Rapport n° 407 - Proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux


M. Pierre FAUCHON, Sénateur, M. Raylmond FORNI, député


Commission mixte paritaire - Rapport n° 407 1997-1998



Table des matières






MESDAMES, MESSIEURS,

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux s'est réunie le mardi 28 avril 1998 à l'Assemblée nationale.

Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :

--  Mme Catherine Tasca, députée, présidente,

--  M. Jacques Larché, sénateur, vice-président.

La Commission a ensuite désigné :

--  M. Raymond Forni, député,

--  M. Pierre Fauchon, sénateur,

respectivement rapporteurs, pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

Dans son exposé liminaire, M. Pierre Fauchon , rapporteur pour le Sénat, a rappelé que trois problèmes restaient en suspens : la définition de la mise en circulation du produit (art. 6), l'exonération pour risque de développement lorsque le dommage a été causé par un produit de santé (art. 12 bis) et le dépôt d'un rapport sur le régime de responsabilité et d'indemnisation des aléas thérapeutiques (art. 12 ter nouveau) .

Après avoir rendu hommage au travail accompli par le Sénat, M. Raymond Forni, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a estimé que les producteurs, et en particulier les industries pharmaceutiques, surestimaient les enjeux attachés à l'exonération pour risque de développement. Quoi qu'il en soit, il a souhaité que les membres de la commission mixte paritaire gardent à l'esprit la nécessité de ne pas handicaper l'industrie pharmaceutique française par rapport à ses concurrents européens. C'est pourquoi il a proposé que les producteurs soient privés de la possibilité d'invoquer la cause d'exonération pour risque de développement uniquement lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou un produit issu de celui-ci. Concernant la définition de la mise en circulation du produit, il s'est déclaré prêt à écouter les arguments du Sénat tout en rappelant que chaque partie serait amenée à faire " un bout du chemin " pour aboutir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion.

Mme Nicole Catala a exprimé la crainte que la multiplicité des mises en circulation ne soit source de contentieux et a donc confirmé sa préférence pour le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoit une seule mise en circulation dès lors que le producteur s'est dessaisi de son produit. Sur l'article 12 bis , elle a réservé un accueil favorable à la rédaction proposée par M. Raymond Forni, tout en souhaitant que les produits du corps humain soient déterminés avec précision.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a qualifié de tautologique le second alinéa introduit par l'Assemblée nationale dans l'article 6 afin de préciser que le produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation, cette précision lui paraissant aller de soi. Sur l'article 12 bis , il a déclaré rester fidèle au texte voté par l'Assemblée nationale, estimant qu'il était conforme au droit en vigueur, que les risques liés à une distribution trop rapide des produits de santé sur le marché ne devaient pas être négligés et qu'il n'y avait aucune raison d'avantager, en termes de mise en cause de la responsabilité, le malade soigné par un produit du corps humain par rapport au patient bénéficiant d'un traitement médicamenteux.

Tout en estimant préférable que ce délicat débat soit tranché lors de l'examen d'un texte consacré spécifiquement à l'aléa thérapeutique, M. Jacques Larché , vice-président, a pris acte de la proposition de M. Raymond Forni. Estimant que la définition des différentes catégories de produits de santé ne manquerait pas de soulever des difficultés, il s'est interrogé sur la possibilité de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer le contenu de la notion de produits issus du corps humain.

M. Jacques Barrot a souhaité que les enjeux du débat soient analysés du point de vue du malade, étant entendu qu'il ne faut ni lui faire courir de risques majeurs, ni le priver de chances. Partageant l'analyse du président Larché, il lui est apparu prématuré de légiférer sur le régime de responsabilité applicable aux produits de santé, tant que la réflexion sur le régime d'indemnisation ne sera pas menée à son terme. Toutefois, et à défaut d'un texte global sur l'aléa thérapeutique, il s'est déclaré prêt à se rallier à la rédaction proposée par M. Raymond Forni à condition que le régime de responsabilité applicable aux produits non soumis à autorisation de mise sur le marché soit précisé et que les produits issus du corps humain soient définis.

