II. LA NÉCESSAIRE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

La stabilisation en francs constants des dépenses de l'Etat, pour en réduire le poids dans la richesse nationale, reste plus que jamais un impératif de saine gestion des finances publiques.

En effet, ainsi que votre rapporteur général l'a déjà rappelé, afin d'inverser la dérive de la dette publique, il est indispensable d'améliorer le solde primaire du budget de l'Etat et, partant, d'opérer une action forte sur les dépenses.

Une tentative en ce sens avait été entamée en 1997 mais elle n'a malheureusement pas été reconduite en 1998 et ne le sera pas pour 1999. Le gouvernement affiche en effet un objectif de " progression maîtrisée des dépenses de l'Etat de 1 % en volume " qui correspond à une progression de 2,3% en valeur soit un niveau presque deux fois supérieur à l'inflation.

A. LE POSTULAT DU GOUVERNEMENT : "UNE MEILLEURE EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE"

1. Un objectif affiché de 31 milliards de francs d'économies

Le gouvernement réalise en effet des économies et des redéploiements estimés à 30,9 milliards de francs 42( * ) soit au total une " marge de manoeuvre " de 31 milliards.

Les économies, principalement au titre de la révision des services votés, s'élèvent à 14,5 milliards de francs et portent à hauteur de 11,1 milliards de francs sur les services civils. Les redéploiements sous forme d'ajustements négatifs ou de mesures non-reconduites, représentent 16,4 milliards de francs dont 14,3 milliards de francs pour les budgets civils.

Le montant des économies et des redéploiements (30,9 milliards de francs) que le gouvernement déclare avoir réalisé est supérieur à la progression des dépenses résultant de la simple hausse des prix, soit 20,9 milliards de francs. Cela signifie que le gouvernement a réduit de 9 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999 les crédits issus de la simple reconduction de décisions prises dans le précédent projet de loi de finances.

2. Deux exemples d'économies ponctuelles

a) Le " recentrage " de certains dispositifs d'aide à l'emploi

Les crédits du budget de l'emploi consacrés aux contrats-emploi-solidarité (CES) ont été " recentrés " selon la formule de Madame le Ministre de l'emploi, c'est à dire en réalité diminués de 1,7 milliard de francs et ceux destinés aux contrats initiative emploi (CIE) réduits de 3,6 milliards de francs. Par ailleurs les crédits consacrés aux préretraites sont passés de 11,3 à 6,8 milliards de francs.

b) La baisse des effectifs du Ministère de l'économie

Si les effectifs budgétaires civils de la fonction publique restent en 1999 à un niveau identique à 1998 (1.681.577) c'est en raison de 2.358 créations de postes compensées par autant de suppressions.

Il est donc possible, en allant au delà, de réduire les effectifs nets de la fonction publique sans pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics, comme le Ministère de l'économie en donne lui-même l'exemple : " les efforts de rationalisation, certaines mesures de simplification fiscale et administrative, et la réorganisation des services permettent une baisse de 0,4 % des effectifs budgétaires, soit 695 emplois, qui traduisent les progrès de productivité du ministère (budget des services communs et financiers) " 43( * ) .

Sur le plan des principes et de la méthode, le gouvernement ne peut donc plus s'opposer systématiquement à la réduction des dépenses et affirmer qu'elles correspondent à des économies que le Ministre de l'économie qualifie un peu familièrement et hâtivement de " café du commerce " 44( * ) . En effet, il en réalise lui-même, pour des montants significatifs et cela même sur des budgets réputés " sensibles ".

Il n'y a donc pas de fatalité de la hausse de la dépense publique.

3. Une nécessité : la réduction de la masse des rémunérations publiques

Les dépenses de rémunération publique représenteront en 1999 le premier poste de dépenses de l'Etat et s'établissent au-dessus du seuil de 650 milliards de francs, soit le tiers des dépenses du budget général (32,7 %). Elles représentent par ailleurs 85,27 % des des dépenses de fonctionnement du titre III.

