AVIS n° 86 - Tome XIII - PROJET DE LOI DE FINANCES - Francophonie


M. Jacques LEGENDRE, Sénateur


Commission des Affaires culturelles - Avis n° 86 - Tome XIII - 1997/1998

Table des matières






N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XIII

FRANCOPHONIE

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 2 ) (1997-1998).

Lois de finances .

Mesdames, Messieurs,

1997 est pour la francophonie l'année du rendez-vous de Hanoi.

C'est une année partagée entre drame et espérance.

Sur l'opéra de Hanoi, achevé en 1911, ont flotté côte à côte l'emblème de la francophonie et le drapeau du Vietnam. Et, c'est à quelques centaines de mètres du Mausolée de HoChiMinh, que se sont réunis la cinquantaine de délégations des pays membres de la francophonie, en présence de seize chefs d'Etat.

Souvent soupçonnée dans le passé de réminiscences néo-coloniales, la francophonie ne pouvait pas apporter de meilleures réponses à ses détracteurs car qui pourrait soupçonner le Vietnam de complaisance néo-coloniale ?

Non, décidément la francophonie n'est pas l'avorton d'un empire défunt mais bien l'amorce d'une réalité émergente, celle de nations, d'hommes rassemblés à travers tous les continents par une langue partagée, des cultures mêlées, une solidarité affirmée, une certaine idée de ce que doit être le monde.

Ce glorieux rendez-vous de Hanoi ne doit pas faire oublier pour autant les douloureuses réalités de l'année 1997 en francophonie.

Au Congo, ex-Zaïre, comme au Congo-Brazzaville, c'est par la force des armes que s'est dénouée -peut-être provisoirement- une guerre civile que ni la francophonie, ni les institutions internationales, n'ont su empêcher. Au Cambodge, un affrontement armé s'est conclu par l'éviction du Premier ministre sorti victorieux des élections organisées par l'ONU.

Beaucoup de pays de la francophonie, au sud, et même au nord, sont confrontés à la misère, à l'inégalité, génératrices de violence et les progrès des processus démocratiques sont fragiles, très fragiles. Loin des pompes du Sommet de Hanoi, il existe une francophonie douloureuse.

Parce qu'elle représente un espoir pour des dizaines de milliers d'hommes, parce qu'elle est une chance pour notre pays, il faut vouloir la francophonie.

Il faut qu'elle soit servie en France par une volonté politique forte et si possible unanime.

Il faut que la francophonie se dote de structures efficaces, cohérentes, visibles.

Il faut que la francophonie ne se limite pas à des institutions au jeu plus ou moins ésotérique mais qu'elle soit une francophonie vivante, vécue.

Il faut que les moyens -en particulier financiers- dont dispose la francophonie soient vraiment en rapport avec ses objectifs.

C'est à ce devoir de lucidité et de volonté que ce rapport entend appeler.

I. LES MOYENS INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS DE NOTRE POLITIQUE FRANCOPHONE

A. LA PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE DANS LE MONDE

1. La nouvelle organisation gouvernementale : l'absence remarquée de la francophonie

Depuis la constitution du nouveau gouvernement sous la direction de M. Lionel Jospin, aucun ministre ou secrétaire d'Etat n'est explicitement chargé de la francophonie. Pour la première fois depuis la création du premier secrétariat d'Etat à la francophonie en 1986, la francophonie n'apparaît plus dans le titre d'un des membres du gouvernement.

Votre rapporteur veut croire qu'il s'agit là d'un oubli involontaire. Il est toutefois regrettable qu'en cette année de Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, la politique francophone du gouvernement manque ainsi de visibilité.

Au-delà de cet aspect formel mais symbolique, la répartition des compétences au sein du gouvernement de M.  Lionel Jospin organise la politique francophone autour de deux pôles.

D'une part, les actions tendant au rayonnement de la francophonie dans le monde et en particulier la politique de coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone relèvent de la compétence du ministre des affaires étrangères. L'exercice de cette compétence est délégué au secrétaire d'Etat à la coopération, M. Charles Josselin, qui dispose pour cette mission du concours des services du ministère des affaires étrangères.

D'autre part, les actions qui concourent à la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la langue française et en particulier à l'application de la loi Toubon relative à la langue française relèvent du ministre de la culture et de la communication , Mme Catherine Trautmann, qui dispose pour cette mission de la délégation générale à la langue française.

Cette répartition des rôles entre francophonie extérieure et francophonie intérieure existait déjà sous le gouvernement de M. Alain Juppé.

Aussi, l'innovation au sein de l'organisation gouvernementale réside plutôt dans la disparition du secrétariat d'Etat chargé de la francophonie. En effet, il y a presque toujours eu depuis 1986 au sein du gouvernement un secrétaire d'Etat ou un ministre délégué chargé exclusivement de la francophonie : Mme Lucette Michaux-Chevry (1986-88), M. Thierry de Beaucé (1988), M. Alain Decaux (1988-91), Mme Catherine Tasca (1991), Mme Margie Sudre (1995-97) furent secrétaires d'Etat chargés de la francophonie. Seuls Mme Catherine Tasca (1992-93), secrétaire d'Etat chargée de la francophonie et des relations culturelles extérieures et M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, firent exception à cette règle.

C'est également la toute première fois que le secrétaire d'Etat à la coopération est en charge de la promotion de la francophonie . Ce choix présente certes l'avantage d'instaurer une forte cohérence entre les actions de coopération et de promotion de la francophonie. Mais il comporte également le risque d'identifier la francophonie aux pays du champ. Comme en a témoigné la tenue du septième Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage à Hanoi, au coeur de l'Asie du Sud-Est ou le rôle majeur que jouent nos partenaires québécois au sein des organisations francophones, la francophonie s'inscrit dans une géographie autrement plus vaste que les pays du champ.

On peut également regretter que le secrétaire d'Etat chargé du développement de la francophonie ne dispose pas explicitement, comme Mme Catherine Tasca dans le gouvernement formé par M. Pierre Bérégovoy en avril 1992, de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques. Au terme du décret n° 97-730 du 19 juin 1997, le secrétaire d'Etat à la coopération dispose certes pour l'accomplissement de sa mission des services du ministère des affaires étrangères. Mais le ministre des affaires étrangères n'ayant pas délégué ses compétences en matière de relations culturelles extérieures, le secrétaire d'Etat à la coopération n'a qu'une influence limitée sur l'action de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.

Avec la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, c'est ainsi la compétence directe sur l'enseignement du français à l'étranger et l'audiovisuel extérieur, instrument essentiel de diffusion de la langue française dans le monde, et un budget de plus de 5 milliards de francs -sans commune mesure avec les 60 millions de francs dont dispose le service des affaires francophones- qui échappent au secrétaire d'Etat à la coopération, chargé de la francophonie.

C'est pourquoi il paraît pour l'avenir nécessaire de réfléchir à une structure ministérielle qui permette de rétablir en ce domaine l'unicité de l'action politique. Or, si l'on tire les enseignements des expériences passées, il semble que la pleine efficacité de l'action francophone ne puisse être atteinte que par la création d'un ministère délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé de la francophonie, des relations culturelles et de l'audiovisuel extérieur.

2. Les crédits de la francophonie

a) Les crédits du service des affaires francophones

En 1997, les crédits d'intervention, gérés par le service des affaires francophones ont atteint 62,7 millions de francs dont 49,7 millions de francs étaient destinés aux opérateurs francophones sur la base des engagements pris par la France au Sommet de Cotonou en décembre 1995 et 13 millions de francs affectés au service des affaires francophones pour financer les subventions allouées à divers organismes et associations francophones.

Ces crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1997 ont cependant fait l'objet d'un arrêté d'annulation du 9 juillet 1997, de 2,7 millions de francs, soit de près de 21 % des crédits du service des affaires francophones. En outre, les crédits de ce service ont été amputés de 1,4 million de francs transférés à la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques afin de financer l'extension de TV5 aux Etats-Unis.

Au total, les crédits du service des affaires francophones ont donc été amputés en 1997 de 36 % par rapport aux crédits votés par le Parlement. Votre rapporteur s'élève avec force contre ces mesures de régulation budgétaire qui, pour être conformes au droit, n'en altèrent pas moins la signification de l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement
.

Il dénonce le choix de la facilité qui consiste à annuler prioritairement les crédits de la francophonie en période de restriction. Si chaque secteur se doit de contribuer à l'effort de rigueur budgétaire entrepris par le gouvernement, il importe de prendre conscience de la faiblesse relative des moyens consentis par l'Etat en ce domaine face à la " demande de France " exprimée à l'étranger. Ces suppressions de crédits, provoquant en cours d'exercice l'interruption de projets de coopération, rompent ainsi des liens qui seront par la suite particulièrement difficiles à rétablir. Ces mesures de régulation aussi répétées que néfastes altèrent, en définitive, l'image de la France.

Pour 1998, les crédits d'intervention du service des affaires francophones s'élèvent à 61,7 millions de francs, soit une baisse de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997.

Sur ce total, 53,4 millions de francs seront versés par le service des affaires francophones au Fonds multilatéral unique (FMU) et affectés aux programmes de coopération francophones décidés au Sommet de Hanoi.

Si les crédits inscrits dans le projet de loi de finances ne sont pas remis en cause lors de la présente discussion budgétaire ou en cours d'exercice, la faculté d'orientation du service des affaires francophones ne trouvera donc réellement à s'exercer que sur 8,3 millions de francs, destinés aux financements des organismes et associations concourant à la francophonie.

Votre rapporteur constate que, depuis quatre ans, le montant des subventions accordées à ces associations et organismes est donc passé de 22,76 millions de francs à 8,3 millions de francs soit une diminution de plus de 63 %. Il s'élève contre cette réduction drastique des moyens affectés à des associations qui jouent un rôle essentiel dans la promotion de la francophonie.

Il note, en outre, que les associations de promotion de la francophonie ne sont pas les seuls organismes concernés par la réduction des moyens consacrés à la francophonie. Le Haut conseil de la francophonie , présidé par le président de la République, a également vu ses moyens diminuer d'une manière significative en 1997. Outre la réduction de sa subvention de 1,4 à 1,2 million de francs de 1996 à 1997, une annulation de crédits de 200.000 francs a réduit le budget du Haut conseil pour 1997 à un million de francs, soit une diminution de plus de 30 % par rapport à 1996.

Pour 1998, la dotation du Haut conseil s'élève à 1 million de francs, soit une reconduction des crédits pour 1997 après régulation. Ces moyens seront sans doute insuffisants pour que le Haut conseil puisse maintenir la politique d'édition qu'il avait menée ces dernières années.

b) La contribution de la France à la coopération francophone

La contribution annuelle de la France au financement de la coopération multilatérale francophone s'est élevée, pour le biennum 1996-1997, à 625,4 millions de francs qui ont été versés aux différents opérateurs de la francophonie. La France assure ainsi 62,4 % du financement des programmes de la coopération francophone multilatérale. Ces crédits ne représentent cependant que 4,7 % de la contribution de la France à l'ensemble des institutions internationales et 1 % de l'aide publique française au développement.

Parmi ces crédits, 276,3 millions de francs correspondent aux contributions annuelles volontaires de la France aux programmes de coopération multilatérale décidés au Sommet de Cotonou et financés par le Fonds multilatéral unique (FMU).

Pour le biennum 1998-1999, la contribution annuelle de la France au financement de la coopération multilatérale francophone devrait s'élever à 662,6 millions de francs, soit une progression de 37,2 millions de francs et de 5,9 % par rapport à 1997.

Le tableau, ci-après, communiqué par les services de la coopération, présente la répartition de ces crédits par ministère et par programme.

Parmi ces crédits, ceux consacrés aux programmes de coopération multilatérale décidés au Sommet de Hanoi et financés par le FMU devraient s'élever à 318,3 millions de francs contre 276 millions de francs en 1997, soit une progression de 42 millions de francs et 15 % par rapport à 1997.

