N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME II

Fascicule 1

LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

( Première partie de la loi de finances )

(Volume 2 : tableau comparatif)

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 (1998-1999).


Lois de finances.

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. IMPÔTS ET REVENUS AUTORISÉS
A. Dispositions antérieures
ARTICLE PREMIER

Autorisation de percevoir les impôts existants

Commentaire : cet article consacre l'autorisation annuelle de percevoir les impôts et produits existants et fixe, comme chaque année, les conditions de l'entrée en vigueur des dispositions qui ne comportent pas de date d'application particulière.

Cet article rappelle que l'autorisation de l'impôt est à l'origine même de l'institution parlementaire. Il s'applique aux impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir. L'article 4 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose en effet que "l'autorisation de percevoir les impôts est annuelle" .

Il convient d'observer que, comme à l'accoutumée, le présent article a une portée partiellement rétroactive puisqu'il dispose que la loi de finances s'applique :

- à l'impôt sur le revenu dû au titre de 1998 et des années suivantes, ce qui explique que la loi de finances de l'année n fixe le barème de l'impôt sur les revenus perçus l'année n - 1 ;

- de la même façon, s'agissant des sociétés, à l'impôt dû sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1998, ce qui, pour un grand nombre d'entre elles, se traduit par une imposition sur des activités antérieures à l'année n.

Cette rétroactivité partielle est inévitable, car il ne serait pas concevable que le Parlement se prive de toute marge de manoeuvre pour faire évoluer la fiscalité, notamment dans le cadre d'un changement de politique générale. Mais elle ne doit pas être confondue avec une forme de rétroactivité différente trop souvent utilisée par bien des gouvernements : celle qui consiste à revenir sur la parole de l'Etat en remettant en cause les engagements pris par celui-ci à l'égard d'épargnants ou d'investissements dont les décisions résultent du contexte fiscal qui leur est promis pour une période déterminée. Votre commission des finances vous transmettra en temps utile les dispositions qui lui semblent de nature à mettre fin aux excès de la rétroactivité fiscale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

B. Mesures fiscales
ARTICLE 2

Barème de l'impôt sur le revenu

Commentaire : l'article 2 procède à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu, ainsi que de la décote, et prévoit, notamment, deux " mesures d'accompagnement " : abaissement à 11.000 F par demi-part de l'avantage maximal d'impôt résultant du quotient familial, qualification " d'allocation pour frais d'emploi " des 30.000 premiers francs perçus par les journalistes et assimilés.

Le présent article comporte des dispositions d'inégale importance :

• le paragraphe I modifie le I de l'article 197 du code général des impôts en vue de procéder, d'une part, à l'indexation sur la hausse prévisible des prix des tranches du barème ainsi que du montant de la décote, et, d'autre part, à l'abaissement du montant de l'avantage fiscal résultant de chaque demi-part de quotient familial ;

• le paragraphe II tend, par coordination avec l'abaissement de l'avantage fiscal résultant de la demi-part de quotient familial 1( * ) , à réduire de 30.330 francs à 20.370 francs le montant de l'avantage fiscal spécifique accordé par l'article 196 B du code général des impôts dont bénéficient les contribuables qui rattachent à leur foyer fiscal des enfants mariés ou célibataires et chargés de famille ;

• le paragraphe III supprime l'obligation de produire un certificat en vue de l'octroi de la réduction d'impôt pour frais de scolarité, en cas de scolarisation dans un collège;

• le paragraphe IV tend à créer un régime spécifique de prise en compte des frais professionnels des journalistes.

Votre commission se propose de procéder en trois temps : mise dans leur contexte économique et fiscal des mesures gouvernementales, d'abord ; analyse du dispositif prévu en insistant sur les mesures relatives au quotient familial et aux frais professionnels des journalistes, ensuite ; et enfin, présentation des amendements dont elle propose l'adoption au Sénat.

I . LE DISPOSITIF GOUVERNEMENTAL EN PERSPECTIVE

Prolongeant et précisant les analyses développées dans le tome I du présent rapport, votre commission veut, au préalable, montrer que la politique que traduisent les mesures prévues au présent article, ne s'inscrit pas dans le cadre d'un nécessaire processus de modernisation de notre système fiscal.

Le précédent gouvernement avait, courageusement, entrepris une réforme comportant à la fois un allégement du barème et une homogénéisation de la réglementation. Pas plus que l'année dernière, votre commission ne voit, dans le présent budget, la manifestation d'une telle ambition et c'est la raison pour laquelle les propositions qu'elle présente au Sénat, comportent un amendement engageant un processus d'allégement du barème fiscal du même type que celui amorcé en 1996 par le précédent gouvernement.

A. UNE AGGRAVATION GLOBALE DE LA PRESSION FISCALE

1. L'indexation du barème


Le projet de budget prévoit, afin d'éviter un accroissement de la pression fiscale qui serait lié à des hausses purement nominales de revenus, de relever les tranches de la hausse des prix ( hors tabac) prévue pour 1998.

Cette opération traditionnelle ne suffit pas, lorsqu'elle intervient dans un contexte de reprise économique, à empêcher l'alourdissement de la pression fiscale : une simple indexation sur les prix permet à l'État, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation de pouvoir d'achat des Français.

Telle est bien la raison par laquelle s'explique la hausse attendue du produit de l'impôt sur le revenu, indépendamment de la hausse de la pression fiscale qui résulte du solde net des mesures discrétionnaires, effectivement défavorable du fait de la modification du régime du quotient familial.

2. La hausse du produit de l'impôt

L'impôt sur le revenu devrait rapporter en 1999 315,7 milliards de francs, soit un surcroît de recettes de 16,2 milliards de francs par rapport aux estimations du produit révisé de l'impôt pour 1998.

Cette croissance de 5,4 % doit être comparée aux quelque 3,8 % de croissance en PIB en valeur prévue par le gouvernement. Dès lors que l'impôt sur le revenu croît presqu'une fois et demie plus vite que la production, on doit s'attendre à une augmentation de sa part dans le produit national qui passe de 3,52 à 3,58 % du PIB.

Certes, si l'on retranche les 3,9 milliards résultant de la modification du régime du quotient familial, le produit de l'impôt sur le revenu n'est plus que de 311,8 milliards de francs mais le taux de croissance reste avec 4,1 %, supérieur à celui de la croissance en valeur du PIB.

On peut se féliciter du caractère " fortement dynamique " de l'impôt sur le revenu en période de reprise de la croissance économique ; mais on peut aussi s'inquiéter, et tel est le cas de votre commission, de cette volonté de faire jouer à plein ce mécanisme de dividende fiscal, alors que le niveau de prélèvements obligatoires a déjà atteint dans notre pays un des niveaux les plus élevés au sein de l'Union Européenne.

B. DES RETOUCHES SUBSTANTIELLES SANS PLAN D'ENSEMBLE

Le gouvernement abandonne la réforme d'ensemble voulue par son prédécesseur. Il se contente de procéder à des retouches substantielles mais ponctuelles, qui, dès lors qu'elles ne s'inscrivent pas dans un processus global, sont de nature à entraîner des hausses brutales de l'impôt pour certains contribuables.

Le démantèlement des " niches " fiscales est légitime, mais seulement dans le cadre d'une réforme générale . Il se conçoit comme un des aspects d'un processus de modernisation, dont l'autre volet est la clarification d'un système fiscal particulièrement opaque. Le gouvernement en fait un moyen d'augmenter le rendement de l'impôt ; il devrait en faire le résultat d'une vaste opération de simplification, qui tendrait à rapprocher l'architecture de notre fiscalité des personnes de celle existant chez nos principaux partenaires de la zone Euro.

Il y a des situations acquises , qui sans constituer des droits, doivent être respectées ; il peut être légitime d'y porter atteinte mais, progressivement, dans le contexte d'un réaménagement de structure . Votre commission ne prend pas parti sur le fond, c'est d'abord une question de méthode.

1. L'abandon non justifié de la réforme de l'impôt sur le revenu de 1997

La réforme de l'impôt sur le revenu contenue dans l'article 81 de la loi de finances pour 1997 avait prévu un allégement progressif des taux, assorti d'un aménagement des tranches - avec, notamment, un élargissement de la tranche à taux zéro -, ainsi qu'une suppression progressive de la décote.

