EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658
DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article premier
(article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Motivation de refus de certains visas
Suppression de l'obligation de visa pour les étrangers titulaires
d'un titre de séjour ou d'un document de circulation

L'article premier du projet de loi tend à compléter l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 d'une part, pour introduire l'obligation de motiver les refus de visa à certaines catégories d'étrangers et, d'autre part, pour dispenser du visa les étrangers souhaitant pénétrer sur le territoire français lorsqu'ils sont titulaires soit d'un titre de séjour soit d'un " document de circulation ".

A - LA MOTIVATION DU REFUS DE CERTAINS VISAS

Le I de l'article premier du projet de loi prévoit d'insérer de nouvelles dispositions dans l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de revenir partiellement sur la règle selon laquelle les refus du visa d'entrée en France n'ont pas à être motivés, règle instituée par l'article 16 de la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986.

Le visa d'entrée en France constitue un instrument essentiel pour la maîtrise des flux d'entrée sur le territoire.

Conscient de cet enjeu et prenant en compte les impératifs de sécurité, le Gouvernement avait, le 16 septembre 1986, généralisé l'obligation de visa pour les ressortissants de tous les pays, à l'exception de ceux de la Communauté européenne et de la Suisse. A partir de cette date, les stipulations des accords passés par la France avec certains Etats qui prévoyaient une dispense de l'obligation de visa ont été suspendues. Cette généralisation du visa de court séjour a été par la suite assouplie, notamment au profit de la quasi-totalité des Etats du Conseil de l'Europe.

On rappellera que l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que, pour être admis en France, un étranger doit être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, ainsi que des documents relatifs à l'objet et aux conditions de séjour, à ses moyens d'existence et aux garanties de rapatriement.

Le visa consulaire ne crée cependant pas en lui-même un droit à entrer sur le territoire.

Les visas consulaires sont de deux types : le visa de court séjour (1 567 846 en 1996) pour tous les séjours inférieurs à trois mois, le visa de long séjour (72 896 en 1996) pour tout séjour supérieur à trois mois.

Ils doivent par ailleurs être distingués d'autres décisions ou actes déclaratifs de l'administration, également qualifiés de visas, en particulier les visas de sortie et de retour délivrés par les préfectures aux étrangers résidant en France régulièrement et qui doivent, selon les cas, déclarer leur intention de quitter temporairement le territoire ou en obtenir l'autorisation (articles 36 et suivants de l'ordonnance du 2 novembre 1945).

La convention complémentaire, signée le 19 juin 1990 et désormais mise en oeuvre, de l'Accord de Schengen prévoit la délivrance d'un visa uniforme , valable pour les territoires des Etats signataires, remis selon des procédures harmonisées.

Le Traité sur l'Union européenne -dont la ratification a, sur ce point, nécessité d'introduire au préalable dans la Constitution un nouvel article 88-2- a inséré un article 100 C dans le Traité de Rome qui prévoit l'établissement d'une liste commune d'Etats dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa. Il institue, en outre, une coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ou notamment, pour la politique d'immigration et la politique à l'égard des ressortissants des pays tiers, les conditions d'entrée et de circulation de ces ressortissants.

Le projet de convention sur le franchissement des frontières extérieures , élaboré dans le cadre du " troisième pilier " de la construction européenne, prévoit en particulier une harmonisation de la politique de délivrance des visas de court séjour et des visas de transit. Une proposition -qui accompagnait ce projet de convention et qui a été adoptée le 25 septembre 1995- a établi une liste de cent un pays dont les ressortissants sont soumis à visa. Un règlement, adopté le 29 mai 1995, a par ailleurs, établi un modèle uniforme de vignette-visa européen. Il prévoit également la reconnaissance mutuelle des visas nationaux.

Enfin, le traité sur l'Union européenne signé le 2 octobre 1997 à Amsterdam comporte un protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne. A l'issue du délai maximum de cinq ans à compter de la mise en vigueur du traité, la commission européenne aura le monopole de l'initiative dans différents domaines, notamment celui de la politique des visas .

Plusieurs des dispositions de ce nouveau traité, notamment celles intéressant la politique des visas, ont été jugées contraires à la Constitution par la décision n° 97-394 du 31 décembre 1997 du conseil constitutionnel. Sa ratification sera donc subordonnée à une révision préalable de la Constitution.

La dimension européenne apparaît donc fondamentale dans le domaine des visas comme pour d'autres questions intéressant l'immigration.

En pratique, la décision de délivrance ou de refus de visa est toujours une décision du chef de poste diplomatique ou consulaire ou de l'agent consulaire auquel la compétence a été déléguée, après consultation du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur, voire d'autres administrations (le ministère du travail notamment). Environ, 400 000 refus de visa sont prononcés chaque année.

Outre un recours gracieux exercé auprès de l'autorité qui a pris la décision de refus et un recours hiérarchique auprès du ministre des Affaires étrangères, la personne se voyant opposer un refus de visa peut saisir le Conseil d'Etat, directement compétent s'agissant d'un litige né hors des territoires soumis à la juridiction des tribunaux administratifs.

Le Conseil d'Etat reconnaît un large pouvoir d'appréciation à l'autorité compétente en matière de refus de visa, laquelle peut se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais aussi sur toute considération d'intérêt général (Conseil d'Etat, 18 mars 1994, Abdellah). Le juge vérifie également le respect par l'administration des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (respect de la vie privée et familiale). Il exerce, à ce titre, un contrôle de proportionnalité qui peut le conduire à annuler une décision de refus de visa qui porterait une atteinte au respect de la vie familiale disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de visa a été opposé (Conseil d'Etat, 4 juillet 1997, M. et Mme Bouzerak).

Reprenant une suggestion du rapport de M. Patrick Weil et revenant ainsi partiellement sur la solution retenue par la loi du 9 septembre 1986, l'article premier du projet de loi prévoit l'obligation de motiver les refus de visa pour certaines catégories de personnes.

1. Les membres de la famille des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne sont pas ressortissants de l'un de ces Etats, appartenant à des catégories définies par décret en Conseil d'Etat.

Le rapport de M. Patrick Weil a fait valoir que pour cette catégorie, la nécessité de la motivation résulterait de l'article 6 de la directive n° 64-1221 du 25 février 1964 selon lequel " les raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d'une décision le concernant, sont portées à la connaissance de l'intéressé, à moins que des motifs intéressant la sûreté de l'Etat ne s'y opposent ".

Cette même réserve de la sûreté de l'Etat est reprise par l'article premier du projet de loi.

La mention des catégories " définies par décret en Conseil d'Etat " fait référence au décret n° 94-211 du 11 mars 1994 relatif aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne bénéficiaires de la libre circulation des personnes. Ce décret prend en compte le conjoint ; les ascendants à charge à l'exception de ceux des étudiants ; les descendants de moins de vingt et un an ou à charge pour les travailleurs salariés ou non ; les descendants à charge pour les retraités ou inactifs ; les enfants à charge pour les étudiants.

2. Les conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, et ascendants des ressortissants français.

Sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a supprimé pour les ascendants la condition, prévue par le projet initial, qu'il soit à la charge de ressortissants français.

Selon les explications données devant l'Assemblée nationale par le rapporteur M. Gérard Gouzes, il s'agirait " de permettre à une mère, par exemple, de venir en France à l'occasion de l'accouchement de sa fille ".

3. Les enfants mineurs ayant fait l'objet, à l'étranger, d'une décision d'adoption plénière au profit de personnes titulaires d'un agrément pour l'adoption délivré par les autorités françaises.

4. Les bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial.

5.
Les travailleurs autorisés à exercer une activité professionnelle en France.

6. Les personnes faisant l'objet d'un signalement aux fins de non-admission au Système d'Information Schengen (SIS).


Le rapport de M. Patrick Weil a souligné, pour cette dernière catégorie, que la motivation permettrait à la personne concernée d'utiliser son droit d'accès auprès de la CNIL.

7. Les personnes mentionnées à l'article 15 de l'ordonance à l'exception de celles mentionnées aux 11° et 12°.

Cette catégorie, qui n 'était pas prévue par le projet initial, a été ajoutée par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement présenté par le Gouvernement et sous-amendé par M. Noël Mamère.

Elle comporte tous les étrangers bénéficiant de plein droit de la carte de résident (cf. commentaire de l'article 6), à l'exception des apatrides et des étrangers en situation régulière depuis plus de dix ans.

8. Les étudiants venus en France pour y suivre des études supérieures dans un établissement public ou privé reconnu par l'Etat.

Cette catégorie a été ajoutée par l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des Lois, dans une rédaction précisée à la demande du Gouvernement. En conséquence les intéressés devront remplir des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et être venus en France pour y suivre des études supérieures dans un établissement public ou privé reconnu par l'Etat.

Devant l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué qu'il fallait " éviter que cette procédure ne soit détournée au profit d'écoles de formation qui ne seraient pas reconnues par l'Etat et -disons les choses clairement- qui pourraient permettre à n'importe qui de se prévaloir du titre d'étudiant ".

Seraient essentiellement concernés les étudiants venant de pays africains, d'Europe centrale et orientale ainsi que de certains pays d'Amérique latine.

Pour fonder la nouvelle obligation de motivation, l'étude d'impact relève qu' " en pratique, les demandes de visa de ces catégories de personnes sont rarement refusées. Toutefois cette disposition a pour objet de réduire encore le nombre de refus et de tendre vers la conformité des décisions consulaires d'attribution des visas avec les décisions préfectorales d'acceptation d'installation sur le territoire. Le fait de motiver les refus de visas conduit non seulement à un examen encore plus scrupuleux des demandes mais également à n'entraîner qu'exceptionnellement les refus de visa notamment pour des personnes dont la demande de séjour a déjà été acceptée par les autorités préfectorales.

" Naturellement, lorsque des motifs graves tirés de considérations d'ordre public interviennent, la sûreté de l'Etat amènera à refuser un visa, même pour un cas cité précédemment. "

Votre commission observe qu'une telle disposition constituerait une brêche dans le large pouvoir d'appréciation reconnu à l'administration pour autoriser l'accès au territoire, prérogative essentielle de souveraineté parfaitement encadrée par les tribunaux. Elle serait une source de complication du travail des services consulaires et de ralentissement du traitement des demandes.

En outre, cette obligation pourrait avoir un intérêt pratique limité , la jurisprudence reconnaissant, eu égard à la nature d'une telle décision, un large pouvoir d'appréciation à l'administration, laquelle peut se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais aussi sur toute considération d'intérêt général (Conseil d'Etat, 28 février 1986, Ngako Jeuga). Le véritable débat a en définitive lieu devant le juge, lequel peut demander à l'administration les éléments de fait et de droit qui ont fondé sa décision.

Il est vrai qu'un problème spécifique peut se poser pour les membres de la famille d'un ressortissant communautaire qui seraient eux-mêmes ressortissants d'un pays tiers , en raison de la directive de 1964, même si aucun contentieux ne semble avoir été soulevé sur ce point. Cependant, cette directive ne prescrit pas une condition de forme que devrait revêtir une décision de refus. Cette obligation pourrait donc être satisfaite dans le cadre du recours hiérarchique ou gracieux toujours ouvert à l'intéressé. Le Gouvernement pourrait, le cas échéant, modifier à cette fin le décret du 11 mars 1994 applicable aux ressortissants communautaires.

B - LA SUPPRESSION DE L'OBLIGATION DE VISA POUR LES ÉTRANGERS TITULAIRES D'UN TITRE DE SÉJOUR OU D'UN DOCUMENT DE VOYAGE

1. Les titulaires d'un titre de séjour


Le paragraphe II de l'article premier du projet de loi tend à dispenser de visa les étrangers titulaires d'un titre de séjour.

La dispense de visa consulaire ou de retour serait de nature à remédier à un engorgement des postes diplomatiques et consulaires. Le rapport de M. Patrick Weil indique que l'instruction chaque année de 2 150 000 demandes de visa est assurée par 150 agents titulaires de nationalité française et 600 agents locaux.

Il s'agirait aussi d'éviter une procédure qui se révèlerait inutile pour des personnes ayant déjà obtenu un titre de séjour, dont, en conséquence, le droit à l'accès au territoire aurait déjà été admis par l'administration.

L'obligation de visa serait, pour les étrangers concernés, source de complications inutiles et susceptible de " ternir l'image de la France ".

Sont dispensés, d'ores et déjà, de l'obligation de visa, et, à ce titre, ne seraient pas concernés par la disposition proposée :

- les ressortissants de l'Union européenne, de l'Espace économique Européen ainsi que du Conseil de l'Europe (à l'exception de la Turquie) ;

- les ressortissants de certains pays : Etats-Unis, Canada et Israël.

Par ailleurs, la détention d'un visa ne confère pas à lui seul un droit à pénétrer sur le territoire français puisque le même article 5 de l'ordonnance conditionne également celle-ci à la présentation de documents relatifs à l'objet, aux conditions du séjour, aux moyens d'existence, aux garanties de rapatriement et, le cas échéant, à l'exercice d'une activité professionnelle. Il permet le refus d'entrée à tout étranger qui constituerait une menace pour l'ordre public ou qui ferait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire.

Dans le cas d'un étranger titulaire d'un titre de séjour, on peut considérer, par hypothèse, que l'administration a déjà vérifié la légalité et l'opportunité de son admission sur le territoire.

Toutefois, la question ne se pose, en réalité, que dans l'hypothèse où le titulaire d'un titre de séjour a quitté le territoire et entend le réintégrer avant l'expiration de la validité de son titre. Dans ce cas, l'entrée sur le territoire n'est pas assurée non plus. La menace pour l'ordre public pourrait être opposée, sur la base des dispositions en vigueur de l'article 5 de l'ordonnance, y compris au détenteur d'un titre de séjour, comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 18 octobre 1995 (Ministère de l'Intérieur c/ Karboua).

Il reste cependant le cas de figure prévu par l'article 36 (2ème alinéa) de l'ordonnance de 1945 -que l'article 21 du projet de loi tend à supprimer- où le Ministre de l'Intérieur aurait subordonné, pour des raisons de sécurité nationale , la possibilité de quitter le territoire d'un étranger non ressortissant de l'Union européenne titulaire d'un titre de séjour, à une déclaration d'intention de quitter le territoire et à la production d'un visa de sortie.

La mesure proposée permettrait donc à un étranger susceptible de mettre en cause la sécurité nationale de pouvoir réintégrer sans nouvelle autorisation le territoire français. L'exigence du visa de retour constitue, en effet, l'occasion d'examiner l'opportunité de cette nouvelle autorisation d'entrée.

2. Les détenteurs d'un document de circulation


L'article premier du projet de loi dispense également de l'obligation de visa les détenteurs du " document de circulation visé au 3° alinéa de l'article 9 " de l'ordonnance, sur présentation de ce document de circulation et d'un document de voyage (passeport).

Le " document de circulation " est attribué aux mineurs étrangers qui ne sont pas titulaires d'un titre de séjour mais dont l'un des parents en est détenteur, s'il a été admis au regroupement familial :

- résidant habituellement en France depuis l'âge de 10 ans et depuis 6 ans au moins ;

- dont l'un des parents est réfugié statutaire ou apatride ;

- entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de long séjour.

Le document de circulation est destiné à faciliter les déplacements de ces enfants, qui ne sont pas astreints à l'obligation de détenir un titre de séjour.

Il est délivré, selon l'article premier du décret n° 92-1305 du 24 décembre 1991, pris pour l'application de l'article 9 de l'ordonnance, " en dispense de visa ".

On perçoit mal, dans ces conditions, l'utilité d'une disposition n'imposant pas le visa à des étrangers mineurs que le décret de 1991 a précisément autorisés à pénétrer sur le territoire sans ce document.

Le paragraphe II de l'article premier a été adopté par l'Assemblée nationale, avec deux modifications rédactionnelles.

Pour les raisons exposées ci-dessus, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article premier .

Article 2
(article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Aménagement du régime du certificat d'hébergement

L'article 2 du projet de loi initial tend à remplacer l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin d'aménager le régime du certificat d'hébergement exigible d'un étranger pour une visite privée.

1. L'origine du certificat d'hébergement

Le certificat d'hébergement est un document par lequel une personne résidant en France -française ou étrangère- s'engage à héberger un ressortissant étranger non ressortissant de l'Union européenne en visite privée en France pour une période inférieure à trois mois.

Le certificat d'hébergement est exigé pour une demande de visa et doit être présenté lors de l'accès sur le territoire français.

Jusqu'en 1982, le contrôle de l'hébergement se limitait à l'obligation pour toute personne hébergeant un étranger d'en faire la déclaration aux services de police ou de gendarmerie.

Le décret n° 82-442 du 27 mai 1982, en instituant le certificat d'hébergement, a entendu établir un contrôle plus étroit des visites privées.

A cet effet, le décret de 1982 a fait obligation à l'hébergeant d'indiquer son identité et celle du bénéficiaire en précisant ses possibilités d'hébergement qui devaient être conformes à des normes minimales. Le cas échéant, le document devait préciser le lien de parenté de l'hébergeant avec le bénéficiaire. Le certificat d'hébergement était visé par le maire de la commune.

Ce dispositif a subit plusieurs modifications au cours des années suivantes.

Un décret du 30 août 1991 autorise le maire à refuser de viser le certificat lorsque les conditions d'hébergement ne sont pas remplies et organise les visites domiciliaires de contrôle par l'Office des migrations internationales (OMI).

Le régime juridique du certificat d'hébergement a été intégré par la suite dans la loi (article L. 341-9-1 du code du travail issu de la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991).

Puis les dispositions relatives au certificat d'hébergement ont été insérées dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (article 5-3) par la loi du 24 août 1993. Celle-ci a, par ailleurs, aménagé le régime en précisant les cas dans lesquels le maire pouvait refuser de viser ce document et prévu que, dans l'hypothèse d'un refus, par l'hébergeant, du contrôle des conditions d'hébergement, celles-ci seraient réputées non remplies.

La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 a apporté de nouvelles modifications au régime du certificat d'hébergement, destinées principalement à réduire les possibilités de certificats de complaisance susceptibles d'alimenter l'immigration irrégulière:

- adjonction d'un nouveau cas de refus, lorsque les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement de procédure ;

- transfert du maire au préfet de la compétence pour viser les certificats d'hébergement ;

- remise par l'étranger hébergé du certificat d'hébergement dont il a bénéficié lors de sa sortie du territoire.

L'étude d'impact du projet de loi avait en effet relevé à l'époque que " la visite privée suivie d'un maintien illégal sur notre territoire au-delà de la période de court séjour est un des moyens d'entrée en France des immigrants clandestins ".

2. Les dispositions en vigueur

a) Le visa du certificat d'hébergement

La compétence pour viser le certificat d'hébergement a été transférée, par la loi du 24 avril 1997, du maire de la commune de résidence de l'hébergeant (ou, à Paris, Lyon et Marseille, du maire d'arrondissement) au représentant de l'Etat dans le département.

Ce transfert de compétence a été accepté par le Sénat au terme d'une longue réflexion. Il n'a cependant pas encore été mis en oeuvre puisque les conditions d'application de ces nouvelles dispositions étaient subordonnées à la parution d'un décret d'application.

Le transfert au représentant de l'Etat a été fondé sur la double considération que la mise en oeuvre de la réglementation relative au séjour des étrangers constitue un attribut de l'Etat et qu'il convient d'assurer la mise en oeuvre de solutions identiques sur le territoire national.

Le maire agissait en l'espèce en qualité d' agent de l'Etat -comme l'a expressément spécifié le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 prise sur la conformité à la Constitution de la loi du 24 août 1993. Il est soumis au pouvoir hiérarchique du représentant de l'Etat qui peut, le cas échéant, se substituer à lui, en cas de carence. Les préfets avaient donc les moyens juridiques de veiller à l'homogénéité des décisions prises en la matière et à l'objectivité de la procédure. Les recours hiérarchiques ou contentieux étaient en outre toujours possibles.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993, n'a pas considéré que l'exercice de cette attribution par le maire, sous l'autorité hiérarchique du représentant de l'Etat, était de nature à entraîner des ruptures de l'égalité de traitement des demandes.

En outre, le sérieux avec lequel les maires ont mis en oeuvre cette procédure depuis 1982 ne pouvait être mis en cause. En particulier, les statistiques laissent apparaître que sur les 157 905 certificats d'hébergement demandés en 1996, 3 % seulement ont fait l'objet d'un refus de visa. Cette procédure n'a suscité qu'un contentieux très faible.

Le recours hiérarchique ou contentieux permettait, par ailleurs, de sanctionner le détournement de pouvoir qu'aurait constitué un refus systématique de délivrer des certificats d'hébergement. De même, la délivrance systématique de tels documents alors qu'un motif légal de refus serait constaté, constituait une violation de la loi sanctionnable par le représentant de l'Etat ainsi que, le cas échéant, par le juge.

Cependant, le Sénat, suivant votre commission des Lois, a été sensible à la position exprimée par l'Association des Maires de France qui a souligné la nécessaire affirmation de la compétence fondamentale de l'Etat en matière de lutte contre l'immigration clandestine.

C'est pourquoi le Sénat a admis le transfert de compétence au préfet, à condition que le maire soit personnellement associé à la procédure , ce à quoi le ministre de l'Intérieur de l'époque s'était engagé.

b) Les cas de refus de visa du certificat d'hébergement

L'article 5-3 de l'ordonnance de 1945 prévoit trois cas dans lesquels le préfet refuse, par décision motivée, de viser le certificat d'hébergement :

1 . il ressort soit de la teneur du certificat et des justificatifs présentés, soit de la vérification effectuée au domicile de son signataire, que l'étranger ne peut être hébergé dans des conditions normales .

La vérification au domicile de l'hébergeant ne peut être effectuée que par des agents habilités de l'OMI. Ceux-ci ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'avec son accord écrit. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un hébergement dans des conditions normales sont réputées non remplies. Les contrôles sont, en fait, assez rares puisqu'ils portent sur seulement 3 % des demandes.

L'appréciation à laquelle ces contrôles donnent lieu porte sur la conformité à des normes minimales qui sont celles prévues par un décret du 2 novembre 1995 et sur des éléments objectifs relevés par l'enquêteur au moment de la visite domiciliaire.

2 . Les mentions portées sur le certificat sont inexactes .

3 . Les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement de procédure , après une enquête demandée par le préfet aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Ce cas de refus, introduit par la loi du 24 avril 1997, était cependant déjà admis dans la pratique administrative. Il a donc reçu une consécration législative.

Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a relevé qu'il était " toujours loisible à l'Administration, même en l'absence de texte l'y autorisant expressément, de rejeter une demande entachée de fraude à la loi ". Il a précisé, dans sa " réserve interprétative ", que le détournement de procédure " doit être entendu en l'espèce comme ayant fait référence à une telle fraude ; cette dernière ne pourra, sous le contrôle du juge administratif, être établie de manière certaine qu'en fonction de critères objectifs et rationnels ".

c) La remise du certificat d'hébergement à la sortie du territoire

La loi du 24 avril 1997 a introduit dans l'article 5-3 de l'ordonnance l'obligation pour l'étranger hébergé de remettre le certificat d'hébergement dont il a bénéficié aux services de police, lors de sa sortie du territoire. Là encore, la disposition n'a pas été mise en application, faute de publication du décret prévu par la loi.

Cette disposition est destinée à prévenir l'immigration clandestine qui résulterait du maintien sur le territoire de l'étranger au-delà de la durée autorisée de la visite (3 mois au maximum).

On notera, qu'à l'origine, le Gouvernement de l'époque avait prévu d'imposer la déclaration de sortie à l'hébergeant lui-même. Les interrogations qui avaient pu s'exprimer quant à la contrainte imposée à celui-ci avaient finalement conduit le Parlement à mettre à la charge de l'étranger intéressé cette obligation de déclaration.

A cet effet, l'étranger hébergé devra informer par tous moyens les services de police de son départ du territoire ce qui lui imposera soit de déposer le certificat d'hébergement auprès desdits services soit de leur transmettre ce document.

Enfin, cette obligation faite à l'étranger hébergé dès lors qu'elle a pour objet de s'assurer du départ effectif pourra impliquer la création d'un traitement automatisé.

Selon les indications données lors de la discussion de la loi de 1997 devant l'Assemblée nationale par le ministre de l'Intérieur, ce fichier serait nécessaire : " Ce fichier sera départemental et l'archivage des données sera bien entendu limité aux prescriptions de la CNIL, de même que son contenu et sa durée. L'acte réglementaire nécessaire à la création éventuelle d'un tel fichier devra nécessairement être soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, conformément à la loi du 6 janvier 1978 ".

L'existence d'un fichier n'est pas un fait nouveau. La circulaire du 16 octobre 1991 avait mentionné l'obligation pour les maires d'" enregistrer et numéroter de façon séquentielle, par année, les demandes de certificat d'hébergement (...) ".

Par ailleurs, la CNIL a précisé les conditions dans lesquelles un traitement automatisé pouvait être créé.

Dans son rapport d'activité pour 1994, elle a ainsi rappelé qu'elle recommandait " que les données nominatives relatives à la personne hébergeante puissent être effacées dans un délai raisonnable, qui peut être d'un mois à compter de la date de refus ou d'expiration du certificat d'hébergement ".

La CNIL, appuyant cette recommandation sur la considération que les contrôles pouvant être effectués par la mairie ou par l'OMI n'avaient pour objet que de s'assurer de la possibilité matérielle pour le demandeur d'héberger le bénéficiaire dans les conditions normales, a estimé que " rien ne paraît justifier que les informations relatives à un certificat ayant reçu le visa du maire soient conservées sous forme nominative au-delà de la date prévue pour la fin du séjour du bénéficiaire ".

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, confirmé, dans sa décision précitée du 22 avril 1997, que " si un tel fichier était établi, il serait soumis aux dispositions protectrices de la liberté individuelle prévues par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ".

3. Les dispositions du projet de loi initial

L'article 2 du projet de loi initial propose une nouvelle rédaction de l'article 5-3 de l'ordonnance, contenant l'ensemble des dispositions législatives sur le certificat d'hébergement.

Les modifications proposées portent sur :

- le retour au maire de la compétence pour viser les certificats d'hébergement ;

- la suppression des dispositions introduites dans l'ordonnance par la loi du 24 avril 1997 concernant les cas de refus de visa ainsi que la remise par l'étranger de son certificat d'hébergement lors de sa sortie du territoire.

a) Le retour au maire de la compétence pour viser les certificats d'hébergement

Le projet de loi tend à conférer à nouveau au maire de la commune de résidence (ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire d'arrondissement) la compétence pour viser les certificats d'hébergement, comme cela était avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 1997.

Le maire pourrait, comme avant la loi de 1997, déléguer sa signature à ses adjoints, ou en l'absence ou en cas d'empêchement de ses adjoints, à des membres du conseil municipal.

Le rapport de M. Patrick Weil, qui a préconisé ce nouveau transfert, avance des difficultés matérielles prévisibles dans les préfectures. Le visa du préfet risquerait de revêtir un caractère formel, les maires ayant préalablement, en fait, instruit le dossier qu'ils transmettent.

Les raisons qui avaient conduit le Sénat, lors de l'examen de la loi du 24 avril 1997, à approuver le transfert de la compétence vers le préfet ont été rappelées ci-dessus.

On soulignera par ailleurs, comme cela a déjà été évoqué, que la loi nouvelle n'a reçu aucune application sur ce point, à défaut de la parution du décret d'application nécessaire.

De la sorte, la mise en oeuvre du dispositif de la loi du 24 avril 1997 ne peut, par hypothèse, faire l'objet d'une quelconque évaluation.


De surcroît, le projet de loi " organise " l'exercice du pouvoir hiérarchique du préfet, qui existait naturellement dans le régime antérieur à la loi du 1997, puisque le maire intervenait comme agent de l'Etat, sans que l'ordonnance n'ait besoin de comporter à cet égard de dispositions dérogatoires au droit commun.

Le projet prévoit que, en cas de refus de viser, le maire transmet obligatoirement sa décision au préfet mais aucun délai n'est fixé par le texte. Il précise, en outre, que, en cas de refus ou de silence du maire pendant plus de 30 jours, le demandeur peut saisir le préfet d'un recours hiérarchique. Le préfet doit se prononcer dans un délai de 30 jours également. Le refus du maire ne peut faire l'objet d'un recours contentieux qu'après avoir été confirmé par le préfet.

Par ailleurs, l'inscription dans la loi de cette possibilité de recours hiérarchique et contentieux pourrait inciter à la multiplication des recours contre les refus de visa prononcés par les maires.

On notera que la multiplication des recours ne pourrait qu'accroître la charge des services départementaux de l'immigration et, le cas échéant, des juridictions administratives et, en définitive, allonger dans de nombreux cas la durée effective de l'instruction des demandes de visa des certificats d'hébergement.

b) L'aménagement des cas de refus du certificat d'hébergement

Pour l'essentiel, le projet tend à revenir aux dispositions antérieures à la loi du 24 avril 1997 et donc à reprendre celles de la loi du 24 août 1993.

1 . Le fait que l'étranger ne puisse être hébergé dans des conditions normales ou que les mentions portées sur le certificat soient inexactes doit ressortir " manifestement " de la teneur du certificat ou de la vérification effective au domicile de l'hébergeant.