M. Marcel Charmant a estimé que le vrai problème était celui posé par l'indemnisation, soulignant que, s'il était souhaitable que la France se dote d'une législation sur les risques encourus du fait de l'utilisation de médicaments, ce sujet dépassait largement le champ de la responsabilité du fait des produits défectueux. C'est pourquoi, a-t-il rappelé, il avait présenté l'amendement adopté par le Sénat afin que le Gouvernement dépose un rapport sur l'aléa thérapeutique. Il a fait connaître son ralliement à la proposition de rédaction soumise par M. Raymond Forni à la commission mixte paritaire.

M. Pierre Fauchon , rapporteur pour le Sénat, a estimé que le débat sur l'étendue de l'exonération pour risque de développement ne s'inscrivait pas dans une démarche de protection de la victime, compte tenu du haut niveau de garantie dont bénéficie déjà le consommateur français, mais allait dans le sens d'une restriction de ses droits à l'intérieur d'un nouveau régime de responsabilité.

Sur l'article 6, M. Raymond Forni , rapporteur pour l'Assemblée nationale, a jugé préférable qu'il n'y ait qu'une seule mise en circulation, afin que le point de départ de la prescription soit clairement établi et que le délai de dix ans ne soit pas renouvelé chaque fois qu'un fournisseur se dessaisit du produit.

Après avoir rappelé que la limitation de la responsabilité à dix ans était relativement exceptionnelle dans notre droit, M. Pierre Fauchon , rapporteur pour le Sénat, a estimé qu'il n'était pas acceptable que ce délai de prescription coure avant que le consommateur ait eu la détention du produit, car cela reviendrait à réduire d'autant la période pendant laquelle il pourrait se retourner contre le producteur d'un produit défectueux. Tout en convenant que ce problème était assez théorique du fait des pratiques commerciales tendant à éviter le stockage des produits, il a souligné qu'il pourrait être difficile pour le consommateur de savoir à quel moment le produit a été fabriqué, la solution la plus simple pour lui étant que le délai d'extinction de la responsabilité coure à partir du moment où il a acquis ledit produit. Il a fait valoir que cette solution était cohérente avec l'assimilation au producteur du vendeur, du loueur ou de tout autre fournisseur professionnel. Il a rappelé que devant l'Assemblée nationale et le Sénat, le garde des sceaux avait indiqué que les autorités communautaires semblaient écarter l'unicité de mise en circulation.

Après avoir fait observé que passé ce délai de dix ans, la victime pourrait user des voies traditionnelles de mise en cause de la responsabilité du producteur, M. Raymond Forni, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a jugé préférable que le législateur fixe un cadre simple et rigide pour la détermination de la mise en circulation plutôt que de s'en remettre à la jurisprudence, par nature évolutive. En outre, compte tenu des pratiques commerciales actuelles, il lui est apparu peu vraisemblable que le producteur stocke le produit une fois celui-ci fabriqué.

Estimant que l'article 6 devait se lire en combinaison avec l'article 12 bis, qui institue une obligation de suivi du produit pendant dix ans après sa mise en circulation, Mme Nicole Catala s'est déclarée défavorable à des mises en circulation successives.

M. Paul Girod a estimé que la rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour l'article 6 était plus proche des réalités de l'exploitation économique.

La commission mixte paritaire a adopté l'article 6 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Sur l'article 12 bis, après avoir indiqué que le Gouvernement devrait soumettre rapidement au Parlement un texte relatif à l'aléa thérapeutique, M. Raymond Forni , rapporteur pour l'Assemblée nationale, a souligné que la rédaction qu'il proposait pour l'article 12 bis prenait en compte l'intérêt des malades, donnait satisfaction à l'industrie pharmaceutique et tirait les conséquences de la sensibilité particulière des consommateurs quant aux dommages causés par des produits issus du corps humain.

