C. L'ÉVOLUTION DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE

La montée des recettes tirées de la publicité et du parrainage qui est la contrepartie du désengagement budgétaire et de l'importance croissante des exonérations de redevance a aussi pour effet de rendre les chaînes plus dépendantes du marché publicitaire. Celui-ci, qui s'est révélé dynamique ces dernières années, pourrait connaître un certain ralentissement.

1. L'évolution de la place de la télévision sur le marché publicitaire

Part de marché en valeur des différents " grands médias "
(en pourcentage)

 

1993

1994

1995

1996

Télévision

31,2

31,9

33,0

33,5

Radio

7,7

7,6

7,4

7,0

dont généralistes

5,1

4,8

4,4

4,0

dont réseaux nationaux et stations locales

2,6

2,8

3,0

3,0

Presse écrite (y compris presse gratuite, y compris petites annonces)

48,5

48,1

47,4

47,3

Affichage(sous toutes ses formes)

12,0

11,8

11,6

11,6

Cinéma

0,6

0,6

0,6

0,6

Ensemble des médias

100,0

100,0

100,0

100,0

Source IREP

On note, sur un plan plus général, que la presse écrite (y compris la presse gratuite) reste encore le premier média en termes de chiffre d'affaires (en prenant en compte les petites annonces), et sa part de marché, après avoir régressé régulièrement, semble s'être stabilisée en 1996, tout comme celle de l'affichage.

La part de marché publicitaire des stations de radio généralistes, quant à elle , chute d'un point soit le cinquième de sa valeur, en trois ans.

Taux de croissance des recettes publicitaires des " grands médias "
(en pourcentage)

 

1994

1995

1996

Télévision

+ 7,3 %

+ 7,7 %

+ 4,5 %

Radio

+ 4,0 %

+ 1,2 %

- 3,0 %

dont généralistes

- 1,0 %

- 4,9 %

- 7,3 %

dont réseaux nationaux et stations locales

+ 14,1 %

+ 12,0 %

+ 3,5 %

Presse écrite (y compris presse gratuite, y compris petites annonces)

+ 4,2 %

+ 2,6%

+ 2,7 %

Affichage(sous toutes ses formes)

+ 3,5 %

+ 2,2 %

+ 3,2 %

Cinéma

+ 3,0 %

+ 7,8 %

+ 10,0 %

Ensemble des médias

+ 5,0 %

+ 4,1 %

+ 3,0 %

Source IREP

L'évolution des parts de marché est confirmée par celles des taux de croissance. Le tableau ci-dessus montre que si la publicité radio diminue sensiblement, surtout pour les radios généralistes, on constate un ralentissement de la progression des recettes publicitaires des télévisions.

Toute la question est de savoir si ce fléchissement du taux de croissance est durable. Il convient d'en analyser les causes en séparant ce qui est structurel de ce qui est conjoncturel dans cette évolution.

2. Évolution de la position du secteur public sur le marché publicitaire

La part de marché, en valeur, du service public de télévision dans l'ensemble des investissements publicitaires dans les cinq " grands médias " croît régulièrement pour atteindre près de 10 % en 1996, ce qui correspond à un gain de 1,6 point de part de marché en trois ans, tandis que celle du secteur privé progresse plus lentement avec + 0,7 point de marché en trois ans.

Estimation de la part du secteur public de télévision
dans l'ensemble des cinq " grands médias "
(en pourcentage)

 

1993

1994

1995

1996

Télévision publique

8,2

8,7

9,5

9,8

Télévision privée

23,0

23,2

23,5

23,7

Ensemble télévision hertzienne

31,2

31,9

33,0

33,5

Estimation SJTIC à partir des données IREP et SECODIP

Selon la SECODIP, 29,4 % des investissements publicitaires dans le média télévision se sont portés en 1996 sur le service public , c'est-à-dire France 2, France 3 (total des écrans publicitaires nationaux et régionaux) et La Cinquième 6( * )

Cette proportion s'élevait à 28,9 % en 1995, 27,2 % en 1994 et 26,3 % en 1993.

 

1993

1994

1995

1996

Télévision publique

26,3

27,2

28,9

29,4

Télévision privée

73,7

72,8

71,1

70,6

Ensemble télévision hertzienne

100,0

100,0

100,0

100,0

Source SECODIP

3. La position concurrentielle de France 2 et France 3

L'audiovisuel public à tendance à gagner des parts de marché. Mais le fléchissement de la croissance du marché publicitaire de la télévision suscite une concurrence accrue qui fait peser une menace sur les recettes des chaînes publiques .