La suppression de l'adverbe " manifestement " par la loi de 1997 avait précisément eu pour objet d'inviter à un examen plus complet du dossier afin d'éviter les risques de certificats de complaisance, et donc de prévenir l'un des instruments bien identifiés de l'immigration clandestine.

Votre commission estime préférable de s'en tenir au terme retenu par la loi du 24 avril 1997, étant entendu que, selon la circulaire précitée d'application du ministre de l'Intérieur du 30 avril 1997 les administrations sont invitées " à focaliser (leur) attention sur les dossiers posant problème et à délivrer très rapidement (leur) visa sans étude superflue pour les autres ".

Le refus au motif que l'étranger ne peut être hébergé dans des conditions normales ne pourrait plus s'appuyer sur les " justificatifs présentés ", contrairement à ce que la loi du 24 avril 1997 avait ajouté au texte de l'ordonnance. La nécessité de produire des pièces justificatives constituerait, dans certains cas, un moyen de fonder des refus de principe par l'exigence de documents sans rapport direct avec l'objet de la demande.

Néanmoins, on perçoit mal les raisons qui militeraient pour une remise en cause de cette adjonction récente, destinée à permettre un examen du dossier à partir de l'ensemble des pièces. La diversité des situations, que le législateur ne peut pas prévoir, justifie la possibilité pour l'Administration de demander tout justificatif approprié à un examen efficace du dossier.

2 . Le refus du certificat au motif que les mentions portées seraient inexactes est maintenu sans modification par le projet de loi.

3 . En revanche, la troisième cause de refus (demandes antérieures faisant apparaître un détournement de procédure), introduit par la loi du 24 avril 1997, serait supprimée par le projet de loi initial, ce qui parait tout à fait paradoxal.

On notera, enfin, que la nouvelle rédaction proposée conduirait à ce que les cas de refus énumérés deviennent limitatifs, n'autorisant pas, sous réserve de l'appréciation des tribunaux, l'Administration à refuser le visa du certificat pour tout autre motif que ceux énoncés par ce texte.

Quant aux conditions et modalités de la visite domiciliaire par les agents de l'OMI, elles ne sont pas modifiées par le projet initial, sauf en ce qui concerne les autorités qualifiées pour la demander, compte tenu du transfert de compétence proposé. Désormais, le maire et le préfet partageraient le droit de réclamer cette visite domiciliaire. Il pourrait s'agir de répondre à l'hypothèse selon laquelle le maire aurait omis de procéder à la consultation, lorsqu'elle s'avérerait nécessaire.

c) La remise du certificat d'hébergement à la sortie du territoire

Comme on l'a déjà relevé, cette remise, instituée par la loi du 24 avril 1997, avait été conçue comme un élément de lutte contre l'immigration clandestine, puisqu'elle permet de vérifier que l'étranger bénéficiaire ne reste pas sur le territoire au-delà de la durée autorisée. Il s'agissait, en réalité, de l'apport essentiel de la loi de 1997 au régime du certificat d'hébergement.

d) Autres dispositions

La taxe de 100 F au profit de l'OMI, acquittée par l'hébergeant lors de la demande de visa d'un certificat d'hébergement n'est pas remise en cause.

Enfin, le renvoi à un décret d'application n'est pas repris par le projet de loi.

L'Assemblée nationale , considérant que le projet de loi n'améliorait pas de manière significative un dispositif qui, selon le rapporteur de la commission des Lois, " reste en lui-même insatisfaisant ", a préféré supprimer purement et simplement les certificats d'hébergement, en votant l'abrogation de l'article 5-3 de l'ordonnance de 1945 .

L'alourdissement des formalités provoquerait selon elle une multiplication des refus de visas fondés sur l'insuffisance des ressources des demandeurs.

L'Assemblée nationale a exprimé le souhait, au cours des débats, que soit substituée aux certificats d'hébergement une simple attestation d'accueil, demandant que les services consulaires reçoivent des instructions précises pour que le nouveau document soit pris en compte au même titre que les certificats d'hébergement.

Le Sénat a, pour sa part, lors de l'examen des lois de 1993 et 1997, considéré les certificats d'hébergement comme un moyen nécessaire de lutte contre l'immigration clandestine.

Par ailleurs, les propositions du projet initial avaient pour objet de revenir sur les aménagements apportés au régime du certificat d'hébergement par la loi du 24 avril 1997, votée par le Sénat.

Votre commission des Lois perçoit d'autant moins les raisons de cette remise en cause d'une réforme récente que celle-ci, n'ayant pas reçu d'application effective, ne peut manifestement pas faire l'objet d'une quelconque évaluation.

Souhaitant s'en tenir aux dispositions en vigueur, elle vous propose un amendement de suppression de l'article 2.

Article 2 bis nouveau
(article 9 bis nouveau de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Séjour des ressortissants communautaires

Le rapport de M. Patrick Weil au Premier ministre proposait une simplification du régime des titres de séjour des ressortissants de l'Union européenne.

Cette suggestion n'avait cependant pas été intégrée dans le projet de loi initial.

L'Assemblée nationale a repris, avec l'accord du Gouvernement, cette proposition, sous la forme d'un article additionnel après l'article 2.

Cet article additionnel tend à simplifier le régime du séjour des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen ainsi que des membres de leur famille.

Les conditions d'entrée et de séjour de ces personnes sont actuellement définies par un décret n° 94-211 du 11 mars 1994 fixant un régime dérogatoire par rapport à celui de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Le titre de séjour est délivré sur présentation du document sous le couvert duquel la personne concernée a pénétré sur le territoire national. Il peut être refusé pour un motif d'ordre public ou lorsque le requérant est atteint d'une maladie ou d'une infirmité figurant sur une liste annexée au décret de 1994.

La carte de séjour est délivrée pour une durée fixée, dans la plupart des cas, à 5 ans, et renouvelée pour 10 ans.

Comme on le sait, les ressortissants communautaires bénéficient d'une libre circulation et d'un libre établissement en France. L'entrée sur le territoire n'est donc subordonnée qu'à la présentation du passeport mais la présence sur le territoire au-delà de 3 mois est subordornée, en l'état actuel, à la détention d'un titre de séjour.

Le rapport de M. Patrick Weil souligne que les formalités imposées aux ressortissants communautaires peuvent apparaître " dépassées ", leur droit au séjour en France ne semblant généralement pas pouvoir être contesté.

La délivrance des titres de séjour aux ressortissants européens représente plus du tiers du volume total des titres délivrés par les préfectures et monopolise une part importante du travail des agents évaluée par le même rapport à 20 %, soit 430 agents La simplification des démarches imposées aux ressortissants européens permettrait de redéployer l'activité des services de l'immigration vers des tâches plus utiles pour le contrôle des flux migratoires.

L'article 2 bis propose l'attribution aux ressortissants européens exerçant en France une activité économique salariée ou indépendante et aux membres de leur famille d'un titre de séjour de 10 ans. En cas de renouvellement, le nouveau titre aurait, sous réserve de réciprocité, une validité permanente.

Les modalités d'application de l'article sont renvoyées à un décret.

Votre commission a estimé que, dans la composition actuelle de l'Union européenne, cette mesure de simplification ne soulevait pas, quant à son principe, de difficulté particulière dès lors qu'il serait fait réserve du cas de menace à l'ordre public, comme le prévoit le texte qui nous est soumis.

Elle vous propose néanmoins un amendement précisant la définition des membres de famille (conjoint, enfants mineurs et ascendants à charge).

Votre commission, favorable à l'attribution d'un titre d'une validité de dix ans, s'interroge toutefois sur la délivrance, lors d'une demande de renouvellement, d'un titre de validité permanente .

Tout d'abord, cette disposition s'appliquerait sous condition de réciprocité . Or, aucun Etat membre de l'Union européenne n'a introduit dans sa législation un titre de séjour à validité permanente en faveur des ressortissants communautaires .

Si cette disposition était adoptée, elle ne pourrait donc pas s'appliquer aux bénéficiaires potentiels.

De ce fait, un vide juridique serait créé au sujet de la durée de validité des titres renouvelés.

On observera, de surcroît, que la législation française fixe toujours une durée limitée de validité aux titres de séjour accordés aux étrangers de même qu'aux documents d'identité délivrés aux Français.

De la sorte, la délivrance d'un titre permanent n'apparaît ni possible juridiquement, ni opportun.

En conséquence, votre commission vous propose par amendement un renouvellement de plein droit de la carte pour une durée de validité de dix ans.

La commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 bis ainsi modifié.

Article 3
(Article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Création des cartes de séjour temporaire " scientifique "
et " profession artistique et culturelle "
Remplacement de la carte de séjour " membre de famille "

1. Les dispositions en vigueur

L'article 12 de l'ordonnance énumère les différentes mentions qui peuvent figurer sur une carte de séjour temporaire, ces mentions correspondant à des conditions spécifiques d'attribution :

- la carte de séjour " visiteur " est délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle soumise à autorisation ;

- la carte de séjour " étudiant " concerne l'étranger qui fait ses études en France et qui justifie de moyens d'existence suffisants ;

- la carte de séjour " activité professionnelle " est attribuée à l'étranger qui justifie avoir obtenu l'autorisation nécessaire pour exercer cette activité ;

- la carte de séjour " membre de famille " est accordée à l'étranger autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial.

L'article 12 de l'ordonnance prévoit, enfin, le refus de la carte de séjour temporaire à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public.

2. Le projet de loi initial

L'article 3 du projet de loi tend à modifier l'article 12 de l'ordonnance afin :

- d'instituer une carte de séjour portant la mention " scientifique " ;

- de supprimer la carte de séjour temporaire " membre de famille " (paragraphe II de l'article 3). Cette carte serait remplacée par un titre " situation personnelle et familiale " créé par ailleurs (article 4).

a) la carte de séjour temporaire " scientifique "

Cette carte serait délivrée à l'étranger souhaitant effectuer des recherches ou dispenser un enseignement de niveau universitaire.

Cette nouvelle catégorie de carte serait créée pour remédier aux obstacles administratifs auxquels se heurteraient les chercheurs et les enseignants alors même que la présence de ces personnes qualifiées serait particulièrement profitable pour la France.

Les étrangers concernés seraient trop souvent découragés par les démarches à entreprendre, soit pour obtenir de l'OMI l'autorisation de travailler, soit pour obtenir le visa d'entrée (le délai d'attente atteindrait souvent trois mois) ou encore pour obtenir la carte de séjour temporaire.

Le projet de loi entend faciliter l'accès de ces personnes afin d'éviter leur orientation vers un autre pays, alors que leur séjour pourrait être bénéfique pour la France.

Votre commission tient, elle aussi, à ce que les chercheurs et les enseignants puissent être encouragés à faire bénéficier la France de leurs services.

Il reste à déterminer de manière précise la définition du scientifique. Un étudiant de troisième cycle préparant un mémoire de recherche, ne sera-t-il pas considéré aussi comme un chercheur ?

La législation en vigueur a le mérite de distinguer plus clairement l'étudiant du chercheur.

En effet, le chercheur peut bénéficier, selon l'article 12 de l'ordonnance, d'une carte de séjour temporaire " activité professionnelle ".

Quant à l' étudiant suivant des études en France, il peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ".

Le projet de loi remet en cause cette distinction, certains étudiants pouvant aussi être chercheurs et peut-être bénéficier à ce titre d'une carte scientifique.

L'adoption du texte proposé pourrait donc soulever certaines difficultés et rendrait sûrement moins " lisible " le texte de l'article 12 de l'ordonnance.

D'ores et déjà, les enseignants et les chercheurs bénéficient d'un régime plus favorable que celui des autres salariés, résultant des circulaires du 6 novembre 1989 et 30 mars 1994. Si cette procédure simplifiée n'apparaît pas satisfaisante, rien ne s'oppose à son assouplissement par la voie réglementaire.

Il convient donc de s'interroger sur l'utilité d'une telle disposition législative pour remédier à des dysfonctionnements de l'Administration et pour préciser des mentions figurant sur un titre de séjour.

Une meilleure solution pourrait être apportée à ce problème en donnant aux services concernés les instructions complémentaires et, le cas échéant, les moyens nécessaires.

Au demeurant, le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale précise bien qu'il ne s'agit pas d'instituer un droit spécifique au profit des scientifiques et que l' " administration garde toute latitude pour accorder le droit à l'entrée et au séjour du demandeur ".

On peut donc estimer que la disposition proposée n'apporterait par elle-même aucune valeur ajoutée aux textes en vigueur, si ce n'est pour les rendre plus confus.

Enfin, si la création d'une carte " scientifique " s'imposait, ne conviendrait-il pas aussi de prévoir des cartes spécifiques pour d'autres professions susceptibles de contribuer, par l'apport de ressortissants étrangers, à l'intérêt ou au rayonnement de la France ? Ce faisant, la multiplication des mentions sur les cartes de séjour contribuerait à alourdir la législation sans apporter nécessairement, semble-t-il, des garanties réelles aux personnes susceptibles d'en bénéficier.

b) Le remplacement de la carte de séjour temporaire " membre de famille"

L'actuelle carte de séjour temporaire  " membre de famille " est destinée à l'étranger autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial, selon les dispositions des articles 29 à 30 bis de l'ordonnance, que l'article 17 du projet tend à aménager. Elle concerne aussi les bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour en application de l'article 12 bis de l'ordonnance qui ne demandent pas à exercer une activité professionnelle soumise à autorisation.

La suppression proposée de cette carte doit s'entendre, en réalité, comme une extension de son champ au travers de son remplacement par une carte " situation personnelle et familiale ", prévue par l'article 4 (voir ci-après le commentaire de cet article).

Par coordination avec la position qu'elle propose pour l'article 4 du projet de loi, votre commission n'est pas favorable à la suppression de la carte " membre de famille ".

3. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

l'Assemblée nationale a approuvé la création de la carte " scientifique ", en soumettant toutefois sa délivrance à une entrée régulière sur le territoire.

Elle a également approuvé le remplacement de la carte de séjour temporaire " membre de la famille ".

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, décidé la création d'une carte de séjour temporaire portant la mention " profession artistique et culturelle ".

Les artistes professionnels étrangers titulaires d'un contrat de plus de trois mois passé avec un professionnel du spectacle, un établissement ou une entreprise culturels bénéficieraient de cette carte de séjour.

Cette initiative de l'Assemblée nationale appelle des observations similaires à celles formulées au sujet de la carte " scientifique " :

- si la carte " vie professionnelle " ne permet pas, en l'état actuel, de répondre de manière totalement satisfaisante aux problèmes spécifiques que poseraient l'entrée en France d'artistes professionnels étrangers, faut-il modifier la loi ou bien ne serait-il pas plus efficient de donner aux services des instructions particulières ?

- faut-il créer une carte spécifique par profession " digne d'intérêt " ?

- les mentions figurant sur un titre de séjour relèvent-elles du domaine législatif ?

Votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 3.

Article 4
(article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire
" vie privée et familiale "

L'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 énumère tous les cas de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire.

L'article 4 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l'article 12 bis concernant l'attribution de plein droit de cartes de séjour portant la mention " situation personnelle et familiale ".

1. Le droit en vigueur

La carte de séjour temporaire -d'une durée maximale de validité de un an- était délivrée de plein droit avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 1997, aux étrangers mineurs ou âgés de moins de 19 ans :

- dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour temporaire si le parent ou le mineur a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial (art. 12 bis-1° de l'ordonnance) ;

- qui réside habituellement (c'est-à-dire sans être nécessairement dans une situation régulière) en France depuis l'âge de six ans (art. 12 bis-2° de l'ordonnance.

La loi du 24 avril 1997 , entendant apporter une réponse législative aux situations extrêmement complexes ayant donné lieu à l'occupation de l'église Saint-Bernard à Paris, a rapproché la liste des bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour temporaire de celle des étrangers protégés contre l'éloignement du territoire en application de l'article 25 de l'ordonnance. Cette loi n'a pas, pour autant, entendu prévoir une concordance totale entre les deux listes de personnes protégées .

Ce faisant le Parlement, en accord avec le Gouvernement de l'époque, a entendu, selon les termes employés lors de l'examen, en première lecture, de ce texte par votre rapporteur, privilégier " une démarche intermédiaire qui consistait, sans modifier la liste des étrangers non éloignables, à proposer une régularisation qui tienne compte de la situation personnelle et familiale mais ne légitime pas les fraudes ".

L'inadéquation entre les deux listes, privant certains étrangers non éloignables de l'attribution de plein droit d'un titre de séjour, provient de la logique propre à chacune d'entre elles. Dans un cas, il s'agit de définir des règles concernant le droit au séjour et dans l'autre, sont prévues des protections de caractère humanitaire concernant des étrangers sans titre de séjour.

Ce fait laisse ouvert l'exercice par le préfet de son droit à régularisation, après examen individuel de la situation du demandeur.

A cet effet, la loi du 24 avril 1997, a, d'une part, porté de six ans à dix ans l'âge maximum depuis lequel l'étranger de moins de 19 ans devra avoir vécu habituellement en France (art. 12-2° de l'ordonnance) et, d'autre part étendu la liste des bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour temporaire (art.12 -3° à 7° de l'ordonnance).

Se trouvent donc également bénéficiaires de plein droit de ce titre de séjour :

- l'étranger résidant habituellement en France depuis plus de 15 ans (art. 12 bis -3° de l'ordonnance) ;

- l'étranger marié depuis au moins un an à un Français, sous conditions de communauté de vie, d'entrée régulière sur le territoire et de conservation par le conjoint de la nationalité française. Si le mariage a été célébré à l'étranger, l'acte doit avoir été transcrit sur les registres de l'état-civil français (art. 12 bis -4° de l'ordonnance) ;

- l'étranger parent d'un enfant français de moins de 16 ans résidant en France, à condition qu'il subvienne effectivement aux besoins de l'enfant. Si la filiation a été établie par reconnaissance postérieure à la naissance, le parent doit avoir subvenu aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an (art. 12 bis -5° de l'ordonnance) ;

- l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité est au moins égal à 20 % (art. 12 bis -6° de l'ordonnance) ;

- le bénéficiaire du statut d'apatride, son conjoint et ses enfants de moins de 19 ans, si le mariage est antérieur à la date d'obtention du statut, ou, à défaut, a été célébré depuis au moins un an (art. 12 bis -7° de l'ordonnance).

La délivrance de la carte est subordonnée à l'absence de vie en état de polygamie mais non à celle de l'entrée régulière sur le territoire (sauf pour le conjoint d'un français). Elle n'est pas attribuée de plein droit en cas de menace pour l'ordre public.

Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle soumise à autorisation, si l'étranger déclare vouloir en exercer une. Dans le cas contraire, la carte porte la mention " membre de famille ".

Il convient de souligner que l'étranger ne bénéficiant pas de plein droit de la carte de séjour peut toujours l'obtenir, dès lors que la loi ne s'y oppose pas expressément, si l'administration l'estime opportun.

On remarquera que les dispositions de la loi du 24 avril 1997 laissent un champ permettant à l'administration de procéder à des régularisations, comme en témoigne la circulaire du 24 juin 1997, alors que le projet de loi, qui assouplit les critères, ne laisserait pas une faculté d'appréciation comparable.

2. Les dispositions du projet de loi initial


La nouvelle rédaction de l'article 12 bis reprendrait donc les cinq premiers cas d'attribution de plein droit ci-dessus décrits, en aménageant les conditions requises pour trois d'entr'eux. Elle tendrait à créer deux nouveaux cas d'attribution de plein droit.

Bénéficieraient de l'attribution de plein droit dans des conditions strictement identiques à celles en vigueur :

1 . l'étranger de moins de 19 ans résidant habituellement en France depuis l'âge de dix ans (art. 12 bis -2° de l'ordonnance) ;

2 . l'étranger résidant en France habituellement depuis plus de 15 ans (art. 12 bis -3° de l'ordonnance).

Trois cas d'attribution de plein droit seraient aménagés :

1 . à l'étranger de moins de 19 ans dont un parent est titulaire de la carte de séjour, s'ajoute l'étranger dont le conjoint dispose de ce titre , toujours s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial (art. 12 bis -1° de l'ordonnance) ;

2 . l'étranger marié à un Français n'a plus à justifier d'une durée d'un an de mariage et la condition de maintien de la communauté de vie n'est pas reprise (art. 12 bis -4° de l'ordonnance).

La suppression de la condition de durée de mariage serait sans doute destinée à faciliter le règlement de situations difficiles. Votre commission observe cependant que l'administration dispose de la faculté d'accorder un titre de séjour lorsque les circonstances de l'espèce rendent cette " régularisation " souhaitable.

En revanche, est-il vraiment nécessaire de reconnaître un droit , donc de lier l'administration, alors que l'on ignore tout quant à la stabilité du mariage à la source de la reconnaissance de ce droit ?

Il est à craindre, au contraire, que la reconnaissance de ce droit par la loi soit interprétée comme un " signal " pour des candidats au séjour en France et, le cas échéant, comme un encouragement au mariage blanc.

L'article 175-2 du code civil, relatif à l'opposition et au sursis à célébration du mariage ne pourrait pas, à lui seul, prévenir de manière certaine le mariage sans consentement, sauf à contenir des dispositions restrictives à l'encontre du conjoint étranger, alors que l'article 32 du projet de loi initial tendait au contraire à restreindre les conditions d'opposition ou de sursis (l'article 32 a toutefois été supprimé par l'Assemblée nationale).

Quant à la suppression de l'obligation du maintien de la communauté de vie entre les époux, sauf pour le renouvellement de la carte, elle pourrait apparaître comme la conséquence mécanique de la suppression de la condition de durée du mariage.

On observera cependant que la demande de titre de séjour n'est pas nécessairement présentée aussitôt après le mariage. A la limite, un étranger marié depuis un certain temps avec un ressortissant français pourrait, bien que séparé, obtenir un titre de séjour sur la base des dispositions proposées.

3 . pour les parents d'enfants français résidant en France, les conditions seraient également assouplies (art. 12 bis-5° du texte en vigueur devenant l'article 12 bis -6° selon le projet) :

. l'enfant ne devrait plus obligatoirement être âgé de moins de 16 ans ;

. la nécessité de subvenir aux besoins de l'enfant ne s'imposerait plus dans tous les cas . Le projet exige l'autorité parentale (même partielle) ou la prise en charge effective de l'enfant.

Cette prise en charge de l'enfant ne s'entend pas nécessairement au plan financier. Elle peut résulter des soins apportés à l'enfant.

Il peut cependant paraître surprenant de ne plus conditionner un droit fondé sur la qualité de père ou de mère à l'exercice effectif d'une obligation essentielle de parent. A tout le moins, la prise en charge des besoins de l'enfant pourrait correspondre aux possibilités du parent concerné.

Deux nouveaux cas d'attribution de plein droit seraient créés :

- pour le conjoint d'un étranger détenteur d'une carte de séjour temporaire " scientifique " (art. 12 bis-5° nouveau de l'ordonnance).

On remarquera, une fois encore, qu'un droit est accordé sans vérification du maintien de la communauté de vie alors que l'administration peut , en tout état de cause, donner satisfaction au demandeur -sans que la loi doive lui reconnaître expressément ce droit- dès lors que le sérieux de la requête serait avéré.

- pour l'étranger qui malgré ses liens personnels et familiaux en France, n'entrerait pas dans les catégories précédentes ou dans celles ouvrant droit au regroupement familial (art. 12 bis-7°).

Il convient de souligner que cette nouvelle catégorie de bénéficiaires de plein droit concernerait des personnes dont la situation ne répondrait pas aux nombreuses possibilités déjà offertes par la loi pour bénéficier d'un titre de séjour à raison de sa situation personnelle ou familiale.

La loi offrirait donc à ces personnes une " nouvelle chance " pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour.

Le texte précise que les liens personnels et familiaux de l'étranger en France devraient être " tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa situation personnelle et de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ".

On perçoit d'emblée que ces conditions impliquent un examen particulièrement approfondi du dossier du demandeur.

Pourquoi, dans ces conditions, prévoir une attribution de plein droit alors que l'administration dispose toujours de la possibilité d'accorder un titre de séjour après étude des circonstances de l'espèce ?


Selon l'exposé des motifs du projet de loi, en seraient bénéficiaires, les personnes protégées par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH).

L'article 8 de la Convention est ainsi libellé :

" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

" 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui . "

Ainsi, l'article 8 de la Convention ne se limite pas à affirmer le droit au respect de la vie privée et familiale mais autorise les Etats à encadrer ce droit.

L'étude d'impact mentionne les principaux bénéficiaires du projet. Il s'agirait :

- des étrangers ayant toutes leurs attaches familiales en France

- des parents d'étrangers résidant en France et qui sont malades

- des conjoints de réfugiés.

La référence à la situation personnelle couvrirait, toujours selon l'étude d'impact, " tous les cas particuliers des étrangers justifiant d'un droit au séjour en raison des circonstances qu'il n'est pas possible de codifier dans la loi, leur renvoi ayant des conséquences graves et disproportionnées au regard des objectifs d'une stricte application des règles sur l'entrée et le séjour en France. "

La mesure exacte des personnes susceptibles de bénéficier de la carte " vie personnelle et familiale " ne peut donc pas être évaluée de manière certaine. L'étude d'impact concernant le projet relève, au demeurant, que la carte de séjour " situation personnelle et familiale " se répercuterait sur l'attribution des prestations familiales, mais que les personnes concernées seraient probablement très peu nombreuses.

Rappelons que le Conseil d'Etat, dans sa jurisprudence mais aussi dans l'avis qu'il a rendu le 22 août 1996 a pris d'ores et déjà en considération la situation des éventuels bénéficiaires des dispositions proposées, en se fondant sur l'article 8 de la convention précitée ainsi que sur le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, selon lequel " la Nation garantit à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ".

Dans l'avis précité du 22 août 1996, il est rappelé que " le Conseil d'Etat exerce, pour sa part, en particulier dans le contentieux de l'attribution des titres de séjour et dans celui des reconduites à la frontière, un contrôle de proportionnalité entre les buts en vue desquels les mesures critiquées sont prises et le droit de personnes qui en font l'objet au respect de leur vie familiale.

" Cette matière est affaire de cas d'espèce. Mais il faut du moins retenir que le droit dont il s'agit s'apprécie indépendamment des règles énoncées par l'ordonnance du 2 novembre 1945. Il est d'autant plus utile que le Gouvernement exerce, dans les situations où ce droit est en cause, l'examen individuel qui lui incombe de toute façon, que les mesures de régularisation éventuelles cessent alors de relever de l'opportunité pour se situer sur le terrain de la légalité
".

En d'autres termes, l'administration est invitée, sous le contrôle du juge, à procéder à l'évaluation de la proportionnalité entre, d'une part, les buts poursuivis par la mesure envisagée et, d'autre part, le droit au respect à la vie familiale.

La disposition proposée pourrait donc apparaître, en dépit de certaines hésitations de la jurisprudence, comme une simple consécration législative de celle-ci et on serait fondé, dans cette hypothèse, à s'interroger sur sa plus-value par rapport au droit existant.

L'article 4 du projet de loi prescrirait à l'administration un examen individuel approfondi des dossiers que la jurisprudence actuelle rend d'ores et déjà nécessaire.

Or, l'inscription dans la loi de la délivrance de plein droit pourrait laisser apparaître -à tort certes- une automaticité de la délivrance de la carte de séjour temporaire au profit de toute personne en mesure d'avancer des considérations d'ordre personnel ou familial.

L'effet d'affichage qui résulterait probablement de l'adoption de la mesure proposée ne manquerait sans doute pas d'encourager des demandes infondées et de multiplier les contentieux.


Aussi, tout en comprenant l'intention du Gouvernement, votre commission s'interroge sur l'opportunité d'inscrire dans la loi une possibilité déjà offerte par la jurisprudence.

On notera que la carte " situation personnelle et familiale " ne subordonnerait plus le droit à l'exercice d'une activité professionnelle à une déclaration préalable de l'intéressé.

L'Assemblée nationale a retenu le dispositif proposé en y apportant toutefois quelques modifications :

- tout d'abord, se référant aux termes de l'article 8 de la Convention européenne, elle a remplacé la mention " situation personnelle et familiale " qui figurerait sur la carte de séjour temporaire par celle de " vie privée et familiale " ;

- au 1° de l'article 12 bis , elle a précisé que l'étranger autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial parce que son conjoint est titulaire de la carte de séjour temporaire devrait être entré régulièrement sur le territoire ;

- elle a, ensuite, ramené de 15 à 10 le nombre des années de résidence habituelle nécessaires pour l'attribution de la carte de séjour temporaire selon les dispositions de l'article 12 bis -3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

- l'Assemblée nationale a précisé que l'enfant français résidant en France ouvrant droit à l'attribution de la même carte à ses parents devait être mineur. Rappelons que le texte en vigueur exige que l'enfant soit âgé de moins de 16 ans (art. 12 bis -6°)

- au 7° du texte proposé pour l'article 12 bis , elle a ajouté que l'étranger faisant valoir des " liens personnels et familiaux " ne devrait pas " vivre en état de polygamie ".