Ces mesures nouvelles seront affectées aux programmes suivants :

Inforoutes 18,5 MF

Français dans les organisations internationales 15 MF

Observatoire de la démocratie 4 MF

Secrétariat général de la francophonie 2,5 MF

Fonds de soutien à la création de PME-PMI 1 MF

Programmes environnement 1 MF

Fonds francophone universitaire de la recherche 0,5 MF

Cette progression des moyens de la coopération multilatérale francophone devrait cependant s'accompagner d'une clarification des circuits de financement des programmes francophones. Les crédits consacrés à la coopération multilatérale francophone sont, en effet, éclatés entre les budgets de huit ministères et sont gérés, au sein de ces ministères, par plusieurs services. Comme ces différents services et ministères ne comptabilisent pas toujours ces crédits selon les mêmes critères, il est particulièrement difficile d'établir de façon exhaustive quel est le montant effectif des crédits affectés aux programmes francophones.

Cette opacité rend le travail de votre rapporteur et le contrôle du parlement particulièrement difficile. Les services chargés de superviser ces financements au ministère des affaires étrangères et au secrétariat d'Etat à la coopération éprouvent visiblement eux-mêmes les plus grandes difficultés à y voir clair.

CONTRIBUTIONS FRANÇAISES A LA COOPÉRATION FRANCOPHONE MULTILATÉRALE FRANCOPHONE

Prévisions pour 1998, selon les diverses sources (ministères et autres) des diverses affectations aux opérateurs
(et autres destinataires).

BAILLEURS

MAE

MIN
COOP

MEN
(EDUC)

MIN
CULT

MIN
JUST

MJS
SPORTS




AUTRES




TOTAUX

AFFECTATIONS

NUOI

DG

SAF

1) ACCT et Secrétariat Général de la Francophonie (SGF)
- Budget régulier (contributions statutaires) 63 63
- Divers programmes 3,50 19,50 44,50 4 6 2 1 2 82,50
1 bis) Installation du SGF 4 4
1 ter) Observatoire de la démocratie 2 1 3
1 quater) Français dans les organisations internationales 2 2
2) AUPELF-UREF
- FICU 0,50 0,50 5,50 0,50 7
- AUPELF - Fonctionnement (y compris traitements de coopérants) 5,50 3 7 0,50 16
- UREF : divers programmes 14 18,5 92 17 0,50 142
Instituts de technologie Cambodge 12 12
CIDMEF 0,60 0,60
2 bis) Projet Transfer 0,50 1 0,50 2
- Programme du Fonds inforoutes 1,50 2,50 1 5
10
3) TV5
- Europe-Amérique-Asie océanie 190,75 36 242,25
- Afrique 15,50
4) AIMF 3,50 3,50 3,50 3,50 12,50 26,5
5) Université SENGHOR d'Alexandrie 9,80 3,50 0,20 1 14,50
6) AUTRES AFFECTATAIRES
- CONFEMEN ( Fonctionnement) 0,80 0,20 1
- CONFEJES (Fonctionnement et programmes) 2 3 5
- CIJF (comité international des jeux Francophones) 0,42 0,40 0,82
- Jeux de la Francophonie (1997 à Madagascar) 0 0 0
- AIPLF (hors coopération interparlementaire inscrit à l'ACCT pour 3,5 MF) 0,85 0,10 1,75
2,7
- Organisation matérielle du Sommet de 1997 à Hanoi (2) 0 0 0 0 0
- FFA (Forum francophone des affaires) (hors transit par l'ACCT) 1 4 1
6
- CAMES (conseil africain et malgache de l'enseignement supérieur) 0,75 0,75
- Divers 4 15 19

TOTAUX

63 220,75
66,07 212,25 25,50 7,40 3 4,40 60,25 662,62
.

Le manque de transparence des circuits de financement au niveau des pouvoirs publics français se double d'une complexité croissante des financements au niveau des opérateurs francophones. Un même opérateur est parfois financé directement par plusieurs ministères concernés de différents Etats-bailleurs de fonds, par le Fonds multilatéral unique lui-même financé par ces différents ministères, par d'autres fonds francophones, ainsi que par d'autres opérateurs francophones.

Aussi, serait-il de bonne gestion de simplifier et clarifier ces circuits de financement afin d'avoir une vision claire de l'origine et de l'utilisation de ces crédits. L'administration française y gagnerait en efficacité, et la francophonie en crédibilité.

c) Le recensement des crédits concourant au développement de la francophonie et à la défense de la langue française.

L'article 102 de la loi de finances pour 1987 invite le gouvernement à dresser chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, l'inventaire des crédits consacrés par les pouvoirs publics à la défense de la langue française et au développement de la francophonie. Pour 1998, cet effort est estimé à 5.194 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit 16 millions de francs de plus qu'en 1997.

La présentation des crédits concourant au développement de la francophonie et à la défense de la langue française illustre le rôle prépondérant du ministère des affaires étrangères qui contribue pour plus de 68 % du total et du ministère de la coopération qui participe à hauteur de 25 %.

Les dépenses imputées sur le budget des affaires étrangères recouvrent principalement la subvention versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), les dépenses d'intervention concourant à la promotion de la francophonie que ce soit l'organisation de Sommets francophones, la coopération dans le domaine culturel et audiovisuel ou scientifique, les dépenses de personnel des établissements culturels pour leurs actions de promotion et d'enseignement du français, la contribution de la France à l'Agence de coopération culturelle et technique, à l'Union latine et à l'organisation des ministres de l'éducation du Sud-Est asiatique.

Les crédits relevant du ministère de la coopération (25 % du total) correspondent, quant à eux, à la subvention versée à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger dans les pays du champ, aux crédits d'actions de coopération et aux crédits du fonds d'aide et de coopération relatifs à la promotion de la langue française.

Par ailleurs, les comptes spéciaux du Trésor visant à soutenir l'industrie cinématographique et les organismes publics audiovisuels apportent une contribution significative (4,5 % du total).

Cet inventaire offre certes une indication sur l'évolution et la répartition de l'effort consenti en faveur de la francophonie. Mais, comme le soulignait votre rapporteur l'an passé, la comptabilisation des crédits correspondants présente, à la réflexion, un caractère un peu superficiel. Jusqu'à quel point faut-il par exemple considérer que les crédits attribués à l'action culturelle du ministère de la coopération et du développement relèvent de la francophonie ? Ne pourrait-on pas, à l'inverse, compter dans les crédits consacrés à la francophonie la plus grande partie du budget de l'éducation nationale ? Dans de nombreux domaines, une clarification des critères procédant à l'inscription des crédits dans le tableau récapitulatif serait souhaitable de façon à assurer la pleine transparence de l'intervention de l'Etat dans ce secteur.

B. LA DÉFENSE ET LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE

1. La politique pour l'emploi de la langue française

a) Les objectifs de la politique de la langue française

Depuis juin dernier, la défense et la promotion de la langue française relèvent de la compétence de Mme Catherine Trautmann. En effet, au terme de l'article 3 du décret d'attribution du ministre de la culture et de la communication, celui-ci " prépare et met en oeuvre les actions qui concourent à la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la langue française ".

Certes, la répartition entre la promotion de la langue française et celle de la francophonie peut apparaître artificielle. Il ne fait aucun doute que la défense de l'emploi de la langue française en France est un élément de la promotion de la francophonie dans le monde. Quelle légitimité aurait notre politique en faveur de la francophonie dans le monde si nous ne faisions pas respecter l'emploi de la langue française sur notre propre territoire ?

Toutefois, cette répartition des compétences entre francophonie intérieure et francophonie extérieure s'est révélée à l'usage relativement pertinente. Déjà, entre mai 1993 et 1995, la francophonie avait été rattachée au ministère de la culture confié à M. Jacques Toubon. Ce rattachement a sans doute favorisé la prise de position unanime de la communauté francophone en faveur de l'exception culturelle et également facilité l'adoption de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

De mai 1995 à juin 1997, période durant laquelle M. Philippe Douste-Blazy était chargé de la culture et de la promotion de la langue française, cette dynamique créée entre la promotion de la culture et celle de la langue française a été maintenue. Alors que dans les périodes précédentes, la défense de la langue avait trop souvent été négligée voire ignorée par le ministère de la culture, elle s'est trouvée depuis 1993 parmi les principales préoccupations de ce ministère.

Votre rapporteur se félicite, à cet égard, que le nouveau ministre de la culture, Mme Catherine Trautmann, ait manifesté la volonté de poursuivre et de développer l'action de son prédécesseur dans ce domaine.

La langue française est, en effet, au coeur de notre culture et de notre patrimoine, un patrimoine que nous partageons avec l'ensemble de la communauté francophone. Élément de notre identité nationale, elle est aussi un vecteur de rayonnement de notre pays. C'est pourquoi la politique de la langue française doit non seulement assurer l'application de la loi du 4 août 1994 et favoriser l'enrichissement de la langue française mais également conserver au français son rôle de langue de communication internationale en soutenant la présence du français dans la vie scientifique et économique et dans les organisations internationales. La politique de la langue française doit, en outre, s'accompagner de la promotion du plurilinguisme et de l'ouverture aux autres langues et cultures. La préservation de la diversité culturelle et linguistique dans le monde et en premier lieu en Europe est, en effet, dans un monde où le monolinguisme ne cesse de se développer, un atout pour la langue française.

Favorable à un renforcement des moyens de l'enseignement des langues étrangères, votre rapporteur ne souscrit pas pour autant à l'opinion exprimée par le ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, selon laquelle il ne faut plus compter l'anglais parmi les langues étrangères. Il s'agit là d'une formule malheureuse. Elle a consterné beaucoup d'amoureux de la langue française en particulier à l'étranger. Votre rapporteur partage avec M. le ministre de l'éducation nationale, l'idée que dans le monde qui se construit, apprendre la langue anglo-américaine est utile, voire inévitable. Il considère cependant qu'une langue transmet un rapport au monde, des valeurs, et en définitive une identité. Or, de ce point de vue, notre langue maternelle ne saurait être confondue avec aucune autre. Il faut songer, par exemple, à ce que ressentent devant une telle déclaration les Québécois qui sont pourtant dans leur majorité bilingues.

De plus, l'anglais ne saurait être la seule langue étrangère proposée aux jeunes Français. La promotion du plurilinguisme comme la défense de l'enseignement du français à l'étranger suppose que, sur notre propre territoire, nous fassions un réel effort pour maintenir la diversité des langues vivantes enseignées à l'école. Comme l'a observé la mission d'information sur l'enseignement des langues vivantes dans l'enseignement scolaire 1( * ) que présidait votre rapporteur, il ne faut pas s'étonner que certains pays de l'Europe centrale, traditionnellement francophones, répugnent à engager des efforts en faveur de l'enseignement du français, alors que leur propre langue n'est plus enseignée en France.

b) Les crédits consacrés à la langue française

La politique visant à l'emploi et la promotion de la langue française s'appuie sur deux organismes, le conseil supérieur de la langue française et la délégation générale à la langue française, créés par le décret n° 89-403 du 2 juin 1989.

Le conseil supérieur de la langue française est statutairement présidé par le Premier ministre. Il a pour mission d'étudier, dans le cadre des grandes orientations définies par le président de la République et le gouvernement, les questions relatives à l'usage, à l'aménagement, à l'enrichissement, à la promotion et à la diffusion de la langue française en France et hors de France, et à la politique à l'égard de l'enseignement des langues étrangères. Sous la conduite de son vice-président, M. Bernard Quemada, le conseil supérieur s'est attaché en 1997 à l'étude de deux thèmes : le français dans l'enseignement et le français dans les médias.

La délégation générale à la langue française a quant à elle pour mission, dans le cadre des orientations définies par le ministre de la culture, de promouvoir et de coordonner les actions des administrations et des organismes publics et privés qui concourent à la diffusion et au bon usage de la langue française, notamment dans les domaines de l'enseignement, de la communication, des sciences et des techniques.

En 1997, la délégation générale à la langue française a comme les années précédentes veillé à la bonne application de la loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française. Elle a resserré, à cet effet, sa concertation avec les autres administrations chargées du suivi et du contrôle de la loi. Ainsi, outre la mise en oeuvre d'une convention entre la délégation et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la délégation a participé à l'élaboration d'une circulaire sur l'emploi du français sur les sites internet et dans les commandes de matériel informatique.