Première étape de ce plan qui s'étalait sur cinq ans , la loi de finances pour 1997 avait opéré :

1) - un élargissement de la première tranche dite "à taux zéro" dont le seuil était relevé de 13,3 % ;

2) un allégement (de 1 à 2,8 points) des taux de toutes les tranches ;

3) une diminution de 24,5 % de la décote.

Dès 1997, la réforme a ainsi, compte tenu de l'indexation normale du barème sur l'inflation anticipée, allégé l'impôt de 25 milliards de francs et exonéré 400.000 contribuables supplémentaires d'impôt sur le revenu.

Cette réforme de l'impôt sur le revenu aurait dû aboutir, à l'issue du processus, à fixer le barème de l'impôt de 2001 relatif aux revenus de 2000, de la façon suivante :


Tranches

Taux

Supérieure à 40.190 F et inférieure ou égale à 50.380 F

7 %

Supérieure à 50.6380 F et inférieure ou égale à 88.670 F

20 %

Supérieure à 88.670 F et inférieure ou égale à 101.000 F

28 %

Supérieure à 101.000 F et inférieure ou égale à 143.580 F

35 %

Supérieure à 143.580 F et inférieure ou égale à 233.620 F

41 %

Supérieure à 233.620 F

47 %

Décote : 0 F

 

La réforme du barème s'accompagnait, logiquement, de la suppression progressive des avantages particuliers accordés en matière d'impôt sur le revenu 2( * ) : ainsi, l'allégement du barème s'appliquait-il à une assiette élargie.

Au total, le coût de la réforme de l'impôt sur le revenu était estimé à 92,75 milliards de francs sur cinq ans , dont 17,63 milliards de francs étaient gagés par la suppression ou l'aménagement des avantages particuliers.

L'article 2 du projet de loi de finances pour 1998 reprenant l'actualisation du barème, a interrompu de fait le processus ainsi engagé sans apporter d'autres justifications que quelques incidentes dans le rapport laissant entendre que la réforme était favorable aux seuls contribuables aisés.

2. Une réforme toujours aussi nécessaire

Votre commission des finances croit utile de rappeler la justification de la réforme de l'impôt sur le revenu amorcée en 1997.

Cette réforme se justifie autant par les défauts du système fiscal français dans son ensemble que par ceux de l'impôt sur le revenu lui-même.

En effet, il n'est pas contesté que le niveau des prélèvements obligatoires -45,9 % en 1998, après le sommet de 46,1% en 1997 - doit être abaissé : ce problème devient crucial à l'heure de l'avènement de l'Euro .

Par ailleurs, le système d'impôt sur le revenu français présente un certain nombre de défauts bien soulignés par le rapport du 31 mai 1996 du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, présidé par M. Ducamin :

- une assiette trop étroite , phénomène lié à la multiplication des abattements, déductions et réductions d'impôt ;

- une progressivité trop forte , pour les revenus les plus faibles plus encore que pour les revenus les plus élevés, du fait de l'accentuation de la progressivité à l'entrée du barème provoquée par la décote ;

II. LES MODIFICATIONS DE RÉGIME FISCAL

La réforme était un processus global, qui ne se concevait qu'en partie double : l'allégement du barème permettait la suppression des régimes particuliers ; inversement, l'élimination des " niches " avait pour contrepartie une diminution générale du poids de l'impôt .

Le gouvernement joue sur les deux tableaux : il annule la baisse des prélèvements tout en gardant les recettes qui venaient, en partie du moins, les financer.

Cette politique de réduction des " niches " est d'autant plus critiquable qu'elle se double de la remise en cause brutale du régime actuel du quotient familial.

A. LE PLAFONNEMENT DES EFFETS DU QUOTIENT FAMILIAL

Le I de cet article prévoit dans son 2° que l'avantage maximal en impôt résultant d'une demi-part est abaissé de 16.380 F à 11.000 F. Cette mesure, qui bouleverse l'équilibre actuel du mécanisme du quotient familial, doit être replacé dans le contexte du changement de la politique familiale décidé par le gouvernement.

1. Rappel du mécanisme du quotient familial

L'impôt sur le revenu portant obligatoirement sur des ménages de composition et de taille différente, il a été institué un système de quotient familial dont le principe était, non de redistribuer, verticalement, des ressources entre les familles, mais de garantir une certaine équité horizontale entre familles avec et sans enfants.

Un tel système s'inscrit, avec les allocations familiales, dans le cadre d'une politique de soutien à la natalité, dont on sait qu'elle est insuffisante pour assurer le renouvellement des générations.

Il faut souligner que, de plus en plus de pays, lorsqu'ils en avaient instauré, ont abandonné ce système pour une imposition séparée des conjoints assortie d'abattements par enfant 3( * ) .

Le système du quotient familial, tel qu'il résulte des articles 194 et suivants du code général des impôts, tend à adapter le montant de l'impôt aux facultés contributives de chaque foyer fiscal en prenant en compte le nombre de personnes " à charge ", vivant des ressources du foyer fiscal.

Sur le plan technique, le système consiste à diviser le revenu imposable par un nombre de " parts " fixé en fonction de la configuration familiale.

Les cas de figure sont extrêmement variés et dépendent à la fois du nombre d'enfants mais également la situation de famille du contribuable : célibataire, marié veuf, divorcé ou séparé.

Le principe, très simple au départ - une part par adulte et une demi-part par enfant à charge pour les deux premiers puis, une part à partir du troisième enfant, soit, par exemple, pour un couple avec deux enfants, 3 parts et pour un couple avec 4 enfants -, s'est passablement compliqué par l'attribution de demi-parts à certains cas considérés comme méritant un traitement fiscal particulier pour des raisons familiales ou extra-familiales.

Le mode de calcul du quotient est donné à l'article 194 du Code général des impôts, complété par les dispositions de l'article 195 du même code : certains contribuables, qui relèvent de catégories mentionnées par ce dernier article, bénéficient d'une ou plusieurs demi-parts supplémentaires. Il s'agit, essentiellement, des célibataires, veufs ou divorcés ayant eu un ou plusieurs enfants à charge, des pensionnés de guerre et assimilés, des pensionnés pour accidents du travail, des invalides civils, ainsi que des titulaires de la carte du combattant ou d'une pension militaire d'invalidité âgés de plus de 75 ans et de certaines de leurs veuves. Les enfants titulaires de la carte d'invalidité ouvrent également droit à une demi-part supplémentaire.

On voit nettement que le système, au départ, à caractère strictement familial, a servi aussi de mécanisme de redistribution plus général .

L'Assemblée nationale a tiré, à sa manière, la conséquence de cette hétérogénéité des bénéficiaires du système en s'efforçant de traiter différemment les titulaires de parts d'origine non familiale. C'est ce qui a abouti à l'introduction d'un nouvel article 2 bis compensant pour ces catégories les effets négatifs de cet abaissement (cf. infra).

2. Une conséquence de la volte-face du gouvernement en matière familiale

En 1997, le gouvernement avait décidé la mise sous conditions de ressources les allocations familiales. La mesure a pris effet pour les versements de mars 1998.

Cette nouvelle politique a eu pour conséquence de priver quelque 386.000 familles, qui toutes n'étaient pas " aisées ", de tout ou partie de leurs allocations.

Les protestations auxquelles a donné lieu la mesure, a conduit le gouvernement à un revirement radical dans la méthode mais pas dans le cap . Les sommes prélevées sur certaines familles ne leur sont pas rendues : la suppression de la condition de ressources et donc le rétablissement des allocations familiales pour tous sont en effet compensés par l'abaissement du plafond de l'avantage fiscal résultant de la demi-part, prévue au présent article .

Quatre rapports 4( * ) - et, notamment, celui établi par Madame Dominique Gillot - ont préparé ce retournement, annoncé par le Premier Ministre lors de la Conférence de la famille réunie le 12 juin dernier.