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, ajouté quatre alinéas au texte de l'article 4 :

- l'article 12 bis -8° prévoit l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire à l'étranger né en France qui y a résidé pendant au moins 8 ans de façon continue ou 10 ans de façon discontinue, à la condition d'en faire la demande entre l'âge de 16 ans et celui de 21 ans.

Ces dispositions nouvelles seraient à rapprocher de celles du code civil relatives à la nationalité.

L'article 21-7 de ce code prévoit, au même âge, la possibilité, pour les étrangers nés en France, d'acquérir la nationalité française par manifestation de volonté s'ils justifient d'une résidence en France continue pendant les cinq années précédant leur démarche.

Le projet de loi relatif à la nationalité prévoit, pour les mêmes personnes, une acquisition de plein droit à la majorité, s'ils ont résidé en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de 11 ans.

- l'article 12 bis -9°, adopté par l'Assemblée nationale, reprendrait sans modification les dispositions de l'actuel article 12 bis -6°, concernant les titulaires d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

L'article 5 du projet initial tendait à transférer cette disposition à l'article 12 ter -1° nouveau de l'ordonnance.

- l'article 12 bis -10°, adopté par l'Assemblée nationale, reprendrait également sans modification les dispositions en vigueur de l'article 12 bis -7° de l'ordonnance, concernant l'apatride, son conjoint et ses enfants.

L'article 5 du projet initial tendait à transférer ces dispositions à l'article 12 ter -2° nouveau de l'ordonnance.

- l'article 12 bis -11°, adopté par l'Assemblée nationale, ouvre un nouveau cas d'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire, que le projet de loi initial tendait à insérer à l'article 12 ter -3° nouveau.

Selon l'article 12 bis -11° l'étranger " résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire " .

Cette proposition doit être rapprochée des dispositions de l'article 25-8° de l'ordonnance, protégeant certains étrangers gravement malades contre une mesure d'éloignement du territoire (expulsion ou arrêté de reconduite à la frontière).

Il pourrait donc s'agir de réduire le nombre des catégories d'étrangers qui, tout en étant protégés contre l'éloignement du territoire, ne bénéficieraient pas du droit à un titre de séjour.

Toutefois, les termes employés par les dispositions en vigueur de l'article 25-8° de l'ordonnance -introduit par la loi du 24 avril 1997- ne correspondent pas strictement à ceux proposés par le projet de loi.

L'étranger résidant habituellement en France (donc pas nécessairement de manière régulière) doit être " atteint d'une pathologie grave nécessitant un traitement médical " pour ne pas pouvoir être expulsé, alors que le projet exigerait que " son état de santé nécessite une prise en charge médicale ", pour être bénéficiaire de plein droit de la carte de séjour.

Toutefois, le projet de loi (article 13) tend à aligner la définition du malade protégé contre l'éloignement sur celle, plus large, du malade à qui une carte de séjour temporaire serait accordée de plein droit par le présent article.

L'ordonnance, comme le projet de loi, subordonne la protection contre l'éloignement ou le droit au titre de séjour, à la condition que le défaut de traitement puisse entraîner pour l'étranger des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

La protection contre l'expulsion est accordée sous réserve que " l'étranger ne puisse effectivement poursuivre un traitement approprié dans le pays de renvoi ", alors que le projet de loi se réfère au " pays dont il est originaire ", ce qui paraît plus limitatif.

Il est donc permis de s'interroger sur le point de savoir si l'interprétation jurisprudentielle éventuelle de la différence de terminologie permettrait une homothétie totale entre les malades protégés contre l'éloignement et ceux qui se verraient reconnaître l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire.

Quoi qu'il en soit, dans son avis précité du 22 août 1996, le Conseil d'Etat avait indiqué que l'autorité administrative ne peut refuser le séjour aux demandeurs " lorsque sa décision peut avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de ceux-ci : le juge administratif annule alors de telles mesures comme entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences. Tel est notamment le cas lorsque est sérieusement en cause l'état de santé des intéressés ".

Autrement dit, l'administration est déjà tenue d'accorder un titre de séjour aux étrangers gravement malades, répondant aux conditions posées par la jurisprudence.

Il s'agirait donc, une fois encore, d'inscrire dans la loi des dispositions ne s'imposant pas car les intéressés peuvent, en l'état actuel du droit, se voir délivrer une autorisation de séjour, pour la durée nécessaire au traitement .

Le projet de loi permettrait, en revanche, la délivrance d'un titre d'un an, quelle que soit la durée du traitement médical.

Ce qui apparaîtrait, en définitive, comme un souci d'affichage pourrait cependant entraîner des conséquences insuffisamment évaluées.

En reconnaissant un droit à des personnes qui peuvent d'ores et déjà en bénéficier , on restreindrait le pouvoir d'appréciation des cas individuels par l'administration . L'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire pourrait aussi constituer une incitation à pénétrer irrégulièrement sur le territoire.

Quoi qu'il en soit, ces modifications apportées par l'Assemblée nationale ne seraient pas de nature à remettre en cause les principes de la réforme proposée, qui apparaît à votre commission comme :

- contestable dans son aménagement des cas d'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire (suppression de la condition de durée de mariage pour l'étranger marié à un français ; abaissement de 18 à 16 ans de l'âge maximum de l'enfant français de l'étranger demandeur du titre de séjour) ;

- inutile, et peut-être même préjudiciable, en ce qui concerne les nouveaux cas d'attribution proposés (conjoint de scientifique ; " vie privée et familiale ", malades) au sens où, dans le premier cas, la loi en vigueur permet à l'administration de donner satisfaction au requérant et, dans les deux autres cas, il ne s'agirait que de la transcription législative de principes admis par la jurisprudence, comportant, de surcroît, un risque sérieux d'appel d'air .

Votre commission vous propose donc, un amendement de suppression de l'article 4 du projet de loi.

Article 5
(article 12 ter nouveau de l'ordonnance n° 49-2658
du 2 novembre 1945)
Attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire
aux bénéficiaires de l'asile territorial

L'article 5 du projet de loi initial, concernant d'autres cas d'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire, créait à cet effet un article 12 ter nouveau de l'ordonnance.

Cet article tendait, d'une part, à reprendre deux cas d'attribution figurant actuellement à l'article 12 bis et, d'autre part, à instituer deux nouvelles catégories de bénéficiaires.

Les deux cas d'attribution en vigueur (titulaires d'une rente d'accident du travail et apatrides) ont été, comme on l'a vu, transférés par l'Assemblée nationale à l'article 4 du projet et donc à l'article 12 bis de l'ordonnance ainsi que l'une des deux nouvelles catégories de bénéficiaires (malades).

L'article 5 du projet, tel qu'il a été transmis par l'Assemblée nationale, concerne uniquement l'attribution d'une carte de séjour temporaire à l'étranger qui a obtenu l'asile territorial.

L'asile territorial, constituant jusqu'à présent une pratique administrative ne reposant sur aucun texte spécifique, serait expressément prévu par la loi (article 31 du projet de loi).

Comme on l'exposera dans le commentaire sur l'article 31, le projet de loi initial tendait à permettre au ministre de l'intérieur d'accorder l'asile territorial à l'étranger exposé, en cas de refus d'admission, " à des traitements inhumains ou dégradants ou à des risques majeurs pour sa sûreté personnelle ".

Toutefois le texte de l'article 31, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, apporte une définition différente de l'asile territorial.

Celui-ci pourrait être accordé " dans des conditions compatibles avec l'intérêt du pays " si l'étranger établit " que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme " (torture, peines ou traitements inhumains ou dégradants).

L'analyse de la définition de l'asile territorial sera faite dans le commentaire de l'article 31 du projet de loi.

En ce qui concerne l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire -objet du présent article- le projet de loi initial en prévoit donc le bénéfice à l'étranger qui a obtenu l'asile territorial et le texte adopté par l'Assemblée nationale étendrait cette disposition au conjoint et aux enfants âgés de moins de 19 ans si le mariage est antérieur à cette obtention, ou à défaut s'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve de communauté de vie effective entre les époux (art. 12 ter 4° nouveau de l'ordonnance du 2 novembre 1945).

Cette carte donnerait lieu à l'exercice d'une activité professionnelle.

Une nouvelle fois, et en logique avec la position qu'elle a prise sur l'asile territorial (voir commentaire de l'article 31), votre commission s'interroge sur l'opportunité d'inscrire dans la loi une pratique administrative déjà admise et sur le risque d'encouragement à la demande d'asile que cette proposition comporterait.

Enfin, sur le plan formel, on peut également s'interroger sur l'opportunité de scinder en deux articles (12 bis et 12 ter ) des dispositions ayant trait à la carte de séjour temporaire suivant le même régime juridique. Il n'est pas certain que la lisibilité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en soit améliorée.

Votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 5 du projet de loi.

Article 5 bis nouveau
(article 12 quater nouveau de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Rétablissement de la commission du titre de séjour

L'Assemblée nationale a adopté un article additionnel tendant à la création d'une commission du titre de séjour que le préfet serait tenu de consulter lorsqu'il envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident à un étranger invoquant le bénéfice de plein droit de cette carte selon les dispositions des articles 12 bis et 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, son avis ne liant pas le préfet.

Il s'agirait, en réalité, du rétablissement de la commission départementale du séjour, instituée par la loi n° 89-548 du 2 août 1989 et supprimée par la loi du 24 avril 1997 ; cette commission avait été mise en place afin de renforcer les garanties juridiques offertes aux étrangers résidant en France ou ayant vocation à y vivre de manière durable.

Elle était instituée au niveau départemental et composée du président et d'un magistrat du tribunal de grande instance ainsi que d'un conseiller de tribunal administratif.

Cette commission, selon la loi de 1989, devait être saisie par le préfet lorsque celui-ci envisageait de refuser le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou la délivrance de plein droit d'une carte de résident ou d'un titre de séjour à un étranger qui ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Si la commission émettait un avis favorable à l'octroi ou au renouvellement du titre de séjour, l'administration était tenue de délivrer celui-ci.

Lors de l'examen de la loi du 24 août 1993, le Gouvernement avait envisagé la suppression des commissions départementales du séjour.

Il était notamment reproché aux commissions du séjour la lourdeur de leur fonctionnement -elles n'avaient pas été mises en place dans tous les départements- les nombreux incidents et dysfonctionnements qui le caractérisaient, la multiplication des recours qui en résultaient ainsi que le maintien de fait de situations irrégulières en cas de sursis, de report ou de renvoi de l'examen du dossier.

Il pouvait, par ailleurs, sembler anormal de lier la délivrance ou le refus d'un document administratif à l'avis d'une telle commission, alors même que la décision de l'administration était soumise au contrôle du juge administratif.

Néanmoins, l'Assemblée nationale -suivie par le Sénat- avait souhaité maintenir cette institution en réduisant sensiblement son champ d'intervention.

La loi du 24 août 1993 lui a ainsi retiré sa compétence en matière de renouvellement d'une carte de séjour temporaire et supprimé son pouvoir de décision au profit d'une simple fonction consultative .

La commission du séjour était donc, avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 1997, compétente pour les refus de délivrance d'une carte de résident de plein droit (article 15 de l'ordonnance) et de délivrance d'un titre de séjour à certaines catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'éloignement (article 25, 1° à 6° de l'ordonnance).

Elle était saisie chaque année d'un peu plus de 1 000 dossiers , l'essentiel des réunions ayant lieu en Ile-de-France où étaient traités 40 % des refus de cartes de résident.

Deux motifs essentiels avaient fondé la suppression des commissions du séjour :

- l'extension des cas d'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire, que devait opérer la loi du 24 avril 1997 -pour lesquels la commission n'était pas compétente- aurait divisé par quatre le nombre des dossiers à traiter ;

- les difficultés de fonctionnement du dispositif, en particulier dans les départements les moins peuplés.

A l'appui de sa proposition de rétablissement des commissions du séjour, la commission des Lois de l'Assemblée nationale fait valoir que celles-ci n'étaient pas systématiquement favorables aux étrangers, citant les chiffres de 1992 pour lesquels, en matière de délivrance de carte de résidant, elles avaient formulé 885 avis défavorables et 470 avis favorables.

La composition de la commission du titre de séjour serait toutefois différente de celle de la commission du séjour supprimée par la loi de 1997.

L'ancienne commission du séjour était composée de deux magistrats du tribunal de grande instance et d'un conseiller du tribunal administratif.

La commission du titre de séjour serait présidée par le président du tribunal administratif ou un conseiller délégué, et composée d'un seul magistrat du tribunal de grande instance, mais aussi d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale.

La commission devrait être saisie par le préfet lorsqu'il envisagerait de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire ou une carte de résident à un étranger estimant en être bénéficiaire de plein droit.

Pour le reste, le régime de la commission du titre de séjour serait comparable à celui des anciennes commissions du séjour.

Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission pourrait être instituée dans un ou plusieurs arrondissements.

Son avis ne lierait pas le préfet -contrairement au régime de la loi de 1989, mais comme dans celui de 1993.

L'étranger pourrait être assisté d'un conseil de toute personne de son choix et être entendu avec un interprète. Il pourrait aussi bénéficier de l'aide juridictionnelle.

Il serait délivré au demandeur, s'il ne dispose pas d'un titre de séjour en cours de validité, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour pendant la durée de la procédure.

Les débats de la commission seraient publics et l'avis motivé de la commission transmis à l'étranger.

La commission du titre de séjour ne serait pas instituée avant un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, en Guyane et à Saint-Martin (Guadeloupe).

Les commissions départementales du titre de séjour -dont le rétablissement n'avait pas été proposé par le rapport de M. Patrick Weil au Premier ministre- seraient donc conçues d'une manière sensiblement comparable à celle des commissions du séjour que le Parlement avait supprimé l'an dernier.

Les raisons pour lesquelles le Sénat avait approuvé cette suppression, ci-dessus rappelées, demeurent valables pour un dispositif sensiblement comparable.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle un amendement de suppression de l'article 5 bis .

Article 6
(art. 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modification des conditions d'attribution de plein droit
de la carte de résident

L'article 6 du projet de loi concerne les conditions d'attribution de plein droit de la carte de résident qu'il modifie sur trois points :

- suppression de la condition d'entrée régulière ;

- durée du mariage de l'étranger conjoint d'un Français ;

- création de deux nouveaux cas d'attribution de la carte de résident.

a) suppression de la condition d'entrée régulière

L'article 6 tend à supprimer la condition d'entrée régulière dans les cas où celle-ci est posée.

Selon l'article 15 de l'ordonnance, la carte de résident est attribuée de plein droit, sous réserve de l'entrée régulière, aux étrangers suivants :

- conjoint d'un français, marié depuis au moins un an , aux conditions habituelles de communauté de vie, de conservation de la nationalité française, de transcription, le cas échéant, de l'acte de mariage sur les registres de l'état civil français (art. 15-1° de l'ordonnance) et absence de vie en état de polygamie (art. 15 bis de l'ordonnance) ;

- enfant d'un français, s'il a moins de 21 ans ou s'il est à la charge de ses parents et ascendants à charge du Français ou de son conjoint (art. 15-2° de l'ordonnance) ;

- parent d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (art 15-3° de l'ordonnance).

- titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle, aux mêmes conditions que pour la carte de séjour temporaire et l'ayant-droit d'un étranger, bénéficiaire d'une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle (art. 15-4° de l'ordonnance) ;

- conjoint et enfant de moins de 19 ans d'un étranger titulaire d'une carte de résident autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial (art. 15-5° de l'ordonnance) ;

En revanche, l'ordonnance prévoit la délivrance de plein droit de la carte de résident sans condition d'entrée régulière, dans les cas suivants :

- étranger ayant servi dans une unité combattante de l'armée française ou alliée ou ayant servi dans la Légion étrangère, dans les conditions fixées par les 6° à 9° de l'article 15 de l'ordonnance ;

- étranger ayant obtenu le statut de réfugié, son conjoint et ses enfants de moins de 19 ans. Le mariage doit être antérieur à l'obtention du statut ou, à défaut, célébré depuis au moins un an avant la demande, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux (art 15-10° de l'ordonnance).

- apatride justifiant de 3 ans de résidence régulière en France, son conjoint et ses enfants de moins de 19 ans  (art 15-11° de l'ordonnance);

- l'étranger en situation régulière depuis plus de 10 ans, sauf s'il a été titulaire, pendant toute cette période, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (art 15-12° de l'ordonnance).

Le I de l'article 6 du projet de loi tend à supprimer la condition d'entrée régulière dans les cinq cas où elle est exigée.

En pratique, l'étranger qui remplit toutes les conditions pour l'attribution de plein droit de la carte de résident à l'exception de l'entrée régulière ( ce qui pourra être le cas de l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire, dont l'attribution n'est pas conditionnée par l'entrée régulière) pourrait retourner dans son pays pour solliciter un visa de long séjour. Compte tenu de ses liens étroits avec la France, le visa aurait de grandes chances de lui être accordé.

La disposition tendrait donc à faciliter la délivrance d'une carte de long séjour (10 ans) à un étranger qui ne serait pas entré régulièrement sur le territoire, ce qui est pour le moins paradoxal.

L'Assemblée nationale a adopté le I de l'article 6 sans modification.

Votre commission , sans négliger les éléments de caractère essentiellement pratiques de cette proposition ne peut admettre, sur le plan des principes, que l'attribution de plein droit d'une carte de longue durée (10 ans) ne soit plus soumise à une condition d'entrée régulière.

Cette disposition ne pourrait qu'encourager l'entrée irrégulière sur le territoire et aller à l'encontre de la nécessaire maîtrise des flux migratoires.


b) La condition de durée de mariage

Le II de l'article 6 du projet de loi initial portait de un an à deux ans la durée minimale de mariage pour l'attribution de plein droit de la carte de résident.

Selon l'étude d'impact élaborée par le Gouvernement, il est délivré, suivant les années, entre 6.500 et 7.500 cartes de résident aux étrangers mariés à un Français. La mesure serait destinée à limiter le nombre des mariages de complaisance en étendant sur deux années au lieu d'une seule la vérification de l'effectivité de la communauté de vie. La disposition permettrait ainsi de mieux maîtriser les conditions de délivrance d'un titre de séjour durable.

La prolongation de la durée préalable de mariage est présentée, dans l'exposé des motifs du projet, comme la contrepartie de la suppression de la condition de durée du mariage de un an pour l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire, proposée par l'article 4 du projet de loi.

On remarquera que les dispositions en vigueur concernant l'incidence du mariage avec un Français sur les droits au séjour et à la nationalité française comportent une certaine logique :

- la carte de séjour temporaire est accordée après un an de mariage;

- la carte de résident l'est après un an de mariage aussi, mais sous condition d'entrée régulière;

- la nationalité française peut être acquise par déclaration après deux ans de mariage (art. 21-2 du code civil).

Une certaine graduation apparaît donc avec évidence.

Le projet de loi initial :


- supprime le délai d'un an de mariage pour l'attribution de la carte de séjour temporaire,

- porte de 1 an à 2 ans la durée de mariage conditionnant la délivrance de la carte de résident.

Le projet de loi initial sur la nationalité n'affectait pas la condition de 2 ans de mariage pour l'acquisition de la nationalité française.

Les propositions initiales du Gouvernement tendaient à supprimer un équilibre posé par les textes en vigueur, puisque la même durée de mariage serait requise pour l'attribution de la carte de résident et pour l'acquisition de la nationalité française.

L'Assemblée nationale a supprimé le paragraphe II de l'article 6 du projet, portant de un an à deux ans la durée minimale de mariage pour l'attribution de plein droit de la carte de résident.

On peut s'interroger sur la logique qui a conduit aux positions prises par l'Assemblée nationale :


- attribution de la carte de séjour temporaire sans condition de durée de mariage, conformément au projet initial (article 4) ;

- attribution de la carte de résident après 1 an de mariage (au lieu de 2 ans dans le projet initial), donc selon les textes en vigueur, mais suppression de la condition d'entrée régulière ;

- réduction de 2 ans à 1 an de la durée de mariage ouvrant droit à l'acquisition de la nationalité française.

En d'autres termes, la même durée de mariage (1 an) permettrait aussi bien la délivrance de la carte de résident que l'acquisition de la nationalité française, ce qui peut paraître surprenant.

La commission des Lois propose, en logique avec les positions prises précédemment par le Sénat, de s'en tenir aux textes en vigueur et, pour ce qui concerne l'article 6 du projet de loi de maintenir la durée minimale d'un an de mariage pour l'attribution de la carte de résident, ce qui correspondrait, sur ce point, à la position de l'Assemblée nationale, étant entendu que le maintien de la condition d'entrée régulière est également proposée, contrairement au texte voté par l'Assemblée nationale.

c) Création de deux nouveaux cas d'attribution de la carte de résident

L'Assemblée nationale a, par adjonction d'un paragraphe III à l'article 6 du projet de loi, adopté une disposition insérant un nouvel alinéa (13 °) à l'article 15 de l'ordonnance tendant à étendre le champ de l'attribution de plein droit de la carte de résident à deux catégories d'étrangers, à savoir :

- l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire en application des articles 12 bis et 12 ter de l'ordonnance tels qu'ils résulteraient du projet de loi, qui remplirait les conditions d'attributions de plein droit de la carte de résident .

Cette disposition apparaît redondante. Pourquoi prévoir l'attribution de plein droit de la carte de résident pour des étrangers qui remplissent déjà les conditions ?

- l'étranger justifiant de 5 années de résidence régulière ininterrompue en France . On rappellera que les étrangers justifiant de 3 années consécutives de résidence régulière en France peuvent déjà obtenir -pas de plein droit, mais selon l'appréciation de l'Administration- la carte de résident en application de l'article 14, 1er alinéa, de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Votre commission n'estime pas opportun de retirer à l'administration son pouvoir d'appréciation sur la situation des personnes n'entrant pas dans les très nombreux cas d'attribution de plein droit de la carte de résident, rappelés ci-dessus.

En conséquence, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 6 du projet de loi.

Article 7
(article 16 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Durée de validité, renouvellement et retrait de la carte de résident

L'article 7 du projet de loi tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article 16 de l'ordonnance, reprenant, sans les modifier, les deux premières phrases seulement de celui-ci et supprimant le reste de l'article.

Sur le fond, l'article 16 en vigueur de l'ordonnance concerne la durée de validité de la carte de résident, les conditions de son renouvellement et celles de son retrait.

1. Les dispositions maintenues par le projet de loi :

La durée de validité de la carte de résident serait maintenue à dix ans. Cette carte serait toujours renouvelée de plein droit, sous réserve de l'article 15 bis de l'ordonnance, introduit par la loi du 24 août 1993 (étranger vivant en état de polygamie et ses conjoints titulaires de la carte de résident) et de l'article 18 de la même ordonnance (étranger dont la carte de résident est périmée parce qu'il a quitté le territoire pendant plus de trois années consécutives, sauf autorisation).

Ces dispositions ne seraient pas affectées par le projet de loi initial.

2. Les dispositions supprimées par le projet de loi :

- La loi du 24 avril 1997 avait complété le premier alinéa de l'article 16 de l'ordonnance en subordonnant le renouvellement de plein droit de la carte de résident à la condition que l'étranger justifie d'une résidence habituelle en France au moment de la demande.

Cette condition supplémentaire, dont l'article 7 du projet propose la suppression, avait été introduite pour éviter qu'un étranger puisse se voir renouveler automatiquement son titre de séjour, alors qu'il ne réside plus sur le territoire national.

L'Assemblée nationale a approuvé la suppression proposée de cette disposition en faisant valoir le paradoxe qu'il y aurait à exiger de l'étranger qu'il réside en France au moment où il sollicite le renouvellement de sa carte de résident alors qu'il pourrait être autorisé à résider plus de 3 ans hors de France, selon l'article 18 de l'ordonnance.

Il convient de souligner que les dispositions en vigueur ne s'opposent nullement au renouvellement de la carte de résident de l'étranger se trouvant momentanément hors de France. Elles sont simplement destinées à permettre à l'administration de porter une appréciation sur la demande présentée.

En quoi serait-il choquant de laisser aux services administratifs la possibilité de procéder à un examen de la demande de renouvellement d'un titre de longue durée d'un étranger ne résidant pas en France ?

A l'inverse, il apparaîtrait surprenant d'accorder un droit automatique à renouvellement d'une carte de résident détenue par un étranger ne résidant plus en France au moment de sa demande.

- Le deuxième alinéa de l'article 16 , inséré par la loi du 24 août 1993, que le projet de loi propose également de supprimer , concerne la possibilité de retrait de la carte de résident au réfugié qui s'est vu retirer son statut par l'OFPRA en raison d'un comportement qui ne serait plus celui d'une personne persécutée dans son pays.

Est ainsi visée la personne qui s'est volontairement placée dans l'une des situations énoncées par les paragraphes 1 à 4 de l'article premier C de la Convention de Genève :

" 1) si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; ou

" 2) si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée ; ou

" 3) si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ; ou

" 4) si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée (...) "


Le retrait de la carte de résident ne peut cependant être prononcé que dans un délai de trois ans après sa première délivrance.

En revanche, la carte de résident ne pourrait pas être retirée si le retrait du statut de réfugié résultait de la fin des circonstances locales à la suite desquelles la personne a pu bénéficier de ce statut, c'est-à-dire que les persécutions auraient cessé dans son pays (cas visé par le 5 de l'article premier C de la Convention de Genève).

Il convient de souligner que la possibilité -non l'obligation- de retrait concerne des personnes, probablement peu nombreuses, qui se sont volontairement placées en dehors du champ de la Convention de Genève alors que la carte de résident leur avait été délivrée précisément parce qu'elles avaient obtenu le statut de réfugié.

De plus, ce retrait ne peut affecter des personnes implantées en France de longue date, puisqu'il est limité, comme on l'a déjà indiqué, aux trois premières années suivant la première délivrance d'une carte de résident.

La commission des Lois souhaite le maintien du deuxième alinéa de l'article 16 de l'ordonnance.

En conséquence, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 7.

Article 8
(Article 18 bis nouveau de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Carte de séjour " retraité "

1. Le projet de loi initial

L'article 8 du projet de loi tend à insérer un article 18 bis nouveau dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de créer une carte de séjour " retraité ".

La carte de séjour " retraité " serait destinée à répondre au cas d'étrangers qui, tout en souhaitant résider dans leur pays d'origine, se maintiendraient en France au terme de leur vie professionnelle uniquement par crainte de ne plus être autorisés à revenir périodiquement rendre visite en France aux membres de leur famille (enfants, petits-enfants...).

Dans l'état actuel de la législation, la carte de résident d'un étranger ayant quitté le territoire français pendant plus de trois ans est périmée, sauf demande expresse de l'intéressé (art.18 de l'ordonnance).

Toutefois, s'il n'a pas formulé une telle demande, l'étranger rentré dans son pays d'origine peut toujours effectuer des visites en France sous le couvert d'un visa.

La demande de visa pour chaque visite pourrait cependant apparaître astreignante et, peut-être, perçue par l'étranger comme n'impliquant pas une garantie de pouvoir visiter effectivement sa famille quand il le voudra.

La création d'une carte de séjour " retraité " pourrait ainsi encourager le retour d'étrangers dans leur pays d'origine sans pour autant faire obstacle à leur aspiration légitime de garder un lien avec un pays dans lequel ils auraient, par définition, des attaches de longue date.

Signalons, par ailleurs, que le projet prévoit, à l'article 35, une dérogation, en faveur des étrangers habitant hors de France, à l'obligation de résidence en France pour percevoir les prestations d'assurance vieillesse. Les prestations d'assurance maladie pourraient, à certaines conditions définies par un article additionnel voté par l'Assemblée nationale (article 34 bis ) être versées lors de leur séjour temporaire en France (voir commentaire de ces articles dans l'avis présenté par M Alain Vasselle au nom de la commission des Affaires sociales).

Pour prétendre à la carte de séjour " retraité ", l'étranger ayant établi sa résidence hors de France devrait avoir précédemment séjourné en France sous couvert d'une carte de résident. Il devrait aussi être titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale.

La carte de séjour " retraité " permettrait à son détenteur d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y séjourner temporairement

Elle serait valable 10 ans et renouvelable de plein droit. Elle n'ouvrirait naturellement pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

Le conjoint du titulaire d'une carte de séjour " retraité " bénéficierait de la même carte à la condition qu'il ait résidé régulièrement en France avec lui.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

l'Assemblée nationale a retenu le dispositif proposé en y apportant toutefois quelques modifications :

- Elle a tout d'abord souhaité préciser que la résidence hors de France du demandeur de la carte de résident " retraité " devait s'entendre comme d'une résidence habituelle.

- l'Assemblée nationale a entendu prendre en considération, non seulement les étrangers encore titulaires d'une carte de résident au moment de leur demande, mais aussi ceux qui ayant établi leur résidence à l'étranger depuis plusieurs années, solliciteraient à nouveau une carte de résident.

- L'Assemblée nationale a remplacé la notion de " séjour temporaire " en France auquel le titulaire de la carte de résident serait autorisé par celle de " séjours n'excédant pas un an ", ce qui pourrait néanmoins être considéré comme une durée assez longue.

- Enfin, s'agissant du conjoint, l'Assemblée nationale a préféré lui accorder, non pas une " carte de même nature ", celui-ci pouvant ne pas être retraité lui-même, mais un " titre de séjour conférant les mêmes droits ".

