B. UNE REMISE EN ORDRE DES FRÉQUENCES POSSIBLE ET SOUHAITABLE

1. La remise en ordre du plan de fréquence de la MF est souhaitable

Deux remarques préalables doivent être faites.

Alors que les États-Unis ont, dès 1934, déterminé un plan de fréquences pour ensuite les attribuer, la législation française a procédé de la manière inverse, en attribuant les fréquences aux opérateurs qui les sollicitaient, en l'absence d'un plan global et rationnel d'allocation . Aussi la législation française impose-t-elle d'élaborer un plan de fréquences sans connaître les utilisateurs, les fréquences étant alors attribuées selon le système de l'appel d'offres. L'État a, à partir des années 1982-1986, laissé faire le marché avant de l'organiser. La notion de réseau ne date que de 1990. En 1998, le moment semble propice à une remise en ordre.

Toutefois, il est difficile à l'État d'intervenir sans savoir ce que veulent les opérateurs. Or, il faut reconnaître que certaines radios généralistes ont hésité avant d'investir la bande MF, puisqu'elles disposaient d'une rente de situation sur les Grandes Ondes, s'ajoutant à un véritable oligopole sur le marché publicitaire. En mars 1986, lorsque l'Armée a dégagé la bande de fréquence 104-108 mégahertz, le président de l'une des grandes radios généralistes s'adressait au Premier ministre de l'époque afin de manifester son intérêt pour... 5 fréquences. Ce même opérateur réclamerait aujourd'hui une fréquence dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants ...

Il est donc indispensable que le Sénat profite du dialogue engagé avec le Gouvernement de M. Lionel Jospin dans le cadre du PJL de Finances pour préciser quelques principes.

2. Cette remise en ordre ne devra pas se faire au détriment du secteur public

Le secteur public a, dans ce dossier, fait trop souvent l'objet de critiques injustes ; il est donc apparu souvent en situation d'accusé, parce qu'utilisant, voire "gâchant" trop de fréquences sur la bande MF.

Il convient de rappeler que Radio France a été, historiquement, la première station à utiliser la bande MF. Le groupe dispose donc d'émetteurs bien situés et nombreux. Radio France utilise ces nombreuses fréquences , pour des raisons fort légitimes. Tout d'abord, parce qu'elle propose plusieurs programmes , les stations du groupe doivent être considérées comme autant de réseaux nationaux. Ensuite, le cahier des charges de Radio France impose une obligation de diffusion sur tout le territoire national . Enfin, si le groupe dispose de nombreux émetteurs, trop nombreux aux yeux des dirigeants de certaines radios privées généralistes concurrentes, il convient de ne retenir que ceux dont la puissance est supérieure à 100 watts. Pour une radio commerciale en effet, les émetteurs inférieurs à cette puissance ne sont pas rentables économiquement en raison de coûts d'entretien trop élevés. En revanche, Radio France doit disposer de nombreux émetteurs d'une fréquence inférieure à 100 watts afin de desservir les vallées des Alpes ou des Pyrénées. Le département de la Savoie compte par exemple à lui seul 92 émetteurs de Radio France. Le nombre d'émetteurs de plus de 100 watts de Radio France équivaut à 20 % du parc total d'émetteurs de cette puissance, ce qui correspond à l'audience globale du groupe .

De plus, si les doubles fréquences pour les programmes de Radio France existent, elles correspondent à des zones où le rayonnement des émetteurs se chevauchent, là où les zones d'écoute se recouvrent. Les "fréquences de confort", véritables doublons, sont peu nombreuses.

Radio France s'est déclarée prête à participer aux échanges de fréquences qui pourraient être décidés au vu des résultats de la mission d'audit. Le groupe pourrait renoncer à certains émetteurs, dont la forte puissance gêne la réception d'autres radios. Cependant, il conviendra de veiller avec une particulière attention à ce que la réduction du nombre d'émetteurs de forte puissance de Radio France ne se traduise pas par une trop forte augmentation du nombre total d'émetteurs, entraînant des coûts d'entretien plus élevés, et, par conséquent, une aggravation des charges de diffusion du groupe public.

Les contraintes à prendre en considération pour l'attribution de fréquences radiophoniques

· Contrainte de fréquence

Deux radios diffusées sur des fréquences proches ou identiques se brouillent mutuellement si elles desservent des zones communes ou adjacentes indépendamment des programmes émis.