Bien que le seuil de 11.000 Francs ait manifestement été choisi à dessein de compenser la charge supplémentaire que constitue le rétablissement de l'universalité des allocations familiales, il faut noter que, sur le plan financier, les deux systèmes ne sont pas tout à fait équivalents pour les finances publiques : tandis que le coût de la suppression de la condition de ressources est estimé à 4,8 milliards de francs, la recette fiscale supplémentaire engendrée par l'abaissement du plafond à 11.000 F ne serait que de 3,9 milliards de francs, soit une différence de 900 millions de francs.

On note, également, que la recette de 3,9 milliards de francs provient d'une part, du prélèvement supplémentaire sur les familles ayant des enfants à charge et d'autre part, des effets de la réduction du plafond de la déduction des pensions versées aux enfants majeurs ou de celle de l'abattement auquel donnent droit les enfants mariés ou ayant eux-mêmes des enfants et rattachés au foyer fiscal des parents.

Pour votre commission des finances, la mesure est, d'abord, critiquable dans son principe.

Il est certain que l'on assiste à un virage capital dans la politique française de la famille . Au delà de la technique employée - mise sous conditions de ressources ou abaissement du plafond du quotient familial -, on cesse de faire de la famille l'objet d'une politique de redistribution horizontale, entre contribuables avec et sans charges de famille.

Désormais, il est clair que l'on prend à certaines familles pour donner à d'autres les moyens dont elles ont besoin pour élever leurs enfants 5( * ) . Ce changement pourrait se révéler funeste aussi bien pour la démographie que pour l'économie française.

Certes, la plupart des pays n'accordent pas d'avantages fiscaux proportionnels au revenu et se contentent d'offrir des abattements nettement moins avantageux que le système du quotient familial. Mais, la comparaison suppose que soient pris en compte tous les paramètres et, en particulier, la progressivité de l'ensemble du barème.

La nouvelle politique familiale n'est pas seulement une redistribution entre familles " riches " et familles " pauvres " ; elle doit s'interpréter aussi comme une moindre redistribution entre foyers avec et sans enfants . Enfin, indirectement, cette politique doit s'analyser comme un alourdissement de la fiscalité pesant sur les cadres et donc comme un facteur supplémentaire de pénalisation des " capacités ", de ceux qui par leur compétence et leurs efforts sont à l'origine d'une bonne part du dynamisme de l'économie française.

3. Des modalités contestables

Les modalités de la mesure sont également critiquables.

Le rapport du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale fournit une information particulièrement complète sur les effets du dispositif proposé par l'article 2.

La réduction de 16.380 francs à 11.000 F de l'avantage en impôt par demi-part additionnelle de quotient familial, va pénaliser environ 500.000 foyers qui devront acquitter une cotisation supplémentaire de 6.400 F par an.

Les tableaux reproduits dans le rapport de l'Assemblée nationale permettent de constater que l'augmentation de l'impôt intervient pour les seuils suivants : 36.290 francs pour les couples avec un seul enfant, 38.726 francs pour les couples avec deux enfants, 43.582 francs pour les couples avec trois enfants, 50.266 francs pour les couples avec quatre enfants.

Au-delà des niveaux de revenus résultants de l'application du seuil actuel de 16.380 francs, la perte fiscale est plafonnée à la différence entre 16.380 et 11.000 francs, soit 5.380 francs par an .

Le rapport de l'Assemblée nationale précise également que la situation d'un parent isolé avec un enfant et qui élève réellement seul cet enfant, conformément au paragraphe II de l'article 194 du code des impôts, demeure inchangée, puisque le plafond du quotient familial est maintenu à 20.270 francs pour la part accordée au titre du premier enfant à charge . En revanche, le plafonnement joue pour cette catégorie aux niveaux de revenus suivants : un peu plus de 24.000 francs pour un parent isolé élevant deux enfants, entre 34 et 35.000 francs pour 3 enfants et près de 39.000 francs quand le parent isolé a 4 enfants.

La charge fiscale supplémentaire consécutive à l'abaissement de l'avantage en impôt résultant du quotient familial est partiellement compensée par le rétablissement de l'universalité des allocations familiales .

Le rapport de l'Assemblée nationale compare pour des familles de deux, trois et quatre enfants, les effets de la mise sous conditions de ressources et ceux du plafonnement de l'avantage du quotient familial.

Au vu de ce tableau, votre commission peut faire les observations suivantes :

Les couples dont les revenus les placent au dessus des seuils de mise sous condition de ressources et en dessous de celui résultant de l'abaissement du plafonnement de l'avantage fiscal, sont largement bénéficiaires ;

• Pour les couples dont les revenus sont supérieurs au seuil de plafonnement de l'avantage fiscal, l'effet net est naturellement de moins en moins favorable dans la mesure où les allocations sont - à un moment du temps - fixes, tandis que le surcroît de charge fiscale augmente naturellement avec le revenu. Le niveau où les deux effets de sens contraire s'équilibrent s'établit à : 48.200 francs par mois pour les couples avec deux enfants, 61.820 francs pour les couples avec trois enfants et 69.850 francs pour les couples avec quatre enfants ;





• En tout état de cause, le montant de la perte nette est limitée à un montant de l'ordre de 250 francs par mois pour les hauts revenus que le nouveau système désavantage 6( * ) ;

• Le nouveau régime est toujours favorable aux parents isolés élevant seuls leurs enfants, compte tenu du maintien à 20.270 francs du plafond spécifique de la première demi-part ;

Globalement, votre commission des finances tient à souligner, sur un plan technique, au-delà des questions de principe évoquées plus haut, que :

1. si le nouveau régime atténue largement les effets de seuil , et peut donc être considéré comme techniquement préférable, il entérine une diminution des ressources consacrées à la famille qui se traduit par une hausse du poids et de la progressivité de l'impôt qui, en particulier , pénalise les cadres ;

2. il y aura, à l'issue de cette réforme, selon les indications fournies par le rapport de l'Assemblée nationale, presque deux fois plus de " perdants " - 425.000 - que de " gagnants " qui sont au nombre de 225.000 ;

3. le nouveau dispositif renforce encore les avantages reconnus aux parents isolés , au risque de favoriser encore la situation des couples non mariés par rapport à ceux qui le sont.

4. On peut souligner qu'il y a, en quelque sorte, une double peine pour les familles , puisque, pour les familles pénalisées, ce sont les revenus de la même année 1998, qui supporteront à la fois le surcroît d'impôt et l'arrêt dix mois sur douze des allocations familiales ;

5. Enfin et surtout, il y a des " perdants " absolus qui sont les couples avec un enfant ne percevant pas d'allocations familiales et les couples avec des enfants compris entre 20 et 26 ans , c'est à dire entre les âges auxquels prennent respectivement fin les allocations familiales et le bénéfice de la demi-part supplémentaire.

B. L'ALLÉGEMENT DE PROCÉDURE EN MATIÈRE DE DÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES FRAIS DE SCOLARITÉ

L'article 199 quater F du code général des impôts permet aux contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre des frais de scolarité des enfants à la charge.

La réduction est égale à :

• 400 francs par enfant au collège ;

• 1000 francs par enfant au lycée,

• 1200 francs par enfant suivant une formation supérieure.

Jusqu'à présent, pour bénéficier de l'avantage fiscal, le contribuable devait produire un certificat de scolarité . Compte tenu du nombre de certificats à produire et donc de la lourdeur de la procédure, le gouvernement propose de supprimer cette formalité pour les élèves scolarisés en collège de moins de 16 ans. L'existence de l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans rend inutile la fourniture d'un tel justificatif.

En revanche, indépendamment des contrôles qui pourraient être effectués sur le caractère effectif de cette scolarisation, l'obligation de produire un certificat de scolarité reste nécessaire dès lors qu'il s'agit d'obtenir le bénéfice des réductions d'impôt pour des enfants inscrits au lycée ou dans l'enseignement supérieur.

C. LE RÉGIME DES FRAIS PROFESSIONNELS DES JOURNALISTES


La loi de finances pour 1997 avait prévu , dans le cadre de la réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu et en contrepartie des allégements qu'elle programmait, la suppression progressive des déductions supplémentaires dont bénéficie un certain nombre de professions .

