2. Engagements souscrits par les Parties

a) Le "traitement juste et équitable" appliqué aux investisseurs de l'autre Partie

. De manière générale, la France et la Tunisie s'engagent à admettre et à encourager les investissements effectués par des ressortissants de l'autre Partie (article 2), et à assurer à ces investissements un "traitement juste et équitable, conforme aux principes du droit international", en proscrivant toute entrave  -de droit ou de fait- à l'exercice de ce droit (article 3).

. A cet effet, le pays accueillant des investissements de l'autre Partie doit appliquer aux investisseurs le même traitement qu'à ses nationaux ou sociétés (article 4) : cette stipulation met un terme au statut particulier appliqué par la Tunisie jusqu'à une date récente, aux propriétaires français de biens immobiliers acquis avant l'indépendance (voir supra, A, 2-c).

. De manière classique, les obligations définies par le présent accord n'empêchent pas que certains investisseurs fassent l'objet d' engagements particuliers, et, le cas échéant, plus favorables à l'investisseur que le régime prévu par le présent accord (article 10).

. Notons que l'obligation d'appliquer aux investisseurs de l'autre Partie un "traitement non moins favorable que celui accordé à des nationaux ou sociétés" ne s'étend pas aux privilèges susceptibles d'être consentis à des ressortissants d'Etats tiers par la France ou la Tunisie, dans le cadre d'unions douanières , de zones de libre-échange ou de toute autre forme de coopération économique régionale. Cette précision renvoie à l'Union européenne. L'échange de lettres joint au présent accord précise qu'elle s'applique également à l' Union du Maghreb arabe , créée en 1989 à Marrakech entre le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. Les ambitions d'intégration et de coopération régionale affichées par les fondateurs de l'UMA ne revêtent pas encore de contenu précis. Le commerce avec les pays de la zone ne représente pas plus de 5 % des échanges extérieurs de chacun des membres de l'UMA, et le projet de banque maghrébine n'a pas encore vu le jour. Cette relative défaite s'explique probablement par les tensions bilatérales persistant entre les Etats membres. En décembre 1995, le Maroc a demandé la suspension des activités de l'UMA pour protester contre la position de l'Algérie, qualifiée d'ingérence, sur la question du Sahara occidental.

Notons que, tout en étant favorable aux efforts d'intégration régionale, la France privilégie une approche méditerranéenne globale, essentiellement à travers le partenariat euro-méditerranéen.

. L'obligation relative au traitement juste et équitable qui doit être appliqué aux investissements de l'autre Partie comprend l'engagement de faire bénéficier ceux-ci d'une "protection et d'une sécurité pleines et entières".

Ainsi l'article 5 proscrit-il les mesures d'expropriation ou de nationalisation , ainsi que toutes les mesures revenant à déposséder les investisseurs de l'autre Partie. Cette stipulation ne semble cependant pas condamner, en elles-mêmes, les mesures adoptées par les autorités tunisiennes afin de nationaliser les terres agricoles possédées par des propriétaires français (voir supra, A, 2-b). En effet, l'article 5 autorise ce type de décision à condition qu'elle ne soit pas discriminatoire, et, surtout, qu'elle soit prise pour cause d'utilité publique.

Toutefois, l'article 5 impose, en cas de dépossession, le paiement d'une " indemnité prompte et adéquate ", dont le montant doit correspondre à la valeur réelle des investissements concernés à la veille du jour où ces mesures sont prises ou connues du public" . Cette clause constitue incontestablement une véritable garantie pour les investisseurs français en Tunisie, si l'on considère que les nationalisations de terres agricoles n'ont, à ce jour, donné lieu à aucune indemnisation, et que, surtout, ces indemnités sont soumises au principe du libre transfert .

b) La liberté de transfert

Le présent accord consacre le principe de liberté de transfert (article 6), prévu par tous les accords de même objet négociés sur la base du texte-type de l'OCDE précédemment mentionné.

Cette obligation concerne non seulement les intérêts, dividendes, bénéfices et autres revenus courants, les redevances, les remboursements d'emprunts, mais aussi le produit de la cession ou de la liquidation d'un investissement, ainsi que les indemnités de dépossession visées par l'article 5.

Cette stipulation représente un progrès évident par rapport à ce que prévoyait la convention franco-tunisienne du 9 août 1963 . En effet, ce texte subordonnait le libre transfert des dividendes, intérêts et redevances à la situation des réserves de change de la Tunisie. En cas de cessation d'exploitation, le transfert du produit de la liquidation des biens à caractère industriel et commercial était limité à une partie "raisonnable" de ce produit. Le transfert de la totalité du produit de la liquidation d'un investissement n'était possible que pour les investissements postérieurs à l'indépendance.

Les difficultés suscitées par la question des avoirs bloqués (essentiellement immobiliers) des ressortissants français soulignent l'intérêt que représente le présent accord. Rappelons, à cet égard, que le principe du libre transfert des comptes et avoirs détenus en Tunisie par les ressortissants français -personnes physiques et morales- avait, certes, été posé par des accords bilatéraux de 1986, 1987 et 1989, mais que ce principe était alors assorti de procédures complexes qui en limitaient la portée pratique.

c) Des procédures classiques de règlement des différends

L'accord du 20 octobre 1997 distingue, comme tous les accords de même objet, les procédures de règlement des différends opposant un investisseur à un Etat, des procédures applicables aux litiges survenant entre les deux Etats Parties.

. L'article 8 invite les Parties à régler à l'amiable les différends relatifs aux investissements opposant un investisseur à l'autre Etat. Faute d'accord dans les six mois, ce litige devrait être soumis à l' arbitrage du CIRDI (Centre international pour le règlement des différends) qui, placé sous l'égide de la Banque Mondiale, offre des moyens de conciliation pour régler des désaccords d'ordre juridique en relation directe avec un investissement. A ce jour, aucun jugement du CIRDI n'a été rendu contre la France, et un seul investisseur français a requis l'intervention du CIRDI, dans le cadre d'un contentieux l'opposant à l'Argentine. L'article 7 n'empêche pas un investisseur de s'adresser aux tribunaux internes, si cette formule lui semble préférable.

. l'article 11 concerne les litiges relatifs à l'interprétation du présent accord, susceptibles de survenir entre la France et la Tunisie. Si la voie diplomatique ne permet pas de parvenir à une solution dans un délai de six mois, le différend est soumis à un tribunal d'arbitrage constitué de trois membres. En cas d'échec, l'article 10 prévoit l'intervention du secrétaire général des Nations unies afin de procéder à de nouvelles désignations.

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