Prenant en considération le fait que la carte de séjour " retraité " serait de nature à faciliter la démarche de personnes qui, ayant accompli la totalité ou une grande partie de leur vie professionnelle en France, souhaiteraient s'établir hors du territoire pour n'y revenir que périodiquement, votre commission accueille favorablement cet article.

Elle vous propose néanmoins un aménagement concernant la durée des séjours temporaires en France des retraités.

La durée maximale des séjours temporaires en France, adoptée par l'Assemblée nationale (un an) apparaît, en effet, trop longue.

Il paraît néanmoins difficile de fixer dans le texte de la loi la durée des séjours temporaires, ceux-ci pouvant être motivés par des circonstances diverses.

Votre commission des Lois vous propose en conséquence, par amendement , de revenir au texte initial du projet de loi, en indiquant que l'étranger retraité serait admis à " séjourner temporairement " en France, la durée du séjour temporaire pouvant être fixée par la voie réglementaire.

Elle vous propose l'adoption de l'article 8 ainsi modifié .

Article 9
(art. 19 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Délit d'entrée et de séjour irréguliers en France

Cet article tend à modifier l'article 19 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de supprimer les pénalités et sanctions liées à l'obligation de souscrire, au moment de l'entrée sur le territoire, la déclaration prévue par l'article 22 de la Convention signée à Schengen du 19 juin 1990.

Précisé et complété par la loi n° 92-190 du 26 février 1992, l'article 19 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 définit le délit d'entrée et de séjour irrégulier et prévoit les sanctions applicables.

Est ainsi puni d'un emprisonnement d' un an et d'une amende de 25 000 francs , l'étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles 5 (entrée régulière sur le territoire) et 6 (possession d'une carte de séjour passé un délai de trois mois depuis l'entrée sur le territoire) de l'ordonnance. Les mêmes peines sont encourues -depuis la loi du 26 février 1992- par l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée autorisée par son visa.

Le II de l'article 19 de l'ordonnance rend, par ailleurs, les mêmes peines applicables à l'étranger, non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne, qui n'a pas été admis sur le territoire en application des stipulations de la Convention de Schengen et qui a pénétré sur le territoire métropolitain sans remplir les conditions mentionnées aux points a, b ou c du paragraphe 1 de l'article 5 de la Convention, soit :

- posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le comité exécutif ;

- être en possession d'un visa valable si celui-ci est requis ;

- présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens.

Un Etat partie à la Convention peut néanmoins déroger à ces conditions pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales. Dans cette hypothèse, l'Etat en question devient l'Etat responsable au sens de la convention de Schengen et doit assurer, le cas échéant, l'éloignement de l'étranger bénéficiaire de la dérogation. En outre, sous certaines conditions, l'étranger peut être admis en transit s'il est titulaire d'une autorisation de séjour ou d'un visa de retour délivrés par l'une des parties contractantes.

Les règles s'appliquent également au cas de l'étranger signalé aux fins de non-admission en application d'une décision exécutoire.

Le II de l'article 19 de l'ordonnance étend par ailleurs le délit au cas de l'étranger en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la Convention qui est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions relatives au visa uniforme prévu par l'article 19 de la Convention ou à celles définissant les conditions de circulation de l'étranger.

Le délit couvre, enfin, le cas de l'étranger qui, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la Convention, n'a pas souscrit, au moment de l'entrée sur le territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 du texte international lorsqu'il était astreint à cette formalité.

C'est ce dernier cas que l'article 9 du projet de loi tend à supprimer dans le cadre d'un ensemble de dispositions dont l'objet -selon l'exposé des motifs- est de " faciliter la libre circulation en supprimant ou en allégeant certaines formalités inutiles ou excessivement tracassières ".

L'étude d'impact fait valoir que " dans les faits, en règle générale, les étrangers ignorent l'existence de cette déclaration ". Il est exact qu'un nombre très limité de déclarations est enregistré (4,4 % en 1996) par rapport au nombre de personnes qui y sont soumises.

La déclaration serait néanmoins maintenue dans la mesure où, selon l'étude d'impact, " elle peut en effet représenter une facilité pour les étrangers en situation régulière mais dont le passeport n'aurait pas été tamponné lors du franchissement de la frontière extérieure Schengen ".

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Il est vrai que cette procédure a été marquée par certaines incertitudes soulignées en son temps par la commission sénatoriale de contrôle chargée d'examiner la mise en place et le fonctionnement de la convention.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10
(art. 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Aménagement du régime des infractions d'aide à l'entrée,
à la circulation et au séjour d'étrangers en situation irrégulière

Cet article tend à modifier l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin d'aménager le régime des infractions d'aide à l'entrée et au séjour d'étrangers en situation irrégulière.

L'ordonnance du 2 novembre 1945 (article 19 et 27) sanctionne, en premier lieu les infractions aux règles relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement, qui sont commises par un étranger.

En outre, elle sanctionne celles qui sont commises par un tiers au profit d'un étranger lui-même en infraction (articles 20 bis, 21 et 21 ter).

Tel qu'il résulte de la loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994, l'article 21 de l'ordonnance prévoit que peut être poursuivie toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui, alors qu'elle se trouvait en France, aura facilité ou tenté de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour d'un étranger. Les mêmes faits sont incriminés lorsque cette personne se trouvait sur le territoire d'un Etat partie à la convention de Schengen ou lorsque, se trouvant en France, elle aura commis ces faits au détriment de l'un de ces Etats.

La notion d'aide directe ou indirecte a été précisée par la jurisprudence. Il peut s'agir par exemple du fait de contracter un mariage simulé ou de publier des annonces en vue d'un mariage de complaisance.

Les peines maximum encourues sont un emprisonnement de cinq ans et une amende de 200 000 francs .

En outre, le tribunal peut prononcer des peines complémentaires : interdiction de séjour ; suppression du permis de conduire pendant une durée de trois ans au plus (qui peut être doublée en cas de récidive) ; retrait temporaire ou définitif de l'autorisation administrative d'exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier ou un service de navette de transports internationaux (le véhicule ayant servi à commettre l'infraction par voie terrestre, fluviale ou maritime peut être confisqué) ; interdiction d'exercer directement ou par personne interposée, pendant une durée de cinq ans maximum, l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; confiscation de tout produit appartenant au condamné et provenant directement ou indirectement de l'infraction ; interdiction du territoire pendant une durée de dix ans maximum à l'encontre du condamné étranger.

Le paragraphe I du présent article propose de créer une circonstance aggravante lorsque les délits sont commis en bande organisée . Dans ce cas, les peines seraient portées à dix ans d'emprisonnement et à cinq millions de francs.

Cette disposition, qui est conforme à une suggestion du rapport de M. Patrick Weil, est destinée à lutter plus efficacement contre les réseaux structurés . Le rapport proposait, en outre, de permettre une interdiction définitive du territoire dans le cas où le délit serait commis par un étranger.

La commission d'une infraction en bande organisée constitue une circonstance aggravante aux termes de l'article 132-71 du code pénal, lequel définit la bande organisée comme " tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ".

Selon la circulaire du 14 mai 1993 de mise en oeuvre du nouveau code pénal,  la bande organisée suppose, à la différence de la réunion, que les auteurs de l'infraction ont préparé, par des moyens matériels qui sous-entendent une certaine organisation, la commission du crime ou du délit, ce qui signifie qu'il y a eu préméditation. Cette circonstance aggravante doit en outre être réservée aux cas d'infractions commises par un nombre important de personnes.

Le paragraphe II étend le champ d'application de la protection contre ces incriminations, déjà accordée à certains membres de la famille de l'étranger.

Le III de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 -issu de la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme- prévoit que, sans préjudice de l'article 19 de l'ordonnance, des poursuites pénales ne peuvent être engagées sur le fondement de l'aide au séjour irrégulier lorsque celle-ci est le fait d'un ascendant , d'un descendant ou du conjoint de l'étranger concerné.

Il n'est pas inutile de rappeler que ces immunités ont été introduites par la loi du 22 juillet 1996 dans le but d'atténuer les effets de l'assimilation de l'infraction prévue par l'article 21 à un acte terroriste dès lors qu'elle est intentionnellement en relation avec une entreprise terroriste. Or le Conseil constitutionnel (décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996) ayant censuré (art. 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) les nouvelles dispositions qui étaient inscrites à l'article 421-1 du code pénal, les immunités familiales on seules subsisté dans la loi en définitive promulguée.

Le II de l'article 10 propose de prendre en compte au titre de ces immunités, outre les ascendants et les descendants, leurs conjoints , les frères et soeurs de l'étranger et leurs conjoints . Par ailleurs serait également protégé le concubin notoire de l'étranger et non plus seulement son conjoint.

Cette extension répond au souci exprimé dans le rapport de M. Patrick Weil de recentrer la répression sur les réseaux structurés. Le rapport relève ainsi que " les poursuites pénales apparaissent inopportunes à l'encontre d'une personne qui héberge un étranger en situation irrégulière dans un cadre familial et amical. Elles sont rares en pratique, les infractions relevées sur ce fondement correspondant presque toujours à des démantèlements de filières et à des interpellations de passeurs. L'action des services de police et de gendarmerie doit être concentrée sur la recherche de la criminalité. La législation doit donc être humanisée sur ce point. "

La protection ainsi édictée n'est cependant pas totale : elle ne concerne pas l'aide à l'entrée irrégulière incriminée par l'article 21 de l'ordonnance ; elle n'empêche pas les poursuites au titre de la complicité sur le fondement de l'article 19, lequel prévoit néanmoins des sanctions plus faibles (un an d'emprisonnement et 25 000 francs d'amende).

L'Assemblée nationale a adopté ces dispositions sans modification.

Soulignant que lors de l'examen de la loi du 22 juillet 1996, le champ d'application des " immunités familiales " avait fait l'objet d'un examen approfondi, votre commission des Lois rappelle que la solution proposée par le II du présent article avait été écartée par le Sénat. Visant tous les proches de l'étranger, y compris les concubins, elle est en effet susceptible de générer des fraudes à la loi.

C'est pourquoi, elle vous propose par un amendement de supprimer le II de l'article 10.

Elle vous soumet l'article 10 ainsi modifié .

Article 10 bis (nouveau)
(Art. 21 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Non application du régime des infractions d'aide à l'entrée,
à la circulation et au séjour d'étrangers en situation irrégulière
à certaines associations

Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Julien Dray et contre l'avis du Gouvernement, tend à modifier l'article 21 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de rendre inapplicables les dispositions de l'article 21, ci-dessus exposées (cf. commentaire de l'article 10) à certaines associations qui apportent leur soutien aux étrangers.

Actuellement, l'article 21 ter permet l'application de ces dispositions qui sanctionnent l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers aux personnes morales dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal. Sont ainsi visées toutes les personnes morales, notamment les associations, à l'exclusion de l'Etat. Cette responsabilité peut être engagée " dans les cas prévus par la loi ".

Les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont toutefois responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégations de service public.

Le présent article exclurait du régime institué par l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 les associations à but non lucratif qui apportent aide et conseils à un étranger qui se trouve en infraction aux règles d'entrée et de séjour. Sont visées en particulier les associations qui viennent en aide aux étrangers dont l'état de santé nécessite un traitement médical .

Devant l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a fait valoir que " le renforcement des sanctions concernant les filières criminelles agissant en bandes organisées pour faciliter le trafic de main d'oeuvre et l'immigration clandestine (...) ne concerne évidemment pas les associations d'aide aux étrangers, dont beaucoup d'ailleurs, sont subventionnées (...). Cela ne vise pas non plus, bien évidemment, les associations médicales, qui viennent en aide aux malades ".

Votre commission des Lois n'a pas non plus jugé nécessaire une telle disposition. Elle vous soumet, en conséquence, un amendement de suppression de l'article 10 bis.

Article 11
(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Suppression de la reconduite à la frontière en cas de non respect
de la procédure de déclaration prévue par la convention de Schengen
Suppression de l'interdiction administrative du territoire
dans le cadre d'une reconduite à la frontière

Cet article qui modifie l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 a pour objet de supprimer, d'une part, la procédure de reconduite à la frontière applicable à un étranger qui n'aurait pas respecté l'obligation de déclaration prévue par la convention de Schengen et, d'autre part, l'interdiction administrative du territoire qui peut être appliquée dans le cadre d'une reconduite à la frontière.

Le II de l'article 22 de l'ordonnance de 1945 -issu de la loi n° 92-190 du 26 février 1992- rend applicables les dispositions relatives à la reconduite à la frontière à l'étranger non ressortissant de la communauté européenne qui ne remplit pas les conditions d'entrée prévues par la convention de Schengen dans son article 5 (points a, b ou c du paragraphe 1) qui ont été exposées ci-dessus (cf. commentaire de l'article 9).

Il les étend également à l'étranger en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention qui est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions relatives au visa uniforme prévues par l'article 19 de la convention ou celles définissant les conditions de circulation de l'étranger.

Enfin, le II de l'article 22 de l'ordonnance rend applicables les mêmes dispositions à l'étranger en provenance directe d'un Etat partie à la convention qui n'a pas souscrit, au moment de l'entrée sur le territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 du texte international, lorsqu'il était astreint à cette formalité.

Or, l'article 9 du projet de loi supprime la pénalisation du non respect de l'obligation de souscrire cette déclaration dans le souci de faciliter la libre circulation en supprimant certaines formalités jugées par le Gouvernement inutiles ou excessivement tracassières.

Dans ces conditions, et dans le même esprit, le paragraphe I du présent article supprime le cas d'absence de respect de cette obligation parmi les motifs pouvant justifier l'application des dispositions relatives à la reconduite à la frontière.

Il est difficile de se satisfaire d'une telle solution. En effet, dès lors que l'obligation -qui résulte de la convention elle-même- demeure, sa méconnaissance doit pouvoir fonder une mesure de reconduite à la frontière, quand bien même les sanctions pénales auraient été supprimées par ailleurs.

Le paragraphe II , pour sa part, abroge les dispositions du IV de l'article 22 de l'ordonnance.

L'article 22-IV de l'ordonnance -issu de la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993, laquelle a tenu compte de la décision n° 93-325 du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel- permet à l'autorité administrative qui a pris un arrêté de reconduite à la frontière, de prendre, en raison de la gravité du comportement ayant motivé la reconduite et en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé, une décision d'interdiction du territoire d'une durée maximale d'un an à compter de l'exécution de la reconduite à la frontière. Cette décision -qui est distincte de celle prononçant la reconduite- doit être motivée. Elle ne peut intervenir avant que l'intéressé ait été mis à même de présenter ses observations. Elle emporte de plein droit reconduite à la frontière de l'étranger concerné.

Parallèlement, l'article 21 du projet de loi abroge les deux derniers alinéas de l'article 33 -issus de la loi du 24 avril 1997- qui rendent passible de l'interdiction administrative du territoire dans le cadre de la procédure dite de réadmission.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Il n'est pas inutile de rappeler les motifs pour lesquels a été institué le cas de l'interdiction administrative du territoire prévu par le IV de l'article 22 de l'ordonnance.

Un étranger reconduit à la frontière et qui a regagné, soit son pays d'origine, soit un pays tiers, est en droit de solliciter une demande d'admission sur le territoire dans des conditions identiques à celles s'imposant à tout étranger désirant gagner la France.

Cette nouvelle demande peut, bien entendu, être rejetée. Néanmoins, cet état de fait peut conduire à une identité critiquable entre la situation de celui qui n'a jamais cherché à frauder et celle de l'étranger qui s'est trouvé violer les règles sur l'entrée et le séjour sur le territoire national.

C'est pourquoi les dispositions du IV de l'article 22 permettent opportunément de faire obstacle au retour immédiat sur le territoire français d'un étranger qui vient d'être reconduit à la frontière. Elles s'appuient, en outre, sur des conditions précises qui prennent en compte la jurisprudence constitutionnelle.

Dans ces conditions, considérant que ces motifs demeurent parfaitement valables, votre commission vous propose de ne pas accepter cette modification.

Pour toutes ces raisons, elle vous soumet un amendement de suppression du présent article.

Article 12
(art. 22 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modalités de recours contre les arrêtés préfectoraux
de reconduite à la frontière

Cet article tend à modifier l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de porter de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai pendant lequel un étranger faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut former un recours contre cet arrêté.

Les cas dans lesquels une décision de reconduite à la frontière peut être prise à l'encontre d'un étranger sont énoncés par l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans une rédaction qui a été précisée par les lois du 24 août et 30 décembre 1993.

Sont ainsi visés les cas de l'étranger :

- qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;

- qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou plus de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;

- qui s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d' un mois à compter de la date de notification du refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait de son titre ;

- qui n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et qui s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d' un mois suivant l'expiration de ce titre ;

- qui a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, fabrication, établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour ;

- qui s'est vu retirer le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou auquel le renouvellement de ces documents a été refusé ;

- qui a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement en raison d'un menace à l'ordre public.

Dès notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger doit être mis immédiatement en mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix.

L'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 -issu de la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990- organise pour sa part une procédure spécifique de recours contentieux à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière.

Ces dispositions ont été reproduites à l' article L. 28 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Elles ont été précisées par le décret n° 90-93 du 25 janvier 1990, codifié aux articles R. 241-1 et suivants du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

La procédure particulière ainsi définie obéit à des règles spéciales , dérogatoires du droit commun du contentieux administratif.

La requête est jugée par un juge unique délégué par le président du tribunal administratif.

L'étranger dispose d'un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière pour en demander l'annulation au président du tribunal administratif. Ce délai n'est opposable qu'à condition d'avoir été mentionné dans la notification de la décision. Il se décompte d'heure en heure (il ne constitue donc pas un délai franc contrairement au droit commun du contentieux administratif).

Même lorsque la notification a été faite par voie postale, la requête doit être enregistrée au greffe du tribunal dans les vingt-quatre heures ( article R. 241-6 du code des tribunaux administratifs).

Le juge délégué dispose d'un délai de quarante-huit heures pour statuer à compter de la saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l'étranger si celui-ci fait l'objet d'une rétention administrative en application de l'article 35 bis de l'ordonnance.

Conformément aux règles du contentieux administratif, le juge, après avoir vérifié sa compétence et la recevabilité de la requête, examine la légalité externe de l'acte (compétence de son auteur, vices de procédure, motivation de la décision, à l'exclusion des circonstances qui ont précédé ou suivi l'arrêté) et sa légalité interne (erreur de fait, erreur de droit, examen de la situation de l'intéressé, violation des articles 22 et 25 de l'ordonnance qui respectivement énoncent les cas de reconduite à la frontière et définissent les catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'éloignement).

Le juge se livre, en outre, à un contrôle des conséquences de l'acte . A ce titre, il contrôle l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la reconduite sur la vie personnelle de l'étranger. Ce contrôle minimum ne peut conduire à l'annulation de la mesure que si celle-ci conduit à des conséquences d'une gravité exceptionnelle (Conseil d'Etat, 29 janvier 1990, Préfet du Doubs c/Mme Olmo Quintero, Imambaccus). Il s'exerce sur la seule situation personnelle de l'intéressé, c'est-à-dire essentiellement son état de santé, son activité professionnelle ou ses études.

Le juge vérifie également la proportionnalité de la mesure avec l'atteinte à la vie familiale et privée normale, protégée par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme.

L'arrêté de reconduite ne peut être exécuté avant l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures suivant sa notification ou, si le juge est saisi, tant que celui-ci n'a pas statué. Le recours a donc un effet suspensif .

La rétention administrative, autorisée par l'article 35 bis de l'ordonnance, peut être mise en oeuvre dès l'intervention de l'arrêté de reconduite.

Le juge saisi, dans le cadre de l'article 22 bis de l'ordonnance, est compétent pour connaître des conclusions dirigées contre le placement en rétention mais le recours n'a alors pas d'effet suspensif sur la mise en rétention.

Si la seule mise en rétention est contestée, la procédure de droit commun est applicable et non celle de l'article 22 bis.

La procédure d'appel à l'encontre du jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est également spéciale. L'appel est, en effet, formé devant un conseiller d'Etat délégué par le président de la section du contentieux. Cet appel n'ayant pas d'effet suspensif, le sursis à l'exécution du jugement peut être demandé.

Rappelons que l'article 9 de la loi du 24 avril 1997 a prévu le transfert de cette compétence en matière d'appel au président de la cour administrative d'appel, au plus tard le 1er septembre 1999 .

Cependant, sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a supprimé la date limite du 1er septembre 1999, au motif qu'à cette date pourtant assez éloignée, la compétence ne pourrait pas être exercée dans les cours administratives d'appel.

En 1996, 29.633 arrêtés de reconduite à la frontière pour séjour irrégulier ont été prononcés. Ils ont donné lieu à 4.185 recours, soit 14,12 % des cas. Le taux d'exécution de ces arrêtés de reconduite est très variable : il est de 46,14 % pour les arrêtés après interpellation mais seulement de 0,38 % pour les arrêtés notifiés par voie postale. En fait, le taux somme toute assez faible des recours n'est pas sans lien avec l'inexécution des arrêtés de reconduite, l'étranger préférant se fondre dans la clandestinité plutôt que d'engager des procédures susceptibles d 'attirer l'attention sur lui.

L'article 12 du projet de loi porte à quarante-huit heures le délai de recours contre l'arrêté de reconduite, le même délai étant fixé à sept jours lorsque l'arrêté est notifié par voie postale.

Cet allongement du délai de recours se fonde sur la considération que la loi du 24 avril 1997 a porté à quarante-huit heures le délai (auparavant fixé à vingt-quatre heures) avant lequel un étranger placé en rétention doit être présenté au juge judiciaire. En conséquence, l'étranger qui n'aurait pas saisi le juge administratif d'un recours contre l'arrêté de reconduite, dans les premières vingt-quatre heures, se trouverait privé de protection dans les vingt-quatre heures qui précèdent la saisine du juge judiciaire, l'arrêté de reconduite pouvant alors être mis à exécution.

L'article 12 du projet de loi, par coordination, adapte les délais pendant lesquels l'arrêté ne peut être exécuté.

Il reste que l'étranger concerné doit être informé de ces droits, dès notification de l'arrêté de reconduite à la frontière. L'article 22 de l'ordonnance spécifie en particulier que, dès cette notification, il doit être " immédiatement mis en mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix ". En outre le délai de vingt-quatre heures pour former un recours ne lui est opposable que s'il a été mentionné dans la notification de la décision.

Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de ce que la loi priverait l'étranger des garanties légales de l'exercice effectif d'un droit de recours contre de tels arrêtés, faute en pratique de l'intervention d'un avocat en temps utile, en considérant que la modification du délai avant lequel un étranger placé en rétention doit être présenté au juge judiciaire " ne fait pas en elle-même obstacle au droit reconnu à l'étranger de contester la décision administrative qui le contraint à quitter le territoire français, droit garanti et organisé par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ".

En outre, le délai de sept jours prévu par le I du présent article en cas de notification de l'arrêté de reconduite par voie postale rendrait encore plus aléatoire l'exécution de la mesure d'éloignement.

Enfin, la remise en cause, proposée par le III du présent article, de la date limite du 1er septembre 1999 pour le transfert de la compétence, en matière d'appel, au président de la cour administrative d'appel, prévue par la loi du 24 avril 1997, apparaît bien prématurée.

Dans ces conditions, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression du présent article.

Article 13
(art. 25 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'éloignement

Cet article modifie l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 -qui définit les catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'éloignement (expulsion ou reconduite à la frontière)- afin d'étendre cette protection aux étrangers qui justifient résider en France depuis au plus l'âge de dix ans (au lieu de six ans dans le droit en vigueur) et de réviser le critère applicable aux étrangers gravement malades.

Telles qu'elles ont été précisées par les lois du 24 août 1993 et du 24 avril 1997, les étrangers protégés contre une mesure d'éloignement sont :

- l'étranger mineur de dix-huit ans ;

- l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans ;

- l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans sauf s'il a été pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ;

- l'étranger, marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

- l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

- l'étranger titulaire d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;

- l'étranger résidant régulièrement en France sous couvert de l'un des titres de séjour prévus par l'ordonnance ou les conventions internationales, qui n'a pas été condamné définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ;

- l'étranger résidant habituellement en France atteint d'une pathologie grave nécessitant un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (catégorie ajoutée par la loi du 23 avril 1997).

On rappellera que des critères voisins sont applicables en matière d'interdiction du territoire (article 21 bis de l'ordonnance).

Cependant peut être expulsé l'étranger qui a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée quelconque pour une infraction relative à l'immigration irrégulière.

En outre, l'étranger protégé, entrant dans l'une des six premières catégories énoncées ci-dessus, peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion dans les conditions prévues par l'ordonnance, s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans .

- Le paragraphe I du présent article retient l'âge de dix ans -au lieu de six ans dans le droit en vigueur- pour l'étranger qui justifie résider habituellement en France depuis son jeune âge.

Il rétablit ainsi le 2° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 août 1993.

On relèvera que -depuis la loi du 24 avril 1997- cette catégorie d'étrangers peut bénéficier de plein droit de la carte de séjour temporaire (article 12 bis de l'ordonnance).

Ils ne peuvent, en outre, faire l'objet d'une interdiction du territoire que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction (article 21 bis de l'ordonnance et 131-30 du code pénal).

Votre commission accepte cette disposition de coordination.

- Le paragraphe II , ajouté par l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des Lois, revient pour sa part sur la rédaction retenue par la loi du 24 avril 1997 pour le cas des étrangers malades.

Ne seraient plus visées les personnes atteintes d'une pathologie grave nécessitant un traitement médical mais plus largement celles dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale .

En revanche, seraient maintenues les autres conditions posées en 1997 : dans tous les cas, le défaut de traitement devrait entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et celui-ci ne devrait pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

Cette disposition illustre les inconvénients -soulignés par votre commission des Lois lors de l'adoption de la loi du 24 avril 1997- d'une " codification " de ces questions.

Sous le bénéfice de ces observations, elle vous propose d'adopter cet article .

Article 13 bis
(art. 26 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Coordination

Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois, tend à tirer les conséquences, à l'article 26 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1995, de la suppression de l'interdiction administrative du territoire prévue par l'article 11 du projet de loi.

L'article 26 bis permet l'exécution d'office par l'administration d'un arrêté prononçant l'expulsion d'un étranger.

Cette même procédure est applicable à l'arrêté de reconduite à la frontière qui n'a pas été contesté devant le président du tribunal administratif ou son délégué dans le délai de vingt-quatre heures prévu par l'article 22 bis ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation en première instance ou en appel.

Depuis la loi du 30 décembre 1993, cette procédure peut en outre être mise en oeuvre pour l'exécution de la décision d'interdiction du territoire que le représentant de l'Etat peut prononcer dans le cadre d'une reconduite à la frontière en application de l'article 22-IV de l'ordonnance.

L'article 11 du projet de loi supprimant cette faculté reconnue à l'administration depuis la loi du 30 décembre 1993 de prononcer une interdiction du territoire, le présent article en tire les conséquences à l'article 26 bis de l'ordonnance, en supprimant la mention de la décision d'interdiction du territoire prise sur le fondement de l'article 22-IV parmi les cas pouvant justifier une exécution d'office.

Votre commission des Lois, par coordination avec sa proposition de maintenir l'interdiction administrative du territoire à l'article 11, vous soumet un amendement de suppression de l'article 13 bis.

Article 14
(art. 27 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Aménagement de la définition du délit
d'obstacle à l'éloignement

Cet article tend à modifier l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin d'aménager la définition du délit d'obstacle à l'éloignement.

Dans sa rédaction, issue de la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991, l'article 27 de l'ordonnance punit d'une peine de trois ans d'emprisonnement l'étranger qui :

- se sera soustrait ou aura tenté de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'un arrêté d'expulsion ou d'une mesure de reconduite à la frontière ;

- expulsé ou ayant fait l'objet d'une interdiction du territoire, aura pénétré de nouveau sur le territoire national ;

- n'aura pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France ou d'éloignement ou qui, à défaut de ces documents, n'aura pas communiqué les renseignements permettant cette exécution .

Le présent article concerne ce dernier cas.

Hors les cas des arrêtés de reconduite à la frontière notifiés au domicile qui, le plus souvent, restent inexécutés du fait que l'étranger change d'adresse, l'absence de documents de voyage constitue, en effet, le principal motif de non exécution des mesures d'éloignement. Il représente ainsi 70 % des causes de non exécution pour les interdictions du territoire, 44 % pour les expulsions et 19 % pour les reconduites administratives et les réadmissions dans le cadre de la procédure " Schengen ".

Le rapport de M. Patrick Weil a ainsi relevé que l'identification des étrangers et la délivrance des laissez-passer consulaires constituaient les deux principales difficultés pour la mise en oeuvre des mesures d'éloignement.

Selon l'étude d'impact, moins de cent condamnations ont été prononcées en 1996 sur le fondement de l'incrimination pour défaut de présentation des documents de voyage.

Elle relève que " compte tenu de la rédaction actuelle et de l'interprétation parfois restrictive qui en est faite, la preuve de l'intention, inhérente à tout délit, est difficile à rapporter ".