Les professions concernées sont, en principe, mentionnées aux articles 5 et 5A de l'annexe IV du code général des impôts, mais vient s'y ajouter, à la suite de décisions ministérielles n'ayant pas pris la forme d'arrêtés, un ensemble d'autres professions 7( * ) qui bénéficient de l'avantage fiscal, en application de l'article 80 du livre des procédures fiscales. Celui-ci prévoit que le contribuable ayant appliqué un texte fiscal selon une interprétation formellement admise par l'administration ne peut faire l'objet d'un rehaussement d'imposition.

A ces professions, il faut ajouter les écrivains et compositeurs qui bénéficient d'une déduction forfaitaire supplémentaire de 25% en application du troisième alinéa de l'article 93 du code général des impôts , tel qu'il résulte de la loi de finances pour 1984.

Pour toutes les professions ci-dessus l'avantage en impôt résultant de la déduction supplémentaire est plafonné à 50.000 francs .

L'article 87 de la loi de finances pour 1997 avait prévu un mécanisme d'élimination de cet avantage par abaissement progressif du plafond qui devait passer à 30.000 francs pour les revenus de 1997, 20.000 francs pour les revenus de 1998 et 10.000 francs pour les revenus de 1999. Ainsi, la déduction devait-elle être éliminée totalement pour les revenus de l'année 2000.

La mise en application de cette réduction programmée, qui avait naturellement suscité les protestations de certaines de professions concernées, est devenue plus délicate, tant sur le plan politique, que technique, après l'abandon du plan d'allégement de l'impôt dans lequel il s'inscrivait.

Les journalistes, en particulier, font valoir, non sans raisons, que la déduction supplémentaire de 30% dont ils bénéficient, fait " partie de leur statut ". La suppression de cet avantage suscite très logiquement des demandes de compensations salariales. C'est pour permettre de les satisfaire que le dispositif de la loi de finances pour 1997 avait prévu - dans son principe mais ses modalités d'interventions n'avaient, il est vrai, pas été arrêtées - un fonds spécial, dont l'objet n'était pas de rétablir d'une main un avantage fiscal que l'on supprimait de l'autre, mais d'aider les entreprises de presse à faire face aux augmentations de rémunération destinées à compenser la suppression de l'avantage fiscal.

L'année dernière, le changement de gouvernement avait rendu la solution encore plus difficile à trouver puisque, le processus d'allégement du barème ayant été interrompu, la " compensation " devenait plus importante et donc techniquement plus difficile. Les négociations avec les journalistes s'enlisant dans la recherche d'une compensation individualisée, au franc le franc, du supplément d'impôt, dont on comprend évidemment la complexité, la commission des finances du Sénat avait proposé et fait accepter par le gouvernement un report d'un an de la mesure .

L'article 10 de la loi de finances pour 1998 a, en conséquence, fixé le plafond à 30.000 francs pour les revenus de l'année 1998, 20.000 francs pour les revenus de l'année 1999 et à 10.000 francs pour les revenus de l'année 2000, la déduction disparaissant pour les revenus de l'année 2001.


Le paragraphe II de cet article disposait que ce report devait être mis " à profit pour engager une concertation avec les professions concernées afin de dégager une solution équitable et durable ". Force est de constater que la volonté du législateur n'a pas été suivie d'effet : la solution contenue au paragraphe IV du présent article n'a pas été acceptée par les professionnels qu'elle est censée satisfaire ; plus grave encore, elle est juridiquement fragile .

Il est prévu, en application du IV de présent article que l'article 81 du code général des impôts, qui dispose que sont affranchies de l'impôt : " les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi effectivement utilisées conformément à leur objet ", est complété par une phrase précisant que " les rémunérations des journalistes, rédacteurs photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux perçues ès qualités constituent de telles allocations à concurrence de 30.000 francs ".

La solution est discutable. D'abord, elle ne paraît pas présenter du point de vue même de l'objectif recherché par le gouvernement toute la sécurité requise pour les intéressés : la rédaction du code montre - les allocation spéciales de l'article 81 doivent être utilisées conformément à leur objet - ce qui veut dire qu'on doit être en mesure d'en vérifier l'utilisation  et donc qu'elle peuvent faire l'objet d'un contrôle fiscal. A cet égard, la solution serait de prévoir dans un paragraphe nouveau que les allocations spéciales mentionnées audit article, lorsqu'elles ont le caractère d'allocations pour frais d'emplois en vertu d'un texte législatif ou réglementaire sont réputées utilisées conformément à leur objet; ensuite, parce qu'on peut se demander si la spécificité évidente de la profession de journaliste du point de la nature de ses fonctions, est aussi évidente au regard de la possibilité pour cette profession de justifier de ses frais.

Effectivement, si les conditions d'exercice de la profession de journaliste sont bien spécifiques, elles ne sont pas fondamentalement différentes des autres, dès lors que l'on avance des arguments relatifs aux possibilités effectives de comptabilisation des frais : le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale précise dans son rapport écrit que " les spécificités des conditions d'exercice de la profession de journaliste faisaient que les contrôle des conditions d'utilisation de cette allocation s'avérait en pratique impossible. On imaginera mal un reporter en mission dans un pays en guerre obtenir des reçus de la part de ses informateurs ou des hôtels dans lesquels il descend ". Soit.

Le sort particulier fait aux journalistes et assimilés pourrait faire l'objet de critiques, sur le plan de l'égalité devant l'impôt. Tandis qu'une facilité spécifique est accordée aux uns , l'on n'offre aux autres professions concernées par la suppression des déductions supplémentaires, qu'un aménagement du régime des frais réels destinés à uniformiser l'interprétation de l'administration fiscale et à simplifier la prise en comte de ces frais . Une concertation est ainsi en cours notamment avec les auteurs.

Le système d'allocation forfaitaire est bien entendu favorable aux bas salaires : ainsi un pigiste dont la rémunération est de 60.000 francs ne devrait déclarer que 30.000 francs de revenu ; on remarque, comme le note le rapport de la commission de finances de l'Assemblée nationale, qu'à la limite, un journaliste qui ne travaillerait qu'à titre accessoire recevrait la totalité de sa rémunération en franchise d'impôt - à condition qu'il ait sa carte de journaliste.

D'une façon générale, on peut considérer que la mesure - qui concerne environ 30.000 journalistes, dont 20.000 sont imposables - est plus avantageuse que la déduction forfaitaire de supplémentaire plafonnée à 30.000 francs pour les rémunération inférieures à 100.000 francs

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION


Votre commission considère qu'il est indispensable de procéder à une réforme d'envergure de la fiscalité des revenus des personnes physiques. Le poids excessif de l'impôt sur le revenu, le fait évident qu'il est de plus en plus mal supporté par les Français, la progressivité excessive de ce prélèvement à l'entrée et à la fin du barème en font un impôt désincitatif et donc inapte à donner à l'économie française le dynamisme dont elle a besoin.

Le ministre de l'Économie et des Finances reconnaît d'ailleurs, mais sans en tirer les conséquences, la nécessité d'une réforme de l'impôt sur le revenu , lorsqu'il déclarait en septembre dernier, sur France Inter, " Dans les années qui viennent ", il faut que " la réflexion soit non seulement avancée mais que l'action soit mise en oeuvre. Il y a une mise à plat [ ] qui est certainement nécessaire et il me semble que c'est un chantier auquel il faut qu'aujourd'hui les parlementaires, notamment, s'attaquent et réfléchissent ".

Ces déclarations apaisantes sont contradictoires avec le processus de rognage, sans plan d'ensemble, du système fiscal actuel, que traduit le présent projet de budget.

Le gouvernement de M. Alain Juppé avait fait adopter dans le budget de 1997 une réforme, cohérente, audacieuse, que votre commission avait en son temps approuvée. L'année dernière, alors que le gouvernement de M. Lionel Jospin décidait, presque par omission, de l'abandonner, votre commission avait proposé au Sénat, par principe, d'en reprendre le cours, même si elle ne se faisait aucune illusion sur le sort que lui réserverait le gouvernement et sa majorité.

Constante dans son attitude votre commission vous propose aujourd'hui de réaffirmer la nécessité d'une réforme en profondeur en refusant les mesures ponctuelles qui ne prennent leur sens que dans le cadre d'un plan d'ensemble et en présentant, afin de prendre date, un plan à moyen terme d'allégement du barème de l'impôt sur le revenu.