La délégation générale, comme la loi l'y oblige, a établi son rapport annuel sur l'application de la loi du 4 août 1994 et sur le respect du statut du français dans les organisations internationales. Elle s'est acquittée de cette tâche avec une ponctualité à laquelle il convient de rendre hommage. Il constitue un outil de travail précieux pour évaluer la bonne application de la loi et l'ensemble des actions destinées à l'accompagner et à la consolider.

En matière de sensibilisation du public aux enjeux liés à la langue, la délégation générale à la langue française, en liaison avec le secrétariat d'Etat à la francophonie et le ministère de l'éducation nationale, a organisé en 1997 pour la deuxième année consécutive une semaine de sensibilisation à la langue française, " le français comme on l'aime ", à l'occasion de la journée mondiale de la francophonie.

Pour accomplir ses missions, la délégation générale à la langue française a disposé en 1997 de 2,7 millions de francs de crédits de fonctionnement et de 7 millions de crédits d'intervention. Pour 1998, le projet de loi de finances présenté par le gouvernement propose la reconduction des crédits de fonctionnement votés pour 1997 et une augmentation de 0,5 million de francs des crédits d'intervention qui atteignent 7,5 millions de francs. Les crédits affectés à la délégation générale à la langue française passent donc de 9,7 millions de francs à 10,2 millions de francs, soit une progression de 5,1 %.

2. La mise en oeuvre de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française

La promotion de l'utilisation du français comme langue de communication internationale est une priorité qui appelle une politique linguistique, volontaire et explicite. Or, pour cela, en France même, il est indispensable de se donner les moyens d'assurer la présence de la langue française dans les domaines où les lois de l'économie comme les nouveaux moyens de communication risquent de la faire reculer. Nos partenaires francophones, notamment les Québécois et les Belges francophones pour lesquels la défense du français est une exigence quotidienne, ne comprendraient pas que nous ne fassions pas tout pour défendre et promouvoir notre langue. De ce point de vue, la loi du 4 août 1994 est l'instrument le plus efficace dont disposent les pouvoirs publics pour assurer la présence du français dans certains domaines essentiels. Deux ans après l'entrée en vigueur de la totalité de ses dispositions, la délégation générale à la langue française constate dans son rapport annuel que la loi est dans l'ensemble bien comprise et bien appliquée.

Dans le domaine de l'information du consommateur , on observe une forte augmentation des actions de contrôle menées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour l'application des dispositions de l'article 2 qui prévoit l'emploi obligatoire de la langue française dans " la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service ainsi que dans les factures et quittances ".

La DGCCRF a, en effet, de 1995 à 1996, multiplié par 2,4 le nombre de ses interventions. Au total, 6.258 entreprises ont été contrôlées entre le 1er janvier et le 31 décembre 1996, contre 2.576 en 1995. Sur ce total, 1.091 manquements ont été relevés, ils ont donné lieu à l'établissement de 366 procès-verbaux et 725 lettres de rappel à la réglementation. Le taux d'infraction de 17 % montre que l'application de ces dispositions doit continuer à être surveillée avec vigilance.

Le suivi judiciaire des dossiers transmis au parquet s'est, en outre, sensiblement amélioré en 1996. Du 1er janvier au 31 décembre 1996, 109 dossiers comportant 142 infractions relatives à l'emploi de la langue française ont été clos, 41 dossiers ont été classés par le parquet, 62 jugements ont été rendus en première instance et cinq par ordonnance pénale, 56 condamnations ont été prononcées avec au total 54 amendes, dont 9 amendes délictuelles et 45 contraventionnelles, et une peine de prison avec sursis. Le pourcentage de dossiers classés a ainsi baissé de 50 % en 1995 à 37,6 % en 1996.

En ce qui concerne le droit des associations agréées à ester en justice, prévu par l'article 17 de la loi du 4 août 1994, votre rapporteur qui avait été le rapporteur du Sénat de cette loi, voudrait, en revanche, faire part de son inquiétude. Le rapport de la délégation générale à la langue française indique qu'une décision du tribunal de police de Paris du 9 juin 1997 a jugé irrecevable la plainte de deux associations agréées de défense de la langue française, au motif qu'aucun constat d'infraction n'avait été dressé par l'une des administrations habilitées à le faire par l'article 18 de la loi.

Comme l'observe la délégation générale à la langue française, " L'interprétation du tribunal de police de Paris du 9 juin 1997 aboutit donc à un recul des droits que les associations de défense de la langue française exerçaient déjà en pratique, et que la loi du 4 août vise à consacrer officiellement. "

Votre rapporteur partage ce constat et se félicite à cet égard des termes de la circulaire du ministre de la justice du 20 février 1997 qui rappelle que " l'habilitation législative conférée aux associations de défense de la langue française pour exercer les droits reconnus à la partie civile leur permet notamment de mettre en mouvement l'action publique par la voie de la citation directe, et ce même si l'infraction n'a pas été constatée par procès-verbal conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi ".

Comme le souligne, en effet, la circulaire, la Cour de cassation a jugé (Cass. Crim. 2 octobre 1985, et 25 février 1986) que les textes donnant compétence à certains fonctionnaires pour constater des infractions à des réglementations spécifiques n'avaient pas pour objet d'exclure le recours à tout autre mode de preuve de droit commun.

En matière de protection du salarié , les articles 8 à 10 de la loi du 4 août 1994 prévoient que l'emploi du français est obligatoire, notamment dans  : " le règlement intérieur et tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail ainsi que les conventions, accords collectifs de travail et conventions d'entreprise ou d'établissement ".

Comme d'autres dispositions du droit du travail, les obligations linguistiques s'imposant aux employeurs sont susceptibles d'être contrôlées par les services du ministère du travail et en particulier par l'inspection du travail. Il n'existe cependant aucun contrôle systématique comme ceux qu'organise la DGCCRF pour la protection des consommateurs. La seule donnée disponible est l'absence de contentieux sur la base des articles 8 à 10 de la loi. On ne saurait cependant en conclure à la bonne application de la loi.

Dans le domaine de l'audiovisuel , c'est au Conseil supérieur de l'audiovisuel que revient la mission de veiller à l'application de la loi du 4 août 1994. Le CSA n'a constaté en 1996 aucune infraction à la loi que ce soit dans les messages publicitaires ou dans les programmes diffusés par les différentes sociétés.

Le CSA a, en outre, été chargé en 1996 de mettre en application la loi du 1er février 1994, modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui impose aux radios privées de diffuser à partir du 1er janvier 1996, aux heures d'écoute significatives, un minimum de 40 % de chansons d'expression française, la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions. Le premier bilan de l'application de ce dispositif apparaît satisfaisant.

Les radios dans leur grande majorité ont respecté leurs obligations. Les rappels à l'ordre, mises en garde et sanctions du CSA ont été exceptionnels. Toutefois, du 1er juin 1996 au 30 juin 1997, le Conseil a été conduit à adresser à plusieurs stations en situation irrégulière soit un simple rappel à l'ordre, soit une mise en demeure. Dans un cas, compte tenu de la répétition des manquements et de l'importance des écarts observés avec les exigences de la loi, le Conseil a décidé d'engager une procédure de sanction. Ce dispositif vient ainsi compléter la réglementation relative aux quotas de diffusion des oeuvres francophones et européennes à la télévision.

L'application des dispositions de la loi du 4 août 1996 relatives à la place du français dans les manifestations, colloques ou congrès organisés en France, a suscité comme l'année dernière plus de difficultés .

L'article 6 de la loi impose aux organisateurs français de manifestations, colloques ou congrès trois obligations : tout participant doit pouvoir s'exprimer en français, les documents de présentation du programme doivent exister en version française ; les documents distribués aux participants ou publiés après la réunion (documents préparatoires, textes ou interventions figurant dans les actes, compte-rendus de travaux publiés) doivent comporter au moins un résumé en français.

En outre, lorsque ce sont des personnes publiques qui ont pris l'initiative de ces manifestations, un dispositif de traduction doit être mis en place. Cette disposition correspond à la volonté d'offrir à tous les participants d'une manifestation organisée en France par une personne publique la possibilité de s'exprimer dans la langue de leur choix tout en étant pleinement compris par l'assistance.

La mise en oeuvre de la loi est particulièrement difficile dans les secteurs des sciences exactes et des sciences de la vie, notamment lors des rencontres de chercheurs d'une même discipline venus présenter leurs travaux récents. La participation de personnalités de premier plan implique bien souvent des communications en anglais. Or, au coût de l'interprétariat et des traductions écrites s'ajoute la rareté des interprètes et traducteurs possédant bien la matière traitée.

Dans d'autres secteurs, l'usage de l'anglais ou l'absence de traduction bilingue apparaissent beaucoup moins justifiables. Il est, par exemple, regrettable que l'Ecole nationale d'administration (ENA) ait prévu d'organiser avec l'université Indiana une conférence au Sénat dont le programme précisait que la langue unique était l'anglais. L'intervention de votre rapporteur auprès du président du Sénat a permis qu'une traduction simultanée de la totalité des interventions soit réalisée. Il est cependant dommage que l'école de la haute administration française ne donne pas l'exemple.

Il faut, en revanche, se féliciter que la délégation à la langue française, en concertation avec les ministères chargés de la recherche et des affaires étrangères, ait mis en place en 1996 un soutien à la traduction simultanée dans les colloques se déroulant en France.

Le choix des colloques subventionnés est fait, après examen par un expert du secteur considéré, sur avis d'une commission présidée par le délégué général à la langue française. L'aide porte sur une partie du coût de la traduction simultanée, sans jamais dépasser 50 % de celui-ci, et est plafonnée à 50.000 francs. En 1996, 16 colloques ont ainsi été subventionnés pour un montant total de 500.000 francs.

3. La défense et la promotion de la langue française dans les institutions communautaires et les organisations internationales

Le français dans les organisations multilatérales est la deuxième langue de communication internationale après l'anglais. Les statuts juridiques des organisations internationales assurent son emploi comme langue officielle. Notre langue bénéficie, en outre, la plupart du temps, soit par les textes, soit par tradition, du rang privilégié de langue de travail, accordé à un nombre de langues plus restreint.

Or, la place du français comme la règle du plurilinguisme semble être remise en cause par l'usage croissant de l'anglais dans les organisations internationales comme dans les institutions communautaires. Dans ce contexte, la promotion du plurilinguisme et la défense de la langue française comme langue de communication internationale constituent, comme le souligne le rapport annuel de la délégation générale à la langue française, des enjeux importants.

En effet, seule l'existence de plusieurs langues officielles et de travail assure une liberté et une égalité de parole entre les différentes délégations. C'est au nom de ce principe, proclamé à de nombreuses reprises à l'ONU comme dans les institutions de l'Union européenne, que la plupart des organisations ont un régime statutaire plurilingue. L'usage d'une seule langue privilégie, en effet, certaines nations au détriment des autres et favorise la domination d'un système de pensée, d'action, et de pouvoir. Parce qu'elle est la deuxième langue de travail utilisée dans les enceintes internationales, la langue française a de ce point de vue une responsabilité mondiale à assumer.

Dans les institutions de l'Union européenne, la pluralité des langues officielles garantit, en outre, l'information des citoyens et leur égal accès au droit et aux financements communautaires. L'emploi du français comme langue officielle et de travail est, plus encore qu'ailleurs, indispensable pour la préservation de nos capacités de négociation comme de notre vision de l'Europe.

a) La place du français dans les institutions de l'Union européenne

L'utilisation du français comme langue de travail dans les institutions communautaires revêt une importance stratégique pour la place de notre langue non seulement dans les Etats membres de l'Union, et dans les pays candidats à l'adhésion, mais aussi dans l'ensemble des organisations internationales. C'est pourquoi l'avenir du français et du plurilinguisme se joue pour une part dans les institutions européennes.

