AVIS n° 90 Tome V - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - JUSTICE : ADMINISTRATION PENITENTIAIRE


M. Georges OTHILY


Commission des lois constitutionnelles de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - AVIS N° 90 Tome V - 1997/1998

Table des matières






N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

JUSTICE :

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE


Par M. Georges OTHILY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 32 ) (1997-1998).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 26 novembre 1997 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport pour avis de M. Georges Othily, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 1998.

Elle a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Toutefois, au-delà de l'analyse purement budgétaire, elle s'est inquiétée de la situation de l'administration pénitentiaire, caractérisée par l'accroissement sensible du nombre de personnes placées en détention provisoire ainsi que par l'allongement de la durée moyenne de détention.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Selon le projet de loi de finances, le budget du ministère de la justice pour 1998 devrait s'élever à 24,8 milliards de francs, en augmentation de 946 millions par rapport à la loi de finances initiales pour 1997. 7 milliards de francs, soit 28,2 % de ces crédits, seraient consacrés à l'administration pénitentiaire.

Lors de son audition par votre commission des Lois, le mardi 25 novembre 1997, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a déclaré que la modernisation de l'administration pénitentiaire constituait l'une de ses priorités.

C'est pourquoi, dans le cadre du présent avis, votre rapporteur croit utile à l'information du Sénat de présenter, outre les crédits consacrés à cette action, la situation actuelle de l'administration pénitentiaire et les orientations du Gouvernement à son égard.

I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 1998

Avec 7,01 milliards de francs, le budget de l'administration pénitentiaire augmentera en 1998 de 3,5 % par rapport à la loi de finances pour 1997.

Le tableau figurant ci-après présente la répartition des crédits en fonction des différents titres :

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE EN 1998

(en millions de francs)

TITRE III (Moyens des services)

dont :

personnel

fonctionnement

6 712

4 146

2 566

TITRE IV (Interventions publiques)

19

TITRE V (Investissements exécutés par l'Etat)

278

TITRE VI (Subventions d'investissement accordées par l'Etat)

6

TOTAL

7 015

On observera que près de 96 % des crédits sont consacrés aux dépenses ordinaires (titres III et IV), et moins de 5 % aux dépenses en capital. Les dépenses de personnel représentent à elles seules 59 % du budget de l'administration pénitentiaire.

221 millions de francs de mesures nouvelles sont prévues pour 1998 au titre des dépenses ordinaires. Elles seront pour l'essentiel consacrées :

· à la création de 300 emplois (54,6 millions de francs) :

- 200 emplois au sein des comités de probation et d'assistance aux libérés (CPAL), pour développer les mesures alternatives à l'incarcération (160 conseillers d'insertion et de probation et 40 chefs de service) ;

- 50 emplois de surveillance, pour renforcer la prise en charge des détenus mineurs dans des quartiers spécialisés ;

- 50 emplois pour le développement du projet d'exécution de peine et le recrutement du personnel de direction des futurs établissements en cours de lancement ;

· à des mesures indemnitaires et statutaires en faveur des personnels notamment :

- 5 millions pour la réforme des statuts des corps de direction ;

- 7,4 millions de revalorisation pour les personnels administratifs ;

- une provision de 5 millions en vue de la réforme statutaire du personnel technique ;

· à un ajustement des crédits d'entretien des détenus (39,5 millions)

· à l'abondement des crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire, à hauteur de 49,4 millions ainsi répartis :

- formation continue : 2 millions ;

- renforcement des moyens matériels des services d'insertion et de probation : 10 millions ;

- mise en conformité aux normes des machines outils : 15 millions ;

- ouverture du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly (Guyane) : 8,2 millions ;

- intégration du service pénitentiaire de Polynésie : 2,4 millions ;

- divers (suivi du projet d'exécution des peines...) : 5,8 millions ;

· à l'octroi d'une indemnité de changement de résidence pour la mise en service du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly (7,8 millions, par nature non reconductibles).

En ce qui concerne les dépenses en capital, les 278 millions de crédits de paiement correspondent à 1,024 milliard de francs qui seront répartis comme suit :

- 20 millions pour le lancement d'un programme de construction de centres de semi-liberté ;

- 117 millions pour des travaux de rénovation ;

- 32 millions pour renforcer la sécurité ;

- 45 millions au titre de la délocalisation de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire de Fleury-Mérogis à Agen ;

- 810 millions pour le programme de construction de trois nouveaux établissements pénitentiaires près de Lille, Toulouse et Avignon.