· La tendance récente

Les parts de marché de France Télévision ont évolué comme suit depuis 1993 :

En %

1993

1994

1995

1996

1997*

France 2

 
 
 
 
 

Part d'audience/ émission (4 ans +)

24,8

25,0

23,8

24,2

24,3

Part d'audience/émission (mén. < 50)

22,3

22,0

21,5

21,4

21,3

Part de marché publicitaire

17,3

18,0

17,2

17,4

17,9

France 3

 
 
 
 
 

Part d'audience/ émission (4 ans +)

14,6

15,6

17,6

17,7

17,5

Part d'audience/émission (mén. < 50)

12,0

12,3

13,8

13,3

13,3

Part de marché publicitaire

9,1

9,2

11,6

11,7

12,3

France Télévision

 
 
 
 
 

Part d'audience/ émission (4 ans +)

39,4

40,6

41,4

41,9

41,8

Part d'audience/émission (mén. < 50)

34,3

35,3

34,7

34,6

 

Part de marché publicitaire

26,3

27,1

28,8

29,1

30,2

Source Médiamétrie/Médiamat et SECODIP

* Premier semestre


Malgré la baisse de la part d'audience " commercialisable " - c'est-à-dire les fameuses " ménagères " de moins de 50 ans - de France Télévision depuis 1995, la part de marché publicitaire s'accroît de façon sensible depuis 1995, progressant de 1,4 point pour s'établir à 30,2 % au premier semestre 1997.

L'évolution observée depuis 1993 met en évidence un gain de part de marché publicitaire de + 3,9 point, à comparer à une très légère augmentation de la part d'audience Ménagères de moins de 50 ans (+ 0,3 point), nettement inférieure à celle de l'audience 4 ans et plus (+ 2,4 points).



· Les prévisions et réalisations en matière de recettes publicitaires

Longtemps par prudence - ou par pudeur -, les recettes publicitaires figurant au budget de l'audiovisuel public ont été plutôt sous évaluées.

Comme permet de le constater le tableau ci-dessous, le décalage s'est accentué à partir de 1995 et surtout de 1996 où, en dépit des résultats de l'année précédente, on a persisté à sous évaluer les recettes publicitaires de France 3.

L'importance des différences, plus de 450 millions de francs chaque année, avait conduit votre rapporteur à s'interroger sur les sens de l'approbation parlementaire.

Pour 1997, votre rapporteur avait craint
que l'on soit tombé dans l'excès inverse en prévoyant de façon délibérément optimiste la poursuite de la progression à deux chiffres des recettes publicitaires de France 3. Non sans raison il avait souligné que, dans un contexte économique morose, les recettes publicitaires pourraient fléchir en 1997 car les budgets de communication sont les premiers touchés en cas de ralentissement de l'activité économique.

Recettes de publicité
des sociétés nationales de programme depuis 1993
(en millions de francs)

Recettes nettes de publicité

1993

1994

1995

1996

1997 (LFI)

1998 (LFI)

 

France 2

 
 
 
 
 
 
 

Prévision (LFI)

1 862,40

1 915,30

1 974,00

2 111,50

2 417,20

2 513,80

 

Réalisation

1 743,70

1 987,10

2 133,70

2 306,00

 
 
 

France 3

 
 
 
 
 
 
 

Prévision (LFI)

804,2

931,2

931,2

1 084,70

1 676,90

1 744,00

 

Réalisation

869,9

1 004,20

1 446,60

1 527,90

 
 
 

La Cinquième

 
 
 
 
 
 
 

Prévision (LFI)

 
 

26,5

10,6

14,1

19,3

 

Réalisation

 
 

6,4

14,9

 
 
 

RFO

 
 
 
 
 
 
 

Prévision (LFI)

90,2

88,9

87

76,2

31

50,0*

 

Réalisation

90,2

91,2

74,3

75,7

 
 
 

Radio France

 
 
 
 
 
 
 

Prévision (LFI)

60

61,3

70,7

60,7

81,2

87,2

 

Réalisation

83

73,1

97,2

105,8

 
 
 

RFI

 
 
 
 
 
 
 

Prévision (LFI)

5,5

5,5

4,5

4,5

5,5

5,5

 

Réalisation

2,8

2,5

4,8

4,4

 
 
 

Total réalisations

2 789,60

3 158,10

3 763,00

4 034,70

 
 
 

% d'évolution n/n-1

 

13,21%

19,15%

7,22%

 
 
 

Les recettes publicitaires initiales ainsi que celles réalisées par les sociétés incluent le COSIP, mais sont nettes de frais de régies

La Cinquième a commencé à diffuser le 13 décembre 1994

Les ressources publicitaires de RFI incluent celles du parrainage


* La progression apparemment importante de la publicité sur RFO est en réalité un réajustement de l'évaluation pessimiste faite dans le projet de loi de finances 1997 des effets pour RFO de la suppression de la publicité sur le second canal de télévision et l'alignement de la publicité radio sur les règles appliquées à Radio France. Ces mesures, conjuguées avec le retrait progressif des programmes de TF1 sur le premier canal, ont eu inévitablement un effet négatif sur la publicité mais moindre que celui finalement observé en fin d'exercice. En conséquence, les chiffres pour 1998 ne reflètent pas une croissance de la publicité sur RFO mais un réajustement de la base sous-estimée.

