ARTICLE 55 (nouveau)

Exonération de cotisations sociales pour les options de souscription ou d'achat d'actions déjà attribuées par les sociétés de moins de quinze ans

Commentaire : cet article, qui résulte d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, tend à exonérer de cotisations sociales les gains réalisés sur des options de souscription ou d'achat d'actions attribuées avant le 1er janvier 1997 par les sociétés de moins de quinze ans.

I. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SUR LES OPTIONS D'ACHAT OU DE SOUSCRIPTION D'ACTIONS


Votre commission des finances a engagé dès 1995 une réflexion sur les plans d'options de souscription ou d'achat d'actions, qui s'est traduite par un rapport d'information fait par MM. Arthuis, Loridant et Marini, intitulé "Plans d'options sur actions : une clarification indispensable" (n° 274, 1994-1995).

Ce rapport d'information rappelait les deux principaux arguments en faveur du mécanisme des options sur actions, qui demeurent pertinents aujourd'hui plus que jamais:

- il s'agit d'un instrument particulièrement efficace de fidélisation et de motivation des cadres d'une société, pour qui les systèmes classiques d'intéressement et de participation ne sont pas suffisamment incitatifs ;

- il s'agit d'un instrument taillé sur mesure pour les sociétés qui se créent ou innovent, dont le succès repose tout entier sur la motivation de leur personnel et qui recèlent un potentiel de valorisation considérable tout en ne pouvant pas offrir dans l'immédiat des rémunérations consistantes.

Toutefois, le rapport d'information relevait certaines dérives bien réelles du mécanisme des options sur actions. En effet, au-delà de certaines pratiques frauduleuses marginales - abus de droit et délits d'initiés - il existe une tendance plus générale des sociétés à utiliser les options comme des substituts de rémunération, souvent en neutralisant le risque qui leur est inhérent.

Votre commission des finances, considérant que cette évolution est surtout une réaction à la pression fiscale et sociale croissante en France sur les salaires, appelait de ses voeux une diminution du taux global d'imposition des rémunérations d'activité.

Elle ne préconisait pas un durcissement du régime fiscal et social des plans d'options sur actions, mais une plus grande transparence dans leurs modalités de fonctionnement pour mettre un terme aux abus. Il s'agissait notamment de prévenir les délits d'initiés et d'améliorer l'information des actionnaires afin d'obtenir une autorégulation du système.

Votre commission des finances a toutefois admis la création d'un taux de prélèvement libératoire majoré de 30%, par l'article 70 de la loi de finances pour 1996, considérant que ce taux spécifique prenait convenablement en compte la nature mixte des gains sur options, qui sont à la fois des plus-values sur valeurs mobilières et des substituts de rémunérations.

Votre commission des finances a par ailleurs soutenu l'article 10 introduit à l'initiative de M. Philippe Marini dans le DDOEF du printemps 1996, tendant à améliorer la transparence des plans d'options sur actions.

En revanche, votre commission des finances n'a pas eu à connaître de l'article 11 introduit par le Sénat dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, à l'initiative de sa commission des affaires sociales, tendant à assujettir aux cotisations sociales les gains sur options réalisés avant le terme du délai d'indisponibilité fiscal de cinq ans.

Elle s'est simplement contenté de corriger, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1996, une imperfection matérielle du dispositif voté en loi de financement de la sécurité sociale, qui aurait eu pour effet involontaire d'exonérer de CSG et de CRDS les gains sur options réalisés au delà du délai de cinq ans.

Enfin, en proposant de créer, dans le cadre de la loi de finances pour 1998, un mécanisme de "bons de souscription de parts de créateur d'entreprise" exonéré de cotisations sociales et relevant du prélèvement libératoire au taux de droit commun de 16%, le Gouvernement actuel a implicitement reconnu que le durcissement récent du régime fiscal et social des options de souscription ou d'achat d'actions n'était pas justifié et avait des effets néfastes sur le dynamisme des entreprises françaises.

Pour sa part, votre commission des finances a considéré que la mesure proposée par le Gouvernement était inutilement complexe, avec un champ restreint et une multiplicité de conditions qui en restreignent la portée, induisent des effets de seuil et risquent de générer des contentieux. En effet, les "bons de souscription de parts de créateur d'entreprise" sont réservés aux sociétés non cotées créées depuis moins de sept ans, en dehors de certains secteurs d'activité, détenues directement de manière continue à plus de 75% par des personnes physiques, et correspondant à des activités entièrement nouvelles.

Tout en cherchant à améliorer les "bons de souscriptions de parts de créateur d'entreprise", votre commission des finances a proposé au Sénat de supprimer le taux d'imposition majoré de 30% pour les gains sur options de souscription ou d'achat d'actions, considérant que l'aggravation récente des prélèvements sociaux sur ces gains (cotisations sociales, CSG et CRDS) devait être compensée fiscalement. Cette mesure, votée par le Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 1998, n'a toutefois pas passé le cap de la seconde lecture à l'Assemblée nationale.



II. LA RECTIFICATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Lors de la discussion de la première loi de financement de la sécurité sociale à l'automne 1996, le Sénat a décidé, à l'initiative de sa commission des affaires sociales, de soumettre aux cotisations sociales les gains réalisés sur options de souscription ou d'achat d'actions, lorsque le délai d'indisponibilité fiscal de cinq ans n'est pas respecté.

Cette décision pose des problèmes de deux ordres :

1. Sur le plan des principes, elle assimile les gains sur options à des rémunérations ordinaires, alors qu'il s'agit de plus-values aléatoires, différées dans le temps, et qui supposent un investissement personnel de la part de leurs bénéficiaires. Du point de vue des bénéficiaires, il est désormais moins intéressant de bénéficier d'options de souscription ou d'achat d'actions plutôt que de salaires immédiats et certains.

