II. L'INSUFFISANCE DES AIDES PUBLIQUES POUR RÉSORBER LA VACANCE

A. LE RELATIF INSUCCÈS DU BAIL À RÉHABILITATION

1. Rappel du dispositif

Le bail à réhabilitation (BAR) a été institué par la loi du 31 mai 1990 afin d'inciter les propriétaires privés à mettre en location des logements vacants ou ceux dont ils n'arrivaient plus à assumer la gestion locative. Des dispositions fiscales incitatives ont complété le dispositif dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1990 du 29 décembre 1990. Par ailleurs, la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat a autorisé les communes à exonérer de la part de la taxe foncière qui leur revient les logements faisant l'objet d'un bail à réhabilitation.

Ce bail est un contrat passé entre un propriétaire bailleur et un preneur qui doit être une personne morale : organisme HLM, société d'économie mixte (SEM), collectivité territoriale, organisme spécialisé dans le logement des personnes défavorisées et agréé par le préfet.

Le preneur s'engage à réaliser des travaux d'amélioration sur l'immeuble, de le conserver en bon état d'entretien et de le louer à usage d'habitation. Le bail est conclu pour une durée minimale de douze ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction.

Le bailleur perçoit un loyer réduit ; il bénéficie des travaux d'amélioration sans versement d'indemnité en fin de bail. Le preneur passe une convention avec l'Etat pour louer le logement à des personnes défavorisées ; il doit fournir aux occupants, en fin de bail, un logement correspondant à leurs besoins et à leur possibilité.

Enfin, d'un point de vue fiscal, les revenus fonciers perçus par le propriétaire, comme les mutations, sont soumis au droit commun ; la taxe de publicité foncière est payée par le preneur, mais celui-ci peut en être exonéré par le Conseil général.

Le tableau ci-dessous indique le nombre de baux à réhabilitation conclus de 1991 à 1995 :

Année

1991

1992

1993

1994

1995

Nbre de logements signés en BAR

68

231

126

279

303

Nbre d'opérations

22

74

55

69

113

Nbre de départements

13

28

24

26

24

Source : Secrétariat d'Etat au logement

Il permet de constater :

que le nombre de baux signés demeure marginal, même s'il s'est accru chaque année (sauf en 1992) ;

que le nombre d'opérations réalisées, tout en s'accroissant lui aussi chaque année, reste limité. Encore, faut-il préciser que les opérations sont de faible ampleur ;

que le nombre de départements concernés stagne, et a même diminué par rapport à 1992. Il s'établit à 54 au total pour l'ensemble des cinq années considérées.

Selon les renseignements transmis par le Secrétariat d'Etat au logement, les départements où il y a le plus de baux à réhabilitation sont le Nord (204 logements, 120 opérations), la Seine et Marne (97 logements, 14 opérations), les Alpes-Maritimes (62 logements, 28 opérations), l'Aube (60 logements, 15 opérations), le Haut-Rhin (53 logements, 15 opérations) et l'Aveyron (45 logements, 11 opérations). Ces départements sont de taille et de nature très diversifiées.

En 1995, les preneurs sont essentiellement des associations (92,7 % des logements, 94,7 % des opérations).

Ce sont les aides de l'ANAH (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) qui ont été essentiellement mises à contribution pour la réhabilitation.

En 1995, 82,8 % des logements et 91,2 % des opérations de bail à réhabilitation ont été signés dans le cadre de programmes sociaux thématiques (PST) de l'ANAH. Les organismes HLM n'ont signé que trois opérations en 1995 (5,3 % des logements, 2,7 % des opérations). Ces trois opérations ont toutes été menées en Région Champagne-Ardennes (Ardennes, Aube). En 1993-1994, les organismes HLM représentaient 17,6 % des logements et 10,7 % des opérations.

Les collectivités locales n'ont été preneurs d'aucun bail à réhabilitation en 1995. Une SEM a été preneur d'une opération d'un logement. A contrario, l'implication des associations croît.

Les propriétaires bailleurs (cédeurs) sont surtout des particuliers (44,2 % des logements, 35,4 % des opérations) et des collectivités locales (43,2 % des logements, 58,4 % des opérations).