M. Pierre Fauchon , rapporteur pour le Sénat, a rappelé que le Sénat considérait qu'il n'y avait pas lieu de faire d'exception, dès lors que le principe de l'exonération pour risque de développement était admis. Il a indiqué que le Sénat avait considéré que de lourdes servitudes pesaient déjà sur l'industrie pharmaceutique, qu'aucune raison ne justifiait que cette exonération varie selon les produits en cause et que l'aléa thérapeutique couvrait non seulement les produits mais aussi les services, lesquels n'entrent pas dans le champ de la directive. En ce qui concerne la proposition de M. Raymond Forni, le rapporteur pour le Sénat a estimé qu'aucun motif ne fondait l'introduction d'une distinction à l'intérieur des produits pharmaceutiques.

M. Jean-Jacques Hyest a jugé difficile, tout en admettant le principe de l'exonération pour risque de développement, de prévoir des exceptions à ce principe dans le cadre de la proposition de loi. Quant à la proposition de M. Raymond Forni, il lui a paru que la distinction entre les produits selon qu'ils sont ou non issus du corps humain n'était pas adaptée à la notion de médicament qui avait beaucoup évolué au fil du temps.

M. Jacques Larché a estimé à nouveau qu'il serait plus sage de régler les problèmes soulevés par les aléas thérapeutiques dans un texte d'ensemble plutôt que de légiférer partiellement dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux.

M. Robert Pagès a indiqué qu'il restait favorable au texte adopté par l'Assemblée nationale.

Tout en déclarant soutenir la proposition formulée par M. Raymond Forni, M. Jean-Pierre Michel a suggéré de supprimer la référence aux éléments du corps humain pour ne conserver que la mention des produits du corps humain.

M. Raymond Forni, rapporteur pour l'Assemblée nationale, n'a pas approuvé cette suggestion mais a proposé de substituer au mot " ou " le mot " et ", afin que le producteur ne puisse invoquer la cause d'exonération pour risque de développement que lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain et par les produits issus de celui-ci.

Mme Catherine Tasca , présidente, a suggéré que le producteur puisse invoquer cette cause d'exonération uniquement si le dommage a été causé par un produit issu du corps humain.

Mme Nicole Catala a jugé pertinente la proposition de M. Jean-Pierre Michel.

Après que M. Pierre Fauchon , rapporteur pour le Sénat, eut insisté sur les difficultés que soulèverait la définition des éléments du corps humain et des produits issus de celui-ci, M. Raymond Forni, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué qu'en l'absence d'accord sur sa proposition de rédaction pour l'article 12 bis , il se verrait contraint de défendre le texte adopté par l'Assemblée nationale et rejeté par le Sénat.

La commission mixte paritaire a adopté l'article 12 bis dans le texte proposé initialement par le rapporteur pour l'Assemblée nationale .

Sur l'article 12 ter (nouveau), M. Jacques Larché , vice-président, a rappelé son hostilité de principe au dépôt par le Gouvernement de rapports sur les bureaux des assemblées, déjà trop encombrés par des rapports dont l'utilité reste à prouver.

M. Marcel Charmant a estimé que le dépôt d'un rapport permettrait d'organiser la réflexion et de préparer l'examen d'un projet de loi sur l'aléa thérapeutique.

La commission mixte paritaire a adopté l'article 12 ter en retenant le premier alinéa du texte voté par le Sénat

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La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'ensemble du texte élaboré par elle et figurant à la suite du tableau comparatif ci-après.

TEXTE ÉLABORÉ PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

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Article 6

Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-5 ainsi rédigé :

" Art. 1386-5. -- Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement.

" Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. "

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Article 12 bis

Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-11-1 ainsi rédigé :

" Art. 1386-11-1. -- Le producteur ne peut invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci.

" Le producteur ne peut invoquer les causes d'exonération prévues aux 4° et 5° de l'article 1386-11 si, en présence d'un défaut qui s'est révélé dans le délai de dix ans après la mise en circulation du produit, il n'a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables. "

Article 12 ter

Un rapport sur le droit de la responsabilité et de l'indemnisation applicable à l'aléa thérapeutique sera déposé par le Gouvernement sur les bureaux des deux assemblées avant le 31 décembre 1998.

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