce sujet en première lecture.

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* *

Comme il a été dit, l'article 88-3 de la Constitution confère au Sénat le même pouvoir d'appréciation sur la loi organique que celui de l'Assemblée nationale.

Or, sur le problème de la réciprocité, du Conseil de Paris et de l'applicabilité de la loi organique dans les TOM, les approches respectives du Sénat et de l'Assemblée nationale en première lecture se fondent bien sur une appréciation différente de difficultés d'ordre constitutionnel.

En tout état de cause, ces trois questions ne pourront être tranchées avec une totale certitude dans un sens ou dans l'autre, mais la loi organique, une fois qu'elle aura été adoptée définitivement, sera de plein droit soumise au Conseil constitutionnel, comme le sont toutes les lois organiques en application de l'article 61, alinéa premier, de la Constitution.

Aussi, sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, et sous réserve des deux modifications purement techniques qu'elle présente, votre commission des Lois propose-t-elle au Sénat de rétablir en seconde lecture le projet de loi organique dans le texte issu des travaux du Sénat en première lecture.


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