Notre langue bénéficiait, au début de la construction européenne, d'une position dominante. Cette situation s'explique par plusieurs facteurs. A la création de la Communauté, l'implantation des institutions en terre francophone, le fait que le français était la seule des quatre langues officielles ayant un rayonnement international, l'implication très forte de la France comme pays fondateur, ont contribué à l'emploi du français comme langue de travail privilégiée, voire exclusive dans certaines activités. L'anglais s'est ensuite développé après l'adhésion de pays anglophones et du Danemark.

Contrairement à une opinion répandue et à ce que laissent penser les pratiques récentes de la Commission dans certains secteurs, le français comme langue de travail dans les institutions européennes est une réalité concrète. C'est une langue de travail et de communication courante au sein de la Commission et du Conseil. Sa connaissance est indispensable pour tout fonctionnaire appelé à travailler dans les institutions communautaires ou en relation avec elle.

L'évolution récente tend cependant à réduire le rôle du français comme langue de travail. Ainsi au service des traductions de la Commission, on note une nette dégradation de la position du français. Alors qu'en 1986, les documents originellement rédigés en langue française représentaient 70 % du total des documents, ils ne constituent que 38,5 % en 1996. L'augmentation corrélative de l'anglais est très nette : les documents originellement rédigés en langue anglaise passent de 19 % en 1985 à 44,7 % en 1996.

L'anglais tend, en outre, à supplanter le français dans plusieurs directions générales, notamment : la DG I (relations extérieures), la DG III (industrie), la DG XII (recherche), la DG XIII (télécommunications). Il croît au sein des directions générales chargées de l'environnement, des femmes et du développement. La DG V (emploi, relations de travail, affaires sociales), traditionnellement francophone, s'est également écartée de cet usage.

La domination de l'anglais est particulièrement sensible dans les relations extérieures de la Communauté. Ainsi, le rapport de la délégation générale à la langue française observe que : " les relations avec les Etats tiers, notamment le dialogue structuré avec les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), sont un lieu de monolinguisme anglophone bien que les représentants de ces pays puissent s'exprimer dans une langue de l'Union ou leur langue nationale."

Cette situation très défavorable pour l'image du français, lèse à moyen terme nos intérêts nationaux et constitue un précédent susceptible de s'étendre à d'autres zones. Ainsi, en 1995, il était prévu que l'accord signé entre le Mercosur et l'Union soit rédigé en anglais : ce n'est qu'après la protestation des Etats membres, et notamment de la France et de l'Espagne, que le texte fut traduit en espagnol.

Cette situation regrettable a des conséquences non seulement politiques mais également économiques . Le poids croissant de l'anglais comme langue de travail de la Commission conduit à ce que la grande majorité des appels d'offres d'organismes européens soit rédigée en langue anglaise et appelle des réponses en anglais.

Ainsi, l'Institut monétaire européen (IME) a, par exemple, fait paraître dans la presse française -par exemple dans Le Monde du 22 janvier 1997- des offres d'emploi rédigées uniquement et entièrement en langue anglaise. Pourtant, le régime de droit commun, en cette matière, fixé par le règlement 1/58 modifié du 15 avril 1958 et qui prévoit l'égalité des langues officielles et des langues de travail utilisées dans le cadre des institutions communautaires, semble bien lui être applicable en l'absence de clauses linguistiques dans le protocole fixant les statuts de l'IME. Il serait ainsi possible de multiplier les exemples.

Cette évolution des institutions européennes exige une réaction d'autant plus rapide que le prochain élargissement pourrait produire des effets identiques. Face à cette situation, les efforts du gouvernement en faveur du français comme langue officielle et langue de travail s'organisent mais restent, en effet, limités.

A l'initiative du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) plusieurs types d'actions ont été mis en place. Conformément à la circulaire du Premier ministre du 21 mars 1994 relative aux relations entre les administrations françaises et les institutions européennes qui confie au ministre et à tous les agents appelés à travailler en liaison avec les instances de l'Union la mission de faire respecter l'usage du français, les manquements aux règles linguistiques signalés font l'objet d'un rappel officiel aux autorités communautaires compétentes.

Cette vigilance a permis en 1997 d'obtenir certains résultats. Saisi par une lettre du ministre français des affaires étrangères, M. Jacques Santer, président de la Commission européenne, dans une réponse du 25 juillet 1996, a ainsi donné des assurances sur le respect de l'égalité des langues officielles, notamment pour les appels d'offres. Il a indiqué que des instructions avaient été diffusées pour que les contrats-types, les clauses générales et les spécifications qui ne sont pas excessivement techniques soient disponibles, à partir du 1er juillet 1996, en anglais, allemand et français, et pour qu'il soit mis fin à toute exigence expresse de présentation d'un projet dans une seule langue particulière. En ce domaine, cependant, il sera sans doute difficile d'exercer un contrôle sur les pratiques réelles, car les organismes non-anglophones soumissionnant préfèrent souvent subir la contrainte linguistique plutôt que de risquer de perdre un marché.

Votre rapporteur se félicite que cette politique de vigilance soit aujourd'hui plus systématique. Elle est cependant vouée à l'échec si elle n'est pas accompagnée d'une politique de promotion et de diffusion de la langue française auprès des administrations communautaires et des partenaires européens.

Il est notamment souhaitable, qu'au niveau du recrutement des fonctionnaires de la Commission, une action soit menée pour accroître la proportion des fonctionnaires francophones. La France a intérêt à ce que la maîtrise d'une troisième langue officielle soit exigée des candidats. Une proposition de l'Allemagne et de la France dans ce sens a été soumise à la Commission. Elle ne peut qu'être soutenue.

Plus en amont, une politique volontariste de formation doit être menée. Depuis 1994, des sessions de formation à la langue française ont été mises en place en France pour les fonctionnaires européens issus des nouveaux adhérents de l'Union. Le nombre de bénéficiaires de ces formations est malheureusement encore trop limité. Il est, en effet, passé de 15 en 1996, à 46 en 1997. Quant au centre européen de langue française créé en 1996 pour les fonctionnaires européens ainsi que pour l'ensemble des salariés des organisations et associations présentes à Bruxelles, il n'a accueilli qu'une cinquantaine d'inscrits en 1997. Cette politique doit donc être renforcée.

De même, un effort tout particulier devrait être consacré à la traduction et à l'interprétariat afin de remédier à la sous-représentation des interprètes français à Bruxelles et en particulier des interprètes français qui maîtrisent la langue des nouveaux adhérents.

b) La situation du français au sein des organisations internationales

Le français bénéficie, dans la totalité des organisations internationales auxquelles la France participe, du statut de langue officielle et de langue de travail qui devrait théoriquement le placer à parité avec l'anglais. Dans la pratique cependant, cette parité est rarement respectée. En 1997, les signes du recul du français comme langue de communication internationale sont sensibles. Une enquête menée en 1997 par la délégation générale à la langue française auprès de nos postes diplomatiques montre un déclin du français dans la plupart des organisations internationales.

Le rapport de la délégation observe, en effet, que si le régime linguistique est de façon générale bien respecté pour les réunions officielles, en revanche, dans les réunions informelles, l'anglais domine. Il est même souvent l'unique langue employée.

En outre, dans de nombreuses organisations, qu'elles dépendent ou non des Nations-Unies, le plurilinguisme n'est plus assuré au niveau de la rédaction originale des documents, qui sont de plus en plus établis en anglais. Il s'ensuit que le français n'est plus qu'une langue de traduction, avec parfois des conséquences graves en termes de qualité et de délais. Le tableau ci-après retrace la situation dans plusieurs organisations internationales.

A partir de ces quelques exemples, l'état des lieux établi par la délégation à la langue française fait apparaître, deux groupes d'organisations internationales :

- celles, les plus nombreuses, où le monolinguisme est déjà bien établi : organisations financières telles que l'IME, la Banque mondiale ou le FMI ; organisations économiques, scientifiques, techniques, comme le CERN, où les fonctionnaires français vont jusqu'à parler anglais entre eux ; l'OCDE et, l'OMS où la situation est très inquiétante, enfin la plupart des institutions spécialisées des Nations-Unies;

- celles où le plurilinguisme est encore implanté, soit parce qu'il s'agit d'organisations régionales (Organisation de l'Unité africaine ; Organisation des Etats américains), soit en raison des origines de l'institution (Union postale universelle où le français est la seule langue officielle et de travail), soit en raison à la fois d'une tradition et de l'influence du pays siège (UNESCO, Conseil de l'Europe et surtout Union européenne).

Organisation

Langue de rédaction primaire
et conséquences sur la traduction

Secrétariat des Nations-Unies

- 90% anglais. Viennent ensuite le français et l'espagnol avec un volume sensiblement similaire, puis l'arabe et le russe.

- qualité des traductions variable

- délais : de 20 minutes (documents du conseil de sécurité) à 6 mois

- effectifs permanents stables pour l'unité chargée du français, mais le personnel temporaire a décru de 50% ces dernières années. La traduction contractuelle (recours à des traducteurs extérieurs) a un budget en hausse.

CNUCED - 100% anglais
- bonnes traductions
Organisation pour l'alimentation et l'agriculture - 70 % anglais
- bonnes traductions
Organisation de l'Unité africaine - 60 % anglais
- qualité inégale des traductions
- délais variables
OCDE - 80 % anglais
- retard ou absence des traductions
- menaces budgétaires sur les effectifs de traducteurs
Organisation mondiale de la santé - 90 % anglais
- qualité médiocre des traductions
- délais importants
- réduction des crédits linguistiques (40 % d'effectifs en moins)
OSCE

- majorité écrasante pour l'anglais. Les seuls documents rédigés en d'autres langues sont les interventions des délégations ou les propositions de textes émanant de délégations russophones ou francophones

- qualité médiocre des traductions

- délais variables, peu satisfaisants dès que les documents ne sont pas simples et succincts

Union internationale des télécommunications - 90% anglais
- baisse des effectifs de traduction depuis 20 ans
UNESCO - proportion favorable à l'anglais.
- qualité satisfaisante des traductions malgré la baisse des effectifs
Union postale universelle - rédaction majoritairement en français

Source : délégation générale à la langue française

Les raisons qui expliquent la prépondérance de l'anglais sur le français dans les institutions des Nations-Unies comme dans d'autres organisations internationales sont diverses : réduction des effectifs des services de traduction et d'interprétation, rôle majeur de l'anglais comme langue commune dans les instances vouées aux domaines scientifiques, préférence de nombreux Etats pour cette langue de travail, aussi bien en Asie qu'en ex-URSS.

L'évolution vers le monolinguisme n'est cependant pas inéluctable. Elle résulte, en effet, d'un choix politique qui consiste par exemple à faire peser en premier lieu les restrictions budgétaires sur les services de traduction et d'interprétation. Ainsi, seule une politique volontariste en faveur de la langue française et du plurilinguisme permettra d'inverser la tendance . Cette politique doit s'articuler autour de plusieurs axes :

- le respect du statut juridique des langues et en particulier du français ;

- la promotion du plurilinguisme dans les organisations internationales ;

- le soutien aux services de traduction et d'interprétation ;

- la formation linguistique des fonctionnaires internationaux ;

- l'affirmation de la présence et de la solidarité des pays francophones dans les organisations internationales.

II. LES DEUX VISAGES DE LA FRANCOPHONIE

A. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE : LE SOMMET DE HANOI

Le VIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage du français qui s'est tenu à Hanoi les 14, 15 et 16 novembre 1997 a marqué un tournant dans l'histoire de la francophonie.

1. Le Sommet de Hanoi : une opportunité pour la francophonie en Asie

Après la tenue de Sommets en Europe, en Amérique du Nord, à Québec, dans l'Océan indien,, à l'île Maurice, puis sur le continent africain à Cotonou,, la tenue du VIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Hanoi au coeur de l'Asie du Sud-Est, symbolise l'universalité d'une francophonie implantée sur les cinq continents.

L'organisation de ce VIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Hanoi a également été un événement important pour l'affirmation de la présence francophone en Asie du Sud-Est et au Vietnam.