II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. LES POPULATIONS PRISES EN CHARGE

1. La population carcérale

a) Le problème de la surpopulation carcérale

La surpopulation carcérale demeure, aujourd'hui comme hier, le principal défi posé à l'administration pénitentiaire.

Certes, la situation s'est très légèrement améliorée en 1996 : 54 496 détenus au 31 décembre (métropole et DOM) contre 55 043 une année auparavant (- 0,99 %).

Par ailleurs, le nombre de places de prison a augmenté ces dernières années. Il est ainsi passé, entre le 1er août 1996 et le 1er juin 1997 de 49 204 à 49 792.

Le taux d'occupation est donc passé de 111 % à 108 % entre le 1er janvier et le 31 décembre 1996.

Mais la situation demeure inquiétante. En effet, la réduction de la population carcérale constatée en 1996 tient à la diminution du nombre des incarcérations (82 860 en 1995, 79 938 en 1996 pour la métropole soit -3,5 %). Pour la première fois depuis 1989, le nombre de libérations (80 956) lui a été supérieur. Mais est trop tôt pour savoir si cette diminution, la première depuis 1990, est un phénomène conjoncturel ou marque une véritable inflexion de la tendance à l'accroissement du nombre d'incarcération.

Or, cette évolution favorable mais peut-être ponctuelle est annihilée par l'augmentation continue de la durée moyenne de détention : 7,1 mois en 1994 ; 7,6 en 1995 ; 7,8 en 1996.

Surtout, au-delà du constat d'ensemble, force est de constater l'extrême diversité des situations :

- diversité en fonction du type d'établissements, puisque le taux d'occupation va de 78 % pour les centres de semi-liberté à 131 % pour les maisons d'arrêt (90 % pour les centres de détention ; 91 % pour les maisons centrales ; 109 % pour les centres pénitentiaires),

- diversité géographique, avec une situation particulièrement alarmante en outre-mer, même si elle s'est améliorée ces dernières années. Le taux d'occupation moyen était de 169 % en 1996 (il est estimé à 145 % pour 1997). En 1996, l'outre-mer n'a d'ailleurs pas bénéficié de la diminution de la population carcérale constatée au niveau national : 2 629 personnes étaient incarcérées au 1er janvier 1997 contre 2 402 un an avant (soit + 9,5 %).

b) Le problème de la détention provisoire

Alors que le nombre de prévenus incarcérés est longtemps demeuré inférieur à 21 000, ce niveau a été dépassé en 1995. Au 1er janvier 1997, on comptait 22 521 personnes en détention provisoire, soit 41,4 % de la population carcérale (contre 39,7 % en 1996).

La durée moyenne de la détention provisoire ne cesse d'augmenter : 3,5 mois en 1992 ; 3,8 en 1994 ; 4,2 en 1996.

Il convient toutefois de relativiser l'ampleur du problème eu égard à la définition extensive de la détention provisoire en France. Elle s'applique en effet non seulement aux personnes en attente de premier jugement (mis en examen ou en attente de comparution après clôture de l'instruction ou dans le cadre d'une comparution immédiate) mais aussi à celles qui ont interjeté appel ou se sont pourvues en cassation contre une décision de condamnation. Comme le démontre le tableau ci-après, celles-ci représentent environ un dixième des prévenus incarcérés en métropole.

RÉPARTITION DES PRÉVENUS
(en métropole)

au 1er janvier

1980

%

1997

%

en cours d'instruction

11 302

71,3

15 273

71,5

en attente de comparution

2 347

14,8

3 141

14,7

comparution immédiate

463

2,9

938

4,4

en appel ou pourvoi

1 737

11,0

2 014

9,7

ensemble

15 849

100,0

21 366

100,0

Source : ministère de la Justice

(Rapport annuel d'activité de l'administration pénitentiaire)


C'est dans ce contexte qu'a été votée la loi n° 96-1235 du 31 décembre 1996 relative à la détention provisoire, entrée en vigueur en mars dernier. Il est bien entendu trop tôt pour dresser un bilan des conséquences de cette réforme.

Votre rapporteur pour avis a en revanche obtenu de la Chancellerie des statistiques sur l'application du " référé-liberté " (article 187-1 du code de procédure pénale) créé par la loi du 24 août 1993 votée à l'initiative du Président Jacques Larché.