A. MAINTENIR LE RÉGIME ACTUEL DU QUOTIENT FAMILIAL

" Le nombre de naissances est insuffisant " en France a-t-on pu lire dans un manifeste intitulé "Pour l'avenir", lancé par "l'Alliance nationale Population et Avenir" et soutenu par de nombreux dirigeants de partis8( * ). Ce texte souligne " les graves difficultés li ées au vieillissement " et juge que le " déséquilibre démographique " entraînera " inéluctablement la ruine des systèmes de retraite, d'abord, puis l'écroulement de la politique de protection sociale et de santé " .

Au moment même où des personnalités de tous bords tirent la sonnette d'alarme, l'on met en oeuvre une politique qui s'analyse à la fois comme une réduction des avantages accordés aux familles et comme un alourdissement de la fiscalité sur les cadres.

Justifiée par le déficit de la Caisse nationale d'assurance maladie, cette politique préjudiciable à la démographie comme à l économie est bien entendu maintenue, alors même que la situation de la Caisse s'améliore (la branche famille devrait voir en 1998 son déficit fondre à 1,8 milliard de F, contre -12,3 milliards en 1997) et que des charges indues sont maintenues.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission propose au Sénat par amendement , le maintien du plafond actuel de 16.380 francs . Le coût de cette mesure est de 3,9 milliards de francs.

En tout état de cause, votre commission ne comprendrait pas que l'on ne maintienne pas le plafond actuel de 16.380 francs pour les couples avec un enfant - et ce pour des raisons de justice et d'efficacité :

• le premier enfant est en général celui qui coûte le plus cher aux familles, notamment, parce qu'il faut trouver un logement plus spacieux - et l'on peut en conséquence craindre les effets retardateurs d'une telle mesure sur l'agrandissement nécessaire des familles ;

• le premier enfant ne donne pas droit , on le sait, aux allocations familiales, ce qui fait que les couples avec un seul enfant sont les seuls - avec les familles avec des enfants rattachés âgés de 20 à 26 ans - à être " perdants ", à partir de niveaux de revenus de l'ordre de 36000 francs par mois, que l'on peut encore considérer comme faisant partie des classes moyennes.

B. LIER LA DISPARITION DES DÉDUCTIONS PROFESSIONNELLES À LA MISE EN oeUVRE D'UNE RÉFORME D'ENSEMBLE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Votre commission souhaite une réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu. C'est seulement dans ce cadre qu'elle estime qu'il faut traiter l'élimination des "niches" fiscales.

Les déductions supplémentaires pour frais professionnels dont profitent certaines professions, constituent un exemple type de ces "niches" qu'il convient de supprimer. Votre commission en est bien consciente et en avait d'ailleurs voté la suppression avec le projet de loi de finances pour 1997.

Mais le contexte était tout autre puisque cette suppression était programmée avec celle d'un certain nombre d'autres "niches" et qu'elle avait pour contrepartie une baisse générale du barème.

Maintenir le démantèlement programmé des déductions sans poursuivre le processus d'allégement du barème, tend à pénaliser des professions dont l'avantage fiscal faisait partie intégrante de la rémunération.

Le report d'un an, l'année dernière, à l'initiative du Sénat, du début du processus d'élimination des abattements de toutes les professions concernées n'a pas permis d'aboutir à une solution acceptable sur le plan juridique.

La solution proposée est on l'a vu partiale - elle ne concerne que les journalistes - et partielle car elle ne compense, en l'état actuel des choses qu'une partie de la perte de revenus des intéressés .

Mieux vaut alors conserver le statu quo en reportant d'un an supplémentaire le début de l'élimination de l'avantage fiscal pour toutes les professions concernées . Telle est la solution que vous propose par amendement votre commission des finances.

Une telle attitude est d'autant plus justifiée que le système proposé ne concerne que les journalistes, et repose sur une discrimination qui pourrait être invoquée.

En taillant un costume fiscal sur mesure pour les journalistes et assimilés, le gouvernement fait courir un risque pour la catégorie qu'il dit vouloir protéger, car en cas de censure du Conseil Constitutionnel, ceux-ci tomberaient dans le droit commun, avec un plafond de déductibilité supplémentaire, égal désormais à 30.000F. Votre commission ne saurait bien sûr préjuger la décision du juge constitutionnel mais elle tient à attirer l'attention du gouvernement sur sa responsabilité en la matière.

C. PROGRAMMER UN ALLÉGEMENT DU BARÈME POUR LES REVENUS DES ANNÉES 1999, 2000, 2001 ET 2002


Votre commission des finances, cohérente avec sa position de principe, vous propose par un amendement en seconde partie de la loi de finances de reprendre le processus interrompu pour 1997 et 1998 en prévoyant, sur le modèle du plan établi par le gouvernement de M. Juppé, un aménagement du barème et la décote pour l'imposition des revenus des années 1999, 2000, 2001 et 2002.

L'article 81 de la loi de finances pour 1997 prévoyait l'étalement de la réforme de l'impôt sur le revenu sur cinq ans (dont l'année 1997), selon le déroulement suivant :


Revenus de 1999

Revenus de 2000

Revenus de 2001

Revenus de 2002

Tranches

Taux

Tranches

Taux

Tranches

Taux

Tranches

Taux

Supérieure à 29.000 F et inférieure ou égale à 51.000 F

9,5 %

Supérieure à 31.000 F et inférieure ou égale à 51.000 F

8,5 %

Supérieure à 33.000 F et inférieure ou égale à 51.000 F

7,5 %

Supérieure à 40.000 F et inférieure ou égale à 51.000 F

7 %

Supérieure à 51.000 F et inférieure ou égale à 90.000 F

23 %

Supérieure à 51.000 F et inférieure ou égale à 90.000 F

22 %

Supérieure à 51.000 f et inférieure ou égale à 90.000 F

21 %

Supérieure à 51.000 F et inférieure ou égale à 90.000 F

20 %

Supérieure à 90.000 F et inférieure ou égale à 135.000 F

32 %

Supérieure à 90.000 F et inférieure ou égale à 122.000F

31 %

Supérieure à 90.000 F et inférieure ou égale à 111.000 F

29 %

Supérieure à 90.000 F et inférieure ou égale à 101.000 F

28 %

Supérieure à 135.000 F et inférieure ou égale à 211.000 F

41 %

Supérieure à 122.000 F et inférieure ou égale à 187.500 F

39 %

Supérieure à 111.000F et inférieure ou égale à 165.750F

37 %

Supérieure à 101.000 F et inférieure ou égale à 143.500 F

35 %

Supérieure à 211.000 F et inférieure ou égale à 275.000 F

46 %

Supérieure à 187.500 F et inférieure ou égale à 262.000 F

44 %
50 %

Supérieure à 165.750 F et inférieure ou égale à 250.000 F

43 %

Supérieure à 143.500 F et inférieure ou égale à 233.000 F

41 %

Supérieure à 275.000 F

52 %

Supérieure à 262.000 F

 

Supérieure à 250.000 F

48,5 %

Supérieure à 233.000 F

47 %

Décote : 2.500 F

 

Décote : 1.900 F

 

Décote : 1.250 F

 

Décote : 0 F

 

La réforme proposée comporte :

- un relèvement progressif de la tranche à taux zéro qui passerait de 26.100 F pour les revenus de 1998 à 29.000F pour les revenus de 1999, montant qui serait porté progressivement à 40.000 F pour les revenus de 2002.

- un abaissement du plafond de la troisième tranche de 146.320 francs à 135.000 francs, pour les revenus de 1999, montant qui serait progressivement porté à 101.000 francs pour les revenus de 2002 ;

- un élargissement de la quatrième tranche qui irait pour les revenus de 1999, de 135.000 à 211.000 francs (le plafond pour 1998 est de 238.080 francs), montant progressivement porté à 143.500 francs revenus de 2002 ;

- un abaissement du plafond de la cinquième tranche, de 293.600 francs à 275.000 francs, montant progressivement porté à 233.000 francs pour les revenus de 2002

Par ailleurs, à l'issu de la réforme c'est à dire pour les revenus de 2002, les taux des trois premières tranches sont allégés d'un point, les taux des trois suivantes étant allégés de deux points .