Recettes de parrainage
des sociétés nationales de programmes depuis 1993
(en millions de francs)

Recettes nettes de parrainages

1993

1994

1995

1996 (LFI)

1997 (LFI)

1998 (LFI)

France 2

 
 
 
 
 
 

Prévision LFI

80,0

91,8

111,7

142,1

125,0

136,0

Réalisation

126,2

164,7

151,0

179,0

 
 

France 3

 
 
 
 
 
 

Prévision LFI

65,0

51,0

60,2

101,5

87,0

100,9

Réalisation

72,6

92,9

91,9

113,1

 
 

La Cinquième*

 
 
 
 
 
 

Prévision LFI

 
 

10,0

0,0

6,0

2,6

Réalisation

 
 

2,7

1,9

 
 

RFO

 
 
 
 
 
 

Prévision LFI

 
 

0,0

0,0

0,0

0,0

Réalisation

9,7

8,3

7,6

13,7

 
 

Radio France

 
 
 
 
 
 

Prévision LFI

30,0

30,0

30,5

30,5

30,0

31,0

Réalisation

22,5

25,4

31,2

34,9

 
 

RFI

 
 
 
 
 
 

Prévision LFI

 
 
 

4,5

5,5

5,5

Réalisation

1,4

2,1

4,0

3,3

 
 

Total réalisation

232,4

293,4

288,4

345,9

 
 

% d'évolution n/n-1

 

26,25 %

- 1,70 %

19,94 %

 
 

* La Cinquième a commencé à diffuser le 13 décembre 1994

De fait, les premières données connues pour 1997 font apparaître que France 3 a rencontré des difficultés pour réaliser les objectifs - irréaliste 8 qui lui avaient été assignés.

· Les objectifs 1998

L'objectif de ressources publicitaires pour l'ensemble du secteur a été fixé à 4 419,8 millions de francs soit une hausse de 182,7 millions de francs (+ 4,3 %) par rapport au montant inscrit dans les budgets votés lors des conseils d'administration des sociétés.

L'évolution de la publicité sur France et France 3 a été limitée à 4 % ce qui est présenté comme un taux modéré compte tenu des perspectives du marché.

(en millions de francs)

 

France 2

France 3

 

1997

1998

%

1997

1998

%

Publicité

2 417,2

2 513,8

4,00

1 676,9

1 744,0

4,00

Parrainage

125,0

136,0

8,80

87,0

100,9

15,98

Total

2 542,2

2 649,8

4,23

1 763,9

1 844,9

4,59


Si le gonflement des recettes de parrainage peut se justifier par la perspective de la Coupe du monde de football, la croissance de 4 % des recettes publicitaires n'est pas aussi modeste qu'il n'y paraît, compte tenu de l'évolution récente du marché de publicité télévisée.

Cette prudence se fonde sur l'essoufflement de TF1 dont l'audience se tasse et les recettes publicitaires stagnent, en dépit du ballon d'oxygène que le Conseil supérieur de l'audiovisuel lui a offert en lui permettant de revenir sur son engagement d'autolimitation à 4 minutes de la durée des coupures au milieu des films et de porter, en conséquence, la durée des coupures à 6 minutes comme pour M6.

L'on sait que les résultats de TF1 publicité ont légèrement concouru à la croissance du chiffre d'affaires de la chaîne qui a plus que doublé en dix ans : en 1996, les recettes publicitaires ont représenté presque les trois quarts du chiffre d'affaires consolidé du groupe, 9,4 milliards de francs.

Pour le premier semestre 1997, la société a annoncé des recettes publicitaires nettes de 4 026 millions de francs contre 3 959 millions de francs au cours de la même période de 1996, soit une croissance de 1,7 % seulement.

Le plus inquiétant pour la tenue du marché est que ces résultats ont été obtenus au moyen d'un accroissement des remises faisant apparaître un taux moyen de remise de 39 %.