Il résulte de ces informations que, comme l'avait déjà indiqué M. Larché lui-même, la procédure est assez peu usitée : 216 demandes en 1993 ; 397 en 1994 ; 332 en 1995 ; 394 en 1996.

En 1994, cette procédure a conduit à remettre dix-neuf personnes en liberté.

2. La population prise en charge en milieu ouvert.

Au 1er janvier 1997, 117 061 personnes étaient prises en charge par les CPAL. Certaines d'entre elles faisant l'objet de plusieurs mesures, le nombre total de mesures à cette date s'élevait à 130 345 (soit + 10,4 % par rapport à 1996) réparties comme suit :

- 74 % consistaient en des sursis avec mise à l'épreuve : 96 523 mesures (soit + 11,5 % en un an) ;

- 17,5 % consistaient en des travaux d'intérêt général (TIG) : 22 812 mesures (soit + 9,1 %). Le travail d'intérêt général a connu ces dernières années une forte croissance ; sa part au sein des mesures du milieu ouvert était en 1989 de 5 % (3 684 mesures) ;

- 4,1 % consistaient en des libérations conditionnelles : 5 356 mesures. Dans son précédent avis budgétaire, votre rapporteur avait déploré le recul constant de cette mesure, qui constitue pourtant un instrument efficace de réinsertion et de prévention de la récidive. Ce déclin n'a pas été freiné en 1996, malgré l'augmentation en valeur absolue du nombre de mesures (5 282 au 1er janvier 1996). Compte tenu de l'augmentation de l'activité des CPAL, la part des libérations conditionnelles (4,4 % au 1er janvier 1996) a continué de chuter. Cette part était proche de 20 % en 1970.

Les autres mesures prises en charge par les CPAL (auxquelles il convient d'ajouter 2 489 contrôles judiciaires) n'occupent qu'une part fort limitée : 0,8 % pour l'interdiction de séjour ; 0,6 % pour l'ajournement.

B. LES PERSONNELS

Compte tenu des 300 emplois dont le projet de loi de finances prévoit la création, les effectifs budgétaires de l'administration pénitentiaire correspondront à 25 086 emplois en 1998 (dont 19 771 emplois de surveillance) répartis comme suit :

- 23 808 (contre 23 708 en 1997) pour les effectifs en milieu fermé ;

- 1 278 (contre 1 078 en 1997) pour les effectifs en milieu ouvert.

Comme le montre le tableau ci-après, l'écart entre les effectifs réels et les effectifs budgétaires s'est réduit en 1997.

EVOLUTION DES EFFECTIFS RÉELS ET BUDGÉTAIRES DE 1996 À 1997

1996

1997

Budgétaires

Réels

Budgétaires

Réels

Personnel de direction

311

299

314

301

Personnel administratif

2 146

2 077

2 159

2 103

Personnel de surveillance

19 622

19 332

19 727

19 729

Personnel technique

667

571

673

644

Personnel d'insertion

1 199

1 045

1 239

1 167

Contractuels

129

117

129

114

Assistantes sociales

543

511

545

491

Infirmières

2

78

2

5

TOTAL

24 619

24 030

24 786

24 554

Compte tenu de l'augmentation du nombre de surveillants, plus rapide que celle du nombre de détenus, le taux d'encadrement n'a cessé de s'améliorer, quoique lentement, depuis 1994, passant, comme le retrace le tableau ci-après, de 2,85 à 2,76 détenus par surveillant.

EVOLUTION DU TAUX D'ENCADREMENT EN MILIEU FERMÉ


Année


Surveillants


Détenus
(au 1er janvier)

Ratio
(nombre de détenus par surveillant)

1994

18 795

53 500

2,85

1995

19 146

53 935

2,81

1996

19 622

55 062

2,80

1997

19 727

54 496

2,76

C. L'INDIVIDUALISATION DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ

Dans son précédent avis budgétaire, votre rapporteur avait consacré des larges développements à l'individualisation des peines privatives de liberté. Outre un déclin de la libération conditionnelle, il avait alors constaté une stagnation de la semi-liberté et du placement à l'extérieur, alors que ces mesures avaient respectivement augmenté de 30 et 34 % sur la période 1986-1995.