Bien que très minoritaire dans cette région du monde largement acquise à l'utilisation de l'anglais dans les échanges internationaux, la langue française suscite un réel regain d'intérêt dans nombre de pays d'Asie et d'Océanie. Sa pratique et son enseignement progressent non seulement dans les quatre pays francophones, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et le Vanuatu mais également en Chine ou au Japon où le nombre des départements universitaires consacrés au français progresse. Dans ce contexte, la tenue du Sommet au Vietnam est venue conforter la présence francophone dans cette région du monde. Elle a, en effet, contribué à faire connaître la francophonie dans des pays où elle est peu présente comme le Bruneï, la Malaisie, la Thaïlande et à développer des projets de coopération francophone dans les pays où elle est mieux implantée.

Le Sommet de Hanoi a également permis de renforcer les relations entre la France et le Vietnam. Le choix de Hanoi est, en effet, une consécration des efforts accomplis par la France pour favoriser la réinsertion du Vietnam dans les réseaux des relations internationales. Ce Sommet a également permis au Vietnam de montrer sa capacité à organiser une manifestation d'une telle ampleur, de promouvoir son image et son prestige dans la région et de manifester sa volonté d'ouverture à toute la communauté francophone. Il a, en outre, été l'occasion de renforcer les moyens de l'enseignement du français au Vietnam et plus généralement d'accroître notre coopération culturelle avec ce pays.

Ainsi, la contribution de la France à l'organisation du Sommet qui s'est élevée à 75 millions de francs a permis, outre la construction du centre de conférence internationale où se déroulera l'essentiel des travaux du Sommet, la mise en place de programmes de formation linguistique et professionnelle.

Parallèlement, six projets de coopération financés par de nombreux opérateurs francophones ont permis de renforcer la présence culturelle francophone au Vietnam : la réalisation d'un musée national d'ethnographie, l'ouverture d'une librairie française et francophone au centre de Hanoi, la création d'une salle de cinéma de 900 places consacrée à la diffusion de films français et francophones, l'installation de l'école française internationale dans de nouveaux locaux, l'extension de l'école semi-publique de technologie informatique et la rénovation de l'équipement du lycée de Chu Van An de Hanoi.

2. Les acquis du Sommet

a) L'élection du premier secrétaire général de la francophonie devrait consacrer le rôle politique de la francophonie

La réforme des institutions, et en particulier l'élection du premier secrétaire général de la francophonie, témoigne de la volonté de créer une francophonie politique à partir d'une communauté fondée jusque-là essentiellement sur une coopération culturelle et technique.

Certes, la dimension politique de la francophonie n'est pas une nouveauté. Depuis dix ans, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont réunis six fois. Les Sommets ont toujours débordé largement les aspects purement culturels ou linguistiques de la coopération francophone.

Mais c'est la première fois, qu'une réforme des institutions francophones a pour objectif de renforcer le rôle politique de la francophonie.

I l a fallu, en effet, plus de trente ans pour que le concept de francophonie politique s'impose. En 1970, à Niamey, peu d'années après la principale vague d'indépendances d'anciens territoires français, et alors que les mouvements d'émancipation du Québec et d'autres communautés de langue maternelle française n'en étaient encore qu'à leurs débuts, le mouvement d'organisation de la francophonie ne pouvait pas se traduire immédiatement dans des institutions politiques. Il ne déboucha donc que sur la création de l'Agence de coopération scientifique et technique, l'ACCT,CCT qui n'avait pas de vocation politique.

En 1986, le premier Sommet de la Francophonie, réunissant quarante chefs d'Etat et de gouvernement à Versailles, fut un premier pas vers la reconnaissance de la vocation politique de la fFrancophonie.-communauté.

Parallèlement furent progressivement rapprochées les institutions mises en place par la convention de l'ACCT (agence), et lors des Sommets, par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Les divers organismes concourant à la coopération multilatérale francophone furent également intégrés dans les institutions de la francophonie. Ainsi l'Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) fut progressivement reconnue comme Assembléeune sorte de Parlement consultativef de la francophonie et devint l'Assemblée internationale des parlementaires de la langue française. L'AUPELF (association des universités partiellement ou entièrement de langue française), née en 1961 d'une initiative québéco-franco-marocaine, devenue en 1987 AUPELF-UREF (Université des réseaux d'expression française) fut reconnue à côté de l'ACCT, comme un opérateur de la francophonie, privilégié, voire exclusif, pour l'enseignement supérieur et la recherche. La chaîne internationale TV5, née en Europe, étendue assez vite aux cinq continents, l'université Senghor d'Alexandrie, puis l'AIMF (Association internationale des maires des capitales et métropoles francophones) furent de même promus au statut d'opérateurs directs de la francophonie.

La lenteur et les difficultés de cette évolution vers une architecture politique cohérente de la francophonie s'expliquent d'abord par la rémanence, en France comme ailleurs, d'interrogations sur l'opportunité même de construire une communauté politique solidement organisée. Elles s'expliquent aussi par la concurrence de deux logiques : celle plus institutionnelle, du traité de l'ACCT(Agenceà et celle, plus pragmatique, à la fois de la Conférence des chefs d'Etat et des la décentralisation des initiatives décentralisées desinitaitves (collectivités territoriales et des organisations non-gouvernementales).

ORGANIGRAMME DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

DE LA FRANCOPHONIE


CONFÉRENCE DES CHEFS D'ETATS ET DE GOUVERNEMENT AYANT LE FRANÇAIS EN PARTAGE (SOMMET DE LA FRANCOPHONIE)

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE LA FRANCOPHONIE

CONSEIL PERMANENT DE LA FRANCOPHONIE PRÉSIDÉ PAR LE SECRETAIRE GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE

AGENCE DE LA FRANCOPHONIE

ASSEMBLÉE CONSULTATIVE DE LA FRANCOPHONIE

AIPLF

OPÉRATEURS DIRECTS

AUPELF-UREF

TV5

Université Senghor d'Alexandrie

AIMF

Dans ce contexte, le VIIe Sommet marque sinon un aboutissement, du moins une étape déterminante dans la réforme des institutions francophones. Préparée en décembre 1996 à Marrakech par la conférence ministérielle de la francophonie (CMF), la mise en uvre de la nouvelle charte de la francophonie, et en particulier l'élection d'un secrétaire général de la francophonie, permettent d'aborder le biennum 1998-1999 avec des institutions rénovées.

Il fallait pour ce poste un homme qui soit susceptible d'intéresser les médias et d'imposer son autorité aux grands dirigeants de ce monde. De ce point de vue, l'élection de M. Boutros-Ghali est un atout pour la francophonie. Sa notoriété lui garantit une audience aussi bien auprès des médias qu'auprès des chefs d'Etat et des responsables des grandes institutions internationales.

Elu pour quatre ans, M. Boutros-Ghali sera non seulement le porte-parole et le représentant de la francophonie mais également l'ordonnateur des décisions prises par les chefs d'Etat puis les ministres et le coordonnateur des actions diligentées par l'Agence de la francophonie et les opérateurs directs de la francophonie.

L'élection du secrétaire général s'inscrit au coeur d'une réforme plus large des institutions de la francophonie qui s'est traduite par l'adoption de la charte de la francophonie dont les principales dispositions avaient été préparées lors du Sommet de Marrakech.

La charte de la francophonie revoit, sans le bouleverser, l'ordonnancement des organes de la francophonie tel qu'il était prévu dans la charte de l'ACCT.

La conférence ministérielle est toujours chargée de préparer et de veiller à l'application des décisions arrêtées par les Sommets. En revanche, elle peut désormais siéger comme conférence du Sommet ainsi que comme conférence générale et à ce titre nommer l'administrateur général de l'Agence de la francophonie sur proposition du secrétaire général .

Le conseil permanent de la francophonie (CPF) est présidé par le secrétaire général. Il est désormais ouvert à l'ensemble des membres du Sommet. Outre ses attributions traditionnelles, le CPF exerce, conformément au souhait de la France, le rôle de conseil d'administration de l'Agence de la francophonie. Il s'agit là d'un point important, car la conférence de Marrakech avait abouti à confier à la conférence ministérielle de la francophonie, le rôle de conseil d'administration de l'Agence de la francophonie. Or cette disposition présentait l'inconvénient de diminuer les pouvoirs du secrétaire général qui n'a pas voix délibérative au sein de la conférence ministérielle et de permettre à l'Agence et à son administrateur de soumettre sa programmation directement aux ministres. Le CPF par son caractère permanent et la connaissance précise des dossiers que ses membres peuvent acquérir présentaite le profil attendu d'un conseil d'administration.

L'innovation majeure de la charte demeure l'introduction d'un poste de secrétaire général qui dispose de pouvoirs étendus :

- conformément à l'article 6 de la charte, " il est le plus haut responsable de l'Agence de la francophonie,

- il est responsable du secrétariat de toutes les instances de la francophonie, aux sessions desquelles il assiste,

- il est le président exécutif du Conseil permanent, dont il prépare l'ordre du jour. Il ne prend pas part au vote. Il veille à la mise en oeuvre des mesures adoptées. Il en rend compte.
"

Aux termes de l'article 7, " le secrétaire général est le porte-parole politique et le représentant officiel de la francophonie au niveau international ".

En cas d'urgence, il " saisit le conseil permanent et, compte tenu de la gravité des événements, le Président de la conférence ministérielle, des situations de crise ou de conflit dans lesquelles des membres peuvent être ou sont impliqués. Il propose les mesures spécifiques pour leur prévention, éventuellement en collaboration avec d'autres organisations internationales . "

En outre, " les instances de la francophonie donnent au secrétaire général des délégations générales de pouvoirs qui découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa fonction. Notamment, le secrétaire général décide de l'envoi de missions exploratoires. Il propose au CPF l'envoi de missions d'observation d'élections "

Enfin, en matière de coopération, l'article 6 dispose que " le secrétaire général propose aux instances, conformément aux orientations du Sommet, les axes prioritaires de l'action francophone multilatérale. Ainsi, il propose la répartition du fonds multilatéral unique, ordonne les décisions budgétaires et financières qui y sont relatives et est responsable de l'animation de la coopération multilatérale francophone financée par le FMU ".

Dans la continuité du Sommet de Maurice, la charte de la francophonie reconnaît, par ailleurs, à l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) le statut d'assemblée consultative de la francophonie. Une procédure de consultation et d'information réciproque est instituée entre l'AIPLF et les instances décisionnelles de la francophonie. La charte de la francophonie prévoit en effet :

- la transmission réciproque des informations, des décisions, des rapports et autres documents de l'AIPLF, des Sommets et toutes instances de la francophonie ;

- la participation de représentants de l'AIPLF sur des sujets précis aux travaux des Sommets, de la CMF et du CPF, cette participation n'emportant pas présence continue de l'AIPLF aux travaux du Sommet et des instances ;

- la participation de représentants de la CMF et du CPF aux travaux de l'AIPLF et de ses commissions ;

- une commission mixte AIPLF-CPF qui se réunira au moins deux fois par an, à la diligence des deux parties ainsi qu'une commission mixte AIPLF-CMF qui se réunira au moins une fois par an, à la diligence des parties.

En application de ces nouvelles dispositions, votre rapporteur, en qualité de secrétaire général de l'AIPLF, a présenté un avis de l'AIPLF sur l'Etat de droit au Sommet de Hanoi.

Avec la réforme des institutions, la francophonie multilatérale s'est dotée de nouveaux moyens pour faire entendre sa voix. Il reste à les mettre en oeuvre. La francophonie sera, en effet, jugée sur sa capacité à prendre position sur les sujets qui préoccupent le monde. Une francophonie politique implique, en effet, des actions pour développer la solidarité entre les pays du Nord et du Sud, pour aider les pays francophones à consolider l'Etat de droit et la démocratie, pour promouvoir l'usage du français dans les pays où les élites le pratiquent encore peu mais aussi pour alphabétiser les zones francophones où le niveau de scolarité est insuffisant.

Ainsi, la francophonie doit avoir comme ambition de contribuer, à sa mesure, au développement culturel et à la paix dans l'espace francophone.