C'est pourquoi, l'article 14 du projet de loi prévoit d'incriminer l'étranger qui, faisant l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire, d'expulsion ou de reconduite à la frontière, aura communiqué des renseignements inexacts sur son identité .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 14.

Article 15
(art. 28 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Assignation à résidence d'étrangers faisant l'objet
d'une proposition d'expulsion

Cet article tend à modifier le deuxième alinéa de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de renforcer les conditions requises pour assigner à résidence un étranger faisant l'objet d'une proposition d'expulsion.

Selon les dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'étranger qui, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire, peut être maintenu en rétention.

Cependant, l'article 28 de la même ordonnance permet, par dérogation à l'article 35 bis, d'astreindre à résidence l'étranger, faisant l'objet de l'une de ces mesures d'éloignement, qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire en établissant qu'il ne peut regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays. Dans ce cas, l'étranger doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie. De même, l'assignation à résidence peut être prononcée lorsque l'étranger non éloigné doit être remis en liberté à l'expiration de la durée maximale de rétention administrative.

L'arrêté ministériel ou préfectoral d'assignation à résidence impose à l'intéressé un délai -dont le non respect est pénalement sanctionné (trois ans d'emprisonnement)- pour rejoindre les lieux qui lui sont prescrits.

L'assigné ne peut quitter le lieu de résidence qui lui est imposé sans autorisation préalable de l'autorité administrative qui a pris la mesure, sous peine de sanctions pénales (trois ans d'emprisonnement).

La loi du 24 août 1993 a permis de déconcentrer partiellement le pouvoir d'assigner à résidence. La compétence est donc désormais partagée entre le ministre de l'Intérieur et les préfets, selon la mesure d'éloignement prise ou envisagée.

L'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet, par ailleurs, l'application de la même mesure d'assignation à résidence aux étrangers qui font l'objet d'une proposition d'expulsion . La mesure ne peut alors excéder un mois .

On rappellera que l'article 24 de l'ordonnance organise les conditions de mise en oeuvre de la procédure d'expulsion.

Avisé au préalable de la mesure qui le frappe, l'étranger doit être convoqué pour être entendu par une commission consultative présidée par le président du tribunal de grande instance. Le procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis avec l'avis motivé de la commission au ministre de l'Intérieur qui statue. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé.

L'expulsion proprement dite est donc précédée d'une procédure contradictoire. Entre le moment où lui est notifié le projet d'expulsion le visant et celui où la mesure est prise, l'étranger est considéré comme faisant l'objet d'une proposition d'expulsion .

Cependant, l'assignation à résidence est, dans ce cas, subordonnée à une condition de nécessité urgente .

Cette condition est justifiée par la considération que se déroule une procédure contradictoire ayant pour objet de déterminer si la présence en France de l'intéressé représente une menace pour l'ordre public justifiant l'expulsion. L'assignation à résidence -qui précède la décision proprement dite d'expulsion- doit donc revêtir un caractère exceptionnel.

Dans le droit en vigueur, la notion de nécessité urgente se distingue de celle d' urgence absolue qui permet au ministre de l'intérieur d'expulser immédiatement un étranger sans avoir à suivre la procédure préalable de consultation de la commission consultative. Elle se distingue également de celle de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique , qui permet d'expulser des étrangers appartenant à des catégories en principe protégées contre une telle mesure.

Le présent article propose que l'assignation à résidence touchant un étranger faisant l'objet d'une proposition d'expulsion ne soit désormais possible qu'en cas d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat de la sécurité publique .

Il reprend ainsi les termes mêmes de l'avant-dernier alinéa de l'article 26 de l'ordonnance, qui permet -lorsque de telles conditions sont réunies- l'expulsion, en dérogeant à la procédure préalable devant la commission consultative et aux règles de protection de certaines catégories d'étrangers contre une mesure d'éloignement.

Votre commission des Lois a pour sa part considéré que la rédaction en vigueur, en visant la nécessité urgente , permettait d'ores et déjà de bien encadrer la procédure. Elle vous soumet, en conséquence, un amendement de suppression de l'article 15.

Article 16
(art. 28 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modalités d'exercice des demandes d'abrogation d'un arrêté
de reconduite à la frontière

Cet article tend à modifier l'article 28 bis de l'ordonnance de 1945, afin de supprimer la condition de résidence hors de France pour la présentation d'une demande d'abrogation d'un arrêté de reconduite à la frontière.

Issu de la loi du 24 août 1993, l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 fait obstacle à toute décision de relèvement d'une interdiction du territoire français ou d'abrogation d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière, si l'intéressé est demeuré en France.

Il répond ainsi à la situation qui pouvait se présenter consistant à ce que de telles demandes soient formulées alors que l'auteur de la demande n'avait pas quitté le territoire. Or, le caractère exécutoire de la demande est dans son principe indépendant de toute demande de relèvement ou d'abrogation formée le cas échéant contre elle. En outre, l'étranger peut toujours solliciter le sursis à exécution de l'arrêté d'expulsion dans le délai de recours de deux mois. Quant à l'arrêté de reconduite à la frontière, le recours à son encontre -tel qu'il est organisé par l'article 22 bis de l'ordonnance- a un effet suspensif.

L'article 28 bis de l'ordonnance a donc tendu à mettre en conformité les règles relatives au relèvement ou à l'abrogation avec celles du droit commun définissant les conditions d'exécution des décisions administratives.

Cependant, à la demande du Sénat, le ressortissant étranger qui subit en France une peine privative de liberté n'a pas été soumis à cette condition pendant la durée de sa peine. De même, a été exclu l'étranger assigné à résidence pendant le temps de cette assignation.

L'article 16 du projet de loi propose de supprimer cette condition pour les étrangers ayant fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière.

Selon l'étude d'impact, cette mesure se justifie par la considération que l'arrêté de reconduite " n'est pas lié aux mêmes facteurs de gravité que l'expulsion ou l'interdiction judiciaire du territoire et où par ailleurs il n'emporte aucune interdiction du territoire français .

" Cet assouplissement ne préjuge pas la décision d'accepter ou non la demande d'abrogation ou de relèvement de la mesure d'éloignement mais en revanche ne fait porter l'éventuelle décision de refus que sur les critères qui ont prévalu au prononcé (de l'arrêté) ".

Mais cette disposition aurait pour conséquence de reproduire -il est vrai pour le seul cas de la reconduite à la frontière- les effets que le législateur de 1993 a précisément entendu éviter.

C'est pourquoi votre commission vous soumet un amendement de suppression du présent article.

Article 17
(Article 29 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Le regroupement familial

L'article 17 du projet de loi tend à modifier l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, concernant le regroupement familial.

Le regroupement familial a bénéficié, en 1996, à 13 889 personnes, soit une baisse de 3,3% par rapport à l'année précédente.

1. Les dispositions en vigueur

Le dispositif relatif au regroupement familial a constitué l'un des aspects essentiels de la réforme opérée par la loi du 24 août 1993 qui a inséré à cet effet dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 un chapitre VI comportant les articles 29 à 30 bis .

Le régime du regroupement familial n'a pas été modifié par la loi du 24 avril 1997.

Le législateur a consacré le droit, créé par la jurisprudence, pour les étrangers résidant régulièrement en France, de mener une vie familiale normale, droit inscrit à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Reprenant en grande partie les dispositions qui figuraient auparavant dans le décret n° 76-383 du 29 avril 1976, la loi du 24 août 1993 a néanmoins sensiblement encadré ce dispositif.

Il ressort de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que le droit au regroupement familial est ouvert à l'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins deux ans , sous couvert d'un titre de validité d'au moins un an.

Il concerne le conjoint et les enfants mineurs du couple. Les enfants issus d'un autre lit du demandeur ou du conjoint ne sont admis que si l'autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale.

L'article 29 énonce, par ailleurs, limitativement, les motifs pouvant fonder le refus du regroupement familial :

- le demandeur ne justifie pas de ressources personnelles stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur. Indépendamment des prestations familiales, les ressources mensuelles doivent atteindre un montant au moins égal au SMIC ;

- le demandeur ne dispose pas d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ;

- la présence en France des membres de la famille dont le regroupement est sollicité constitue une menace pour l'ordre public ;

- ces personnes sont atteintes d'une maladie ou d'une infirmité mettant en danger la santé publique, l'ordre public ou la sécurité publique ;

- le regroupement familial n'est pas ouvert aux personnes résidant déjà sur le territoire car il n'est pas destiné à régulariser leur séjour.

Le regroupement familial est en principe sollicité pour l'ensemble des membres de la famille du demandeur. Un regroupement partiel peut néanmoins être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants.

L'autorisation d'entrer sur le territoire dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par le préfet après vérification par l'Office des migrations internationales des conditions de ressources et de logement puis avis motivé du maire de la commune concernée sur ces conditions.

Le préfet statue dans un délai de 6 mois, au maximum.

Les membres de la famille qui sont entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit un titre de séjour de même nature que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre, dès lors qu'ils sont astreints à la détention d'un tel titre.

En application de l'article 30 bis de l'ordonnance, ce titre de séjour confère à son titulaire le droit d'exercer toute activité professionnelle de son choix dans le cadre de la législation en vigueur.

La loi du 24 août 1993 a néanmoins prévu certaines dispositions destinées à prévenir ou sanctionner les détournements de procédure.

D'une part, si les conditions du regroupement familial ne sont plus réunies lors de la demande du titre de séjour, celui-ci peut être refusé, le cas échéant après une enquête complémentaire demandée à l'Office des migrations internationales.

D'autre part, en cas de rupture de la vie commune, le titre de séjour qui a été remis au conjoint de l'étranger peut, pendant l'année suivant sa délivrance, faire l'objet soit d'un refus de renouvellement s'il s'agit d'une carte de séjour temporaire, soit d'un retrait, s'il s'agit d'une carte de résident.

Sous réserve de certaines mesures de protection contre l'éloignement du territoire, le titre de séjour des étrangers peut faire l'objet d'un retrait lorsque cet étranger a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de regroupement familial.

Enfin, la loi du 24 août 1993 a fermement interdit le regroupement familial polygamique.

2. Le projet de loi initial


L'article 17 du projet de loi tend, tout d'abord, à proposer une nouvelle rédaction du premier alinéa du I de l'article 29 de l'ordonnance.

- En premier lieu, le bénéfice du regroupement familial des enfants issus d'un premier mariage serait étendu à ceux dont l'autre parent ne serait pas déchu de l'autorité parentale mais à deux conditions :

- les enfants devraient avoir été confiés au parent vivant en France ou à son conjoint, selon le cas, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, par une décision d'une juridiction étrangère dont la copie devra être produite ;

- le parent resté à l'étranger devrait avoir autorisé le mineur à venir en France.

On a vu que les enfants issus d'une première union ne peuvent bénéficier du regroupement familial, en l'état actuel de la législation, que si l'autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale.

Or, selon l'étude d'impact, la procédure de déchéance de l'autorité parentale n'est pas prévue dans la plupart des législations des pays étrangers.

La même étude évalue à une dizaine par an, pour les départements où la population étrangère est la plus importante, le nombre des enfants qui seraient susceptibles de bénéficier des dispositions proposées. Celles-ci permettraient d'apporter une solution à des " situations humainement inextricables ".

L'étude d'impact relève enfin que l'extension du regroupement familial aurait une incidence sur l'attribution ou le montant des prestations familiales, sans pour autant procéder à une évaluation chiffrée.

On remarquera, par ailleurs, que la circulaire du ministre de l'Intérieur du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière prévoyait la possibilité de régularisation des enfants issus d'un premier mariage, lorsqu'ils avaient 10 ans au plus.

Le rapport de M. Patrick Weil a proposé, pour sa part, cette extension aux enfants de moins de 16 ans.

Le projet de loi concerne les enfants mineurs de 18 ans.

- Les conditions de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de la famille sont assouplies. Toutes les ressources du demandeur seraient prises en compte, à l'exception des prestations familiales, comme dans le droit en vigueur. Toutefois, celles-ci ne devraient plus être au moins égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).

L'insuffisance des ressources ne pourrait plus motiver un refus lorsque celles-ci seraient supérieures au SMIC.

En d'autres termes, deux hypothèses doivent être envisagées :

· les ressources du demandeur sont supérieures au SMIC : La législation en vigueur laisse à l'administration le soin d'apprécier si celles-ci sont suffisantes compte tenu de la composition de la famille. Le projet de loi s'opposerait à un refus pour ce motif, même s'il s'agissait d'une famille très nombreuse dont les ressources seraient à peine supérieures au SMIC. Une telle famille pourrait-elle vivre sans prestations ?

· les ressources du demandeur sont inférieures au SMIC : La législation en vigueur conduit à refuser le regroupement familial. Le projet de loi permettrait à l'administration de prendre une décision favorable. La même question se poserait a fortiori.

- Les conditions de logement " normal pour une famille comparable vivant en France " seraient également assouplies. Le droit en vigueur prévoit que le demandeur " dispose " du logement. Le projet de loi exigerait " qu'il soit en mesure de disposer " de ce logement

Il s'agirait d'une appréciation " dynamique " de la condition de logement qui, en 1996, a motivé 42 % des refus de regroupement familial. En effet, au moment de la demande, l'étranger ne répond généralement pas aux critères d'accès au logement social puisque sa famille ne vit pas avec lui. Il lui est, par ailleurs, difficile de disposer effectivement, pendant la durée de l'instruction de sa demande, d'un logement adéquat pour sa famille et donc trop vaste (et trop coûteux) pour lui seul.

- Les trois cas d'exclusion suivants, déjà prévus par la loi en vigueur, permettraient d'écarter certains membres seulement de la famille, alors qu'actuellement le regroupement familial partiel ne peut être autorisé que pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants :

· personnes dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public.

· personnes atteintes d'une maladie soumise au règlement sanitaire international (peste, choléra, fièvre jaune actuellement). Le motif d'exclusion pour raison de santé est actuellement plus large, puisqu'il vise les " personnes atteintes d'une maladie ou d'une infirmité mettant en danger la santé publique, l'ordre public ou la sécurité publique ".

· personnes présentes sur le territoire.

- Le projet de loi supprimerait le second alinéa du III de l'article 29 selon lequel le titre de séjour peut être refusé aux membres de la famille si les conditions du regroupement familial ont cessé d'être réunies lors du dépôt de la demande de titre.

Selon le Gouvernement, le nouveau contrôle opéré lors de la demande de titre de séjour, après celui déjà effectué lors de la demande de regroupement familial, environ 6 mois avant, constituerait un facteur d'insécurité juridique fortement préjudiciable à l'intérêt de la famille. De plus, il alourdirait la tâche des préfectures pour un résultat incertain car la présence en France de la famille lui permettrait, le plus souvent, d'obtenir néanmoins une admission exceptionnelle sur place.

Précisément, la suppression de cette disposition pourrait se traduire par un encouragement à l'immigration clandestine, éventuellement suivie de régularisations.

- Le second alinéa du paragraphe IV de l'article 29 serait également supprimé. Cette disposition permet le retrait du titre de séjour de l'étranger ayant fait venir des membres de sa famille en dehors de la procédure du regroupement familial.

Toutefois, le titre de séjour ne peut, dans cette hypothèse, être retiré aux étrangers protégés contre l'éloignement du territoire à l'exception de ceux qui auraient été condamnés à une peine d'emprisonnement au moins égale à un an sans sursis et de ceux atteints d'une pathologie grave.

La sanction serait disproportionnée en ce qu'elle toucherait un étranger installé régulièrement en France depuis au moins deux ans et donc potentiellement bien intégré dans la société.

Il n'en demeure pas moins que cette sanction -dont sont exclues potentiellement la plupart des personnes protégées contre l'éloignement, comme on l'a vu- constitue un moyen de lutte contre l'immigration irrégulière.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Hormis quelques amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a apporté des modifications concernant la durée de résidence en France du demandeur et l'appréciation des conditions de ressources et de logement.

Le séjour régulier du demandeur, fixé à deux ans au minimum par l'ordonnance du 2 novembre 1945, serait abaissé à un an par le vote d'un amendement à l'Assemblée nationale.

S'agissant des ressources , l'Assemblée nationale a décidé d'inclure celles du conjoint , lorsqu'il souhaite rejoindre sa famille, pour l'appréciation du respect de la condition.

La formulation retenue par le projet de loi à propos du logement pouvait apparaître quelque peu équivoque, le demandeur devant être "en mesure de disposer d'un logement ", alors que le texte actuel exige qu'il " dispose d'un logement ".

Que se serait-il passé si, étant " en mesure " de disposer d'un logement adapté pour sa famille, il ne s'installait pas effectivement dans un tel logement lors de l'arrivée de sa famille?

Cette question méritait d'autant plus d'être posée que l'article 17 du projet de loi abroge la possibilité de refus de titre de séjour lorsque les conditions du regroupement familial ne sont plus remplies lors de la demande de ce titre.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale écarte du droit au regroupement familial le demandeur qui " ne dispose pas, ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France " d'un logement adapté.

On peut s'interroger sur la valeur des preuves qui seraient reçues s'ils ne dispose pas de ce logement : va-t-on se contenter d'un récépissé de demande de logement social ?

L'Assemblée nationale a toutefois complété le dispositif en précisant que, lorsque le demandeur " ne disposait pas encore " du logement nécessaire, l'OMI vérifierait " sur pièces les caractéristiques du logement et la date à laquelle le demandeur en aura la disposition ".

Votre commission des Lois considère que, malgré les nuances proposées par l'Assemblée nationale, ces dispositions conduiraient à supprimer une grande partie de la portée pratique de la condition de logement suffisant.

Serait-il opportun d'admettre des familles dont on n'aurait pas la certitude absolue qu'elles seraient logées dans des conditions minimales (16 m2 pour deux personnes ; 34 m2 pour quatre personnes ; 52 m2 pour 6 personnes) ?

Quoi qu'il en soit, la commission des Lois regrette la remise en cause d'un dispositif d'ensemble adopté avec l'accord du Sénat par la loi du 24 août 1993.

Le regroupement familial doit être encadré dans des règles précises, afin de prévenir le risque d'introduire des familles qui ne pourraient vivre dans des conditions minimales, sauf à devoir solliciter des prestations dont le coût n'a pas fait l'objet d'une évaluation et qui pourraient, de surcroît, incomber en tout ou partie aux collectivités locales (aide sociale, notamment).

Aussi, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 17 du projet de loi.

Article 18
(art. 31 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Coordination

Le paragraphe I de l'article 18 du projet de loi tend à remplacer la référence à l'article 31 bis figurant dans l'article 31 de l'ordonnance par celle de l'article 10 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952.

Il s'agirait d'une simple conséquence du transfert proposé de dispositions de l'ordonnance de 1945 concernant le droit d'asile dans la loi du 25 juillet 1952 relative à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (voir commentaire de l'article 22).

Le paragraphe II de l'article 18 du projet de loi tend à abroger le paragraphe II du même article 31 reconnaissant la compétence de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Commission de recours des réfugiés (CRR) pour l'attribution du statut de réfugié, déjà affirmée par les dispositions en vigueur des articles 2 et 5 de la même loi du 25 juillet 1952.

Par cohérence avec la position qu'elle vous propose sur l'article 22, votre commission soumet au Sénat un amendement tendant à supprimer l'article 18 du projet de loi, que l'Assemblée nationale a adopté après y avoir apporté une modification rédactionnelle.

Article 19
(art. 35 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modification du régime de la rétention administrative

Cet article tend à modifier l'article 35 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 qui définit le régime de la rétention administrative.

1. Le dispositif en vigueur

Le régime de la rétention administrative est -depuis la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981- codifié à l'article 35 bis de l'ordonnance de 1945, article plusieurs fois modifié depuis cette date, en dernier lieu par la loi du 24 avril 1997.

La rétention administrative vise à faciliter l'exécution des mesures d'éloignement. Elle est applicable aux étrangers faisant l'objet de l'une de ces mesures et dont le départ immédiat est impossible.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 35 bis permet, par une décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, le maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, s'il y a nécessité, d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire dans le cadre d'une procédure de réadmission (article 33 de l'ordonnance), d'une expulsion (articles 23 et 26 de l'ordonnance) ou d'une reconduite à la frontière (article 22 de l'ordonnance).

Depuis la loi du 24 avril 1997, peut être de nouveau placée en rétention une personne qui n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dans un délai de sept jours suivant le terme de la rétention, sur la base de la même décision d'éloignement. Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a précisé que cette disposition n'autorisait qu'une seule réitération d'un maintien en rétention, dans les seuls cas où l'intéressé s'est refusé à déférer à la mesure d'éloignement prise à son encontre.

Le procureur de la République est immédiatement averti de la mesure de rétention et peut se transporter sur les lieux à tout moment. L'étranger est informé de ses droits, le cas échéant par l'intermédiaire d'un interprète. Il peut demander l'assistance d'un médecin, d'un conseil et communiquer avec son consulat et une personne de son choix.

Il peut en outre former un recours contentieux contre la mesure qui le frappe. Le Conseil d'Etat estime que lorsqu'il est saisi d'un recours dirigé contre la mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 bis de l'ordonnance, le président du tribunal administratif ou son délégué est également compétent pour connaître des conclusions dirigées contre le placement en rétention administrative. L'examen de la légalité du placement en rétention est alors soumis à la procédure spécifique prévue par l'article 22 bis pour l'examen des arrêtés de reconduite à la frontière.

En revanche, lorsqu'elle est contestée indépendamment de la mesure de reconduite à la frontière, la mesure de placement en rétention administrative relève des règles de droit commun du contentieux.

A l'issue d'un délai de quarante-huit heures (vingt-quatre heures avant la loi du 24 avril 1997), le président du tribunal de grande instance ou son délégué statue par ordonnance après audition du représentant de l'administration et de l'intéressé sur :

- la prolongation de la rétention pour cinq jours (six jours avant la loi du 24 avril 1997)

- ou à titre exceptionnel l'assignation à résidence, après remise du passeport ou d'un document justificatif d'identité contre récépissé.

A l'issue de ces sept jours (2 jours + 5 jours), le magistrat peut proroger, par une nouvelle ordonnance, pour 72 heures , une dernière fois la rétention, en cas d'urgence absolue et de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ou, en cas d'expulsion et de reconduite à la frontière, lorsque ce délai permettrait l'obtention d'un document de voyage nécessaire pour procéder à l'éloignement. L'intéressé, le ministère public et le représentant de l'Etat dans le département peuvent faire appel des deux ordonnances devant le Premier Président de la cour d'appel ou son délégué qui doit statuer dans les quarante-huit heures à compter de sa saisine.

La loi du 24 avril 1997 (article 13) a permis au Procureur de la République de demander au Premier Président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer cet appel suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance du président de la cour d'appel ou de son délégué soit rendue et, si cette ordonnance donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond.

La Cour de cassation, par plusieurs arrêts du 28 juin 1995 marquant un revirement de jurisprudence, a affirmé la compétence du juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle aux termes de l'article 66 de la Constitution, pour contrôler la régularité de l'interpellation, du contrôle d'identité et de la garde à vue ayant précédé immédiatement la rétention (arrêts Bechta et Mesu, 2e chambre civile, 28 juin 1995).

En revanche, la décision du juge judiciaire sur la liberté individuelle ne préjuge pas de la régularité de la procédure administrative, qui relève du contrôle juridictionnel des tribunaux administratifs.

2. Un bilan encore insuffisant

En dépit des améliorations réelles qui ont résulté des lois des 24 août et 30 décembre 1993 et de la loi du 24 avril 1997, force est de constater que la rétention administrative ne produit pas tous les effets escomptés quant à la mise en oeuvre effective des mesures d'éloignement.

Votre rapporteur ne peut que reprendre le constat qu'il avait lui-même établi lors de l'examen de la loi du 24 avril 1997 : la limitation de la durée de la rétention malgré l'intervention du juge explique en grande partie le relatif insuccès des mesures d'éloignement.

Il ne peut donc que se féliciter de voir le Gouvernement reprendre à son compte ce constat. L'étude d'impact souligne, en effet, que " la brièveté de la durée de la rétention administrative constitue souvent un obstacle à l'efficacité des mesures d'éloignement ".

On relève qu'en 1996, seulement 28 % des mesures d'éloignement prononcées ont été exécutées (28,8 % pour le premier semestre 1997).

Le taux d'exécution pour les arrêtés de reconduites à la frontière notifiés par voie postale est très faible. Il s'élève à 46 % pour les mêmes arrêtés pris à la suite de l'interpellation d'un étranger et à 58 % pour les arrêtés d'expulsion. Enfin, le taux d'exécution des mesures d'interdiction du territoire prononcées par le juge judiciaire varie de 33 à 55 % selon la nature des infractions.

Dans 55 % des cas, l'impossibilité d'identifier la nationalité d'un étranger ou d'obtenir un document de ses autorités consulaires (laissez-passer), dans le délai de la rétention administrative, constitue le cause de l'échec de la mesure d'éloignement. Cette cause explique 69 % des échecs de mesures d'interdiction judiciaire du territoire.

L'étude d'impact souligne que " dans la plupart des cas, l'étranger a délibérément fait disparaître toute trace de son identité et refuse de communiquer des renseignements sur sa nationalité. L'attitude la plus souvent rencontrée consiste, non pas à refuser de décliner la moindre identité, mais plutôt de revendiquer plusieurs nationalités successives récusées à chaque fois devant les services du consulat sollicité. Dans cette hypothèse la brièveté du délai de rétention administrative ne permet jamais de lever l'obstacle que constitue l'absence de tout élément d'identification.

" Dans d'autres cas, l'étranger, qui n'est plus en possession de son passeport, est en mesure de présenter des éléments d'identification qui permettent aux services préfectoraux d'engager des démarches auprès des autorités consulaires en vue d'obtenir un document de voyage qui permette le retour dans le pays d'origine. Toutefois, même dans cette hypothèse, il n'est pas toujours possible d'obtenir du consulat la délivrance du laissez-passer consulaire, dans le délai limite de la rétention
. "

3. Les modifications proposées

· Le paragraphe I A (nouveau), ajouté par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois, prévoit que, dès que le procureur de la République aura été informé de la mise en rétention, le représentant de l'Etat devra tenir à la disposition des personnes qui en feront la demande les éléments d'information concernant les dates et heures du début du maintien de l'étranger en rétention et le lieu exact de celle-ci.

Votre commission observe que, dans sa rédaction actuelle, l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit déjà les dispositions de nature à assurer le respect des droits des étrangers maintenus en rétention :

- un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur maintien doit être tenu dans tous les locaux de rétention administrative ;

- pendant toute la durée du maintien, le procureur de la République peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions de la rétention et se faire communiquer ledit registre ;

- pendant cette même période, l'intéressé peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, d'un conseil et peut, s'il le désire, communiquer avec son consulat et avec la personne de son choix. Il doit en être informé au moment de la notification de la décision de maintien. Mention en est faite sur le registre, lequel doit être émargé par l'intéressé.

Cet ajout de l'Assemblée nationale soumettrait les services préfectoraux à une pression très lourde , toute personne pouvant demander des informations sur une personne placée en rétention.

Dans ces conditions, tout en jugeant souhaitable que le statut des centres de rétention puisse être mieux établi comme le ministre de l'intérieur en a exprimé l'intention devant l'Assemblée nationale, votre commission vous soumet un amendement de suppression du I A (nouveau) de l'article 19.

· Le paragraphe I B (nouveau) , ajouté par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois, tend à faire obligation au président du tribunal de grande instance ou au magistrat du siège délégué par celui-ci, lorsqu'il statue sur la prolongation de la rétention administrative au-delà du délai initial de quarante huit heures, de s'assurer que l'intéressé a été au moment de la notification de la décision de maintien, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir. Cette vérification devra se fonder sur les mentions du registre prévu par l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Une telle disposition apparaît comme redondante avec la mission déjà confiée par l'article 35 bis au procureur de la République. En outre, l'intéressé -dont l'audition par le président du tribunal de grande instance ou le magistrat délégué est obligatoire- peut d'ores et déjà faire savoir que ses droits n'ont pas été respectés au cours de la procédure.

L'application de cette disposition serait source de débats contentieux interminables exposant la procédure de rétention à de très gros risques d'annulation.

Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, un amendent de suppression du I B (nouveau) de l'article 19.

· Le paragraphe I de l'article 19 du projet de loi propose de porter de soixante-douze heures à cinq jours la durée de la troisième période de la rétention administrative, laquelle aurait ainsi une durée totale de douze jours (2 jours + 5 jours + 5 jours) contre dix actuellement (2 jours + 5 jours + 3 jours).

Cette extension de la durée de la rétention administrative vise à augmenter les chances de succès des mesures d'éloignement. Elle s'accompagne néanmoins d'une modification des critères pouvant fonder la seconde prolongation de cette rétention.

Le premier critère actuellement envisagé par l'article 35 bis, à savoir le cas d'urgence absolue et de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public , serait maintenu en l'état.

A titre d'exemple la circulaire du 8 février 1994 avait visé les situations suivantes : étranger expulsé selon la procédure d'urgence absolue, étranger frappé d'une interdiction judiciaire du territoire français pour un crime ou un délit grave de droit commun, voire étranger reconduit à la frontière à la suite d'un retrait ou d'un refus de titre de séjour pour un motif d'ordre public.