En 1996, le nombre d'ordonnances de semi-liberté a diminué de 2,6  % par rapport à 1995 (6 267 contre 6 437). En revanche, le nombre d'ordonnances de placement à l'extérieur, qui avait baissé de 5 % en 1995, a augmenté de 2,2 % (3 371 contre 3 299).

III. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT RELATIVES À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. LA RÉFORME DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

Dans sa communication au Conseil des Ministres du 29 octobre 1997, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la Justice, a notamment affiché son intention de limiter le recours à la détention provisoire. Pour ce faire, elle envisage de proposer une réforme législative dont les principaux axes seraient :

- la distinction entre le juge chargé de l'instruction et le juge chargé de la décision de détention ;

- l'instauration de délais pour l'information ;

- la consécration de la publicité, permettant un débat contradictoire, pour les mesures les plus importantes.

Il appartiendra à votre commission des Lois de se prononcer sur le fond de ces propositions dans le cadre de l'examen du projet de loi qui les reprendra. Elle tient toutefois d'ores et déjà à réaffirmer son attachement à la nécessité de s'assurer préalablement de la disponibilité des moyens que l'adoption d'une telle réforme ne manquerait pas de nécessiter.

B. LA RÉFORME DU MILIEU OUVERT

Lors de son audition par votre commission des Lois, le mardi 25 novembre 1997, Mme le Garde des Sceaux a rappelé que 200 des 300 créations d'emplois prévues pour 1998 dans l'administration pénitentiaire seraient consacrées à la réforme des CPAL.

Selon les informations fournies à votre rapporteur par les services du ministère de la justice et par Mme Elisabeth Guigou elle-même lors de son audition, cette réforme, sur laquelle M. Jacques Toubon avait ouvert la réflexion, reposerait sur la création de services pénitentiaires d'insertion et de probation à compétence départementale, chargés d'assurer leurs missions tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé, et dirigés par un cadre pénitentiaire, responsable de l'action des travailleurs sociaux.

Par ailleurs, une clarification des rôles respectifs du JAP et du directeur du CPAL serait opérée.

Même si la réflexion se poursuit sur ce point, il n'est pas exclu qu'une telle réforme aboutisse à confier au juge de l'application des peines les seules décisions judiciaires, le directeur étant responsable des questions administratives. Ainsi seraient concrétisées trois propositions émises par notre collègue M. le Président Guy Cabanel dans son rapport au Premier ministre " Pour une meilleure prévention de la récidive " :

- la proposition n° 13 : judiciariser les décisions du JAP ;

- la proposition n° 14 : confier la gestion administrative du CPAL à son directeur ;

- la proposition n° 15 : créer une antenne de l'administration pénitentiaire dans chaque département.

C. LES PERSPECTIVES CONCERNANT LES EFFECTIFS

1. Les réformes d'ordre statutaire

Dans le cadre de la rénovation de la grille des rémunérations et des classifications de la fonction publique entreprise en 1990, tous les statuts particuliers pénitentiaires, qui datent de 1977, ont été mis à l'étude : la réforme est réalisée pour plusieurs d'entre eux, à savoir le personnel de surveillance, les personnels administratifs ainsi que les personnels de service social et les infirmiers.

Quatre autres réformes statutaires sont actuellement en cours.

a) Les attachés d'administration et d'intendance

La première étape de la réforme du statut particulier des attachés d'administration et d'intendance a été concrétisée par le décret n° 94-758 du 30 août 1994 qui consacre notamment la fusion des deux premiers grades. Le reclassement des attachés de 1re et 2e classe dans le nouveau grade fusionné s'est effectué en 1994, rétroactivement à compter du 1er août 1993.

La seconde étape consiste en une amélioration de la carrière des attachés par la création au niveau du principalat d'un nouveau grade culminant à l'indice brut 966. Cette mesure est applicable au 1er août 1995. A l'occasion de cette modification de statut, l'administration pénitentiaire a souhaité réécrire complètement le statut particulier de ses attachés. Le projet qui a fait l'objet d'un accord des ministères chargés du Budget et de la fonction publique est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'Etat.

b) Le personnel de direction

Le statut du personnel de direction, régi par le décret n° 77-905 du 8 août 1977, avait fait l'objet d'une longue réflexion avec les organisations syndicales représentatives qui avait abouti au cours du premier semestre 1995 à la rédaction d'un projet soumis à arbitrage interministériel le 27 novembre 1996. Ainsi ont été actés les grands principes de cette réforme :

- la création d'un corps de directeurs des services pénitentiaires en trois grades dont l'indice brut terminal est fixé à 1.015 ;

- la création d'un statut d'emploi pour les directeurs régionaux avec un indice terminal en hors échelle B pour un tiers du statut d'emploi.