2. Les raisons de cet échec relatif

Elles se situent tout d'abord au montage du dossier, qui s'avère long et délicat, compte tenu de l'intervention de nombreux partenaires et de la recherche de financements ; ensuite, à la restitution des travaux elles portent sur l'incertitude fiscale quant à la qualification de ceux-ci : les travaux d'amélioration assimilés à des travaux de reconstruction et d'agrandissement donnent lieu à imposition sur la valeur des travaux.

Il convient également de noter la très faible mobilisation des organismes HLM. Elle apparaît d'autant plus regrettable que l'obligation de relogement à l'issue du bail à réhabilitation constitue une difficulté réelle pour les autres opérateurs, notamment les associations.

Un groupe de travail s'est constitué pour élaborer des propositions de modification du dispositif du bail à réhabilitation, qui devraient être reprises dans le projet de loi sur l'exclusion sociale. Les propositions portent, d'une part, sur la réduction de la durée minimale du bail à neuf ans, pour permettre aux propriétaires privés de retrouver plus rapidement leur bien, tout en conservant la durée du conventionnement à l'aide personnalisée au logement et d'autre part, sur la mise en place d'incitations fiscales.

B. LES MOYENS INSUFFISANTS À LA DISPOSITION DE L'ANAH

1. Les orientations politiques de l'ANAH se concentrent sur la vacance

Depuis plusieurs années, les aides de l'ANAH s'inscrivent dans une politique globale de l'amélioration de l'habitat qui intègre un objectif de réduction de la vacance.

Depuis 1992, les logements vacants et les logements acquis depuis moins de deux ans sont éligibles aux aides de l'ANAH sans restriction, en fonction des priorités définies par des commissions locales d'amélioration de l'habitat.

Plus du tiers des opérations se font dans le cadre des OPAH (opérations programmées d'amélioration de l'habitat) ou des PST (programmes sociaux thématiques) pilotés par les collectivités locales, et peuvent bénéficier d'un taux majoré de subventions -environ 40 % du montant des travaux-.

De plus, depuis 1995, le conseil d'administration de l'ANAH a décidé de mesures financières spécifiques pour résorber la vacance :

- une prime de 20.000 F pour tout logement inoccupé depuis le 1er juillet 1994 en cas de conventionnement, sous réserve d'un montant minimal de dépenses subventionnables de 100.000 F TTC,

- une prime de 20.000 F pour tout logement inoccupé depuis le 1er juin 1995 et réhabilité dans le cadre d'un PST ainsi que pour les logements d'insertion privés,

- une prime de 10.000 F pour tout logement vacant depuis le 1er juin 1995 aux propriétaires bailleurs louant à des organismes agréés aux fins de sous-location à des personnes défavorisées dans le cadre des interventions spéciales à caractère social.

2. Les résultats sont indéniablement positifs

L'ANAH a participé à la remise sur le marché (avec tous les éléments de confort nécessaires) de 38.500 logements vacants en 1996 :

- 29.700 logements existants améliorés,

- 2.000 transformations de locaux en logements,

- 6.800 restructurations lourdes d'immeubles.

Plus du tiers des logements subventionnés par l'ANAH étaient vacants en 1996, contre un peu plus de 20 % il y a cinq ans. Les opérations menées avec les collectivités locales contribuent fortement à la remise sur le marché de logements vacants : 42 % des logements subventionnés dans les OPAH et 85 % dans les PST.

Un peu plus de la moitié des logements ont été remis sur le marché par des investisseurs (personnes ayant acquis des logements pour les louer après réhabilitation).

Le tableau ci-dessous montre l'ancienneté de la vacance au moment du dépôt de la demande de subvention pour les logements existants améliorés.

Ancienneté de la vacance

Diffus %

OPAH %

PST %

Ensemble %

0 à 3 mois

27

14

3

21

3 mois à 6 mois

14

7

3

11

6 mois à 12 mois

16

11

10

14

12 mois à 3 ans

23

33

42

27

3 ans à 6 ans

8

15

16

11

plus de 6 ans

13

20

26

16

Total

100

100

100

100

Ancienneté moyenne (en années)

2,3

3,7

4,2

2,9

Source : rapport d'activité 1996 de l'ANAH.