En revanche, le second critère -la non présentation par l'étranger de document de voyage permettant l'exécution de la mesure d'éloignement et l'existence d'éléments de fait montant que le délai supplémentaire est de nature à permettre l'obtention de ce document- est modifié par le I de l'article 19 du projet de loi.

Seraient désormais visés les cas de perte ou de destruction des documents de voyage de l'intéressé, de dissimulation par celui-ci de son identité ou d' obstruction volontaire à l'éloignement.

Les cas ainsi visés seraient, selon l'étude d'impact, ceux les plus difficiles dans lesquels l'administration est paralysée " sauf à disposer d'un minimum de temps ".

Votre commission des Lois vous propose par un amendement de permettre une seconde prolongation de la rétention administrative, fondée sur les motifs actuels, pour une durée de sept jours . La durée totale de la rétention pourrait ainsi atteindre quatorze jours contre dix jours dans le droit en vigueur. Le même amendement porte la durée de la prolongation à neuf jours lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de l'obstruction de l'intéressé et que des éléments de fait montrent que ce délai supplémentaire est de nature à permettre l'obtention de ce document.

· Le paragraphe II de l'article 19 supprime la possibilité -instituée par la loi du 24 avril 1997- de déclarer l'appel suspensif formé contre une décision du juge judiciaire refusant de prolonger une mesure de rétention administrative.

L'étude d'impact indique, à l'appui de cette mesure, que " ce mécanisme extrêmement complexe et d'une efficacité incertaine va en effet, dans son principe, à l'encontre du droit de l'étranger de bénéficier immédiatement d'une décision judiciaire qui lui est favorable ".

Votre commission ne peut que s'étonner que soit mise en cause a priori l'efficacité d'une mesure à peine entrée en vigueur. En outre, sa conformité aux règles constitutionnelles a été reconnue par le Conseil constitutionnel (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997).

Or, les motifs qui l'ont fondée demeurent valables pour éviter que l'intéressé ne puisse se soustraire à la mesure d'éloignement sur le bien fondé de laquelle le juge administratif ne s'est pas encore prononcé. Cette disposition, à l'initiative du Sénat en 1997, n'est applicable que lorsque l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives . Sans cette faculté, lorsque le président du tribunal de grande instance refuse la prolongation de la rétention, même en cas d'appel, et quelle que soit la décision du juge administratif sur le bien fondé de la mesure d 'éloignement, l'intéressé est remis en liberté sans attendre que le premier président de la cour d'appel se prononce.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose, par un amendement , de supprimer le II de l'article 19.

· Le paragraphe II bis (nouveau), ajouté par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois, a pour objet de permettre à l'étranger placé en rétention administrative de faire valoir les droits qui lui sont reconnus par le dernier alinéa de l'article 35 bis dès le début de son maintien en rétention .

Le texte en vigueur lui reconnaissant cette faculté pendant toute la durée de la période de rétention , votre commission des Lois a considéré qu'il établissait clairement que l'étranger pouvait faire valoir ses droits du début jusqu'à la fin de la rétention. C'est pourquoi, elle vous soumet un amendement de suppression du II bis (nouveau) de l'article 19.

· Le paragraphe II ter (nouveau) de l'article 19 prévoit le bénéfice pour l'étranger, le cas échéant, de l'aide juridictionnelle. Or le bénéfice de l'aide juridictionnelle, dans le cas d'une rétention administrative est déjà organisé par les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 (article 3).

Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, un amendement de suppression de ce paragraphe.

· Le paragraphe III de l'article 19 prévoit la rétention administrative de plein droit des étrangers pour lesquels une interdiction du territoire a été prononcée à titre de peine principale et qui est assortie d'une exécution provisoire.

Cette mesure vise à éviter le risque d'une libération immédiate de l'intéressé à l'issue de l'audience, faute de l'intervention de l'arrêté de placement en rétention.

Le maintien de l'étranger en rétention durera pendant le " temps strictement nécessaire à son départ ". Cependant, ce délai ne pourra excéder quarante-huit heures à compter du prononcé de la peine ". Au-delà, les règles de droit commun prévues par l'article 35 bis de l'ordonnance s'appliqueront.

A ce paragraphe, votre commission des Lois vous propose par un amendement de corriger une erreur dans le décompte des alinéas.

Elle vous soumet l'article 19 ainsi modifié .

Article 20
(art. 40 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Dispositions transitoires relatives à l'outre-mer

Cet article modifie l'article 40 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de proroger les dispositions transitoires relatives aux départements d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ces dispositions spécifiques -qui ont été prévues par la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986- concernent la reconduite à la frontière :

- si l'autorité consulaire le demande, la mesure administrative de reconduite à la frontière ne peut être mise à exécution avant l'expiration du délai d' un jour franc à compter de la notification de l'arrêté ;

- l'étranger concerné qui défère cet acte au tribunal administratif assortit son recours d'une demande de sursis à exécution.

En conséquence, l'article 22 bis de l'ordonnance -qui prévoit une procédure spécifique de recours suspensif contre des arrêtés de reconduite à la frontière- n'est pas applicable dans ces départements et dans cette collectivité.

Ce dispositif -en principe transitoire- a déjà été prorogé par la loi du 2 août 1989 puis par la loi du 24 août 1993 pour une période de cinq ans supplémentaires.

Le présent article propose de proroger de nouveau le dispositif pour une nouvelle période de cinq ans .

Selon l'étude d'impact, " cette mesure est justifiée par la situation particulière de ces départements et cette collectivité, caractérisés notamment par le nombre élevé d'étrangers en situation irrégulière et des effectifs limités de magistrats affectés dans les tribunaux administratifs. En particulier, un même président assure la présidence des tribunaux administratifs de Basse-Terre, de Cayenne, de Fort-de-France et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui sont composés le plus souvent de membres communs renforcés le cas échéant par des magistrats de l'ordre judiciaire.

" Aussi l'instauration d'un recours suspensif aurait-elle pour effet de bloquer d'une part le fonctionnement de ces juridictions et celui de l'administration. Par ailleurs, le taux d'exécution des mesures d'éloignement risquerait de s'en trouver largement affecté ".

Les statistiques reproduites dans l'étude d'impact mettent en évidence l'efficacité de ce dispositif ainsi que la situation particulière outre-mer : en 1996, 11.471 reconduites à la frontière ont été décidées et 11.454 exécutées, soit un chiffre supérieur à celui de la métropole.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 20 sans modification .

Article 21
(art. 10, 21 bis, 33, 36 et 39
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Abrogations

Cet article tend à abroger un certain nombre de dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

- L'article 10 -qui précise les cas dans lesquels un étranger doit être titulaire d'une carte de séjour temporaire- serait désormais redondant avec les articles 12 à 12 ter tels que prévus par le présent projet de loi.

- L'article 21 bis -qui prévoit les cas dans lesquels le tribunal ne peut prononcer une interdiction du territoire que par une décision spécialement motivée- verrait son dispositif tel que modifié par le projet de loi regroupé à l'article 131-30 du code pénal.

- Les deux derniers alinéas de l'article 33 -qui sanctionnent le défaut de respect de l'obligation de déclaration de l'entrée sur le territoire- n'auraient plus lieu d'être maintenus dès lors que cette obligation est dépénalisée par l'article 9 du projet de loi.

- Le dernier alinéa de l'article 36 prévoit la possibilité d'exiger un visa de sortie pour les ressortissants non communautaires.

- L'article 39 prévoit une disposition transitoire de protection contre l'éloignement qui serait désormais inutile en raison de la nouvelle rédaction de l'article 25 de l'ordonnance, prévue pour l'article 13 du projet de loi.

Votre commission des Lois vous soumet, à cet article, un amendement de coordination avec les modifications qu'elle vous a proposées par ailleurs.

Elle vous propose d'adopter l'article 21 ainsi modifié .

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT D'ASILE

Le titre II du projet de loi tend, d'une part, à regrouper dans une loi spécifique l'ensemble des dispositions législatives sur le droit d'asile et, d'autre part, à introduire, sur le fond, des dispositions nouvelles concernant :

- l'asile constitutionnel (article 24 du projet de loi) ;

- l'asile territorial (articles 26 et 31 du projet de loi) ;

- la modification du champ d'application de la procédure prioritaire d'examen de la demande de statut de réfugié (article 30 du projet de loi).

Article 22
Intitulé de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952

L'article 22 du projet de loi tend à remplacer l'intitulé de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un Office français de protection des réfugiés et apatrides par un nouvel intitulé ainsi libellé : " loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ".

Cette proposition, qui ne revêt pas un caractère purement formel, revient à insérer dans la loi concernant l'examen des demandes de statut de réfugié par l'OFPRA les dispositions législatives relatives à l'admission au séjour au titre de l'asile figurant dans le chapitre VII de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.

Il s'agirait de marquer la spécificité du droit d'asile et, selon l'étude d'impact du projet de loi, de mettre fin à un certaine confusion entre la problématique de l'asile et celle de l'immigration.

La question générale de l'immigration renvoie à celle de la maîtrise des flux migratoires, traitée par l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Le droit d'asile, pour ce qui le concerne, a trait à l'octroi d'une protection de la France accordée sur la base des dangers encourus par les personnes concernées, et ce en application de la Convention de Genève.

L'appréciation à porter sur une demande d'asile devrait exclure toute considération sur les flux migratoires.

La modification formelle proposée correspondrait donc aussi à une position de principe.

Pour illustrer la confusion fréquente entre le droit d'asile et celui de l'immigration, on peut se référer à l'augmentation importante des demandes d'asile, à la fin des années 1980. Celle-ci avait coïncidé avec l'adoption de mesures destinées à mieux maîtriser les flux migratoires et montrait que la motivation de beaucoup de demandeurs était en fait la recherche d'un séjour et d'un emploi, ce qui marquait un détournement de procédure mettant gravement en cause le droit d'asile

La dérive dénoncée en matière de droit d'asile paraît avoir, pour une part, été enrayée par l'adoption de mesures dissuasives (accroissement des moyens de l'OFPRA et donc raccourcissement des délais d'examen des requêtes, limitant le risque d'implantation en France d'étrangers dont la demande d'asile serait rejetée ; suppression de l'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile ; institution d'une procédure prioritaire pour le traitement des demandes manifestement infondées). Ces mesures ont permis de contenir le détournement de procédure (61.422 demandes d'asile en 1989 contre 17.153 demandes en 1996).

Le risque de confusion entre immigration et asile pourrait se trouver relancé par un éventuel effet d'annonce résultant de l'adoption d'une loi sur l'asile.

La loi de 1952 mêlerait les dispositions sur la reconnaissance du statut de réfugié avec celles sur l'admission au séjour de demandeurs d'asile dont, à ce stade, le droit au statut n'a pas été vérifié.

On ne peut oublier, dans la pratique, une incontestable incidence sur l'immigration en général de l'octroi du statut de réfugié, dans la mesure où ses bénéficiaires peuvent obtenir de plein droit de la carte de résident (art. 15-10° de l'ordonnance).

On rappellera que le droit d'asile, résultant de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 avait connu une traduction législative, avant ces dernières années, principalement à travers la loi du 25 juillet 1952, définissant les conditions d'examen des demandes de statut de réfugié par l'OFPRA. Cette loi sera modifiée par celle du 24 août 1993.

La situation au regard du séjour en France des demandeurs d'asile pendant le délai d'instruction de leur requête était régie par des décrets et des circulaires.

La procédure de demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été, pour la première fois, fixée dans un texte législatif par la loi du 24 août 1993, insérant à cet effet un chapitre VII à l'ordonnance (article 31 à 32 ter de l'ordonnance).

La même loi accorde de plein droit la carte de résident au réfugié statutaire (art. 15-10° de l'ordonnance, que le projet ne propose pas de transférer dans la loi du 25 juillet 1952).

Par ailleurs, les dispositions sur les zones d'attente (lois n° 92-625 du 6 juillet 1992 et n° 94-1136 du 27 décembre 1994), concernant en partie les demandeurs d'asile se présentant à la frontière, ont été insérées dans l'article 35 quater , que le projet de loi ne transférerait pas non plus, au demeurant, dans la loi sur l'asile.

Il apparaît donc, en tout état de cause, que le projet de loi ne rassemblerait pas dans la loi de 1952 la totalité des dispositions sur le droit au séjour des demandeurs d'asile. Ceci illustre parfaitement la difficulté pratique d'opérer une distinction stricte entre les dispositions sur le droit d'asile et celles concernant l'immigration d'étrangers qui n'obtiendront pas nécessairement le statut de réfugié.

Après avoir voté un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté l'article 22 du projet de loi.

Votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 22.

Article 23
Création d'un titre premier
dans la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952

L'article 23 du projet de loi tend à créer un titre premier dans la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952. Ce titre premier contiendrait les articles 1er à 9 de la loi.

La loi de 1952 a pour objet de créer l'OFPRA et de lui conférer la mission de protection juridique et administrative des réfugiés et apatrides en exécution des conventions internationales, principalement la Convention de Genève du 28 juillet 1951. L'OFPRA, en particulier, statue sur les demandes de statut de réfugié. Ses décisions sont susceptibles d'appel devant la Commission de recours des réfugiés (CRR), instituée par le même texte.

L'article 23 du projet ne serait donc qu'une conséquence du rassemblement dans la loi du 25 juillet 1952 des dispositions législatives concernant l'asile, dont le principe est proposé par l'article 22 du projet de loi.

L'Assemblée nationale l'a adopté avec une modification de caractère rédactionnel.

Votre commission, suivant la logique qu'elle a adoptée pour l'article 22, vous propose par amendement la suppression de l'article 23 du projet de loi.

Article 24
(article 2, 2° alinéa de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
L'asile constitutionnel

Le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 définit les catégories de personnes à qui le statut de réfugié est accordé.

L'article 24 du projet de loi tend à étendre ce statut aux " combattants de la liberté ", en proposant une nouvelle rédaction de cet alinéa.

1. Dispositions en vigueur

L'OFPRA reconnaît, selon le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993, la qualité de réfugié à toute personne :

- sur laquelle le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut, adopté par l'assemblée générale des Nations-Unies le 14 décembre 1950. Il s'agit des réfugiés qui, se trouvant dans un Etat n'ayant pas d'organe de reconnaissance du statut de réfugié, sont pris en charge par le Haut commissariat aux réfugiés.

- répondant aux définitions de l'article 1er de la Convention de Genève, c'est à dire toute personne " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ".

L'interprétation jurisprudentielle française de la Convention de Genève -dont l'OFPRA tient nécessairement compte- exclut du statut de réfugié les personnes persécutées par des entités non étatiques (arrêt Dankha, Conseil d'Etat, 27 mai 1983). Cette jurisprudence a été assouplie et permet d'accorder le statut aux personnes menacées ou persécutées par des groupes terroristes dès lors qu'il y a eu " tolérance volontaire " de la part des autorités publiques (CE 19 juin 1996, Medjebeur).

Le directeur de l'OFPRA a indiqué à votre commission que cette jurisprudence assouplie bénéficiait chaque année à environ 650 à 700 Algériens, le taux des décisions favorables les concernant étant passé de 1% en 1995 à 4,5% en 1996.

2. Le projet de loi initial

Le projet de loi, sans affecter les conditions en vigueur concernant la définition du réfugié, en propose l'extension " à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ".

Rappelons que le statut de réfugié donne droit à la délivrance de plein droit d'une carte de résident, d'une durée de validité de 10 ans. En revanche, l'admission au séjour d'un combattant de la liberté, que le droit en vigueur permet, est généralement accordé pour un an.

Le projet de loi rendrait plus complexe le régime des demandeurs d'asile.

Il y aurait désormais trois catégories de réfugiés :

- les réfugiés au sens de la Convention de Genève ;

- les réfugiés bénéficiaires de l'asile constitutionnel ;

- les personnes auxquelles le ministre de l'Intérieur aurait accordé droit au séjour au titre de l'asile territorial, objet des articles 26 et 31 du projet de loi.

La loi aboutirait ainsi à étendre le champ de la définition du réfugié, qui résulte d'une convention internationale.

En tout état de cause, le statut de réfugié accordé par la France en dehors de la définition du réfugié selon la convention de Genève ne serait pas opposable aux autres Etats parties à la convention de Genève.

Comment l'asile constitutionnel se concilierait-il avec la convention de Dublin ?

La convention de Dublin du 15 juin 1990, relative à la détermination de l'Etat responsable du traitement des demandes d'asile s'est substituée à la convention d'application de Schengen, depuis son entrée en vigueur, le 1 er septembre 1997.

Cette Convention rend responsable du traitement de la demande, l'Etat par lequel le requérant est entré dans l' "espace Dublin ".

Cette convention s'applique, selon son article premier, aux personnes réclamant la qualité de réfugié au sens de la convention de Genève. Elle ne s'appliquerait donc pas au " combattants de la liberté ", dans la mesure toutefois où les deux notions ne se recouperaient pas.

Dans cette hypothèse, la France, saisie d'une demande d'asile constitutionnel, ne pourrait pas invoquer la compétence de l'Etat par lequel serait, le cas échéant, entré le demandeur.

L'extension du statut de réfugié aux " combattants de la liberté " correspondrait, selon une terminologie courante, à l'une des formes de l'asile dit " constitutionnel ".

L'asile constitutionnel revêt en effet deux formes :

- celle prévue au 4° alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 -auquel le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 donne valeur constitutionnelle-, selon lequel " tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République " ; et au début de l' article 53-1 (2° alinéa) de la Constitution -introduit par la loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993- aux termes duquel " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté (...) " ;

- celle prévue par la fin du même alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel l'asile peut être accordé à la personne " qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", c'est-à-dire pout tout autre motif, mise en oeuvre par l'asile dit " territorial ". L'asile territorial n'est jusqu'à présent défini par aucun texte mais l'article 31 du projet de loi propose son inscription dans le texte de la loi. de 1952.

Selon une pratique administrative, le ministre de l'intérieur peut accorder l'asile territorial -ce qui se concrétise par la délivrance d'un titre de séjour- à toute personne qui, sans relever du statut de réfugié, lui paraît justifier d'une protection, notamment pour des motifs d'ordre constitutionnel.

La question se pose donc de savoir ce que le projet de loi apporterait effectivement par rapport aux dispositions constitutionnelles et de la Convention de Genève ci-dessus rappelées. En particulier, ces dispositions ne sont-elles pas suffisantes pour reconnaître l'asile aux " combattants de la liberté " ?

Certes, la notion d'asile constitutionnel reprise par le projet de loi ne recoupe pas totalement celle retenue par la Convention de Genève.

En effet, la définition de l'asile constitutionnel est à la fois plus étroite et plus large que celle du statut de réfugié de la Convention de Genève. Elle est plus étroite car elle suppose une action positive en faveur de la liberté alors que la Convention de Genève vise des victimes des persécutions (la victime peut avoir été passive ).

En outre, l'asile constitutionnel ne se réfère qu'à l'action en faveur de la liberté quand les faits générateurs du droit d'asile sont définis plus largement dans la Convention de Genève, comme on l'a rappelé ci-dessus.

En sens contraire, l'asile constitutionnel apparaît plus large car l'agent de persécution ne doit pas être nécessairement un Etat, contrairement à l'interprétation jurisprudentielle française de la Convention de Genève.

Le champ de l'asile constitutionnel est donc différent de celui du statut de réfugié défini par la Convention de Genève, même si, dans la pratique, l'examen des faits ne permet pas toujours de percevoir avec évidence ces nuances juridiques.

Au demeurant, le Conseil d'Etat a estimé que l'argumentation fondée sur le 4ème alinéa du Préambule de la Constitution pouvait constituer un moyen à l'appui d'une demande de reconnaissance du statut de réfugié (CE 3 avril 1996, Traoré).

S'agissant cependant du Préambule de la Constitution, on pouvait néanmoins s'interroger sur son invocabilité directe, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993, rendue sur la conformité à la Constitution de la loi du 24 août 1993.

Auparavant, la jurisprudence considérait que le Préambule posait certes un principe de valeur constitutionnelle mais dont la mise en oeuvre effective supposait l'intervention de textes de mise en oeuvre (CE 27 septembre 1982, Association France Terre d'Asile).

Dans le cas d'espèce, le Conseil constitutionnel a estimé que l'insertion dans la législation de dispositions permettant la mise en oeuvre des Conventions de Schengen et de Dublin sur la détermination de l'Etat responsable du traitement des demandes d'asile devait être considérée par rapport au Préambule de la Constitution.

Le Préambule reconnaissant le droit d'asile à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté, le législateur ne pouvait pas avoir entendu priver un demandeur d'asile du droit à un traitement de sa demande par la France, nonobstant les règles de ces conventions reconnaissant la compétence d'un autre Etat signataire pour l'examen de certaines demandes d'asile.

Tel est le sens de la " réserve interprétative " du Conseil constitutionnel ainsi rédigée :

" (...) comme le Conseil constitutionnel l'a relevé par sa décision n° 91-294DC du 25 juillet 1991, la détermination d'un autre Etat responsable du traitement d'une demande d'asile en vertu d'une convention internationale n'est admissible que si cette convention réserve le droit de la France d'assurer, même dans ce cas, le traitement d'une demande d'asile en application des dispositions propres à son droit national ; que le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 fait obligation aux autorités administratives et judiciaires françaises, de procéder à l'examen de la situation des demandeurs d'asile qui relèvent de cet alinéa, c'est-à-dire de ceux qui seraient persécutés pour leur action en faveur de la liberté ; que le respect de cette exigence suppose que les intéressés fassent l'objet d'une admission provisoire au séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur cas ; que le droit souverain de l'Etat à l'égard d'autres parties contractantes à des conventions doit être entendu comme ayant été réservé par le législateur pour assurer le respect intégral de cette obligation ; que ce n'est que sous cette stricte réserve d'interprétation que la disposition susanalysée peut être regardée comme conforme à la Constitution ; ".

Le Conseil d'Etat, saisi par le Gouvernement, a, dans un avis du 23 septembre 1993, considéré, dans ces conditions, que la mise en oeuvre de la convention de Schengen dans des conditions viables pour la France rendait nécessaire une révision constitutionnelle. Celle-ci a été opérée par la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993, relative aux accords internationaux en matière de droit d'asile. Cette réforme a permis la traduction législative des Conventions de Schengen et de Dublin (loi du 30 décembre 1993).

L'article 53-1 de la Constitution, issu de cette réforme, permet à la France de prendre des engagements internationaux déterminant les compétences respectives des Etats signataires pour l'examen des demandes d'asile, aux conditions fixées par son premier alinéa.

Le deuxième alinéa de l'article 53-1 de la Constitution préserve néanmoins la possibilité pour les autorités de la République de " donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ".

Ce texte permet aussi de donner asile à celui " qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", ce qui enracine dans la constitution la pratique antérieure de l'asile territorial.

Ce faisant, le corps de la Constitution -et non plus seulement son Préambule- crée un asile constitutionnel directement applicable, sans qu'un texte d'application apparaisse juridiquement indispensable.

On remarquera que la France peut accorder l'asile, sans pour autant ouvrir au demandeur un autre droit que celui de l'examen de sa requête , sous réserve des conventions internationales conclues dans le cadre fixé par le premier alinéa du texte.

La rédaction du deuxième alinéa de l'article 53-1 de la Constitution apparaît plus extensive que celle du Préambule de la Constitution ou de l'article 24 du projet de loi. En effet, en dehors des cas de persécution pour une action en faveur de la liberté, elle fonde l'administration à accorder l'asile " pour un autre motif ", c'est-à-dire pour tout autre motif quel qu'il soit.

Le texte de la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 constitutionnalise donc de façon absolue le droit d'asile susceptible d'être accordé, notamment aux combattants de la liberté, en dehors de toute référence au Préambule de 1946, à la Convention de Genève ou à celle de Dublin.

Dès lors que l'exposé des motifs du projet de loi confirme que la qualité de réfugié pourrait -et non devrait - être accordée aux combattants de la liberté, il paraît possible de considérer que son article 24 n'apporterait strictement aucune modification au droit en vigueur. L'article 24 ne serait donc pas juridiquement nécessaire à la reconnaissance de l'asile constitutionnel.

La mise en oeuvre de l'asile constitutionnel proposé par le projet de loi ne manquerait probablement pas de soulever plusieurs interrogations, auxquelles il appartiendrait, le cas échéant, au Conseil d'Etat de répondre, celui-ci pouvant être appelé à définir précisément les catégories de bénéficiaires.

Quelles seraient les personnes exclues ?

Dans l'esprit du Gouvernement, on peut penser que les personnes exclues seraient celles énumérées par l'article premier F de la convention de Genève :

" - les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ;

c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations-Unies.
"

Quelle serait la portée pratique de l'inscription de l'asile constitutionnel dans la loi ?

L'exposé des motifs précise que la qualité de réfugié pourra être accordée aux combattants de la liberté même si les persécutions ne sont pas exercées par un Etat, contrairement à la jurisprudence française. Toutefois, s'agissant du cas des Algériens, l'incidence de la création de l'asile constitutionnel resterait très limitée du fait que, d'ores et déjà, la tolérance volontaire de l'Etat d'origine était prise en compte, le cas échéant, pour l'attribution du statut de réfugié.

Sur la portée des dispositions proposées, il appartiendra au Conseil d'Etat de définir précisément les catégories bénéficiaires, probablement peu nombreuses .

Au demeurant, le séjour en France au titre de l'asile peut toujours être accordé aux combattants de la liberté, comme à tout demandeur d'asile indépendamment de textes spécifiques, comme cela s'est toujours pratiqué, même avant l'entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle de 1993, ainsi que le confirme la rédaction en vigueur de l'article 31 bis de l'ordonnance :

- d'une part en n'énonçant que des cas limitatifs de possibilité de refus (compétence d'un autre Etat en application d'engagements internationaux ; demandeur admissible dans un pays tiers ; menace pour l'ordre public ; demande reposant sur une fraude délibérée, constituant un recours abusif aux procédures d'asile ou présentée en vue de faire échec à une mesure d'éloignement du territoire) ;

- d'autre part, en réaffirmant le droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile y compris aux personnes se trouvant dans l'un des cas de refus (avant dernier alinéa de l'article 31 bis , résultant de la loi du 24 août 1993).

On ajoutera que, dans son avis présenté au nom de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, M. Jean-Yves Le Déaut convenait que l'asile constitutionnel proposé par le projet aurait " une portée surtout symbolique ".

On est donc conduit à se demander si, faute de valeur normative réellement nouvelle, l'article 24 du projet de loi ne résulterait pas du souhait de créer un effet d'annonce.

Dans cette hypothèse, la disposition proposée ne serait peut-être pas dépourvue de toute portée pratique. Elle pourrait en effet être interprétée comme un signal susceptible de susciter de nouveaux flux de demandeurs d'asile et risquer, à travers d'éventuels détournements de procédure, de porter atteinte à l'essence même du droit d'asile.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 24 du projet de loi après avoir voté un amendement de coordination.

Elle a, par ailleurs, supprimé la référence à la Commission des recours des réfugiés pour la reconnaissance du statut de réfugié, considérant cette précision inutile car la procédure d'appel des décisions de l'OFPRA demeure inchangée.

Considérant les dispositions proposées comme satisfaites par le droit en vigueur, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 24.

Article 25
(article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Coordination avec les articles 22 et 23 du projet

Il s'agirait d'une conséquence du transfert de dispositions sur le droit d'asile figurant dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 vers la loi du 25 juillet 1952 précitée, dont le principe serait posé par l'article 22 du projet de loi .

Les références aux dispositions de l'ordonnance figurant dans cette loi seraient remplacées par celles des articles transférés dans cette loi.

En logique avec la position qu'elle a prise sur l'article 22, votre commission vous propose par amendement de supprimer l'article 25 du projet de loi, auquel l'Assemblée nationale avait apporté une modification de caractère rédactionnel.

Article 26
(article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Saisine du ministre de l'Intérieur par l'OFPRA
ou la Commission des Recours des Réfugiés (CRR)
du cas de personnes auxquelles le statut de réfugié est refusé

L'article 26 du projet de loi tend à ajouter un 7ème alinéa à l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 précitée, concernant la situation des personnes à qui le statut de réfugié n'a pas été reconnu.

Il s'agirait de personnes à qui le statut de réfugié ne pourrait pas être accordé, soit au titre de la Convention de Genève, soit au titre de l'asile constitutionnel proposé par l'article 24 du projet de loi, mais dont l'OFPRA ou la CRR estimerait qu'elles relèveraient de l'asile territorial.

Se trouveraient en particulier dans ce cas les étrangers dont la persécution ne proviendrait pas des autorités publiques ou ne résulterait pas de la tolérance volontaire par celles-ci des persécutions, écartés à ce titre du bénéfice de la Convention de Genève telle qu'elle est interprétée par le Conseil d'Etat.

Dans cette hypothèse, le directeur de l'OFPRA ou le président de la CRR pourrait saisir le ministre de l'Intérieur afin de proposer néanmoins une admission au séjour au titre de l'asile territorial, dont l'inscription dans la loi est prévue par l'article 31 du projet de loi (voir commentaire de cet article).