La particularité de cette réforme réside en l'existence d'un lien entre le grade et l'emploi qui a induit un repyramidage très favorable entre les trois grades du corps.

Les projets rédigés conformément aux dispositions de l'arbitrage interministériel ont fait l'objet d'un avis favorable du ministère chargé de la Fonction publique ainsi que du Comité technique paritaire ministériel consulté le 26 juin 1997.

Une provision de 705 517 F avait été inscrite à la loi de finances pour 1995. Cette provision avait été abondée par la suite. Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit l'inscription du solde, soit 5,078 MF, ainsi que les transformations d'emplois pour atteindre le pyramidage prévu par les nouveaux statuts.

c) Le personnel technique

Ce personnel est régi par le décret n° 77-1141 du 22 septembre 1977. L'étude de la réforme statutaire, qui s'était initialement heurtée à l'opposition des organisations représentatives, a été réorientée à partir d'une réflexion sur l'évolution des métiers techniques à l'administration pénitentiaire.

Le dialogue ayant été renoué avec les organisations syndicales, l'administration pénitentiaire a élaboré un projet de réforme de la filière en deux corps qui est actuellement en discussion avec les ministères techniques et les organisations syndicales. Ces discussions devraient aboutir fin 1997 à la consultation sur un projet achevé du Comité technique paritaire ministériel afin que la mise en oeuvre puisse se réaliser en 1998.

Pour 1998, le projet de loi de finances a inscrit une provision de 5 MF.

d) Le personnel d'insertion et de probation

Ce statut a déjà fait l'objet d'une réforme, intervenue en 1993. Depuis lors, ce personnel, qui était constitué en un corps unique à deux grades du niveau de la catégorie B, est structuré en deux corps :

- le corps des conseillers d'insertion et de probation, qui comporte deux grades et bénéficie du classement indiciaire intermédiaire ;

- le corps des chefs de services d'insertion et de probation, corps d'encadrement à grade unique classé en catégorie A.

Antérieurement ouvert aux candidats titulaires du baccalauréat ou d'un titre équivalent, le premier de ces corps voit son niveau de recrutement élevé au diplôme d'études universitaires générales (DEUG).

L'administration pénitentiaire étudie actuellement la création d'un statut d'emploi qui permette de reconnaître la place et l'importance des responsabilités confiées aux futurs directeurs de ces services.

Ce statut d'emploi, accessible par détachement sur des emplois de directeurs des services d'insertion et de probation, sera ouvert aux chefs des services d'insertion et de probation, aux conseillers techniques de service social du ministère de la Justice ainsi qu'aux personnels de direction des services pénitentiaires.

Le statut d'emploi prévoit deux catégories d'emplois en fonction de l'importance des responsabilités exercées.

Une provision de 0,5 MF est inscrite par le projet de loi de finances pour 1998 pour la réalisation des études nécessaires à l'élaboration de cette réforme statutaire.

2. Le recours aux emplois-jeunes

Sur les 350.000 emplois-jeunes prévus par la loi du 16 octobre 1997, 3.500 devraient être affectés à une activité relevant du ministère de la justice. Leur financement sera assuré à hauteur de 80 % du SMIC et des charges sociales par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Le mode de financement des 20 % restant variera selon le type d'emploi.

Pour les activités relevant de l'administration pénitentiaires, des emplois-jeunes sont prévus dans six domaines.

a) L'information et l'orientation des victimes et des justiciables dans les CPAL

Le ministère de la justice juge insuffisant le nombre de personnes chargées de recevoir le public accueilli dans les CPAL (condamnés ou victimes désireuses d'obtenir une information sur la suite donnée à leur affaire). Il considère également que l'activité de ces comités et les possibilités ouvertes par les mesures suivies sont peu connues ou sous-estimées par les partenaires potentiels de leur action, faute de temps et de supports pour assurer leur information et communiquer avec eux.