Une diminution de la dépense publique passe donc nécessairement par une action forte sur ce poste de dépenses et cela de deux manières différentes :

a) une action globale sur les départs à la retraite ou les rémunérations

Une simulation réalisée à la demande de votre commission montre en effet l'impact budgétaire important et rapide d'une telle action.

Quelles seraient les économies budgétaires à attendre pour 1999 et les cinq années suivantes de mesures telles que :

- le non-remplacement total des départs à la retraite,

- le remplacement d'un départ sur deux,

- le gel des effectifs,

- le gel des salaires (hors GVT) au niveau de 1998 ?

Economies budgétaires par rapport à un scénario de stabilité des effectifs (en Mds F de dépenses en moins par rapport à l'année précédente)

1999

2000

2001

2002

2003

Cumul
1999-2003

Non remplacement total des départs à la retraite pendant 5 ans

10,6

10,9

11,3

11,6

12

166

Remplacement d'un départ sur deux pendant 5 ans

5,3

5,4

5,7

5,8

6

83

Gel des effectifs

-

-

-

-

-

-

Gel des salaires hors GVT (*) au niveau de 1998

4,3

7,9

-

-

-

53,1

(*) Gel des mesures de nature salariale de l'accord du 10 février sauf les mesures prises en 1998. Aucune hypothèse de revalorisation salariale au-delà de 1999.

(Source : ministère de l'économie)

b) Un exemple sectoriel : le cas de l'éducation nationale

Il ressort des informations communiquées par le Ministère de l'éducation nationale, s'agissant des dépenses de rémunération publique pour 1999 :

*qu'il serait possible de réaliser des économies au sein de l'enseignement scolaire , par la diminution des recrutements de moitié: en cette hypothèse, 12.288 recrutements de personnels stagiaires ne seraient pas effectués, soit une économie d'environ 530 millions de francs ;

De même si l'on ne procédait au remplacement que d'un départ à la retraite sur deux, pour les personnels enseignants comme non enseignants, 607 emplois d'enseignants et 675 emplois de non enseignants seraient en 1999 ainsi supprimés (1.282 emplois au total), soit une économie de 225,5 millions de francs en année pleine.

*que s'agissant de l'enseignement supérieur,
seul un départ à la retraite sur deux de personnels enseignants et non enseignants pourrait être remplacé. Cela représenterait 16.078 emplois : 5.628 de personnels enseignants du premier degré, 5.250 personnels enseignants du second degré, 3.630 personnels non enseignants et 1.570 enseignants du secteur privé. L'économie ainsi réalisée serait de 949,15 millions de francs.

La commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels enseignants et non enseignants de l'Education nationale dont le Sénat vient de prendre l'initiative, permettra d'étudier la faisabilité de tels efforts, en analysant l'évolution des besoins selon la courbe des effectifs scolarisés aux différents niveaux, et selon le taux d'encadrement effectif des élèves ou étudiants.

c) L'exemple américain

Confrontée à une situation similaire, l'administration fédérale américaine a mis en oeuvre une politique drastique de réduction des effectifs de l'administration.



" Le Vice-président Al Gore a mené un effort sans précédent de réduction de la taille du gouvernement fédéral afin de le rendre plus efficace et productif s'inspirant pour cela de l'expérience du secteur privé. Grâce aux efforts ainsi entrepris, l'administration a économisé 137 milliards de dollars au cours des cinq dernières années.

Ainsi le gouvernement a réduit le nombre des employés civils de 316.000 le portant à un effectif le plus faible jamais atteint depuis 35 ans. Presque tous les 14 départements ministériels ont réduit leurs effectifs : seul le ministère de la Justice a accru ses effectifs, en raison de la politique de lutte renforcée contre la criminalité et le trafic de drogue ; de même en raison du recensement décennal le ministère du Commerce intérieur a été épargné par ledit mouvement. "

(source : site Internet de l'administration fédérale américaine)


Bien entendu, chaque pays est confronté à ses contraintes propres, mais il faut rappeler que l'expérience de l'administration démocrate a été réalisée de manière empirique et ne manifeste aucun a priori idéologique...

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