On constate que, si pour un peu moins d'un tiers des logements, les travaux ont vraisemblablement été réalisés à l'occasion d'un changement d'occupant (vacance inférieure à 6 mois), l'action de l'ANAH en faveur de la remise sur le marché a porté majoritairement sur des logements dont la vacance était ancienne, et même très ancienne dans les OPAH et les PST. C'est dans les communes rurales que l'ancienneté de la vacance est la plus forte (4,2 années en moyenne). Elle est de 3,1 années dans les agglomérations de moins de 100.000 habitants, 2 années dans les agglomérations de plus 100.000 habitants et d'un peu plus d'un an dans l'agglomération parisienne.

Le montant moyen des travaux par logement s'établit à 216.000 F (3.300 F par m² de surface habitable), soit plus du double du montant constaté pour l'ensemble des logements subventionnés par l'ANAH. Ainsi, en 1996, les subventions attribuées pour la remise des logements vacants sur le marché sont évaluées à 1,9 milliards de francs . Cela représente les trois quarts des subventions attribuées (2,59 milliards de francs) alors que ces logements ne constituent que le tiers des logements subventionnés par l'ANAH.

3. Mais les moyens de l'ANAH sont insuffisants

On ne peut, une fois encore, après avoir jugé de la qualité des opérations financées avec le concours de l'ANAH, -notamment de celles pilotées par les collectivités territoriales soucieuses de requalifier un quartier, voire un centre-ville et de lutter contre un habitat insalubre-, que dénoncer le " hold-up " qui se poursuit depuis 1987 sur les ressources de l'ANAH.

Jusqu'à cette date, en effet, la collecte de la taxe additionnelle au droit au bail (TADB) alimentait directement les ressources de l'ANAH qui fonctionnait en quelque sorte sur une base mutualiste. Lors de la budgétisation de cette taxe, l'engagement avait été pris que " le budget de l'Agence ne soit jamais inférieur à la collecte de la taxe ". Mais force est de constater qu'à partir de 1992, avec la réforme de la TADB -taux uniforme de 2,5 % et assujettissement à la taxe de tous les logements locatifs construits depuis plus de quinze ans- le produit de la taxe croît régulièrement chaque année (+ 43 % entre 1992 et 1996) alors que le budget de l'ANAH n'a crû que de 10 %.

Le tableau ci-dessous montre que, pour la troisième année consécutive, le budget de l'ANAH est inférieur de plus d'un milliard à la collecte de la TADB.

RENDEMENT DE LA DADB ET SUBVENTION D'INVESTISSEMENT DE L'ANAH DEPUIS 1988

(en millions de francs)

 

Recettes TADB

Subvention d'investissement de l'ANAH

1990

1 698

1 861

1991

2 226

1 724

1992

2 346

1 859

1993

2 847

2 260

1994

3 023

2 260

1995

3 148

2 475,5

1996

3 358

2 110

Prévisions 1997

ND

2 215,05

Source : Secrétariat d'Etat au logement

L'analyse des causes de la vacance insiste sur l'ancienneté du parc et sa vétusté. Pour le remettre sur le marché, il faut prévoir parfois des travaux de réhabilitation très importants, que ne peuvent financer seuls nombre de petits propriétaires privés. Pour lutter contre la vacance, il importe donc d'augmenter de façon substantielle les ressources de l'ANAH qui pourrait alors renforcer ses interventions sur les logements vacants, notamment à travers des programmes coordonnés de rénovation de l'habitat pilotés par les collectivités territoriales.

Cette remarque permet d'insister sur le rôle majeur qui revient aux collectivités territoriales et qui n'en ont pas toutes conscience, notamment en zone rurale.

Dans ce contexte, le dispositif de la proposition de loi, s'il n'apporte pas de solution financière au problème de la vacance, peut néanmoins constituer un moyen intéressant de mobiliser les élus locaux à travers un dispositif qui fait intervenir un organisme HLM.

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