Aussi envisage-t-il de créer une cinquantaine d'emplois-jeunes, dont le rôle consisterait à :

- assurer un accueil et une première information, faire préciser le besoin ou l'objet de la visite, dédramatiser l'attente ;

- gérer un planning informatique de rendez-vous ;

- répondre à des demandes simples d'ordre juridique ou administratif, aider à l'établissement de formulaires ou à l'accomplissement de démarches liées aux mesures ;

- concevoir des documents d'information destinés aux publics et aux partenaires, sous différentes formes : imprimés, vidéo ;

- contacter des partenaires actuels ou potentiels des CPAL dans le domaine de l'hébergement, du suivi social, de la formation, dans le cadre des relations existantes ou envisagées pour développer les mesures.

Le financement des 20 % non pris en charge par le ministère de l'emploi et de la solidarité sera assuré par les collectivités locales ou les conseils communaux ou départementaux de prévention de la délinquance.

b) L'accueil des familles des détenus

Dans ce domaine, l'administration pénitentiaire envisage la création d'une centaine d'emplois-jeunes dont le rôle consisterait à :

- assurer, en liaison avec les intervenants bénévoles l'accueil des personnes venant visiter les personnes incarcérées, apporter les informations utiles sur le déroulement des visites et sur les procédures de réservation, faciliter les opérations de réservation de parloir ;

- accueillir et prendre en charge les jeunes enfants pendant la durée de l'attente ou de la visite, et assurer des activités éducatives (du type ateliers) ou ludiques en leur faveur ;

- assurer des transports gare/site et retour lorsque des dispositifs pratiques de transport urbain n'existent pas ;

- orienter vers une solution d'hébergement de nuit les familles dont l'éloignement du domicile le justifie ;

- participer aux opérations d'entretien et de maintenance courante des lieux d'accueil des familles.

Les 20 % restant à financer seront pris en charge par les communes, les caisses d'allocations familiales, les associations socio-culturelles des établissements pénitentiaires et les organismes caritatifs.

c) L'assistance individuelle à la réinsertion des personnes prises en charge

Les 150 jeunes recrutés dans ce cadre seront chargés d'aider à la préparation de la libération des détenus ou des personnes suivies en milieu ouvert. Il s'agira d'assurer, sous l'autorité des travailleurs sociaux, un rôle d'accompagnement dans la réalisation d'un parcours individualisé d'insertion sociale et professionnelle. A cette fin, ils devront :

- contribuer à l'information et à la prise en charge individualisée des détenus libérables, dans le cadre des orientations tracées par le service socio-éducatif, en participant à l'animation des dispositifs institués à cet effet dans l'établissement ;

- faciliter la relation avec les dispositifs de droit commun (hébergement, santé et soins, insertion socio-professionnelle) et l'exécution des mesures suivies par les travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire, par un tutorat individuel, et une assistance au quotidien permettant la réalisation du projet de sortie élaboré avec le travailleur social ;

- assurer un accompagnement et un appui individualisé pour la préparation et la réalisation des démarches nécessaires (établir un curriculum vitae, préparer un dossier d'indemnisation ASSEDIC ou un dossier RMI, etc.) ;

- participer à l'animation des dispositifs mis en place dans les murs des établissements ou à destination des sortants de prison par l'accueil dans les lieux (points d'information, ateliers de préparation à la sortie...), la mise à disposition de l'information fournie par les partenaires (Agence nationale pour l'emploi, Caisse d'allocations familiales, direction départementale de l'action sanitaire et sociale) ou la familiarisation avec les techniques de recherche d'information, dont la détention a privé ou désappris l'usage ;

- intervenir en appui des travailleurs et dans le cadre des mesures qu'ils ont la charge d'organiser et contrôler, pour apporter un appui individualisé dans le suivi des actions, la réalisation de démarches, la résolution des difficultés liées à l'hébergement, l'argent, la santé et faciliter la transmission d'informations entre les partenaires de la prise en charge.

d) L'élargissement de l'action sportive, culturelle et éducative en établissement pénitentiaire

L'administration pénitentiaire envisage de consacrer plusieurs centaines d'emplois-jeunes à l'assistance des professionnels (travailleurs sociaux, surveillants moniteurs de sport, enseignants mis à disposition par l'éducation nationale...) chargés d'assurer des activités éducatives, culturelles ou sportives. Cette assistance aurait pour but d'élargir les activités à des publics qui y ont peu accès (notamment les jeunes détenus et les femmes), ou de constituer des groupes restreints se prêtant à une action (pédagogique, culturelle ou sportive) plus individualisée.

Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, " les principaux domaines où les activités pourraient ainsi se développer, dans le cadre du projet d'intervention établi par les professionnels responsables du domaine et sous leur autorité, sont : la pratique sportive ; l'utilisation des bibliothèques et des supports multimédia (l'accès au livre et aux supports informatiques) ; l'enseignement de base (alphabétisation, lutte contre l'illettrisme, enseignement général) ; la culture sous toutes ses formes ".

Le financement des 20 % non pris en charge par le ministère des affaires sociales et de l'emploi releverait notamment des associations, des directions départementales de la jeunesse et du sport, des collectivités locales...

e) L'assistance à la gestion des associations socio-culturelles en établissement pénitentiaire

Le ministère de la justice rappelle que la gestion des associations chargées au sein de chaque établissement pénitentiaire du développement des activités socio-culturelles destinées aux détenus repose traditionnellement sur le bénévolat de leurs animateurs, qui sont des intervenants en milieu pénitentiaire, des fonctionnaires ou des partenaires de l'administration pénitentiaire. Il considère que ce mode de gestion ne convient plus aux besoins d'associations en charge d'un " nombre croissant d'activités et dont le développement des initiatives suppose une meilleure disponibilité des responsables pour les tâches d'orientation de l'activité, d'organisation, de relations partenariales et de contrôle ". Aussi est-il prévu de consacrer une centaine d'emplois-jeunes à l'aide à la gestion administrative et comptable des associations socio-culturelles. Celles-ci financeraient les 20 % non pris en charge par le ministère de l'emploi et de la solidarité.

f) L'action sanitaire

Plusieurs dizaines d'emplois-jeunes seraient affectés à l'assistance des structures de prévention et des professionnels de la santé de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agirait d'assurer une action d'information, d'orientation et d'accompagnement vers les dispositifs de prise en charge et les structures de soins, tout en concourant à la prise de conscience par les intéressés de l'importance des enjeux de santé. Les 20 % restant à financer relèveraient notamment des conseils généraux, des directions départementales de l'action sanitaire et sociale, des conseils communaux de prévention de la délinquance, des comités départementaux d'éducation pour la santé, de la fédération de la mutualité française.

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A l'issue de cette présentation, votre rapporteur pour avis tient personnellement à attirer l'attention de Mme le garde des Sceaux, ministre de la justice sur certaines revendications du personnel pénitentiaire qui lui apparaissent légitimes.

En premier lieu, il semblerait tout à fait normal d'affecter en priorité les personnes originaires des départements d'outre-mer aux postes vacants dans ces collectivités. Votre rapporteur pour avis ne voit en effet aucune raison d'empêcher, lorsque l'occasion s'en présente, ces personnes de se rapprocher de leur famille en leur préférant des surveillants originaires de la métropole. Une telle attitude ne ferait qu'ajouter une contrainte alors que chacun reconnaît l'extrême difficulté des conditions de travail des personnes pénitentiaires.

Par ailleurs, l'attention de votre rapporteur a été attirée sur l'évidente insuffisance du personnel prévu pour l'ouverture du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly (Guyane). Cette insuffisance n'est certes pas propre à cet établissement mais, en l'espèce, elle paraît d'autant plus regrettable que M. le directeur de l'administration pénitentiaire, au cours d'un récent voyage dans les DOM d'Amérique, avait personnellement constaté qu'il fallait renforcer les effectifs de ce nouveau centre pénitentiaire en créant au moins deux agents par unité de vie.

Enfin, le problème de l'insécurité dans les prisons se pose avec une particulière acuité dans les DOM, notamment en raison du taux d'occupation, largement supérieur à 100 % (288 % à la maison d'arrêt de Cayenne au 1er janvier 1997). C'est ainsi que, le 7 juillet 1997, des surveillants ont été victimes d'une prise d'otages. De même, un dangereux détenu, auteur d'un meurtre sur un policier à Cayenne, s'est récemment évadé de la prison de Ducos et n'a pas, à ce jour, été retrouvé, ce qui ne va d'ailleurs pas sans inquiéter gravement les habitants du département. Aussi, votre rapporteur pour avis appelle-t-il à une vigilance renforcée dans ces établissements.

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Sous le bénéfice de l'ensemble des observations qu'elle a formulées, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

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