Le montant de la décote est abaissé à 2500 francs pour les revenus de 1999 (contre 3.300 francs pour les revenus de 1998) et progressivement diminuée pour être supprimée pour les revenus de 2002.

Le 3° du I du présent article tend à augmenter la décote de la hausse prévisible des prix . Votre commission vous propose, au contraire, d'engager un processus d'élimination par étapes de la décote à partir des revenus de 1999 pour les raisons suivantes :

La décote augmente la progressivité de l'impôt à l'entrée dans le barème. En effet, le système de la décote consiste à réduire la cotisation d'impôt d'un montant égal à la différence entre la décote et la cotisation d'impôt. Dès lors, seuls les contribuables dont la cotisation est supérieure à la moitié de la décote sont imposables. Plus leur cotisation se rapproche de la décote, moins la réduction d'impôt consentie est importante.

La décote pénalise les familles. En effet, la décote s'applique à la cotisation totale d'impôt, quel que soit le nombre de parts (même si le montant de la cotisation diminue bien sûr avec la croissance du nombre de parts).

Avec des chiffres simplifiés pour être plus directement lisibles, on retrouve dans cette proposition de réforme les grands objectifs de la réforme entreprise par le précédent gouvernement.

L'augmentation progressive du plafond de la tranche zéro, combinée avec l'élimination de la décote devrait aboutir à exonérer progressivement près de 2.400.000 contribuables supplémentaire s à l'issue de la réforme ;

Le coût total du même ordre de grandeur que celui de la réforme qu'avait fait adopter le précédent gouvernement, c'est à dire environ 90 milliards de francs , dont un cinquième serait financé par la suppression des " niches fiscales " rappelées ci-dessus.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 2 bis (nouveau)

Réduction d'impôt au bénéfice de certains titulaires de demi-parts additionnelles de quotient familial

Commentaire : l'article 2bis (nouveau) introduit en seconde délibération à l'initiative du gouvernement, tend à compenser par l'octroi d'une réduction d'impôt, le supplément de cotisation dû par certains titulaires de demi-parts additionnelles à un titre autre que la politique familiale, à la suite de l'abaissement à 11.000 F par demi-part de l'avantage maximal d'impôt résultant du quotient familial

La commission des finances de l'Assemblée nationale avait souhaité maintenir au niveau de 16.380 francs l'avantage fiscal maximal dont bénéficient certains titulaires de demi-parts additionnelles, à un titre autre que familial, qu'il s'agisse de veuves, d'invalides ou d'anciens combattants .

Considérant que cet avantage correspond à des situations délicates qui doivent être distinguées du cas général et peuvent, en conséquence, faire l'objet d'un traitement particulier, l'Assemblée nationale avait, sur proposition de sa commission des finances, adopté deux amendements distinguant le plafond applicable entre le régime de droit commun et celui applicable aux catégories susmentionnées, écartant du même coup les objections juridiques à cette différenciation.

Il semble en effet que le gouvernement qui, dans un premier temps, avait songé à maintenir les avantages conférés à ces catégories, y avait renoncé parce que, lors de l'examen en conseil d'État, il était apparu qu'une telle dissociation pouvait être contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en matière d'égalité devant la loi.

Le conseil a effectivement annulé dans sa décision 96-385 DC une disposition de la loi de finances pour 1997, non sans rapport avec le cas d'espèce portant effectivement sur les veuves :

" Sur les articles 2, 39 et 81 de la loi : Considérant que, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2 limite à 13 000 F, à compter de l'imposition des revenus de 1996, le plafond de la réduction d'impôt accordée jusque-là uniformément aux contribuables veufs, célibataires et divorcés remplissant les conditions prévues aux a et b du 1 de l'article 195 du code général des impôts, pour les seuls contribuables célibataires et divorcés alors que les veufs bénéficient au titre des revenus de 1996 en vertu du même article de la loi d'un plafond fixé à 16 200 F ; que l'article 39 étend le plafonnement de 13 000 F aux contribuables célibataires et divorcés lorsqu'ils ont adopté un enfant dans les conditions visées au e du 1 de l'article 195 ; que le 2 du II inséré dans l'article 197 du code général des impôts par l'article 81 de la loi déférée abaisse le montant du plafond de 13 000 F à 10 000 F à compter de l'imposition des revenus de 1997 ; Considérant que les auteurs de la saisine allèguent qu'à charge familiale strictement égale, un contribuable célibataire ou divorcé sera traité plus défavorablement qu'un contribuable veuf ; que la différence de situation qui les distingue ne saurait être considérée comme comportant une justification au regard de l'objet du mécanisme du quotient familial ; que les dispositions ci-dessus analysées des articles 2, 39 et 81 de la loi sont dès lors contraires au principe d'égalité ; Considérant que si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de différencier l'octroi d'avantages fiscaux, c'est à la condition que celui-ci fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; Considérant que les dispositions contestées s'inscrivent dans le cadre d'une réforme de l'impôt sur le revenu que le législateur a entendu mettre en oeuvre à l'occasion du vote de la loi de finances pour 1997 et que celui-ci a décidé notamment de réexaminer certaines réductions d'impôt comportant des avantages qui ne lui apparaissaient pas véritablement justifiés ; Considérant toutefois qu'au regard de la demi-part supplémentaire qui leur est accordée, les contribuables veufs, divorcés ou célibataires ayant élevé un ou plusieurs enfants sont placés dans une situation identique ; qu'en effet l'octroi de cet avantage fiscal est lié pour l'ensemble d'entre eux à des considérations tirées à la fois de l'isolement de ces contribuables et de la reconnaissance de leurs charges antérieures de famille ; Considérant dès lors qu'en limitant aux seuls divorcés et célibataires l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt résultant de l'octroi de la demi-part supplémentaire accordée dans des conditions identiques aux veufs, divorcés et célibataires ayant élevé au moins un enfant, le législateur a méconnu le principe de l'égalité devant l'impôt ; que par suite doivent être déclarés contraires à la Constitution l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2, l'article 39 et, au quatrième alinéa de l'article 81, les mots : " toutefois, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial ne peut excéder 10 000 F par demi-part s'ajoutant à une part pour les contribuables célibataires et divorcés qui bénéficient des dispositions des a, b et e du I de l'article 195 "

Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, estimant que la différenciation qu'il proposait se fondait précisément sur les critères objectifs et rationnels dont le conseil constitutionnel faisait état, a fait adopter deux articles additionnels après l'article 2 relatifs au cas des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfants à leur charge bénéficiaires des avantages prévus à l'article 195 du code général des impôts.

A l'occasion d'une seconde délibération, le gouvernement a, compte tenu du risque d'inconstitutionnalité fait adopter une nouvelle rédaction accordant une réduction d'impôt égale à 5.380 francs pour chacune des demi-parts dont elles bénéficient, lorsque l'avantage fiscal résultant des demi-parts est plafonnée, sans que cette réduction puisse excéder l'augmentation d'impôt résultant du plafonnement ;

Bien que s'agissant d'un article additionnel dont votre commission demande au Sénat de voter la suppression - parce que sans objet, dès lors que l'on décide de maintenir le montant maximum de l'avantage fiscal résultant du quotient familial à 16.380 francs - , on ne peut pas manquer d'attirer l'attention sur les difficultés rédactionnelles et juridiques qu'il soulève.

La rédaction est pour le moins confuse : octroyer une réduction d'impôt de 5380 francs par demi-part aux catégories bénéficiant des demi-parts en vertu de l'article 195 du code général des impôts, " lorsque leur cotisation est plafonnée en application du premier alinéa " de l'article 197 , n'est pas une formulation claire : le premier alinéa du 2 de cet article, qui n'emploie pas le terme de plafond, prévoit de limiter non la " cotisation " mais une réduction d'impôt ; de même la dernière phrase, " cette réduction d'impôt ne peut toutefois excéder l'augmentation de la cotisation d'impôt résultant du plafonnement " ajoute à la confusion, dans la mesure où ce que le gouvernement a voulu viser, ce n'est pas les effets du plafond fixé par cet article mais l'abaissement de celui-ci par la présente loi de finances...

