b) La lutte contre l'immigration irrégulière

Les lois de 1993 ont permis de renforcer les moyens juridiques de lutte contre l'immigration irrégulière.

· Les conditions de délivrance des titres de séjour ont été définies de manière plus stricte, notamment en subordonnant la délivrance de plein droit de la carte de résident à la régularité de l'entrée et du séjour de l'étranger demandeur.

La loi du 24 avril 1997 a ultérieurement assuré une plus grande cohérence de la délivrance des titres de séjour, en prenant en compte des situations individuelles éminemment complexes.

· La lutte contre les mariages de complaisance -dont le développement avait été malheureusement constaté par de nombreux maires- a été renforcée.

D'une part, le contrôle a posteriori des mariages célébrés à l'étranger, à l'occasion des transcriptions sur les registres de l'état civil, a été amélioré.

D'autre part, les contrôles a priori et a posteriori pour les mariages célébrés en France ont été mieux organisés, notamment par une procédure de saisine du procureur de la République par le maire lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé est de simple complaisance ( article 175-2 du code civil).

Parallèlement, les avantages qui pouvaient résulter d'un mariage de complaisance ont été réduits ou supprimés notamment par l'exigence d'une durée de mariage d'un an pour bénéficier de plein droit de la carte de résident ( article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945) ou pour être protégé contre une mesure d'éloignement ( article 25 ).

· Le bénéfice des prestations sociales a par ailleurs été subordonné à la régularité du séjour de l'étranger, l'accès à l'aide médicale étant néanmoins maintenu -pour des raisons humanitaires évidentes- dans les conditions antérieures.

· Les conditions dans lesquelles, en dehors de tout contrôle d'identité, les titres de séjour des étrangers peuvent être contrôlés par les officiers et agents de police judiciaire ( article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945) ont été clarifiées dans une rédaction issue des travaux du Sénat.

· Le législateur a également entendu sanctionner plus efficacement les étrangers qui enfreignent la législation sur le travail clandestin et l'hébergement collectif en supprimant les protections dont bénéficiaient certaines catégories d'étrangers contre l'interdiction du territoire qui peut être prononcée pour des infractions commises en ces matières.

La loi du 24 avril 1997 a complété le dispositif de 1993 notamment en permettant, sur réquisition du procureur de la République, la visite des lieux professionnels dans le cadre de la lutte contre le travail illégal et en autorisant le retrait du titre de séjour de l'étranger employeur d'un étranger démuni d'autorisation de travail.

· Les réformes, opérées en 1993 et en 1997, ont enfin eu pour finalité de renforcer le dispositif relatif aux mesures d'éloignement à l'encontre des étrangers en situation irrégulière.

- L' article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 autorise désormais l'administration à exécuter d'office des décisions de refus d'entrée. De même, l' article 33 de la même ordonnance rend possible l'exécution directe des réadmissions d'étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d'asile dans des Etats membres de l'Union européenne ou de l' " Espace Schengen ".

- L'interdiction administrative du territoire d'une durée maximale d'un an peut être prise par le préfet à l'occasion d'une reconduite à la frontière, quand le comportement de l'intéressé le justifie ( article 22 de l'ordonnance) ou -cas nouveau prévu par la loi du 24 avril 1997- dans le cadre de la procédure de réadmission. Parallèlement, les règles de protection de certaines catégories d'étrangers contre des mesures d'éloignement ont été précisées.

Les mesures d'interdiction du territoire -qui peuvent concerner des situations diverses (infractions aux conditions d'entrée et de séjour, trafic de stupéfiants, infractions à la législation sur le travail clandestin et l'hébergement collectif et cas prévus par le code pénal)- ont été harmonisées et renforcées.

- La durée maximale de la rétention administrative -durée extrêmement brève au regard des solutions retenues par nos voisins européens- a été prolongée de trois jours (soit une durée totale de dix jours) en cas d'urgence absolue et de menace particulièrement grave pour l'ordre public ou quand l'étranger n'a pas présenté les documents nécessaires à l'éloignement ( article 35 bis de l'ordonnance).

La loi du 24 avril 1997 a renforcé ce dispositif de rétention administrative : une même décision d'éloignement peut désormais fonder, conformément à une réserve interprétative du Conseil constitutionnel, deux rétentions, sous réserve qu'elles soient espacées d'au moins sept jours. La durée de rétention au-delà de laquelle l'intervention du juge judiciaire est nécessaire pour la prolonger a été portée de 24 à 48 heures , la durée maximale de la première prolongation étant parallèlement réduite de six à cinq jours ; l'appel formé par le procureur contre la décision prise par le juge saisi de la prolongation peut désormais avoir un effet suspensif.

Enfin, l'appel des décisions du président du tribunal administratif relatives aux recours en annulation d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière sera transféré du Conseil d'Etat aux cours administratives d'appel avant le 1 er septembre 1999 .

- Outre un accroissement des pouvoirs de l'administration en matière de retrait des titres de séjour, le législateur a facilité l' expulsion pour urgence absolue : celle-ci est désormais possible sans nécessité impérieuse et sans consultation de la commission départementale. L'expulsion pour nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique peut être prononcée sans que l'urgence absolue soit requise et sans que les règles de protection contre l'éloignement soient applicables, sauf pour les mineurs ( article 26 de l'ordonnance). En cas de cumul de l'urgence absolue et de ces nécessités impérieuses, ni la consultation de la commission départementale ni les règles de protection contre une mesure d'éloignement ne sont appliquées.

- Une procédure de rétention judiciaire -d'une durée maximale de trois mois - a par ailleurs été instituée, dans le but de lutter contre les manoeuvres dilatoires, pour l'étranger qui s'est rendu coupable du délit de non présentation des documents de voyage ( article 132-70-1 du code pénal). Le domaine de la rétention judiciaire a été étendu par la loi du 24 avril 1997.

- La loi du 24 avril 1997 a également permis la rétention des passeports des étrangers en situation irrégulière par les services de police et de gendarmerie, en échange d'un récépissé.

- La même loi a autorisé le relevé et le traitement automatisé des empreintes digitales des ressortissants étrangers (non ressortissants de l'Union européenne) qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour, de ceux qui sont en situation irrégulière ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement. Les agents expressément habilités des services du ministère de l'Intérieur et de la gendarmerie nationale peuvent avoir accès aux données du fichier automatisé des empreintes digitales en vue d'identifier un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

- Compte tenu de la situation de l'immigration irrégulière dans ce département, la loi du 24 avril 1997 a prévu des dispositions spécifiques à la Guyane afin de faciliter les contrôles d'identité.

- Enfin, les visites sommaires des véhicules, à l'exclusion des voitures particulières, ont été autorisées dans les vingt kilomètres des frontières terrestres Schengen, en vue de rechercher et constater les infractions aux règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers.

Toutes ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

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