Le brouillage diminue ou disparaît à condition que la fréquence de l'une des deux radios soit décalée. La nécessité d'introduire un tel décalage constitue la principale contrainte liée à la planification de fréquence : la compatibilité entre deux émetteurs de radiodiffusion sonore n'existe que si ceux-ci présentent un écart de fréquence suffisant qui dépend de leur puissance rayonnée et de leur dégagement d'antenne respectifs ainsi que de la distance et du relief qui les séparent.

Pour une distance AB inférieure à 15 km, l'écart en fréquence vaut 0,4 Mhz ce qui limite à 51 le nombre maximum de fréquences planifiables sur une même zone.

Le contrainte de fréquence impose donc la distance de réutilisation d'une même fréquence : 90 km.

· Contrainte de partage

La bande II est essentiellement utilisée en Europe pour la radiodiffusion sonore. Au voisinage des frontières, la ressource spectrale est donc partagée en autant de fois que de pays en présence.

Par exemple, dans la région de Thionville, proche de l'Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg, la ressource est divisée par quatre et sur les 50 fréquences théoriquement planifiables, seule une douzaine peut être utilisée en moyenne par chaque pays. Toutefois, la contrainte de partage diminue ou disparaît lorsque le relief frontalier fait écran à la propagation des ondes.

· Contrainte d'emplacement

Les champs électromagnétiques produits par les émetteurs peuvent, s'ils sont trop importants, désensibiliser certains équipements électroniques et les rendre partiellement ou totalement inopérants (moirage de l'image de télévision, réception d'une radio sur le téléphone, perturbation des fréquences utilisées par les pompiers ou la police...). De telles perturbations sont appelées gênes de proximité.

Elles sont particulièrement pénalisantes dans les zones fortement urbanisées. Pour les éliminer, il convient de diminuer l'intensité des champs électromagnétiques. Plusieurs solutions existent parmi lesquelles on peut retenir la diminution des puissances rayonnées et l'implantation des émetteurs à l'extérieur des zones sensibles. Dans ce dernier cas, la contrainte d'emplacement se traduit, lors de la procédure d'autorisation, par la définition, autour des centres ville, d'une zone de protection radioélectrique à l'intérieur de laquelle aucun émetteur ne peut être implanté sans que de sévères restrictions de puissance soient imposées.

· Contrainte de multiplexage

Le multiplexage consiste à diffuser deux ou plusieurs fréquences destinées à desservir une même zone à partir d'un même site et sur un même système d'antenne. Il offre trois avantages :

- uniformité des diagrammes de puissance rayonnée pour toutes les fréquences multiplexées, donc uniformité de leur zone de couverture ;

- répartition des coûts d'exploitation entre les différents opérateurs qui partagent le même site ;

- limitation des pylônes d'émission.

A l'inverse, il présente une contrainte qui se traduit par la diminution du nombre de fréquences théoriquement planifiables sur une même zone : un écart minimum de 0,8 Mhz doit séparer deux fréquences multiplexées alors qu'un écart de 0,4 Mhz suffit à assurer leur compatibilité.

Cette contrainte intervient notamment dans la planification des fréquences destinées à Radio France qui multiplexe systématiquement ses trois programmes nationaux : France Inter, France Culture et France Musique.

Il est toutefois possible, mais pour un coût d'exploitation plus élevé, de s'affranchir de cette contrainte en utilisant plusieurs multiplexeurs couplés à des systèmes d'antennes séparées.

· Contrainte de pilotage

L'acheminement du signal à diffuser depuis le studio de production jusqu'à l'émetteur s'effectue de différentes manières :

- par satellite ;

- par liaison spécialisée ;

- par faisceau hertzien ;

- par réémission (ballempfang).

La dernière méthode est très employée en région montagneuse parce que facile à mettre en oeuvre et peu onéreuse. Le réémetteur capte le signal déjà émis par un émetteur de fréquence F1 et appelé émetteur pilote, pour le rediffuser sur une autre fréquence F2.

Le pilotage de fréquence nécessite deux conditions : F1 et F2 doivent être espacées d'au moins 1 Mhz et aucune fréquence à moins de 0,7 Mhz de F1 ne doit être émise au voisinage du site de réémission. Ces deux conditions contribuent à diminuer le nombre de fréquences théoriquement planifiables sur la zone de réémission.

Source : Rapport précité du CSA

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