Évolution des recettes publicitaires de TF1 au premier semestre de l'année
(en millions de francs hors taxe)

Année

1995

1996

Diffusion 96-95

1997

Diffusion 97-96

Recettes brutes

5 476

5 878

402

6 194

316

Recettes nettes

3 809

3 967

158

4 025

58

Différence

1 667

1 911

244

2 169

258

Taux de remise moyen

0,30

0,33

 

0,35

 

Le tableau ci-dessus permet de constater que si les recettes brutes ont augmenté de 316 millions de francs d'un semestre à l'autre, les recettes nettes ne se sont accrues que de 58 millions de francs, ce qui veut dire qu'il a fallu accorder des ristournes supplémentaires équivalentes à 258 millions de francs. En d'autres termes, l'augmentation de la durée des espaces publicitaires n'a pu compenser qu'à la marge l'accroissement des taux de remise .

Il y a des raisons de croire qu'un décalage du même type, même s'il est moindre, existe pour toutes les chaînes.

Parts de marchés publicitaires au 1er semestre 1997
(en millions de francs hors taxe )

 

1er semestre 1996

1er semestre 1997

Évolution

 

C.A. brut*

Parts en %

C.A. brut*

Parts en %

C.A. brut en %

Part en point

TF1

5 874

50,5

6 194

49,2

+ 5,4

- 1,3

France 2

2 024

17,4

2 250

17,9

+ 11,2

+ 0,5

France 3

1 464

12,6

1 553

12,3

+ 6,1

- 0,3

France Télévision

3 488

30,0

3 803

30,2

+ 9,0

+ 0,2

M6

1 845

15,9

2 104

16,7

+ 14,0

+ 0,8

Total télévision

11 640 (100 %)

12 584 (100 %)

+ 8,1 %

* Source : SECODIP

Les tarifs des écrans en " access prime time " connaîtraient des baises comprises entre 10 et 20 %. Il y a donc un risque de guerre des prix qui pourrait affecter les recettes du secteur public. Ainsi le directeur du marketing de France Espace : " Nous avons baissé les tarifs de 20 % par rapport à la grille de la rentrée de France 2, ce qui ramène le coup du GRP ménagère 7( * ) autour de 25 000 francs. S'il le faut, nous ajusterons encore nos tarifs pour nous maintenir à ce niveau ".

On note que les tarifs de France 2 avaient ainsi augmenté de 60 % par rapport à la rentrée de septembre 1996. A l'inverse, les tarifs du 19-20 sur France 3, qui étaient restés identiques à la rentrée, ont augmenté de 7 % au bout des deux premières semaines de septembre, afin de valoriser les cinq points de part de marché que les actualités régionales et nationales ont grignoté durant cette période.

C'est d'ailleurs cette bonne tenue de l'audience de France 3, qui permet d'espérer que cette chaîne sera en mesure d'atteindre les objectifs de recettes publicitaires pour 1997.

En publicité télévisée, c'est l'audience qui régule le marché :

· pour être " vendable ", un écran doit satisfaire à deux conditions impératives :

- une audience minimale sur une catégorie de téléspectateurs (cible la plus recherchée par les annonceurs : les ménagères de moins de 50 ans : 56 % des investissements en télévision proviennent des seuls secteurs : alimentation, toilette, beauté, entretien, boisson, appareils ménagers, pharmacie, habillement.

- un prix de revient effectif par point d'audience (" coût GRP "), en cohérence avec la moyenne des prix constatés sur l'ensemble des télévisions.

· plus l'audience d'un écran est forte, plus le marché accepte de payer un " coût GRP " élevé : prime à la puissance.

Audience des écrans et coût /GRP - Prime Time
(cible : ménagères de moins de 50 ans)

 

1994

1995

1996

Audience moyenne des écrans (en %)

 
 
 

TF1

10,3

9,9

9,3

France 2

6,0

4,9

5,0

France 3

3,4

4,2

3,9

M6

4,2

4,1

4,5

Coût/GRP * (en milliers de francs)

 
 
 

TF1

24,5

26,6

29,1

France 2

23,1

25,2

24,9

France 3

19,2

19,6

23,8

M6

22,5

20,6

21,0

* Great Rating Point : coût nécessaire pour diffuser un message susceptible de toucher 1 % de la cible choisie .

Il faut donc être particulièrement attentif à l'évolution du taux de revenu ? moyen (hors abattement forfaitaire de 10 % ?) qui évolue comme suit :

(hors accords chaîne)

1992*

1993

1994

1995

1996

France Télévision

(19,4 %)

19,3

21,3

21,4

22,8

* Avant la loi Sapin

Cette augmentation pourrait s'accélérer et remettre en question les équilibres budgétaires.

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