DOr de ce point deu vue, les drames humains que continuent à vivre les régions des grands lacs, l'évolution de la situation au Zaïre, devenue République démocratique du Congo, et les troubles survenus à Brazzaville et en République centrafricaine illustrent le chemin à parcourir pour créer une véritable solidarité francophone susceptible de contribuer au maintien de la paix.

b) La reconnaissance de la dimension économique de la communauté francophone devrait permettre la promotion d'un espace économique francophone

Jusqu'au Sommet de Hanoi, la francophonie se voulait avant tout un espace de solidarité culturelle. Si elle touchait à l'économie par certains aspects comme la solidarité pour le développement, elle reculait cependant devant le concept " d'espace économique francophone ". Le VIIe Sommet a innové sur ce point en faisant des échanges économiques et commerciaux francophones un des thèmes principaux de discussion.

L'espace économique francophone se doit évidemment de respecter ne contredira pas les différents engagements de ses membres  : tels au sein de l'Union européenne, de tels dans l'ALENA, outels dans d'autres ensembles politico-économiques régionaux., et, presque tous, dans l'O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce).

La communauté francophone devrait cependant pouvoirt de remplir les espaces résiduels et interstitiels de ces ensembles, ni agir collectivement, avec le poids de ses quarante-neufpresque cinquante membres, comme en 1993 lors des négociations du du combat au GATT pour " l'exception culturelle " au sein -cette fois- de l'OMC, pour promouvoir ses intérêts propres et ceux de ses membres. On peut de même imaginer des politiques visant àPar exemple, précisément, pour favoriser une meilleure circulation en son sein des biens et services culturels ou à créer un environnement juridique favorable aux échanges économiques et commerciaux ou encore pour appuyer les intégrations et coopérations régionales entre ses membres. et développer le partenariat d'entreprises.

3. La programmation de la coopération francophone pour le biennum 1998-1999les années 1997-1998

La programmation de la coopération francophone des principaux opérateurs de la francophonie s'articulera pour le biennum 1998-1999 autour de 5 programmes définis à Hanoi :

- espace de liberté, de démocratie et de développement ;

- espace de culture et de communication ;

- espace de savoir et de progrès ;

- espace francophonie, économie et développement ;

- la francophonie dans le monde.

La date tardive du Sommet de Hanoi a conduit à repousser la tenue de la conférence ministérielle chargée d'arbitrer la répartition des engagements financiers des Etats contributeurs entre les différents programmes et contre les opérateurs. Aussi, ne disposons-nous que de l'évaluation effectuée par chaque opérateur sur sa programmation.

L'Agence de la francophonie prévoit pour l'ensemble de la programmation annuelle du biennum 1998-1999, 156 millions de francs, en augmentation de 11 % par rapport au budget du biennum précédent :

- programme " Espace de savoir et de progrès " : 28 millions de francs destinés notamment à des actions en faveur de l'éducation de base (12 millions de francs), de l'usage du français dans le monde (7 millions de francs), de la formation professionnelle et technique (5 millions de francs) et de la refondation des systèmes éducatifs (0,5 million de francs) ;

- programme " Espace de culture et de communication " : 79 millions de francs dont 58,5 millions de francs pour les actions culturelles et audiovisuelles et 20,5 millions de francs pour les inforoutes et technologies de l'information ;

- programme " Espace francophonie, économie et développementdéveloppeemnt " 23,5 millions de francs consacrés à la création et au développement d'entreprises (10 millions de francs)et , aux secteurs de l'énergie (8,5 millions de francs) et de l'environnement (5 millions de francs) ;

- programme " Espace de liberté, démocratie et développement "  : (20 millions de francs) destinés à des actions en faveur de l'appui au système judiciaireà la justice, la collecte, gestion et diffusion du droit deet la coopération interparlementaire et des droits de l'Homme (3 millions de francs), à l'accompagnement des processus électoraux (2,5 millions de francs) et à la prévention des conflits. Il est, en outre, prévu de financer la création d'un e l'observatoire de la démocratie. Cet observatoire placé sous l'autorité du secrétaire général de la francophonie serait principalement chargé de l'élaboration de rapports périodiques sur la situation dans certaines régions, de la diffusion d'informations relatives à la démocratie et aux droits de l'Homme, de la mise en place des formations destinées aux personnels judiciaires ou aux responsables de la gestion locale, de l'organisation de missions d'observation d'élections, de médiation ou de bons offices, à la demande des Etats ;

- programme " La francophonie dans le monde "  : (5,5 millions de francs) affectés à l'aide à la traduction et à la formation de fonctionnaires internationaux.

Les propositions budgétaires de l'AUPELF-UREF pour le biennum 1998-1999 s'élèvent à 290 millions de francs pour 1998 contre 166 millions de francs en 1997, soit une progression de 74,6 %. Ces crédits se répartiraient de la façon suivante :

- fonds francophone de la recherche : 67,5 millions de francs pour 1998 contre 45,6 millions de francs en 1997 ;

- fonds régional pour l'enseignement supérieur : 15,35 millions de francs pour 1998 ;

- fonds francophone universitaire de la formation : 117,1 millions de francs pour 1998, contre 64,4 millions de francs en 1997, destinés aux classes bilingues et filières universitaires francophones au Vietnam, Laos et Cambodge, et à la mise à niveau linguistique au Liban, en Moldavie et au Vanuatu ;

- fonds francophone universitaire de l'information : 53,7 millions de francs contre 1998 contre 29,4 millions de francs en 1997 destinés au réseau électronique francophone, à l'université virtuelle francophone, et à la médiathèque francophone ;

- " La francophonie au quotidien " : 4 millions de francs pour 1998 contre 2,35 millions de francs en 1997 ;

- " Le français dans le monde " : 3,5 millions de francs pour 1998 contre 1,6 million de francs en 1997 ;

L'université Senghor d'Alexandrie prévoit un budget, pour deux promotions de 85 auditeurs chacune, de 20,6 millions de francs.

TV5 a défini un projet de budget pour le biennum 1998-1999 d'un montant de 18,5 millions de francs qui se décompose ainsicomme suit :


- 8,5 millions de francs MF pour TV5 Afrique ;

- 9 millions de francs MF consacrés à une s Série d'émissions " d'enseignement du français ; "

- 1 million de francs MFaffectés à des actions en faveur de l'usage du français sur les inforoutes.

Le programme de coopération francophone présenté par l'AIMF pour le biennum à venir s'élève à 21 millions de francs et porte sur 3 types de projets :

- formation des élus, cadres et agents municipaux : 4 millions de francs par année ;

- informatisation des états civils : 7,5 millions de francs par an ;

- projets urbains : réhabilitation de voirie, construction de centres de santé et de marchés, assainissement et traitement des déchets : 9,5 millions de francs.

Alors que ces programmations sont en cours d'examen, votre rapporteur s'étonne que l'on ne dispose pas d'un bilan des actions menées pendant le dernier biennum ni même du degré de consommation des crédits qui y ont été affectés. Il serait souhaitable qu'une évaluation systématique des projets menés par les opérateurs soit effectuée. Il ne s'agit nullement de jeter le soupçon sur les opérations menées ; bien au contraire, une évaluation indépendante permettrait d'asseoir la crédibilité des opérateurs et de mieux orienter les financements.

B. LA FRANCOPHONIE DU QUOTIDIEN

Quelques jours après le Sommet de Hanoi, il importe de rappeler que la francophonie n'est pas seulement un domaine réservé des chefs d'Etat et de gouvernement et des grandes réunions internationales. Il y a, en effet, à côté de la francophonie institutionnelle, une francophonie du quotidien, celle des multiples associations qui militent pour la langue française, celle des collectivités territoriales, de plus en plus présentes dans les projets de coopération francophone, celle enfin des étudiants étrangers qui apprennent notre langue. Cette francophonie de terrain, votre rapporteur voudrait lui rendre hommage, montrer à quel point elle est nécessaire et mérite le soutien des pouvoirs publics.

1. Un réseau associatif actif

De façon discrète mais avec opiniâtreté et dévouement, de nombreuses associations agissent inlassablement pour la promotion de la francophonie. Ces associations sont souvent plus anciennes que les structures institutionnelles de la francophonie . Avant d'être une préoccupation des pouvoirs publics, la promotion de la francophonie a, en effet, souvent été l'oeuvre d'organismes privés conduits, par des hommes et des femmes soucieux de diffuser la langue et la culture françaises.

Certaines de ces associations ont ainsi été créées avant la seconde guerre mondiale, en particulier :  :l'Alliance française fondée en 1883 qui depuis est restée au premier rang pour l'enseignement du français aux étrangers ; la Mission laïque française créée en 1902 ; le Comité catholique des amitiés françaises à l'étranger fondé en 1915 ; la Fédération des professeurs français résidant à l'étranger (FPFRE) créée en 1932.

D'autres, aujourd'hui très actives ont été créées dans les années cinquante et soixante notamment : l'Association internationale des journalistes de langue française, fondée à Paris en 1953 ; l'association Défense de la langue française, créée en 1959 ; l'Association des écrivains de langue française (ADELF), créée en 1965.

La mobilisation des associations en faveur de la francophonie n'est donc pas nouvelle. Elle a pris cependant de l'ampleur à partir des années quatre-vingt avec le développement par les pouvoirs publics d'une véritable politique francophone et d'une plus grande prise de conscience des enjeux linguistiques qui a abouti en particulier à l'adoption de la loi Toubon.

Le mouvement associatif francophone représente aujourd'hui plus de 350 associations de défense de la langue française et de promotion de la francophonie qui interviennent dans des secteurs d'activités très variés.

On recense naturellement un grand nombre d'associations dans le domaine culturel et éducatif telles que les associations d'étudiants, d'enseignants, de professeurs de lettres, d'écrivains, de journalistes, d'éditeurs, d'amateurs de littérature, de théâtre et autres expressions artistiques francophones. Il existe également de nombreuses associations dans des secteurs a priori plus éloignés des enjeux linguistiques tels que l'informatique, l'électricité, l'ingénierie, la médecine, et la comptabilité.

Parmi ces associations, seules la moitié sont françaises, les autres proviennent d'Afrique, d'Amérique du nord, et d'Europe. On compte en particulier une cinquantaine d'associations pour le seul Canada. Les associations sont ainsi implantées dans la totalité des 49 pays membres de la communauté francophone.

· Ces associations jouent un rôle incontournable en matière de coopération francophone. Grâce à la mobilisation de personnes essentiellement bénévoles, elles mettent en place des projets de coopération dans des secteurs très variés.

Ainsi, l'Association générale des intervenants retraités pour l'action de bénévoles pour la coopération et le développement (AGIR-abcd) qui rassemble des anciens instituteurs et professeurs met en place des structures d'enseignement et de loisirs culturels francophones dans une trentaine de pays dans le monde. De 1994 à 1996, les adhérents d'AGIR ont ainsi assuré 336 missions d'enseignement en français représentant 33.750 journées de présence sur le terrain.

De même, les animateurs du Conseil francophone de la chanson (CFC) et les pédagogues de l'Association francophone internationale des directeurs d'établissements scolaires (AFIDES) ont-ils, avec l'aide de l'Agence de la francophonie, réalisé et diffusé en milieu scolaire des chansons francophones. Dans le secteur de l'édition, il faut citer également l'action de l'Association pour la diffusion internationale francophone de livres, ouvrages et revues (ADIFLOR) qui, grâce aux dons de nombreux éditeurs, envoie chaque année plus d'une centaine de tonnes de livres français dans plus de 40 pays.

La majorité des projets soutenus par les associations de promotion de la francophonie concerne des projets culturels, ils ne se limitent cependant pas à ce secteur. Les associations jouent un rôle actif en matière de développement en particulier dans le domaine de la scolarisation des enfants. Certaines associations se sont également engagées dans des actions en faveur de la promotion des droits de l'homme et de la démocratie : ainsi le Comité syndical francophone de l'éducation et de la formation (CSFEF) a organisé en juin 1997 au Burkina-Faso, une session de formation sur " la didactique des droits de l'homme " destinée à des enseignants de 13 pays de la zone subsaharienne et en juillet 1997, au Vietnam, un séminaire destiné aux enseignants vietnamiens sur la nécessaire adaptation de l'éducation dans un pays qui s'ouvre à l'économie de marché.