Pour être plus explicite, il faudrait sans doute prévoir que " les contribuables qui bénéficient d'une demi-part ont droit à une réduction d'impôt égale à 5.380 francs pour chacune de ces demi-parts, lorsque la diminution de l'impôt résultant de l'application du quotient familial est limitée en application du premier alinéa. Cette réduction d'impôt ne peut toutefois excéder l'augmentation de la cotisation d'impôt résultant de l'abaissement du montant mentionné au premier alinéa à compter de l'imposition de 1998 ".

Tout compte fait, et ces difficultés de rédaction en sont le signe, on peut se demander si la nouvelle rédaction échappe totalement aux objections qui pourraient rendre le dispositif critiquable au regard du principe d'égalité devant la loi.

Certes, il n'y a pas différenciation des seuils ; mais en créant un système de compensation au franc le franc, on connecte les deux mécanismes qui apparaissent fonctionnellement dépendant l'un de l'autre ; un mécanisme de réduction d'impôt est créé spécialement pour compenser les effets indésirables d'une mesure, et n'a d'existence qu'en fonction de cette dernière. Le problème d'égalité pourrait donc bien rester entier avec, au surplus, une présomption de détournement de procédure. On instaure une mesure générale dont on s'empresse au même moment de neutraliser les effets pour certaines catégories. Nul doute que l'on pourrait être tenté de considérer les deux mesures comme un tout et donc l'ensemble du dispositif comme discriminatoire ..Si tant est qu'il y ait une discrimination non fondée sur des données objectives, ce dont votre commission n'est, en l'occurrence, pas persuadée car les catégories concernées méritent à l'évidence un traitement particulier du fait de leur situation.

Indépendamment de ces considérations rédactionnelles et juridiques, votre commission vous propose, par coordination avec l'amendement qu'elle vous propose à l'article 2, de supprimer, par amendement, cet article nouveau .

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 3

Extension de la réduction d'impôt relative aux dons pour les personnes physiques qui participent au financement d'entreprises

Commentaire : cet article tend à compléter, à l'article 200 du code général des impôts, la liste des organismes d'intérêt général auxquels les particuliers peuvent effectuer des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt.

Le 2 de l'article 200 du code des impôts prévoit une longue liste d'organismes auxquels les particuliers peuvent effectuer des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt. Il s'agit :

- des oeuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel, ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

- des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés à but non lucratif et agréés, exerçant au moins une partie leur activité en France ;

- des fondations ou des associations reconnues d'utilité publique et agréées, ainsi que des associations cultuelles ou de bienfaisance autorisées à recevoir des dons et des legs et des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle ;

- des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins.

D'une façon générale, la réduction d'impôt ne peut excéder 1,75 % du revenu imposable du contribuable . Mais cette limite est portée à 6 % , lorsque les dons sont fait au profit d'organismes reconnus d'utilité publique, ainsi que des associations culturelles et de bienfaisance ou des établissements publics du culte en Alsace Lorraine .

En principe, la réduction d'impôt est égale à 50 % du montant du don mais ce taux est porté à 60 % pour les dons aux organismes d'aide aux personnes en difficulté dans la limite d'un plafond égal à 2030 francs pour l'imposition des revenus de 1997.

Les dons aux organismes d'aide aux personnes en difficulté ne sont pas pris en compte pour l'application des plafonds de 1,75 % et 6 % mentionnés ci-dessus, dont il faut signaler qu'ils ne sont pas cumulables.

Au total, ce sont plus de 3,2 millions de contribuables qui bénéficient de la facilité offerte par l'article 200 du code général des impôts. La dépense fiscale est évaluée à 1,9 milliard de francs pour 1998.

Le présent article tend à compléter ce dispositif en prévoyant une catégorie supplémentaire de bénéficiaires constituée par les organismes mentionnés au 4 de l'article 238 bis, c'est à dire les organismes ayant pour objet exclusif de participer par le versement d'aides financières, à la création d'entreprises .

On peut rappeler qu'en application de l'article 238 bis, les entreprises ont déjà la faculté d'aider ce type d'organisme dans la limite de 3,25 % de leur chiffre d'affaires.

Il s'agit donc, en résumé, d'étendre aux particuliers une possibilité déjà offerte aux entreprises.

On note qu'en faisant référence à l'article 238 bis on se fonde sur des catégories déjà définies et que le système, qui repose sur l'agrément d'organismes 9( * ) ., est donc immédiatement opérationnel . On peut préciser que les entreprises aidées ne doivent pas résulter d'une concentration, d'une restructuration ou de la reprise d'activités préexistantes. Les aides - accordées sous forme de subventions, prêts sans intérêts, cautions non rémunérées pour l'octroi de prêts à la création d'entreprise - ne doivent donner lieu à aucune ristourne, rémunération ou contrepartie au profit de l'organisme et ne peuvent être accordées au profit d'une entreprise ayant des liens directs ou indirects avec les donateurs ou avec les membres de l'organisme.

Votre commission ne peut qu'être favorable à un mécanisme d'encouragement à la création d'entreprise , tout en en soulignant les effets sans doute limités dans la mesure où les versements, - pris en compte pour 50 % de leur montant - restent limités par le plafond de droit commun de 1,75 % du revenu imposable.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Bons de souscription de parts de créateur d'entreprise et report d'imposition des plus-values de cession dont le produit est investi dans les fonds propres de PME : extension de ces avantages aux sociétés créées depuis moins de quinze ans.

Commentaire : cet article propose d'étendre aux sociétés non cotées de moins de quinze ans, à compter du 1er septembre 1998, deux dispositifs créés l'an dernier en faveur des sociétés non cotées de moins de sept ans, les bons de parts de créateurs d'entreprise, et le report d'imposition des plus-values de cession de titres en cas de réemploi dans des PME nouvelles.

I. LES DEUX DISPOSITIFS EXISTANTS

A. LES BONS DE SOUSCRIPTION DE PARTS DE CRÉATEUR D'ENTREPRISE


L'article 76 de la loi de finances pour 1998 a instauré, à titre provisoire, un régime de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (article 163 bis G du code général des impôts) inspiré de celui des options de souscription ou d'achat d'actions.

Les bénéficiaires des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BCE) sont les salariés de la société et ses mandataires sociaux soumis au régime fiscal des salariés.

Les sociétés concernées sont les sociétés non cotées créées depuis moins de sept ans qui satisfont aux conditions suivantes :

- ne pas exercer une activité bancaire, financière, d'assurance, de gestion ou de location d'immeuble ;

- être passible en France de l'impôt sur les sociétés, ce qui exclut les sociétés étrangères exerçant leur activité sur le territoire national ;

- être détenue directement et de manière continue pour 75% au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques. Toutefois, les participations des divers organismes intervenant en matière de capital-risque ne sont pas prises en compte pour cette condition, dès lors qu'elles restent minoritaires (sociétés de capital risque, sociétés de développement régional, sociétés financières d'innovation, fonds communs de placement à risques, fonds communs de placement dans l'innovation) ;

- ne pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou de la reprise d'activités préexistantes. Il doit donc s'agir d'activités entièrement nouvelles, notion qui fait l'objet d'interprétations diverses et donne lieu à beaucoup de contentieux fiscal.

Le mécanisme des BCE est comparable à celui des options de souscription ou d'achat d'actions. Le BCE, qui est incessible, ouvre à son bénéficiaire le droit de souscrire les titres de la société à un prix fixé lors de son attribution.

Le bénéficiaire peut donc réaliser une plus-value si la valeur de la société a augmenté entre le moment de l'attribution du bon et le moment de la revente des titres correspondants. Il convient toutefois de souligner qu'il s'agit de titres par définition peu liquides, puisque non cotés.

Le régime fiscal proposé est avantageux : les gains réalisés sont imposés selon le taux proportionnel de 16 % applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières.

Ce taux est a priori plus favorable que le barème de l'impôt sur le revenu applicable aux rémunérations, mais aussi que le taux spécifique de 30 % applicable aux gains sur options de souscription ou d'achat d'actions.

Toutefois, ce taux de 30 % est applicable lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans.

Par ailleurs, à la différence des options sur actions, le bénéfice de ce régime fiscal favorable n'est assorti d'aucune durée d'indisponibilité des titres. Les droits afférents aux bons peuvent donc être exercés dès leur attribution.

A la différence des gains sur options de souscription ou d'achat d'actions également, les BCE sont totalement exonérés de cotisations sociales.