Paradoxalement, les options d'achat ou de souscription d'actions sont ainsi la seule forme d'intéressement des salariés qui est soumise aux cotisations sociales. La CSG et la CRDS sont par ailleurs normalement dues, comme pour les autres instruments de participation.

2. Sur le plan pratique, le paiement des cotisations sociales est très délicat à gérer pour la société qui attribue les options. En effet, celle-ci choisit le moment où elle attribue l'option, mais elle ne décide ni du moment où le bénéficiaire lève l'option en achetant les titres, ni du moment où celui-ci revend les titres. Il lui est même difficile d'en être simplement informée. Les URSSAF et les services du Trésor ont dû mettre en place un circuit ad hoc de recoupement des informations, avec un retour vers l'entreprise concernée.

La société qui a attribué les options peut ainsi se trouver redevable de la part patronale des cotisations sociales plusieurs années après avoir attribué les options. Ce risque inhérent au simple fait de mettre en place un plan d'options sur actions doit être régulièrement provisionné, mais cette provision n'est pas fiscalement déductible.

Ceci explique que, depuis l'entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, tous les plans d'options nouvellement mis en place sont assortis par les sociétés, sur une base contractuelle, d'une interdiction faite aux attributaires de céder leurs titres avant le terme du délai d'indisponibilité fiscal et social de cinq ans.

Ainsi, en pratique, l'assujettissement aux cotisations sociales des gains sur options réalisés avant cinq ans a eu pour effet d'aligner automatiquement sur ce délai l'ensemble des plans d'options. De ce fait, le rendement attendu de la mesure, soit 300 millions de francs destinés à l'époque à financer un assouplissement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, est en réalité proche de zéro.

Outre l'inconvénient de son rendement nul, la mesure votée en novembre 1996 souffre d'être "rétroactive", sinon au sens strictement juridique, du moins au sens économique du terme.

En effet, la nouvelle disposition assujettissant aux cotisations sociales les gains sur options s'applique au stock des options qui ont été attribuées antérieurement à son entrée en vigueur, c'est-à-dire dans des conditions d'exonération. Il y a donc bien un bouleversement de l'équilibre des plans d'options en cours, et un risque pour les entreprises de devoir payer a posteriori des cotisations sociales au titre d'options attribuées avant le 1er janvier 1997.

C'est pourquoi le présent article, qui résulte d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale et qui a obtenu l'accord du Gouvernement, propose de revenir partiellement sur la "rétroactivité" de la mesure votée en 1996.

Il est ainsi proposé de rétablir, à compter du 1er avril 1998, l'exonération de cotisations sociales pour les options attribuées antérieurement au 1er janvier 1997 par les sociétés de moins de 15 ans.

Cet ajustement ne s'applique qu'à compter du 1er avril 1998, car il semble difficile de remonter jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la disposition, sauf à rembourser les cotisations sociales qui ont été éventuellement déjà perçues.

III. L'EXTENSION PROPOSÉE PAR VOTRE COMMISSION

En revanche, la limitation aux entreprises de moins de 15 ans d'âge semble plus difficilement justifiable. D'après les débats de l'Assemblée nationale, cette limitation vise, d'une part, à " éviter que les grands groupes n'utilisent ce mécanisme " et, d'autre part, à " favoriser les PME et PMI innovantes, tournée vers les nouvelles technologies ".

Ces arguments soulèvent des objections de trois ordres différents.

1. En opportunité, la motivation du personnel résultant des options de souscription ou d'achat d'actions n'est pas moins utile dans les grands groupes que dans les petites entreprises, tandis que les difficultés résultant du caractère "rétroactif" de la mesure votée en 1996 n'y sont pas de nature différente.

2. En droit, le fait de distinguer selon l'âge de la société introduit une discrimination qui n'existait pas dans la mesure initiale d'assujettissement, et dont la constitutionnalité paraît douteuse. Elle provoque, en effet, une rupture au regard de l'égalité devant les charges publiques qui est par définition dépourvue de tout effet incitatif, puisqu'il s'agit d'options déjà attribuées, et ne peut être justifiée par un intérêt général.

3. En fait, le critère d'âge proposé n'apparaît pas pertinent. En effet, une entreprise récente n'est pas forcément une entreprise innovante, tandis qu'inversement, une entreprise centenaire peut être tout à fait innovante.

Par ailleurs, une société de création récente peut fort bien être une filiale d'une entreprise plus ancienne, et même de l'un des " grands groupes " que les députés cherchent à priver du bénéfice de la mesure. Inversement, une jeune société qui réussit peut être rachetée par un groupe déjà établi. Enfin, la situation devient inextricable en cas de fusions ou d'absorptions de sociétés, car les plans d'options existants qui peuvent être transférés portent alors sur les actions de la nouvelle entité issue de la restructuration.

C'est pourquoi votre commission des finances vous propose un amendement qui tend à étendre le bénéfice de la mesure à toutes les sociétés, indépendamment de leur âge. La "rétroactivité" de l'article 11 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 sera ainsi corrigée pour toutes les sociétés.

Il convient d'ailleurs de souligner que, lorsqu'un taux de prélèvement libératoire majoré de 30% a été créé pour les gains sur options par l'article 70 de la loi de finances pour 1996, ce nouveau taux ne s'est pas appliqué aux options déjà attribuées. Cette solution sage et équitable mérite d'être transposée en matière de cotisations sociales.

Votre commission des finances tient toutefois à souligner que son approbation de l'aménagement proposé de l'article 11 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, sous réserve d'une extension à toutes les sociétés, ne vaut pas approbation de l'assujettissement aux cotisations sociales des gains sur options de souscription ou d'achat d'actions.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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