Le statut de réfugié permet l'attribution de plein droit d'une carte de résident d'une durée de validité de 10 ans, alors que l'asile territorial donne lieu à l'attribution d'une carte de séjour temporaire d'un an.

La saisine du ministre de l'Intérieur des cas de personnes déboutées du statut de réfugié mais néanmoins gravement menacées est d'ores et déjà opérée par l'OFPRA ou la CRR, sans qu'il ait pour cela été nécessaire de la prévoir dans une loi.

Les cas signalés au ministre de l'Intérieur concernent un faible nombre de personnes à qui le statut est refusé. Le nombre des personnes déboutées du droit d'asile en faveur desquelles l'OFPRA a depuis 3 ans demandé au ministre de l'Intérieur de ne pas prendre de mesure d'éloignement du territoire se situe entre 250 et 300. Dans tous les cas le ministre de l'Intérieur a donné une réponse positive.

Cette saisine peut intervenir avant même la décision définitive de rejet, compte tenu du fait que l'étranger doit quitter le territoire au plus tard un mois après cette décision de rejet.

Outre une modification de caractère rédactionnel, l'Assemblée nationale a précisé que la saisine du ministre de l'intérieur pourrait être faite par le directeur de l'OFPRA ou (ou lieu de et ) le président de la CRR, la saisine n'étant pas conjointe.

Votre commission vous propose par amendement de supprimer l'article 26.

Article 27
(articles 5, 8 et 9 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Coordination

Le paragraphe I de l'article 27 du projet de loi tend à remplacer, au dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952, la référence à l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par celle de l'article 10 de ladite loi, dont le texte résulterait du transfert de cet article 31 bis .

Il s'agirait donc encore d'une conséquence formelle du regroupement dans une loi spécifique sur l'asile des dispositions de l'ordonnance de 1945 concernant cette question, proposé par l'article 22 du projet de loi.

Le paragraphe II de l'article 27 du projet de loi apporte à l'article 8 de la loi de 1952 une modification rédactionnelle consécutive à l'accession à l'indépendance de territoires anciennement sous souveraineté française.

Le paragraphe III de l'article 27 du projet de loi est relatif à l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, renvoyant à un décret les modalités d'application de cette loi.

Le projet précise que le décret ne concernerait que le titre premier de la loi de 1952.

Ceci serait la conséquence de l'article 23 du projet de loi tendant à rassembler dans un titre premier les articles 1er à 9 de la loi de 1952.

Le paragraphe IV de l'article 27 du projet de loi tend à supprimer des dispositions budgétaires (articles 10 et 11 de la loi de 1952), devenus obsolètes.

L'Assemblée nationale a adopté ces dispositions avec des modifications de caractère purement rédactionnel.

Votre commission, suivant sa logique exposée dans le commentaire de l'article 22, vous propose un amendement de suppression des paragraphes I et III de l'article 27 du projet de loi.

Elle vous propose d'adopter l'article 27 ainsi modifié .

Article 28
(Titre II nouveau de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Coordination

L'article 28 du projet de loi crée un titre II dans la loi du 25 juillet 1952, intitulé " Des demandeurs d'asile " et comportant les articles 10 et suivants de ladite loi.

Il s'agirait de la conséquence du principe proposé par l'article 22 du projet de loi de rassembler dans la loi de 1952 l'ensemble des dispositions législatives sur le droit d'asile.

Par cohérence, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 28 que l'Assemblée nationale avait adopté avec une modification de caractère rédactionnel.

Article 29
(Articles 10, 11 et 12 nouveaux de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952
Coordination

Le paragraphe I de l'article 29 du projet de loi tend à transférer dans la loi du 25 juillet 1952 (articles 10, 11 et 12 nouveaux) les articles 31 bis , 32 et 32 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Les dispositions dont il s'agit, insérées dans l'ordonnance par la loi du 24 août 1993 puis complétées par les lois du 30 décembre 1993 et du 24 avril 1997, concernent les conditions d'admission au séjour en France au titre de l'asile pendant l'examen de la demande de statut de réfugié. Actuellement, seules les dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié figurent dans la loi du 25 juillet 1952 (articles 1er à 9).

On remarquera cependant que toutes les dispositions du chapitre VII de l'ordonnance sur le séjour en France des demandeurs d'asile ne seraient pas transférées dans la loi de 1952.

Se trouveraient ainsi exclus de ce transfert :

- l'article 31 de l'ordonnance qui pose l'obligation, pour le candidat au statut de réfugié, de demander une autorisation de séjour au titre de l'asile, s'il ne dispose pas déjà d'un titre de séjour. Cet article, dont les termes ne seraient pas modifiés, conserverait de ce fait une référence à l'article 31 bis de l'ordonnance en dépit de son transfert à l'article 10.

- l'article 32 ter de l'ordonnance faisant obligation à l'étranger auquel le statut de réfugié est définitivement refusé, de quitter le territoire sous peine de faire l'objet de mesures d'éloignement.

Les paragraphes II, III et IV de l'article 29 du projet de loi apportent aux articles 10, 11 et 12 nouveaux de la loi de 1952 les modifications purement formelles rendues nécessaires par le transfert des articles 31 bis à 32 bis de l'ordonnance de 1945 vers la loi de 1952.

Toutefois, le projet de loi omet, dans le 4ème alinéa de l'article 33 de l'ordonnance, de remplacer la mention de l'article 31 bis de l'ordonnance par celle de l'article 10 nouveau.

Enfin, il a été précisé, dans le commentaire de l'article 22 du projet de loi, que les dispositions de l'ordonnance concernant l'attribution de plein droit de la carte de résident aux réfugiés (article 15-10°) et celles relatives aux zones d'attente, concernant notamment les demandeurs d'asile (article 35 quater ) ne seraient pas transférées dans la loi sur l'asile.

Ces omissions illustrent la difficulté qu'il y aurait à disjoindre de l'ordonnance du 2 novembre 1945 la totalité des dispositions concernant les demandeurs d'asile et les réfugiés.

Pour les raisons exposées précédemment, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 29 du projet de loi, que l'Assemblée nationale avait adopté avec des modifications rédactionnelles.

Article 30
(Article 10 nouveau de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Modification du champ de la procédure prioritaire d'examen
de la demande de statut de réfugié

L'article 30 du projet de loi tend à remplacer le 2° de l'article 10 nouveau de la loi du 25 juillet 1952 (actuel article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945), concernant les cas limitatifs de refus de séjour au titre de l'asile, dans lesquels il est statué par priorité sur la demande de statut de réfugié.

1. Les dispositions en vigueur

Les 1° à 4° de l'actuel article 31 bis de l'ordonnance énumèrent limitativement les cas de refus d'admission au titre du séjour du demandeur d'asile, lorsqu'il se trouve à l'intérieur du territoire :

1° l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application de la Convention de Dublin relative à la détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande ;

2° Le demandeur est admissible dans un Etat tiers, dans lequel il peut bénéficier d'une protection effective, notamment contre le refoulement ;

3° la présence de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ;

4° la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée que pour faire échec à une mesure d'éloignement.

Lorsque le séjour est refusé à un demandeur d'asile pour l'un de ces motifs (sauf le 1°), celui-ci peut néanmoins demander le statut de réfugié. Dans ces cas, l'OFPRA statue par priorité (avant-dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée par la loi du 24 août 1993), dans un délai ne dépassant généralement pas 48 heures.

Pendant l'examen prioritaire d'une demande de statut, l'administration ne peut pas procéder à l'exécution d'une mesure d'éloignement du territoire mais, en revanche, elle peut placer l'intéressé en rétention administrative.

La procédure prioritaire, mise en oeuvre dans 580 dossiers en 1996 (3,4 % des premières demandes) vise à écarter le risque d'une installation durable sur le territoire de personnes dont la requête paraît manifestement infondée ou dont la présence sur le territoire constituerait une menace grave pour l'ordre public. Elle n'exclut cependant pas un examen plus approfondi du dossier par l'OFPRA, s'il l'estime utile.

2. Le projet de loi initial

L'article 30 du projet de loi n'affecte que le 2ème cas de refus de séjour au titre de l'asile, les 1°, 3° et 4° cas étant maintenus en l'état.

Il s'agirait, d'une part, de supprimer la possibilité de refus d'un demandeur admissible dans un Etat tiers et, d'autre part, d'insérer une nouvelle possibilité de refus, pour les ressortissants des pays pour lesquels a été mise en oeuvre la " clause de cessation de la Convention de Genève ".

· Suppression du refus de séjour pour le demandeur admissible dans un Etat tiers

Ce cas de refus de séjour au titre de l'asile -permettant un examen prioritaire de la demande de statut de réfugié- concerne les personnes déjà présentes sur le territoire qui seraient effectivement admissibles dans un Etat autre que celui où elles redoutent d'être persécutées, dans lequel elles peuvent bénéficier d'une protection effective, notamment contre le refoulement. Il pourrait être fait usage de cette disposition pour un étranger qui aurait transité par un pays tiers dans lequel il aurait effectivement pu bénéficier de l'asile conformément à la Convention de Genève.

La suppression de ce cas de refus reviendrait, selon l'étude d'impact du projet de loi, à consacrer dans les textes une pratique bien établie et conforme à une stricte application de la Convention de Genève. Cette suppression fait suite à la jurisprudence du Conseil d'Etat, selon laquelle cette circonstance n'était pas de celles dont le ministre pouvait tenir compte pour considérer comme manifestement infondée la demande de l'étranger (CE 18 décembre 1996, Rogers).

Rappelons que la disposition dont il s'agit concerne le cas d'étrangers présentant leur demande à l'intérieur du territoire et non lors de leur arrivée à la frontière française.

· Adjonction d'un cas de refus de séjour pour le ressortissant d'un pays à l'égard duquel la " clause de cessation de la Convention de Genève " a été mise en oeuvre

L'article 1er C 5 de la Convention de Genève prévoit que celle-ci cesse d'être applicable à l'égard d'une personne dont les circonstances prévalant dans son pays et pour lesquelles elle a été reconnue comme réfugiée, auraient cessé d'exister et qui n'aurait donc pas de raison, de ce fait, de continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité.

Ce cas de refus -et donc d'applicabilité de la procédure prioritaire d'examen de la demande de statut de réfugié- concerne les nationaux des pays ayant accédé à la démocratie et où il n'y a plus de raison de considérer que les libertés sont menacées.

Il s'agirait de mettre en échec un recours abusif aux procédures d'asile. Pour illustrer l'intérêt que présenterait à ses yeux l'adoption d'une telle mesure, le directeur de l'OFPRA a exposé devant votre commission que les demandes des Roumains représentaient 33% des dossiers à traiter et mobilisaient un temps précieux que l'OFPRA ne pouvait pas, de ce fait, consacrer au traitement approfondi des autres demandes.

A cet égard, le directeur de l'OFPRA a émis le voeu que les officiers de protection puissent entendre personnellement un plus grand nombre de requérants, car seulement 45% d'entre eux ont été effectivement reçus par ces officiers en 1996.

Ce témoignage illustre clairement le fait que le détournement du droit d'asile peut porter un préjudice certain aux personnes répondant réellement aux définitions de la Convention de Genève.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 30 du projet de loi après y avoir apporté des modifications rédactionnelles.

Votre commission a porté une appréciation positive sur cet article. Elle s'interroge cependant sur sa portée réelle dans la mesure où rien n'empêcherait les étrangers concernés de solliciter l'asile territorial au titre de l'article 31 du projet de loi ci-après analysé, s'il est adopté.

De la sorte, l'OFPRA verrait certes, grâce à l'extension proposée du champ d'application de la procédure prioritaire, ses tâches allégées et pourrait donc effectivement mieux centrer ses activités, mais le risque demeurerait, le cas échéant, de voir des personnes ayant abusivement sollicité le droit d'asile de s'implanter sur le territoire dans l'attente de l'examen de leur demande d'asile territorial.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 30 du projet de loi sans modification.

Article 31
(article 13 nouveau de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952)
L'asile territorial

1. Le projet de loi initial

L'article 31 du projet de loi tend à créer un article 13 nouveau dans la loi du 25 juillet 1952, concernant l'asile territorial.

L'asile territorial pourrait être accordé à un étranger exposé, en cas de refus d'admission au séjour à " des traitements inhumains ou dégradants, ou à des risques majeurs pour sa sûreté personnelle ".

On remarquera que le champ de cet asile territorial n'inclut pas la possibilité d'accorder l'asile " pour tout autre motif ", comme le prévoit l'article 53-1 de la Constitution.

L'asile territorial concernerait des personnes qui n'auraient pas pu se voir attribuer le statut de réfugié au titre de la Convention de Genève ou à celui de l'asile constitutionnel proposé par l'article 24 du projet de loi mais s'exposeraient néanmoins à des persécutions notamment par des groupes terroristes en cas de retour dans leur pays d'origine.

Les persécutions ne proviendraient pas nécessairement d'un Etat ou n'auraient pas été rendues possibles par la " tolérance volontaire de l'Etat ". Elles ne concerneraient pas non plus un " combattant de la liberté ".

Le projet de loi vise, en réalité, à transcrire dans la loi une pratique actuelle de l'administration. Le ministre de l'Intérieur, éventuellement saisi par l'OFPRA, comme on l'a vu (commentaire de l'article 26 du projet de loi), peut, si il l'estime opportun, accorder un titre de séjour temporaire, généralement pour une durée d'un an à des personnes qui, sans répondre aux critères d'obtention du statut de réfugié, risqueraient néanmoins d'être persécutées dans leur pays d'origine.

Par rapport au régime actuel, fondé sur des circulaires, le projet créerait un régime juridique protecteur.

Le rapport de M. Patrick Weil, qui préconisait cette mesure, estimait à quelques centaines le nombre des personnes qui pourraient en bénéficier. Il considérait que la disposition, permettant une souplesse d'appréciation de l'administration, marquerait la prérogative de souveraineté de la République, lui accordant la faculté d'attribuer l'asile territorial selon ses propres critères.

L'asile territorial concernerait des personnes exposées à des " traitements inhumains ou dégradants ", ce qui constituerait une référence implicite à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme selon lequel " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

Le bénéfice de l'asile territorial pourrait aussi être accordé à une personne exposée " à des risques majeurs pour sa sûreté personnelle ".

Le projet semble laisser à la jurisprudence le soin d'apprécier le niveau de l'atteinte à la sûreté qui pourrait être pris en considération.

L'asile territorial concernerait la plupart des personnes protégées par l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 contre l'éloignement du territoire à destination d'un pays où elles encoureraient un grave danger. Le bénéfice de cette protection y est en effet accordé à qui " établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

La décision serait prise, s'agissant du droit au séjour et non du statut de réfugié, par le ministre de l'intérieur. Pendant l'examen de leur demande, les intéressés recevraient un récépissé valant autorisation provisoire de séjour.

En cas de rejet de la demande, les étrangers concernés devraient, en principe, être éloignés du territoire, sauf s'ils bénéficient de la protection de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Une décision favorable devrait conduire à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, d'une durée de validité de un an (le réfugié statutaire se voit attribuer une carte de résident, valable 10 ans).

Cette procédure nouvelle pourrait apparaître comme une " instance d'appel " de celle de l'examen du statut de réfugié pour laquelle le demandeur débouté par l'OFPRA dispose déjà d'un recours auprès du CRR.

L'étranger débouté d'abord du statut de réfugié, puis de sa demande d'asile territorial par le ministre de l'Intérieur pourrait saisir le tribunal administratif de Paris d'un recours, susceptible d'appel.

Un étranger pourrait donc successivement demander le statut de réfugié auprès de l'OFPRA et, parallèlement solliciter une autorisation provisoire de séjour. Si sa demande de statut était refusée, il disposerait d'une possibilité de recours auprès de la CRR.

L'étranger dont la demande de statut serait refusée pourrait donc demander l'asile territorial en s'appuyant sur les dispositions législatives proposées, si elles étaient adoptées, et bénéficier, en cas d'échec, d'un recours devant la juridiction administrative.

La charge supplémentaire qui en résulterait pour les services et les juridictions doit également être prise en considération.

Une telle multiplication des procédures est-elle vraiment nécessaire quand la pratique administrative permet à l'administration de donner une réponse avec souplesse à quelques situations difficiles ?


La consécration législative proposée, source de complications éventuelles, comporte aussi le risque plus grave de constituer un encouragement aux demandes abusives d'asile, la durée des procédures laissant craindre une installation durable, sans respect des règles sur le séjour, puis, éventuellement une régularisation.

Il reste à évaluer la portée de cette disposition.

Ce qui n'est aujourd'hui qu'une pratique souple à la discrétion de l'administration pour permettre le traitement satisfaisant de cas particuliers ne se transformerait-il pas en une obligation pour la France d' examiner toutes les demandes d'asile territorial, y compris celles qui relèveraient de la compétence d'un autre Etat ?

Ce faisant, ne prend-on pas le risque de faire de la France une " instance d'appel " pour les demandeurs d'asile déboutés dans les autres Etats européens ?

De la sorte, il s'agirait peut-être d'autre chose que la simple transcription dans la loi d'une pratique administrative.

On soulignera que rien dans le projet de loi ne paraît s'opposer au dépôt d'une demande d'asile territorial par un étranger à qui le statut de réfugié aurait été refusé après examen selon la procédure prioritaire parce que sa demande était manifestement infondée.

Si les libertés n'étaient plus menacées dans son pays, l'étranger verrait sa demande de statut de réfugié examinée par priorité. Toutefois, il pourrait demander l'asile territorial et, à ce titre, bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour pendant la durée d'instruction, ce qui réduirait la portée pratique de l'article 30 précédemment analysé pourtant présenté comme devant décourager les demandes abusives d'asile.

La durée de l'instruction pourrait alors, le cas échéant, faciliter l'installation en France de personnes déboutées du statut de réfugié. On rappellera que 33 % des demandeurs du statut de réfugié proviennent de pays où la liberté n'est plus menacée (Roumanie notamment).

Par ailleurs, on relèvera que l'article 31 du projet de loi n'accorde aucun droit spécifique aux membres de la famille du bénéficiaire de l'asile territorial. Cela n'empêcherait pas l'administration, éventuellement, de les admettre au séjour.

Enfin, l'effet d'annonce que pourrait susciter l'inscription dans la loi de l'asile territorial risquerait d'encourager les demandes abusives d'asile.

L'Assemblée nationale a retenu le principe de l'asile territorial en modifiant toutefois la rédaction du projet initial :

- outre une modification de caractère rédactionnel, l'Assemblée nationale a ajouté que l'asile territorial pourrait être accordé " dans des conditions compatibles avec l'intérêt du pays ", mais le projet initial ne faisait pas obligation à l'administration de donner systématiquement une réponse positive aux requérants remplissant les conditions de fond prévues par le texte.

- le ministre de l'intérieur prendrait sa décision après consultation du ministre des affaires étrangères.

- les bénéficiaires seraient ceux que l'article 27 bis (dernier alinéa) de l'ordonnance protège contre l'éloignement du territoire, dont les termes ont été rappelés plus haut.

- un décret préciserait les conditions d'application de l'article.

Ces modifications n'affectent en rien les objections faites au dispositif proposé.

Celui-ci, loin d'être anodin, permettrait la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, y compris à des personnes déboutées du statut de réfugié, et donc une installation peut-être durable de personnes susceptibles d'avoir tenté de détourner le droit d'asile. Il pourrait aussi contrarier l'exécution dans des conditions viables pour la France de ses engagements internationaux (Convention de Dublin).

La pratique actuelle permet d'ores et déjà à l'administration de trouver une solution à des situations humainement difficiles.

La loi ne contraindrait certes pas le ministre de l'intérieur à accorder l'asile territorial à des personnes ne se trouvant pas dans l'un des cas prévus par le texte.

En revanche, le texte permettrait à ces personnes de bénéficier abusivement d'un droit au séjour pendant la durée d'instruction de la demande. Il pourrait encourager l'implantation irrégulière d'étrangers après l'éventuel rejet de leur demande d'asile territorial ou mettre à la charge de la France l'éloignement du territoire de personnes dont elle aurait accepté d'examiner leur requête à ce titre, nonobstant les dispositions de la convention de Dublin .

Enfin, comme on l'a déjà indiqué, il s'agirait encore d'une disposition susceptible de créer un appel d'air .

Pour ces raisons, votre commission vous propose un amendement de suppression de l'article 31 du projet de loi.

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 32
(art. 175-2 du code civil)
Mariage de complaisance

Cet article tend à modifier l'article 175-2 du code civil, afin de limiter les possibilités d'opposition au mariage, notamment dans des délais très rapprochés de la date de la célébration.

Renforcer le dispositif destiné à prévenir les mariages de complaisance a constitué un objectif essentiel du législateur en 1993. Les mariages mixtes sont en effet un terrain sur lequel la fraude peut se développer, en raison des avantages que l'union avec un ressortissant français peuvent procurer à un étranger en situation irrégulière : protection contre une mesure d'éloignement ou d'interdiction du territoire après un an de mariage ; délivrance d'une carte de résident après le même délai ; acquisition de la nationalité française par simple déclaration après deux ans de mariage.

Afin de remédier aux faiblesses de notre droit concernant les mariages fictifs, les lois du 24 août et du 30 décembre 1993 ont complété les dispositions du code civil relatives au mariage.

L' article 146-1 dudit code requiert désormais la comparution personnelle d'un Français à son mariage, même s'il est contracté à l'étranger. Cette disposition vise essentiellement les mariages célébrés à l'étranger, certains droits admettant -contrairement au droit français- le mariage sans comparution personnelle des époux, ce qui paraît de nature à favoriser les mariages fictifs.

L' article 170-1 organise un contrôle a posteriori des mariages célébrés à l'étranger.

L' article 175-1 permet au ministère public de former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage (manquement à la condition d'âge, défaut de consentement, bigamie, inceste, mariage célébré non publiquement et mariage non célébré devant l'officier public compétent).

L' article 190-1 prévoit que le mariage célébré en fraude à la loi peut être annulé à la demande de l'époux de bonne foi ou du ministère public, formée dans l'année du mariage.

L' article 175-2 du code civil -qui est issu de la loi du 30 décembre 1993 et dont l'article 32 du projet de loi propose la modification- organise une procédure permettant de surseoir à la célébration d'un mariage dont des indices sérieux font présumer qu'il n'est envisagé que pour atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale .

A titre indicatif, on peut rappeler que la circulaire du Garde des Sceaux du 16 juillet 1992 relative à l'harmonisation des pratiques des parquets en matière de consentement au mariage énumère certains " indices " qui doivent faire naître le doute chez les officiers de l'état civil : retards répétés et anormaux pour produire les pièces du dossier de mariage ; projets de mariage successivement reportés ou annulés, comportant parfois un changement en la personne de l'un des futurs conjoints ; présentation du dossier de mariage et accomplissement des diverses formalités par un tiers servant d'interprète entre les futurs époux, ou par un seul des époux sans que l'autre y soit jamais associé ; état d'hébétude ou existence de traces récentes de coups constatés lors du dépôt du dossier ou de la cérémonie ; déclaration, même rétractée, du futur conjoint sur les pressions qu'il subit ; projets de mariage de couples différents comportant les mêmes témoins ; connaissance d'une situation personnelle ou sociale particulière qui laisse présumer que l'intéressé ne peut accepter l'union en toute liberté (à titre d'exemple : domiciliation dans une structure d'accueil pour handicapés mentaux) ; attitude distante des époux, présence d'un témoin ou d'un membre de la famille qui sert d'interprète entre les époux constatée lors de la célébration.

Lorsque donc il existe des indices sérieux , l'officier de l'état civil saisit le ministère public. Il en avertit les intéressés. Un délai de quinze jours est imposé au ministère public pour faire connaître sa décision, laquelle doit être motivée.

Le ministère public peut dans ce délai soit faire opposition au mariage soit décider qu'il sera sursis à sa célébration. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil et aux intéressés. La durée du sursis ne peut cependant excéder un mois .

Le mariage ne peut être célébré que dans trois cas : celui où le procureur de la République a fait connaître sa décision de laisser procéder au mariage ; celui où dans le délai de quinze jours il n'a pas porté à la connaissance de l'officier de l'état civil sa décision de surseoir à la célébration ou de s'y opposer ; enfin, celui où, à l'expiration du sursis qu'il a décidé, il n'a pas fait connaître à l'officier de l'état civil qu'il s'opposait à la célébration.

La décision de sursis peut être contestée devant le président du tribunal de grande instance par l'un ou l'autre des futurs époux et en appel devant la cour d'appel. Chacune des juridictions dispose d'un délai de dix jours pour statuer.

L'étude d'impact du projet de loi fait valoir que cette procédure présenterait des " carences " mises à jour par une enquête réalisée en 1996 par le ministère de la Justice, à savoir : de fortes disparités géographiques (82 % des saisines des parquets enregistrées en 1995 se concentrant dans douze tribunaux, plus des deux tiers des juridictions n'ayant pas été saisies) ; une concentration des saisines sur la question du séjour irrégulier ; une sévérité relative des procureurs de la République (45 % de cas de sursis, 12 % d'opposition à des projets de mariage, soit 69 sur 657).

Le rapport de M. Patrick Weil, s'appuyant sur la même enquête, avait pour sa part considéré que " l'efficacité de ce dispositif est donc limitée, sinon nulle : le nombre des saisines est faible, celui des oppositions très réduit sans constituer un obstacle à la célébration du même mariage dans une commune voisine. Ce dispositif est, de surcroît, discriminatoire dans la mesure où les maires l'utilisent, en pratique, pour empêcher le mariage d'étrangers en situation irrégulière, alors même que le droit civil français ne conditionne en rien le droit de se marier à la régularité du séjour. Enfin, ce dispositif fait peser, jusqu'au moment même de la cérémonie, une incertitude parfois difficile à vivre sur la mise en oeuvre éventuelle de cette procédure de sursis ".

C'est pourquoi le rapport préconisait que la saisine du procureur de la République par l'officier de l'état civil perde son caractère suspensif. A défaut de l'adoption d'une telle solution, il proposait que la saisine suspensive du procureur de la République ne soit plus possible après la publication des bans, soit dix jours avant le mariage.

L'article 32 du projet de loi retient cette dernière solution. En conséquence, les procédures d'opposition ou de sursis à la célébration ne pourraient êtres mises en oeuvre dans les dix jours précédant le mariage.

Lorsqu'une fraude serait présumée dans la période des dix jours , il appartiendrait au procureur de la République d'engager une procédure d'annulation du mariage qui pourra être étayée d'éléments sur une éventuelle absence de communauté de vie.

Les arguments énoncés à l'appui de cette disposition ne paraissent guère convaincants.

D'une part, la concentration des saisines du parquet par l'officier de l'état civil dans certains tribunaux peut s'expliquer par différents motifs, notamment la répartition des étrangers sur le territoire.

D'autre part, le nombre de sursis et d'oppositions prononcés traduit une application équilibrée des dispositions adoptées en 1993 et met en évidence que les cas de tentatives de fraudes sont bien réels.

Par ailleurs, la mesure proposée ne permettrait plus de prévenir la fraude qui serait constatée dans les dix jours précédant la célébration.

Pour toutes ces raisons, il n'est donc ni nécessaire ni opportun de remettre en cause le dispositif élaboré en 1993.

L'Assemblée nationale a en définitive décidé de maintenir le dispositif isu de la loi du 30 décembre 1993, en supprimant le présent article.

Votre commission des Lois vous propose de confirmer la suppression de l'article 32.

Article 33
(art. 131-30 du code pénal)
Catégories d'étrangers protégés au regard
de l'interdiction du territoire français

Cet article tend à modifier le troisième alinéa de l'article 131-30 du code pénal afin de préciser les conditions dans lesquelles les tribunaux peuvent prononcer une interdiction du territoire français à l'encontre de certaines catégories d'étrangers.

L'interdiction du territoire français est une peine facultative dont le régime général résulte de l' article 131-30 du code pénal.

Dans sa rédaction issue de la loi n°92-683 du 22 juillet 1992, l' article 131-30 du nouveau code pénal a fixé la règle selon laquelle, lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus , à l'encontre d'un étranger coupable d'un crime ou d'un délit.

L'article
131-30 établit que l'interdiction du territoire entraîne de plein droit reconduite du condamné à la frontière , le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. La loi du 24 avril 1997 (article 16) a néanmoins précisé que lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. L'interdiction reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

Son application par les tribunaux est, par ailleurs, rendue possible, en cas de violation des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, par différentes dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (articles 19, 21, 27 et 33), laquelle définit -à l'instar du code pénal- des conditions spécifiques d'application pour certaines catégories d'étrangers.

L' article 131-30 -tel que modifié par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993- précise les conditions dans lesquelles les tribunaux peuvent prononcer l'interdiction du territoire à l'encontre de certaines catégories d'étrangers.

Est ainsi requise une décision spécialement motivée au regard de l'infraction commise lorsque cette mesure concerne :

- les parents d'un enfant français résidant en France exerçant même partiellement, l'autorité parentale à son égard ou subvenant effectivement à ses besoins ;

- les conjoints de Français, sous réserve que le mariage soit antérieur aux faits, dure depuis un an au moins, que la communauté de vie n'ait pas cessé et que les conjoints aient conservé la nationalité française ;

- les étrangers résidant habituellement en France depuis l'âge de dix ans ;

- les étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de quinze ans.