· Les associations de promotion de la francophonie et de la langue française constituent également des interlocuteurs incontournables dans la mise en oeuvre d'une politique pour la langue française. Par leur mobilisation et leur vigilance et grâce à l'information recueillie par leurs adhérents, les associations constituent des relais précieux pour l'application de la législation relative à l'emploi de la langue française.

C'est pourquoi la loi du 4 août 1994 a prévu que des associations bénéficiant d'un agrément puissent exercer les droits reconnus à la partie civile dans certains litiges concernant l'information du consommateur (articles 2, 3 et 4), les colloques internationaux organisés en France (article 6), les publications, revues et communications diffusées en France par les services publics (article 7), les offres d'emploi (article 10).

Par un arrêté du 3 mai 1995, signé conjointement par le ministre de la justice et le ministre de la culture et de la francophonie, cet agrément a été donné, pour trois ans, à cinq associations choisies en raison de leur vocation générale à défendre la langue française ou du rôle qu'elle jouent dans des secteurs particulièrement sensibles : l'Association francophone d'amitié et de liaison (AFAL) ; Avenir de la langue française (ALF) ; l'Association des informaticiens de langue française (AILF) ; le Conseil international de la langue française (CILF), association reconnue d'utilité publique en 1972 ; Défense de la langue française (DLF). Quatre des cinq associations agréées se sont regroupées dans l'association Droit de comprendre, afin de fédérer et coordonner les efforts du secteur associatif dans le domaine de l'application des dispositions législatives relatives à l'emploi de la langue française.

Ces associations interviennent de façon graduelle en fonction de la gravité des manquements à la loi, soit par des rappels oraux et écrits aux professionnels concernés, soit par des recours contentieux. Ainsi, l'association Défense de la langue française a procédé en 1996 à plusieurs milliers de rappels oraux et écrits. Quant à l'association Droit de comprendre, elle a enregistré 380 signalements d'infractions, envoyé 162 courriers ainsi que 89 relances. Les associations agréées ont également utilisé le droit de se porter partie civile dans les litiges relatifs à certains articles de la loi du 4 août 1994. Ainsi, l'association Défense de la langue française a signalé plusieurs affaires aux directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dont une a abouti à une action conjointe avec le ministère public et à une condamnation par le tribunal de police de Paris d'une entreprise commerciale pour manquement à l'obligation de traduction en français des informations relatives à un produit.

· Les associations de promotion de la francophonie participent également à des actions de sensibilisation et d'information sur les enjeux linguistiques aussi bien au niveau international qu'au niveau national.

Au niveau international, l'AFAL joue notamment un rôle de trait d'union entre toutes ses associations membres, fournissant un support logistique aux moins pourvues et assurant la représentation dans les organisations internationales des associations qui ne peuvent y participer. Son bulletin trimestriel, Liaisons, revue des associations ayant le français en partage , édité à 800 exemplaires, diffuse des informations sur la situation de notre langue et la politique menée par la France et la communauté francophone.

Pour sa part, Avenir de la langue française a envoyé à plus de deux cents personnalités un dossier sur les problèmes linguistiques et culturels posés au sein de l'Union européenne, dossier dont ont été saisis les négociateurs de la Conférence intergouvernementale (CIG) et dont a été tiré le texte d'un appel paru dans la presse en mars 1997.

Avenir de la langue française est également intervenue à de nombreuses reprises auprès du gouvernement français et d'organisations internationales afin que soit pleinement respecté le statut du français, langue officielle et de travail, notamment dans les institutions de l'Union européenne et à l'OCDE.

Sur le territoire national, les associations s'emploient à faire mieux connaître au grand public les enjeux linguistiques. Grâce à ses sections de province, Défense de la langue française dispose d'un réseau permettant d'animer partout en France des manifestations de promotion de la langue française. Tout au long de l'année, la revue trimestrielle Défense de la langue française , diffusée à 3.600 exemplaires, s'est régulièrement fait l'écho auprès des adhérents des travaux des commissions de terminologie, des manifestations organisées autour de la langue et du bilan de l'application de la loi du 4 août 1994.

Avenir de la langue française et Défense de la langue française contribuent enfin à l'amélioration de l'emploi du français dans les médias. Avenir de la langue française intervient auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur des émissions précises (titres, contenu) et les adhérents de la section parisienne de Défense de la langue française accomplissent bénévolement pour le CSA une observation linguistique des chaînes télévisées.

Les associations oeuvrant pour la défense de la langue française et la promotion de la francophonie exercent l'essentiel de leurs activités grâce au concours bénévole de leurs membres. Seule une petite minorité reçoit des subventions de la part de la Délégation générale à la langue française, du service des affaires francophones du ministère des affaires étrangères, ou du secrétariat d'Etat à la coopération qui permettent de financer des opérations coûteuses telles que, par exemple, l'envoi de livres dans les pays en voie de développement, le recours contentieux pour l'application de la loi Toubon, ou la publication de revues d'information.

Or, force est de constater que le montant de ces subventions, au demeurant modeste, ne cesse de diminuer suite à la baisse régulière des budgets consacrés à la promotion de la francophonie. Ainsi le budget consacré par le service des affaires francophones aux associations a diminué depuis 1994 de plus de 60 %.

En outre, les budgets affectés aux subventions de ces associations sont chaque année victimes des mesures de régulation budgétaire. Ainsi, l'annulation en juillet dernier de 2,7 millions de francs sur les crédits du service des affaires francophones a-t-il entraîné la suppression des subventions de plus de 25 associations. Ces mesures de régulation qui frappent le budget des associations sans qu'elles puissent à l'avance s'y préparer, conduisent dans de nombreux cas à la cessation de leurs activités.

Votre rapporteur pourrait admettre que dans certains cas, ces mesures soient une occasion pour les services de l'Etat de supprimer ou diminuer la subvention d'associations qui n'ont pas rempli les objectifs sur lesquels elles s'étaient engagées. La suppression des subventions d'associations aussi anciennes et actives que les Amitiés acadiennes ou France-Louisiane montre cependant que ces mesures sont le plus souvent aveugles et touchent parfois des associations parmi les plus dynamiques. Certes, ces associations doivent en cette période participer à l'effort de rigueur qui s'impose à l'ensemble des organismes subventionnés comme aux services de l'Etat. Mais on peut toutefois douter que la suppression de dotations qui s'élèvent en moyenne à 50.000 francs par an permette de réduire les déficits publics. En outre, dans le domaine de la francophonie, comme dans d'autres, les associations, avec peu de moyens, prolongent et démultiplient l'action de l'Etat.

2. Des collectivités territoriales de plus en plus mobilisées

Au côté et souvent avec les associations, les collectivités territoriales mènent à travers la coopération décentralisée une action de plus en plus importante en faveur de la francophonie.

Depuis des décennies, de nombreuses villes ont engagé avec des communes de pays ou de régions francophones des opérations de jumelage. Il a toutefois fallu attendre la loi du 6 février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République pour que la coopération décentralisée ait un fondement juridique et soit véritablement encouragée.

L'action extérieure des collectivités territoriales constitue depuis un complément substantiel à celle de l'Etat, en particulier vis-à-vis des pays francophones du Sud. Cette politique de coopération s'exerce soit directement par le biais de conventions entre collectivités territoriales sur des projets précis, soit indirectement à travers des organisations non gouvernementales. Les crédits affectés à ces opérations s'élèveraient, selon le délégué pour l'action extérieure du ministère des affaires étrangères, à plus d'un milliard de francs. Cela représente, à l'échelle des crédits consacrés par l'Etat à la coopération francophone, un montant considérable qui illustre le dynamisme des collectivités territoriales dans ce domaine.

Certes, ces projets ne concernent pas tous directement la francophonie. Seuls 44 % des projets relèvent, en effet, de l'action culturelle ou éducative, la majorité étant des projets humanitaires, sanitaires ou économiques. Mais tous concourent cependant d'une façon ou d'une autre à l'image de la France et du français. Ces projets s'orientent, en outre, majoritairement vers des pays francophones. Une étude menée par le Haut conseil de la francophonie a dénombrés 43 pays dans lesquels des actions de coopération décentralisée se sont déroulées. Les Etats où ont été recensées le plus grand nombre d'actions sont des pays francophones tels que le Burkina Faso, le Bénin, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, la Tunisie, le Maroc, le Togo, la Mauritanie et le Mali.

L'enquête menée par le Haut conseil de la francophonie souligne certaines initiatives particulièrement intéressantes. En matière éducative, l'association " San Mali " du département de Haute-Marne a mené au Mali plusieurs opérations visant à augmenter les structures d'accueil scolaire et à améliorer les conditions de vie des élèves maliens.

Dans le domaine culturel, la région Alsace a organisé des tournées théâtrales au Vietnam, au Canada et dans plusieurs pays d'Afrique. Le département du Bas-Rhin a, quant à lui, mis en place au Cameroun une formation destinée aux artisans travaillant dans les filières menuiserie métal et menuiserie bois pour l'acquisition de nouvelles techniques de fabrication adaptées au marché. Ce département s'est également engagé dans la formation de fromagers au Niger ainsi que dans la formation pédagogique en alternance de deux professionnels de la filière menuiserie bois au Sénégal.

D'autres départements ou associations mènent un travail exemplaire dans le domaine sanitaire. L'association Le Pélican, d'Ille-et-Vilaine, a ainsi mis en place une action au Vietnam qui s'articule autour de trois axes principaux : la formation des hygiénistes locaux, l'éducation de la population aux problèmes liés à l'eau, à l'hygiène et enfin aux soins primaires, et l'approvisionnement en médicaments des cinq dispensaires construits dans les villages. En 1993, Le Pélican a également pris en charge 120 enfants diabétiques du Kazakhstan en leur fournissant de l'insuline.

Certaines actions de coopération décentralisée rassemblent plusieurs partenaires. Le programme franco-palestinien de Cités Unies France fédère par exemple plusieurs villes françaises qui ont décidé de se grouper afin d'augmenter leurs moyens. Seize collectivités françaises (Belfort, Béziers, Chartres, Clichy, Eybens, Gennevilliers, Gières, Hérouville Saint-Clair, La Roche-sur-Yon, Montataire, Montreuil, Romans-sur-Isère, Saint-Nazaire, Saint-Ouen, Saint-Priest) sont liées dans ce programmes à huit collectivités palestiniennes étrangères (Jéricho, Béthléem, Beït-Jala, Beït-Sahour, Hébron, Naplouse, Tulkarem, Jennine). L'objectif principal de ce programme est le développement de l'autonomie et de la démocratie locale et le renforcement des municipalités palestiniennes.

L'ensemble de ces actions contribue à développer dans les pays francophones le sentiment d'appartenance à une même communauté ; en cela elles constituent un élément important de la politique francophone et du rayonnement culturel de la France.

Le ministère des affaires étrangères et le secrétariat d'Etat à la coopération cofinancent un nombre croissant de projets. Ainsi, le montant des crédits alloués à la coopération décentralisée par le ministère des affaires étrangères a augmenté de 30 % de 1993 à 1996 puis a subi un léger tassement en 1997, à l'image des crédits alloués à la direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS AFFECTÉS PAR LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES À LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

Année budgétaire

1993

1994

1995

1996

1997

20,7 24,6 26 26,8 26,3

(en millions de francs)

De même, le ministère de la coopération, à travers le bureau des collectivités territoriales et du développement urbain, cofinance près de 160 projets par an pour un montant total de près de 48 millions de francs.

Votre rapporteur se félicite que le développement de cette solidarité entre les collectivités francophones puisse ainsi recevoir l'aide des pouvoirs publics. Il engage le gouvernement à poursuivre et à développer ces efforts.

3. Des échanges universitaires intenses

La vitalité de la francophonie s'illustre également par le nombre important d'étudiants étrangers qui chaque année viennent se former en France ou dans les filières francophones à l'étranger.

