II. UNE MESURE ATTENDUE

A. UNE PRÉOCCUPATION ANCIENNE

Le droit à la retraite anticipée est une revendication constante des associations représentatives des anciens combattants d'Afrique du Nord.

Ainsi, le Front Uni, dans sa plate-forme commune de 1987, a formulé une double revendication : anticipation possible de l'âge de la retraite avant 60 ans en fonction du temps de service en Afrique du Nord et fixation à 55 ans de l'âge de la retraite pour les chômeurs de longue durée.

Mais cette préoccupation ne correspond pas uniquement à une revendication du seul monde combattant. Elle traduit également les attentes du Parlement et les engagements du Gouvernement.

1. Une préoccupation constante du Parlement

Depuis 1985, de très nombreuses propositions de loi portant sur la retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord ont été déposées sur les bureaux des deux assemblées. Ces propositions, qui émanent de tous les groupes politiques, portent sur deux thèmes distincts.

Le premier -le plus large- vise tous les anciens combattants d'Afrique du Nord qui pourraient bénéficier d'un droit à la retraite anticipée, la durée d'anticipation étant égale à la durée du séjour effectué au titre du service militaire en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Cependant, la publication du rapport Chadelat, en raison de l'évaluation qu'il donne du coût d'une telle mesure, en 1996 a eu pour effet de suspendre le dépôt de proposition de loi visant à instituer un droit généralisé à la retraite anticipée.

Le second thème ne concerne que les anciens combattants ayant servi en Afrique du Nord entre 1952 et 1962, qui sont demandeurs d'emploi en fin de droit. Il s'agit de leur permettre de prendre une retraite anticipée avec une pension de retraite liquidée au taux normal. L'âge et les conditions de départ à la retraite sont cependant légèrement variables selon les propositions.

Au Sénat, 14 propositions de loi ont ainsi été déposées depuis 1985. Parmi elles, 8 visent spécialement les anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs en fin de droit 2( * ) .

Or, sur ces 14 propositions, une seule a été examinée en séance publique.

Le 30 octobre 1991, la commission des Affaires sociales a examiné trois propositions de loi déposées respectivement par MM. Guy Robert, Robert Pagès et Claude Pourvoyeur. Après un large débat, la commission des Affaires sociales a souhaité que ces trois propositions de loi, proches mais non identiques, soient fusionnées en une seule, dont les trois sénateurs précités sont les premiers signataires et à laquelle se sont ralliés un certain nombre d'autres commissaires appartenant à la quasi-totalité des groupes du Sénat. M. Jean-Pierre Fourcade en était le rapporteur.

Cette proposition de loi n° 72 a été examinée le 18 novembre 1991 en séance publique. Mais, à l'issue de la discussion générale, le Gouvernement a demandé l'application de l'article 40 de la Constitution, application qui a été déclarée recevable par la commission des finances.

2. Les engagements du Gouvernement

Le 8 mai 1997, M. Lionel Jospin, interrogé par le Front Uni, écrivait : " Concernant la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, nous avons, comme vous le savez, contesté les conclusions du rapport Chadelat qui était destiné, avant tout, à vous opposer une fin de non recevoir. Nous devons avoir un dialogue franc, direct et responsable avec les différentes associations d'anciens combattants afin d'envisager ce qui peut être effectivement fait.

Dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée pour les chômeurs en fin de droit justifiant de 40 annuités de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Cette mesure constituerait un début de reconnaissance envers les anciens combattants d'Afrique du Nord et permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles
".

Le 21 octobre 1997, M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, rendait publics ses " 40 engagements pour 1998 ". Son engagement n° 3 visait à " mieux prendre en compte la situation des anciens combattants d'Afrique du Nord au regard de l'âge de la retraite ". Sur ce sujet, il précisait que le secrétariat d'Etat " assumera lui-même la conduite à terme du dossier relatif aux chômeurs en fin de droit ayant 40 annuités, dans la mesure où ils relèvent du Fonds de solidarité. Il recherchera une mesure en leur faveur leur garantissant au moins une situation matérielle similaire à la pleine jouissance de leur pension de retraite. "

Pourtant, malgré ces engagements, le projet de loi de finances pour 1998 ne comportait aucune mesure nouvelle en matière de retraite anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord. Alors que la commission des Affaires sociales du Sénat émettait un avis défavorable à l'adoption des crédits des anciens combattants, la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale n'avait décidé de donner un avis favorable au projet de budget que sous réserve de l'adoption de trois amendements, l'un d'entre eux portant justement sur l'ouverture du droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômeurs en fin de droit pouvant justifier d'une durée de cotisation de 40 annuités à l'assurance vieillesse diminuée du temps passé en Afrique du Nord.

L'article 109 de la loi de finances pour 1998 reste ainsi très en retrait par rapport aux engagements du Gouvernement :

- il s'agit d'une aide publique et non d'une retraite anticipée ;

- le montant garanti de 5.600 francs est restrictif car il ne tient pas compte des carrières professionnelles ;

- la mesure, qui devait toucher de 12 à 15.000 personnes selon le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, n'en concerne actuellement que moins de 6.000.

En ce sens, cet article 109 ne peut constituer qu'une mesure transitoire dans l'attente d'une véritable réalisation des engagements du Gouvernement.

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