L'interdiction du territoire ne peut par ailleurs en aucun cas être appliquée aux mineurs (article 20-4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante).

Rappelons également que la loi du 24 août 1993 a harmonisé le régime des différentes interdictions du territoire français en définissant des catégories d'étrangers protégés identiques pour l'infraction aux conditions d'entrée et de séjour ( article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945), pour celle prévue par le nouveau code pénal ( articles 131-30 ), pour celle de trafic de stupéfiants ( article L. 630-1 du code de la santé publique, abrogé à compter du 1er mars 1994) ou encore pour l'infraction aux législations sur le travail clandestin et sur l'hébergement collectif ( article L. 362-5 du code du travail et 8-1 de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973).

Le paragraphe I du présent article renforce, en premier lieu, la nature de la protection en prévoyant que la décision du tribunal devra être spécialement motivée non seulement au regard de la gravité de l'infraction mais aussi de la situation personnelle et familiale de l'étranger condamné.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement qui supprime cette référence à la situation personnelle et familiale, inutile dès lors que la décision du tribunal doit d'ores et déjà être motivée au regard de la gravité de l'infraction, ce qui implique qu'elle doit prendre en compte l'ensemble des éléments du dossier.

En second lieu, il modifie sous deux aspects la liste des étrangers protégés au regard de l'interdiction du territoire, qui est énoncée à l'article 131-30 du code pénal.

D'une part, l'étranger qui réside en France depuis plus de quinze ans ne devra pas justifier d'une résidence régulière mais d'une résidence habituelle . Le même critère prévaut pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire de plein droit ( article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, issu de la loi du 23 avril 1997) et pour la protection contre une mesure d'éloignement ( article 25 ).

D'autre part, sont rétablis dans cette liste les titulaires d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20%. Cette catégorie, qui était visée par l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1995, n'avait pas été prise en compte depuis l'adoption du nouveau code pénal. Elle bénéficie également de plein droit d'une carte de séjour temporaire ( article 12 bis de l'ordonnance) et est protégée contre une mesure d'éloignement ( article 25 ).

Sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a, par ailleurs, complété cette liste afin de prendre en compte le cas du condamné étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Cette catégorie est depuis la loi du 24 avril 1997, protégée contre une mesure d'éloignement (reconduite à la frontière ou expulsion).

Ces nouvelles dispositions seront applicables aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte (article 39 du projet de loi).

Le projet de loi (article 21) abroge parallèlement l'article 21 bis de l'ordonnance qui reprenait des dispositions identiques à celles de l'article 131-30 du code pénal (liste des catégories d'étrangers protégés).

Le paragraphe II du présent article tire les conséquences formelles des modifications résultant du I dans plusieurs dispositions du code pénal. Ce sont les articles 213-2 (crimes contre l'humanité), 414-6 et 422-44 (terrorisme) ; 442-12 (fausse monnaie).

Votre commission des Lois vous soumet, à ce paragraphe, un amendement de conséquence destiné à rendre applicables aux nouvelles catégories ajoutées par le projet de loi les dispositions du code pénal qui dispensent le tribunal de prendre une décision spécialement motivée pour les infractions les plus graves (crimes contre l'humanité, terrorisme, notamment).

Elle vous propose d'adopter l'article 33 ainsi modifié .

Article 34
(art. 724-1 du code de procédure pénale)
Dossier individuel d'identification des étrangers incarcérés

Cet article insère dans le chapitre III (" Des dispositions communes aux différentes établissements pénitentiaires ") du titre II (" De la détention ") du Livre cinquième (" Des procédures d'exécution ") du code de procédure pénale un article 724-1 qui prévoit la constitution par les services pénitentiaires d'un dossier individuel des personnes incarcérées.

Le rapport de M. Patrick Weil a relevé que " l'absence de coordination entre les services des préfectures, de la police ou de la gendarmerie et de l'administration pénitentiaire peut se traduire par des libérations de prisons sans reconduite à la frontière si les services de police ou de gendarmerie n'ont pas été prévenus des levées d'écrou. Des progrès ont été faits quand la coordination de l'ensemble des acteurs a été organisée et que, notamment, les informations détenues par le greffe de l'établissement ont été systématiquement consultées ".

Le rapport a donc suggéré que la mobilisation de l'ensemble des acteurs (administration pénitentiaire, services de police, DICCILEC, préfectures) soit poursuivie par la mise en place de cellules placées non plus seulement à l'échelon régional mais auprès des principales maisons d'arrêt (une expérience étant en cours à la maison d'arrêt de la Santé).

Notons que des mesures avaient été arrêtées dans le cadre du plan d'amélioration des résultats en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, adopté par le conseil des ministres le 23 août 1995, notamment la création de cellules associant les différents services intéressés.

En outre, des expérimentations ont été conduites dans certains établissements. Ainsi, un agent de la préfecture de police a été détaché à la maison d'arrêt de la Santé afin d'éviter une rupture entre la période d'incarcération et la reconduite à la frontière. De même, une antenne permanente de la DICCILEC a été installée à la maison d'arrêt de Fresnes.

Le présent article, cherchant à approfondir cette démarche, fait obligation aux services pénitentiaires de constituer et de tenir à jour pour chaque personne incarcérée un dossier individuel comprenant notamment des informations de nature pénale et pénitentiaire.

Mais cette préoccupation est d'ores et déjà prise en compte par les articles D. 155 et suivants du code de procédure pénale.

En outre, les mêmes services devraient communiquer aux " autorités administratives compétentes " pour en connaître des informations relatives au lieu d'incarcération, à la situation pénale et à la date de libération d'un détenu. Cette communication serait subordonnée à la condition que ces informations soient nécessaires à l'exercice de leurs attributions par ces autorités.

La même obligation est d'ores et déjà prévue au plan réglementaire par l'article D. 428 du code de procédure pénale qui dispose que " les renseignements relatifs au lieu d'incarcération, à l'état de santé, à la situation pénale ou à la date de libération d'un détenu, doivent être fournis par les services pénitentiaires exclusivement aux autorités administratives et judiciaires qui sont qualifiées pour en connaître ".

L'article 34 du projet de loi propose, en outre, d'imposer aux services pénitentiaires de communiquer " notamment " aux services centraux ou déconcentrés du ministère de l'intérieur les informations de cette nature relative aux étrangers détenus faisant ou devant faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire. Une telle disposition n'apporte aucune innovation juridique.

Dans ces conditions, tout en soulignant son souci de voir cette coordination entre les services intéressés renforcée, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 34.

Article 37
(art. 16 de la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986)
Suppression de la dérogation pour les visas
à l'obligation de motivation

Cet article tend à abroger l'article 16 de la loi du 9 septembre 1986 qui prévoit un régime dérogatoire à l'obligation de motivation des décisions administratives défavorables.

Il s'agit d'une conséquence de l'article premier du projet de loi qui institue l'obligation de motiver certains refus de visa.

Vous ayant proposé la suppression de l'article premier, votre commission vous soumet, par coordination, un amendement de suppression de l'article 37.

Article 38
(art. 132-70-1 du code pénal)
Suppression de la rétention judiciaire

Cet article tend à abroger l'article 132-70-1 du code pénal qui définit le régime de la rétention judiciaire.

Issu de la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993, l'article 132-70-1 permet actuellement au juge pénal, en première instance ou en appel, qui a déclaré un étranger coupable de l'infraction prévue au deuxième alinéa de l'article 27 de l'ordonnance de 1945 (refus de présenter les documents de voyage ou de communiquer les renseignements permettant l'éloignement) d'ajourner le prononcé de la peine (trois ans d'emprisonnement maximum) et de placer le prévenu en rétention pour une durée maximale de trois mois dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Simultanément, le juge lui enjoint de communiquer à l'autorité administrative les documents de voyage ou les renseignements permettant l'exécution de la mesure d'éloignement.

Durant cette période, que l'intéressé peut abréger à tout moment en communiquant lesdits documents ou renseignements, il bénéficie de l'assistance d'un interprète, d'un médecin ou d'un conseil, de possibilités de communication et de visites, voire à titre exceptionnel d'une autorisation de sortie sous escorte. Ses démarches auprès du consulat sont facilitées.

Ce dispositif, qui peut suivre ou précéder la rétention administrative, est placé sous le contrôle de la juridiction.

On observera qu'en étendant au régime de la rétention judiciaire un ensemble de règles applicables en matière de détention provisoire, le législateur avait répondu aux objections du Conseil constitutionnel qui -sans s'opposer au principe de la rétention judiciaire- avait néanmoins considéré que cette procédure ne saurait être assortie de garanties moindres que celles assurées aux personnes placées en détention provisoire.

Une circulaire de la Chancellerie du 11 juillet 1994 a fait connaître cette disposition tout en précisant qu'elle ne pourrait s'appliquer que si " un élément intentionnel caractérisant la mauvaise foi de l'intéressé et sa volonté de faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement " pouvait être établi. L'absence de papiers n'est pas en elle-même suffisante : en revanche, le refus de communiquer son identité véritable " manifeste bien, par ce seul fait, (la) volonté de se soustraire à la mesure ".

Trois centres ont été mis en place dès 1994, d'une capacité totale de 45 places.

Cependant, face au faible développement de la rétention judiciaire -laquelle n'a concerné qu'une dizaine de cas-, une deuxième circulaire de la Chancellerie du 26 septembre 1995 a été prise dans le cadre du plan présenté par le ministre de l'intérieur au Conseil des ministres le 23 août 1995. Celle-ci précise que la nécessité de l'élément intentionnel n'implique pas " l'exigence d'un dol spécial " et engage les juridictions à appliquer cette " mesure à la fois efficace et respectueuse des droits de la personne humaine ".

A la fin de 1995, la procédure de rétention judiciaire avait concerné une centaine de personnes pour une durée moyenne de 50 jours. Dans 40 % des cas, il avait pu être procédé à l'éloignement.

La loi du 24 avril 1997 (article 17) a cherché à faciliter le développement de la rétention judiciaire en la rendant applicable à l'étranger, dépourvu (volontairement ou non) de documents permettant l'éloignement, passible des infractions visées aux articles 19, 27 (premier alinéa) et 33 de l'ordonnance de 1945.

Sont ainsi visés :

- l'étranger en infraction avec les règles d'entrée et de séjour (article 19) ;

- celui qui s'est soustrait, ou a tenté de se soustraire, à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'une expulsion, d'une reconduite (article 27, premier alinéa) ou d'une réadmission (article 33) ou qui, s'y étant soumis, a pénétré à nouveau sur le territoire sans autorisation.

Il s'agit donc par cette procédure d'inciter l'intéressé à collaborer de bonne foi à l'éloignement avant qu'une peine de prison ferme ne soit prononcée à son encontre.

Le législateur a ainsi clairement entendu favoriser l'essor d'une procédure qui revêt un caractère complémentaire de la rétention administrative (délais plus longs, garanties accrues, contrôle du juge pénal).

Mais comme votre rapporteur l'avait déjà fait observer, cet essor repose en grande partie sur la bonne coordination des services des préfectures et des parquets. Ces derniers ont, en effet, la maîtrise de l'opportunité des poursuites dans le cadre des directives de politique pénale explicites de la circulaire de 1995.

Cependant, sans attendre que ces nouvelles dispositions aient pu produire leurs effets, le projet de loi propose de supprimer purement et simplement cette procédure au motif -énoncé par l'exposé des motifs- qu'elle ne serait " presque jamais mise en oeuvre par le juge ".

Le rapport de M. Patrick Weil avait pour sa part suggéré de remplacer le dispositif actuel par une rétention judiciaire située en fin de peine.

Ainsi, selon le rapport (p. 107) : " Lors du prononcé de la peine d'interdiction du territoire, le juge pénal préciserait que l'intéressé pourra être placé, au terme de sa peine, en rétention judiciaire, pour une durée limitée à un mois aux fins de son éloignement .

" Des centres de rétention spécifiques devraient ainsi être créés pour accueillir cette population post-carcérale. Leur localisation pourrait être située à proximité de quelques-unes des principales maisons d'arrêt françaises où ces détenus seraient orientés pour achever leur peine ".

Considérant que l'objectif doit être de rechercher une mise en oeuvre effective de la rétention judiciaire, votre commission vous soumet un amendement donnant une nouvelle rédaction au présent article, afin de compléter le dispositif en vigueur au lieu de le supprimer .

Ainsi, en vertu de l'article 132-70-2 du code de procédure pénale, inséré dans le code par cet amendement, la juridiction qui prononce, à titre de peine complémentaire à une peine d'emprisonnement, une interdiction du territoire français pourrait décider que l'étranger sera placé, à l'issue de sa peine d'emprisonnement, sous le régime de rétention judiciaire, dans les conditions de droit commun, pour une durée de trois mois au plus. Cette mesure ne serait applicable que, si à l'expiration de sa peine, l'intéressé n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution de l'interdiction du territoire prononcée à son encontre ou s'il n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution.

Votre commission des Lois vous soumet l'article 38 ainsi modifié .

Article 39
Application outre-mer

Cet article rend applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte les articles 31, 33 et 34 du projet de loi, qui traitent respectivement de l'assouplissement des règles d'opposition au mariage, des catégories d'étrangers pour lesquels l'interdiction judiciaire du territoire doit faire l'objet d'une décision spécialement motivée et de la transmission des données sur les détenus étrangers par les services pénitentiaires.

Par coordination, votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article.

Article 40 (nouveau)
Rapport au Parlement

Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale sur la proposition du Gouvernement, prévoit le dépôt au Parlement d'un rapport annuel du Gouvernement. Ce rapport devra retracer le nombre des titres délivrés en distinguant par catégorie de titres et par nationalité des bénéficiaires. Une telle disposition est inutile car redondante avec l'article 51 de la loi du 24 août 1993 qui a déjà prévu un rapport annuel du Gouvernement sur la politique d'immigration.

Selon cet article 51, le rapport doit notamment porter " sur le nombre des étrangers ayant été admis à séjourner sur le territoire national au cours de l'année écoulée et sur les mesures mises en place pour lutter contre l'immigration clandestine ".

Tout en déplorant que ce rapport n'ait jamais été établi, votre commission des Lois, dans le souci de veiller au bon ordonnancement juridique, vous soumet un amendement de suppression de l'article 40.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

ANNEXE



Décret 94-211 du 11 mars 1994 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne bénéficiaires de la libre circulation des personnes

Art. 1. - Les dispositions du présent décret sont, selon le cas, applicables aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur :

a) Bénéficiaires du droit de s'établir en France pour exercer une activité non salariée, en application du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;

b) Non-salariés bénéficiaires du droit d'exécuter en France des prestations de services ou destinataires de services en application du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;

c) Venant en France occuper un emploi salarié dans les conditions autres que celles qui sont prévues aux d et e ci-après ;

d) Occupant un emploi salarié en France tout en ayant leur résidence habituelle sur le territoire d'un autre Etat membre ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, où ils retournent chaque jour ou au moins une fois par semaine ;

e) Venant en France exercer une activité salariée à titre temporaire ou en qualité de travailleur saisonnier ;

f) Ayant exercé sur le territoire français une activité salariée ou non salariée lorsqu'ils ont atteint, au moment où ils cessent leur activité, l'âge prévu par les dispositions législatives ou réglementaires pour faire valoir leurs droits à une pension de retraite ou, à défaut, l'âge de soixante-cinq ans. Ces ressortissants doivent en outre avoir exercé leur activité en France pendant les douze derniers mois et avoir résidé dans ce pays d'une façon continue depuis trois ans ;

g) Travailleurs salariés ou non salariés qui justifient d'une résidence continue en France pendant une période de deux ans, s'ils ont été contraints de cesser d'exercer leur activité du fait d'une incapacité permanente de travail. Si cette incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui ouvre droit à une rente dont le paiement incombe même partiellement à une personne morale de droit français, aucune condition de résidence n'est requise ;

h) Travailleurs salariés ou non salariés qui exercent leur activité sur le territoire d'un Etat membre des communautés européennes ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, autre que la France, s'ils justifient d'une résidence et d'une activité continues sur le territoire français pendant une période de trois ans à la condition de conserver leur résidence en France et de retourner dans ce pays au moins une fois par semaine.

Les périodes d'activité ainsi accomplies sur le territoire d'un autre Etat membre ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, par les personnes mentionnées aux f et g ci-dessus sont regardées, pour l'acquisition des droits prévus auxdits alinéas, comme accomplies sur le territoire français ;

i) Travailleurs salariés ou non salariés, sans qu'ils aient à justifier d'aucune condition concernant leur résidence ou la durée de leur activité lorsque leur conjoint possède la nationalité française ou a perdu cette nationalité par l'effet de son mariage ;

j) Membres de la famille, tels qu'ils sont définis au n, du travailleur salarié ou non salarié décédé au cours de sa vie professionnelle avant d'avoir acquis le droit de demeurer sur le territoire français si, à la date de son décès, le travailleur avait résidé en France de façon continue depuis deux ans, s'il est décédé des suites d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou si le conjoint survivant possède la nationalité française ou a perdu cette nationalité par l'effet de son mariage ;

k) Qui ne bénéficient pas du droit au séjour en vertu d'autres dispositions du présent article, à condition qu'ils justifient, pour eux-mêmes et leur conjoint, leurs descendants et ascendants à charge, d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité auxquels ils peuvent être exposés durant leur séjour en France et qu'ils disposent des ressources suivantes :

1° Pour une personne seule, accompagnée éventuellement de ses descendants à charge, une somme égale au plafond de ressources annuel fixé pour l'attribution du minimum de ressources versé à une personne âgée vivant seule en application du livre VIII du code de la sécurité sociale ;

2° Pour une personne accompagnée de son conjoint et, le cas échéant, de leurs descendants à charge, une somme égale au plafond de ressources annuel fixé pour l'attribution du minimum de ressources versé à un couple de personnes âgées en application du livre VIII du code de la sécurité sociale ;

3° Pour les ascendants à charge du demandeur du droit au séjour ou de son conjoint, un revenu du même montant que celui qui est exigé du demandeur et, éventuellement, de son conjoint ;

l) Qui ont cessé leur activité professionnelle dans un des Etats de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, à condition qu'ils bénéficient d'une pension d'invalidité, de préretraite ou de vieillesse ou d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle, qu'ils justifient, pour eux-mêmes et leur conjoint, leurs descendants et ascendants à charge, d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité auxquels ils peuvent être exposés durant leur séjour en France et qu'ils disposent des ressources définies, selon les cas, aux 1°, 2° et 3° du k ;

m) Etudiants qui ne bénéficient pas du droit au séjour sur la base d'une autre disposition du présent article, à condition qu'ils justifient pour eux-mêmes et leur conjoint, ainsi que pour leurs enfants à charge d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité auxquels ils peuvent être exposés pendant leur séjour en France et qu'ils disposent des ressources suivantes :

1° Pour l'étudiant seul, s'il n'est pas titulaire d'une bourse de son gouvernement, une somme égale à 70 p 100 de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ;

2° Pour l'étudiant accompagné ou de ses enfants à charge, ou de son conjoint et, le cas échéant, de leurs enfants à charge, un revenu mensuel équivalent au double du montant fixé au 1° ;

Les étudiants doivent, en outre, justifier d'une inscription dans un établissement d'enseignement et suivre à titre principal leurs études ;

n) Membres de la famille des ressortissants des Etats membres ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, qui entrent dans les catégories mentionnées au présent article, tels qu'ils sont définis ci-dessous :

1° Au titre des catégories définies aux a à j :

- le conjoint des ressortissants visés, leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge ainsi que leurs ascendants à charge.

2° Au titre des catégories définies aux k et l :

- le conjoint des ressortissants visés, leurs descendants et ascendants à charge.

3° Au titre de la catégorie définie au m :

- le conjoint des ressortissants visés et leurs enfants à charge.

Art. 2. - Les personnes mentionnées aux f, g, et h de l'article 1er ainsi que les membres de la famille d'un travailleur salarié ou non salarié décédé visés au j peuvent attester de la continuité de résidence exigée par tous moyens de preuve.

Les périodes d'inactivité indépendantes de la volonté des intéressés et dues notamment à une maladie ou à un accident sont assimilées à des périodes d'activité.

Les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs et les absences d'une durée plus longue dues à l'accomplissement d'obligations militaires ne peuvent affecter la validité de la carte de séjour délivrée conformément à l'article 5.

Art. 3. - Les personnes bénéficiaires du droit de demeurer en France et mentionnées aux f à j de l'article 1er ainsi que les membres de leur famille tels qu'ils sont définis au n du même article peuvent se prévaloir de ce droit pendant un délai de deux ans à compter de la date de l'ouverture de ce droit, même si elles ont quitté le territoire français pendant tout ou partie de cette période.

Art. 4. - Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, mentionnés à l'article 1er entrent sur le territoire français sur simple présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité.

Les membres de famille visés au n de l'article 1er, qui ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, entrent sur le territoire sur présentation d'un passeport en cours de validité revêtu, le cas échéant, d'un visa.

Art. 5. - Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, âgés de plus de dix-huit ans, appartenant aux catégories mentionnées aux a, b, c, e et f à n de l'article 1er, désireux d'établir en France leur résidence effective et habituelle sont mis en possession d'une carte dite carte de séjour.

Cette carte de séjour est également délivrée aux membres de famille définis au n de l'article 1er des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, visés au précédent alinéa, qui ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur.

Art. 6. - La demande de carte de séjour doit être formulée dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en France des requérants.

Au moment de leur demande de première délivrance de titre de séjour, ils doivent présenter le document sous le couvert duquel ils ont pénétré sur le territoire.

La carte de séjour peut être refusée pour un motif d'ordre public s'il est constaté que le requérant est atteint d'une des maladies ou infirmités pouvant mettre en danger l'ordre public ou la sécurité publique figurant sur la liste annexée au présent décret.

Art. 7. - La validité de la carte de séjour est fixée à cinq ans pour la première délivrance, sauf pour les personnes mentionnées au m de l'article 1er et les membres de leur famille, pour lesquelles cette validité est limitée à la durée de la formation qu'elles suivent ou à un an si la durée de cette formation est supérieure à un an.

La validité de la carte de séjour peut être de dix ans pour la première délivrance pour les personnes mentionnées au n de l'article 1er qui viennent rejoindre le ressortissant communautaire dont elles dépendent si celui-ci est lui-même titulaire d'une carte de séjour de dix ans.

Sauf pour les personnes mentionnées aux k, l, et m de l'article 1er et les membres de leur famille, la carte de séjour est renouvelable de plein droit.

A partir du premier renouvellement, la validité de la carte de séjour est portée à dix ans pour les personnes mentionnées aux a, b, c et f à j de l'article 1er, et pour les membres de leur famille.

Toutefois, lors du premier renouvellement, la validité de cette carte est limitée à un an lorsque le titulaire se trouve dans une situation de chômage depuis plus de douze mois consécutifs. A l'expiration de cette période, le renouvellement pourra être refusé si le titulaire de la carte n'exerce aucun emploi.

Pour les personnes mentionnées aux k et l de l'article 1er ainsi que pour les membres de leur famille, la validité de la carte de séjour est limitée à cinq ans à chaque renouvellement.

Pour les personnes mentionnées au m ainsi que pour les membres de leur famille, la validité de la carte de séjour, lors du renouvellement, est fixée à un an.

Art. 8. - La carte de séjour est valable pour l'ensemble du territoire français.

Le conjoint, les descendants de moins de vingt et un ans ou à charge d'un travailleur au sens de l'article 1er du présent décret, le conjoint et les enfants à charge d'un bénéficiaire du droit de séjour au sens de l'article 1er (k, l et m) qui n'ont pas la nationalité d'un Etat membre ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, sont dispensés d'autorisation pour exercer une activité professionnelle salariée ou non salariée.

Art. 9. - Les personnes mentionnées au d de l'article 1er reçoivent une carte dite carte de travailleur frontalier. Ce document est délivré pour une durée de cinq ans et renouvelable de plein droit.

Elles devront fournir une déclaration d'engagement ou d'emploi établie par leur employeur.

Art. 10. - Les personnes mentionnées au b de l'article 1er venant exercer une activité non salariée pour une durée supérieure à trois mois mais inférieure à un an sont mises en possession d'une carte de séjour d'une durée de validité correspondant à la durée prévue de leur activité.

Les membres de leur famille tels qu'ils sont définis au n de l'article 1er reçoivent une carte de séjour de même durée de validité.

Art. 11. - Les personnes mentionnées au e de l'article 1er sont admises au séjour en France dans les conditions ci-après :

Les travailleurs venant en France dans le but d'y exercer une activité salariée pour une durée supérieure à trois mois mais inférieure à un an sont mis en possession d'une carte de séjour d'une durée de validité correspondant à celle de l'emploi prévu par la déclaration d'engagement ou d'emploi ;

Les travailleurs saisonniers sont dotés d'une carte de séjour d'une validité correspondant à la durée de leur emploi sur présentation d'une déclaration d'engagement.

Les membres de leur famille définis au n de l'article 1er reçoivent une carte de séjour de même durée de validité.

Art. 12. - Les personnes mentionnées aux c, d et e de l'article 1er obtiennent le titre afférent à leur catégorie si elles justifient d'un emploi en fournissant une attestation de l'employeur dite déclaration d'engagement ou d'emploi. Cette déclaration doit indiquer la durée prévue de l'emploi.

Art. 13. - La délivrance d'un titre de séjour ne peut être refusée à un ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, justifiant qu'il entre dans l'une des catégories définies à l'article 1er que pour un motif d'ordre public.

La décision de refus de délivrance du titre de séjour ne peut être prise qu'après avis de la commission du séjour prévue à l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et dans les conditions fixées par cet article. Les motifs de cette décision sont portés à la connaissance de l'intéressé.

Art. 14. -  La carte de séjour délivrée aux personnes mentionnées aux k, l et m de l'article 1er ainsi qu'aux membres de leur famille tels qu'ils sont définis au même article peut leur être retirée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 13 lorsque les conditions prévues pour son attribution ne sont plus remplies.

Pour les personnes mentionnées aux k et l de l'article 1er, il est procédé, au terme des deux premières années du séjour, à la vérification qu'elles répondent toujours aux conditions requises lors de la première délivrance de la carte de séjour.

Art. 15. - Les personnes mentionnées à l'article 1er doivent quitter le territoire à l'expiration de la durée de validité de leur carte de séjour, à moins qu'elles en obtiennent le renouvellement.

La demande de renouvellement de la carte de séjour doit être présentée dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont les personnes susvisées sont titulaires.

Le renouvellement de la carte de séjour des personnes mentionnées aux k, l ou m de l'article 1er ainsi que celle des membres de leur famille est subordonné à la justification que les conditions prévues pour son attribution sont réunies.

Le refus de renouvellement de la carte de séjour ne peut être pris qu'après avis de la commission mentionnée à l'article 13 et dans les conditions prévues à cet article.

Art. 16. - Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, et leurs familles, mentionnés à l'article 1er, venant en France pour moins de trois mois, y séjournent régulièrement sous le couvert du document avec lequel ils ont pénétré sur le territoire français, revêtu le cas échéant d'un visa.

Les salariés, à l'exception de ceux qui sont employés dans les activités d'intermédiaires du commerce, de l'industrie et de l'artisanat, doivent être en mesure de présenter la déclaration d'engagement ou d'emploi établie par leur employeur.

Art. 17. - La notification des décisions de refus de délivrance, de refus de renouvellement ou de retrait de la carte de séjour prévue pour les personnes mentionnées à l'article 1er ainsi que la notification d'une décision d'expulsion comportent l'indication du délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à quinze jours lorsque l'intéressé n'a pas reçu de titre de séjour et à un mois dans les autres cas.

Art. 18. - Toute personne mentionnée à l'article 1er qui aura pénétré en France sans se conformer aux dispositions de l'article 4 sera punie des peines d'amende de la contravention de 5e classe

Art. 19. - Toute personne mentionnée à l'article 1er qui, sans excuse valable, aura omis de solliciter dans les délais réglementaires, selon la catégorie à laquelle elle appartient, la délivrance ou le renouvellement de la carte de séjour prévue pour les personnes mentionnées à l'article 1er, sera punie des peines d'amende de la contravention de 5e classe. *.

Sera punie des mêmes peines celle à qui la carte de séjour susmentionnée aura été refusée ou retirée et qui séjournera sur le territoire national sans ce document ou qui sera porteur d'un document ou d'un récépissé de demande non valable en infraction aux dispositions réglementaires.

Art. 20. - Le décret n° 81-405 du 28 avril 1981 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, bénéficiaires de la libre circulation des personnes et des services est abrogé.

Le décret n° 77-1044 du 1er septembre 1977 et le décret n° 79-1051 du 23 novembre 1979 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, bénéficiaires de la libre circulation des personnes et des services respectivement sur le territoire français métropolitain et dans les départements d'outre-mer sont abrogés.

ANNEXE

Maladies ou infirmités pouvant mettre en danger l'ordre public ou la sécurité publique

1. Toxicomanie

2. Altérations psycho-mentales grossières, états manifestes de psychose d'agitation, de psychose délirante ou hallucination ou de psychose confusionnelle.

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