D'après les chiffres dont dispose le ministère des affaires étrangères, 130.000 étudiants étrangers sont ainsi inscrits dans des universités françaises. En comptant ceux qui sont inscrits dans des écoles ou des établissements privés, ils sont 150.000 pour 1.456.000 étudiants inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur. Ce chiffre place la France au second rang des pays d'accueil, en nombre total d'étudiants étrangers, derrière les Etats-Unis, et au premier rang en pourcentage total d'étudiants étrangers (10 %). Dans certains établissements universitaires, ils représentent près du quart de la population totale.

De ce point de vue, la France, contrairement aux idées reçues, ne manque pas d'atouts : enseignement de qualité, prix très compétitifs par rapport aux universités américaines, tradition d'accueil d'étudiants étrangers.

Les pouvoirs publics favorisent la formation des étudiants francophones de plusieurs façons. Ils soutiennent l'initiation à la langue française dans les pays francophones par une action auprès des jeunes générations, soit dans le cadre d'un enseignement national francophone, soit dans des établissements tels que les écoles françaises à l'étranger ou des établissements étrangers partiellement francophones de type bilingue où un enseignement disciplinaire en français peut être mis en place dans le cadre de notre coopération linguistique et éducative.

On estime à 100.000 le nombre d'élèves étrangers accueillis dans le réseau des établissements français et à 100.000 également le nombre d'élèves étrangers suivant une scolarité partiellement en langue française dans des établissements bilingues francophones, hors des pays francophones proprement dits.

Les administrations françaises favorisent ensuite la formation universitaire des étudiants étrangers en leur facilitant l'accès aux formations universitaires en France notamment grâce à un système de bourses, ou aux filières universitaires francophones implantées au sein d'établissements d'enseignement supérieur locaux.

Dans ce domaine les moyens d'intervention attribués au ministère des affaires étrangères et au secrétariat d'Etat à la coopération sont toutefois limités et d'une efficacité inégale. En matière de bourses pour les étudiants étrangers en particulier, la baisse continue des crédits d'intervention a conduit le ministère des affaires étrangères à une plus grande sélectivité et à une diminution de la durée des séjours financés par une bourse. Ainsi le nombre de mois financés par une bourse est-il passé, de 1992 à 1996, de 90.702 à 70.212 soit une diminution de 22,6 %.

En outre, les moyens existants sont utilisés avec une efficacité incertaine. Comme le souligne le rapport du député Michèle Alliot-Marie sur les boursiers étrangers en France 2( * ) , les actions menées en leur faveur souffrent d'un manque de coordination entre les services ministériels chargés de leur suivi, de l'absence d'objectifs clairement définis et d'une certaine inadaptation de l'offre de formation aux besoins des étudiants étrangers. Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de revoir le dispositif de soutien à la formation des étudiants francophones.

Il ne faut pas, en effet, oublier que l'accueil de ces étudiants qui pour une partie non négligeable, formeront l'élite de leur pays d'origine, constitue un atout important pour le rayonnement de la France et conditionne notre capacité à maintenir une influence et des relais dans le monde.

*

* *

La francophonie s'affirme progressivement dans les relations internationales au même titre que le Commonwealth. Dotée d'institutions rénovées, elle doit aujourd'hui manifester sa capacité à fédérer une communauté hétérogène, à contribuer au développement économique et à la consolidation de l'Etat de droit dans les pays francophones. C'est, en effet, en poursuivant ces objectifs que la francophonie acquerra une dimension politique.

A coté de la francophonie institutionnelle, la francophonie du quotidien, celle des associations, des collectivités locales et des étudiants francophones mérite un soutien accru des pouvoirs publics. Cette francophonie du terrain est, en effet, essentielle. Elle permet, avec peu de moyens, d'accompagner et souvent de démultiplier l'action de l'Etat

Enfin, la place de la langue française, patrimoine commun de la communauté francophone, élément de notre identité nationale et vecteur de rayonnement de notre pays, doit être défendue, en France, dans l'Union européenne et dans le monde.

Dans cette perpective votre rapporteur invite le gouvernement à :

- favoriser une pleine efficacité de l'action francophone en confiant à un ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères la charge des dossiers de la francophonie, des relations culturelles extérieures et de l'audiovisuel extérieur ;

- développer une politique volontariste en faveur de la langue française et du plurilinguisme dans les institutions communautaires et internationales ;

- accroître les moyens affectés aux associations francophones ;

- encourager les collectivités locales à s'investir dans des projets de coopération décentralisée ;

- favoriser l'accueil des étudiants étrangers en France.

Le rapporteur, approuvé par la commission des affaires culturelles, confirme enfin solennellement son opposition absolue à toute mesure de régulation budgétaire qui amputerait cette année encore une partie du budget de la francophonie. De telles mesures remettent en cause le principe même de l'autorisation budgétaire et risqueraient surtout d'altérer la crédibilité de notre politique francophone.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits de la francophonie inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998, au cours d'une séance tenue le mercredi 19 novembre 1997, sous la présidence de son président M. Adrien Gouteyron .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Evoquant la place du français dans les organisations internationales, M. Franck Sérusclat a regretté que certains représentants de l'Etat s'expriment parfois en public dans une autre langue que le français. Il s'est interrogé sur l'opportunité de créer un ministère chargé de la francophonie, observant que l'augmentation du nombre de ministères avait un coût. Il a enfin demandé si le contexte dans lequel l'élection de Boutros Boutros-Ghali s'était déroulée ne manifestait pas un mécontentement profond des pays africains à l'égard de la francophonie.

Evoquant la place du français dans les institutions européennes, M. Pierre Laffitte a regretté que dans le domaine de la recherche les réponses aux appels d'offre correspondant aux actions prévues par le programme-cadre de recherche et de développement (PCRD), que la France finance à hauteur de 17 %, doivent impérativement être formulées en anglais. Il a estimé que face à cette situation, les pouvoirs publics français devaient faire preuve de fermeté et éventuellement conditionner leur contribution financière au respect du statut de la langue française.

M. Ivan Renar a fait observer que la politique française en faveur de la francophonie manquait de lisibilité et a souhaité la création d'un secrétariat d'Etat à la francophonie. Il a demandé des précisions sur le rôle, le fonctionnement et le financement du secrétariat général de la francophonie. Il a fait observer qu'il était aujourd'hui difficile de considérer l'Afrique comme la seule zone de développement de la francophonie. Il a enfin regretté que le ministre de l'éducation nationale ait déclaré que l'anglais ne devait plus être considéré comme une langue étrangère, déclaration qui pourrait être mal comprise.

Mme Danièle Pourtaud s'est demandée s'il ne serait pas possible, pour clarifier la répartition des responsabilités gouvernementales en matière de francophonie, de confier ce secteur à un délégué interministériel. Après avoir souligné la nécessité de poursuivre la restructuration du secteur de l'audiovisuel extérieur, elle a jugé qu'il serait souhaitable de développer sur les chaînes de télévision francophones la diffusion d'émissions d'enseignement du français. Elle a souligné l'insuffisance du nombre de places dans les écoles et lycées français à l'étranger ainsi que le coût élevé des frais de scolarité dans ces établissements. Elle a insisté sur la nécessité de promouvoir la francophonie dans les nouveaux médias, observant que 80 % des logiciels éducatifs et culturels étaient en anglais. Evoquant la place du français en Europe, elle a relevé que l'Institut Monétaire Européen travaillait presque exclusivement en anglais.

M. Albert Vecten s'est félicité du volontarisme du rapport en soulignant que la promotion de la francophonie exigeait non seulement des crédits mais également une réelle mobilisation.

M. André Maman a souhaité que les établissements scolaires à l'étranger reviennent sous la responsabilité du ministère de l'éducation nationale. Il a regretté que les universités françaises ne se fassent pas connaître davantage à l'étranger. Il a souligné que les difficultés à obtenir un visa constituaient un frein à la venue d'étudiants étrangers en France. Il a estimé nécessaire de faciliter l'accueil des étudiants étrangers en France, et réciproquement de promouvoir la formation d'étudiants français à l'étranger. Il s'est ensuite interrogé sur les motivations réelles des pays d'Europe de l'Est à adhérer aux institutions francophones. Evoquant le statut de la langue française comme langue de communication internationale, il a souligné la situation difficile des chercheurs scientifiques qui sont condamnés à publier en anglais s'ils veulent être reconnus. Il s'est enfin enquis des raisons qui ont conduit à choisir Moncton, au Nouveau-Brunswick, comme lieu du prochain Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le française en partage.

M. André Egu a déploré la diminution des crédits consacrés aux associations francophones. Il a indiqué qu'il y avait une forte demande de projets de coopération décentralisée, à laquelle les collectivités locales françaises ne répondaient que partiellement. Evoquant l'exemple de quarante députés ukrainiens qui apprenaient le français, il a fait observer qu'il existait dans les pays de l'Est de nombreux francophiles. Il a enfin regretté que l'accueil des étudiants étrangers ne soit pas davantage facilité.

Répondant aux différents intervenants, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis , a apporté les précisions suivantes :

- la création d'un secrétariat d'Etat ou d'un ministère délégué à la francophonie, aux relations culturelles extérieures et à l'audiovisuel extérieur n'augmenterait pas le nombre des structures administratives mais permettrait d'assurer, sous l'autorité d'un seul responsable politique, une meilleure coordination et une plus grande efficacité des nombreux services qui concourent aujourd'hui à l'action francophone. Compte tenu de la dimension internationale de la francophonie, il ne paraît pas possible de confier cette responsabilité à un délégué interministériel ;

- il est inadmissible qu'un représentant de la France s'adresse en public dans une autre langue que le français. Ce type de comportement est d'ailleurs contraire à la circulaire du 12 avril 1994 relative à l'emploi de la langue française qui rappelle que les agents publics ont des obligations particulières pour assurer l'usage et le rayonnement de la langue française ;

- le mécontentement qui s'est manifesté chez certains représentants africains à l'occasion du Sommet de Hanoi ne doit pas être surestimé. Il est essentiellement lié à la politique menée par le nouveau Président du Congo-Zaïre ;

- le secrétaire général de la francophonie sera le représentant officiel de la francophonie, l'ordonnateur des décisions prises par les chefs d'Etat et le premier responsable de l'Agence de la francophonie. M. Boutros Boutros-Ghali sera secondé à ce poste par M. Dehaybe qui a été nommé administrateur de l'Agence. La contribution de la France à la mise en place du secrétariat général de la francophonie s'élèvera pour 1998 à 4 millions de francs, dépense dont on peut penser qu'elle sera compensée par l'effort de rationalisation des dépenses de l'Agence qui devrait accompagner la mise en place de ses nouvelles structures ;

- le nombre de locuteurs francophones dans le monde dépend encore largement de l'Afrique, dont la croissance démographique reste très élevée. Cependant, il faut veiller à enrayer la crise que connaît le système éducatif de certains pays africains, car le français disparaîtra si la scolarisation régresse ;

- la volonté des pays de l'Europe de l'Est d'adhérer aux institutions francophones peut tenir en partie au désir d'obtenir une reconnaissance internationale, voire une aide financière, mais elle procède aussi d'un réel attachement à la culture française. Leur adhésion devrait néanmoins être conditionnée à un certain nombre d'engagements à l'égard de la francophonie ;

- une clarification des structures de l'action audiovisuelle extérieure française s'impose effectivement ;

- la situation du français dans l'Union européenne et au Conseil de l'Europe constitue un enjeu majeur pour la francophonie. La langue française perdrait beaucoup de son influence si l'anglais devenait la langue des relations extérieures de l'Union européenne ;

- le Nouveau Brunswick comprend une importante population francophone en Acadie qui fêtera l'année prochaine le tricentenaire de la présence française en Amérique du Nord. C'est pourquoi la tenue du prochain Sommet de la francophonie à Moncton n'apparaît pas injustifiée.

A l'issue de ce débat, la commission, suivant la proposition de son rapporteur, a décidé à l'unanimité de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour 1998 .



1 Sénat, rapport n° 73 (1995-1996) - Vers un nouveau contrat pour l'enseignement des langues vivantes.

2
Assemblée nationale, Rapport n°384 (19971998)- Les boursiers étrangers en France : errements et potentialités.


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