Ce dispositif a été institué à titre provisoire, pour une période de deux ans, à compter du 1er janvier 1998 et jusqu'au 31 décembre 1999.

B. LE REPORT D'IMPOSITION DES PLUS-VALUES DE CESSION DE DROITS SOCIAUX EN CAS DE REMPLOI DANS LES PME NOUVELLES

L'article 79 de la loi de finances pour 1998 a instauré un régime provisoire de report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux réalisées par les particuliers qui investissent dans des sociétés non cotées créées depuis moins de sept ans (article 92 decies B du code général des impôts).

Le bénéfice de ce régime de report d'imposition, qui doit faire l'objet d'une demande de la part du contribuable, est soumis à treize conditions.

Deux conditions portent sur les dates de cession et de réemploi :

- les cessions concernées doivent intervenir entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1999 ;

- le réinvestissement de la plus-value réalisée doit intervenir au plus tard le 31 décembre de l'année qui suit la cession.

Quatre conditions sont relatives à la participation du contribuable :

- les droits détenus par les membres du foyer fiscal du contribuable doivent représenter plus de 10 % des bénéfices sociaux de la société dont les titres sont cédés ;

- le contribuable doit avoir été au cours des cinq années précédant la cession, soit salarié, soit mandataire social de la société ;

- le contribuable ne doit être ni salarié, ni mandataire social de la société bénéficiant de l'apport ;

- le produit de la cession doit être investi, soit dans la souscription en numéraire au capital initial, soit dans l'augmentation en numéraire du capital de la société, les droits sociaux afférents devant être intégralement libérés.

Sept conditions sont relatives à la société bénéficiaire de l'apport :

- être immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis moins de sept ans à la date de l'apport ;

- ne pas être cotée à la date de l'apport, tout en pouvant faire l'objet d'une négociation sur le marché libre dit " over the counter " ;

- être passible de l'impôt sur les sociétés en France, de plein droit ou sur option ;

- ne pas être issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistante ;

- ne pas exercer une activité bancaire, financière, d'assurance, de gestion ou de location d'immeuble ;

- être détenue directement et de manière continue pour 75% au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques. Toutefois, les participations des divers organismes intervenant en matière de capital-risque ne sont pas prises en compte pour cette condition, dès lors qu'elles restent minoritaires (sociétés de capital risque, sociétés de développement régional, sociétés financières d'innovation, fonds communs de placement à risques, fonds communs de placement dans l'innovation) ;

- être détenue à moins de 25 % par le contribuable réalisant l'apport ou son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, au cours des cinq années suivant la réalisation de l'apport.

Le report d'imposition de la plus-value est exclusif du régime de la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la souscription en numéraire au capital d'une société non cotée.

La durée du report n'est pas limitée, mais celui-ci prend fin lorsque les titres reçus en contrepartie de l'apport sont soit transmis par donation, décès ou cession, soit rachetés par la société, soit annulés. Il prend également fin dès que l'une des conditions posées cesse d'être remplie.

II. L'EXTENSION PROPOSÉE

Le présent article propose d'étendre le bénéfice de ces deux dispositifs provisoires, réservés aux sociétés non cotées de moins de sept ans, aux sociétés non cotées de moins de quinze ans, avec effet au 1er septembre 1998.

Le paragraphe I étend le champ du régime de report d'imposition des plus-values de cession de droits sociaux en cas de remploi dans des PME nouvelles, aux sociétés inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans.

Le paragraphe II étend le champ du régime des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise aux sociétés inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans.

Le paragraphe III précise que l'extension des deux dispositifs existants s'applique à compter du 1er septembre 1998.

Pour le régime de report d'imposition, les plus values de cession de titres réalisées antérieurement au 1er septembre 1998 pourront bénéficier de l'extension de champ, dès lors qu'elles sont réinvesties après cette date.

Pour le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, la possibité d'attribuer des BCE est ouverte aux sociétés de moins de quinze ans à compter du 1er septembre 1998.

Dans les deux cas, la date d'échéance du dispositif reste fixée au 31 décembre 1999.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

L'an dernier, votre commission n'avait pas accueilli avec grand enthousiasme la création des deux régimes dont le présent article propose l'extension.

S'agissant des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, M. Alain Lambert, dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 1998, estimait que " la mesure proposée par le Gouvernement apparaît inutilement complexe, avec un champ restreint et une multiplicité de conditions qui en réduiront la portée, induiront des effets de seuil et généreront vraisemblablement des contentieux. Elle sera également perçue comme fragile par les entreprises, puisque très provisoire et a priori suspecte aux yeux du Gouvernement.

Cette mesure a du moins le mérite de réhabiliter le mécanisme des options d'achat ou de souscription d'actions, dont elle n'est qu'un succédané. Le Gouvernement reconnaît ainsi les vertus de ce mécanisme, qui a été beaucoup décrié mais apparaît irremplaçable pour les entreprises nouvelles et en développement. Il aurait d'ailleurs été mieux inspiré, pour mettre en place une mesure réservée à certaines entreprises, de partir de ce dispositif qui a fait ses preuves et est bien connu des sociétés.

Néanmoins, dans la mesure où il s'agit de l'une des rares mesures prétendument favorables aux entreprises du présent projet de loi de finances, elle vous propose d'accepter sa mise en place, en lui apportant des améliorations sur quatre points."


Votre commission n'a finalement eu gain de cause que sur une seule des quatre améliorations proposées, à savoir l'extension du dispositif aux sociétés créées par voie d'essaimage.

S'agissant du régime de report d'imposition des plus-values sur droits sociaux en cas de remploi dans des PME nouvelles, M. Alain Lambert, dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 1998, estimait que " la mesure proposée, dont le coût est du reste impossible à chiffrer de façon précise, apparaît donc comme faiblement incitative par rapport aux dispositifs en vigueur dans les pays anglo-saxons.

A cet égard, votre commission des finances souhaite formuler deux observations :

En premier lieu, cet article comporte sans aucun doute le rapport contraintes/avantage le plus faible de notre histoire fiscale récente.

En tout, ce ne sont pas moins de treize conditions qu'il faut remplir, de façon continue, pour bénéficier de la mesure (...)


En regard de ces treize contraintes, que le Gouvernement a posées dans le but de "faire simple et d'aider les entrepreneurs" 10( * ) , le contribuable bénéficierait non pas d'une réduction d'impôt et encore moins d'une exonération, même partielle, des plus-values, comme c'est pourtant le cas dans les pays anglo-saxons, mais d'un simple report d'imposition.

Or, la fiscalité des plus-values ayant tendance à s'accroître inexorablement pour cause de rééquilibrage entre la fiscalité des revenus du travail et celle des revenus du capital, on se demande à quel point il est vraiment avantageux de reporter son imposition, étant quasiment assuré d'être imposé davantage demain qu'on ne l'est aujourd'hui.

En outre, les risques pris ne sont pas négligeables puisqu'en cas de rupture de l'une seulement des treize conditions, dont on a vu que certaines ne dépendaient pas de la volonté du contribuable (modification du capital de la société bénéficiaire de l'apport au-delà des seuils prévus par le dispositif) le contribuable serait contraint non seulement de s'acquitter immédiatement de la plus-value, mais encore pourrait se voir infliger des pénalités de retard.

Ce dispositif mériterait donc d'être complétement réécrit afin de remplacer le report par une exonération, totale ou partielle, et de simplifier considérablement le nombre et la portée des conditions posées.

En second lieu, et comme votre rapporteur a déjà eu l'occasion de l'écrire dans un récent rapport sur la fiscalité de l'épargne 11( * ) , la volonté de favoriser une sorte de micro-climat fiscal en faveur du capital risque a peu de chances d'aboutir tant elle s'insère dans un environnement défavorable à la création de richesses."


Votre rapporteur général considère que les réserves formulées l'an dernier par son prédécesseur restent entièrement valables.

D'ailleurs, le rapporteur général de l'Assemblée nationale semble n'être pas loin de les partager, lorsqu'il écrit 12( * ) : " les conditions pour bénéficier de ce report d'imposition de la plus-value de cession en cas de remploi dans le capital d'une PME nouvelle sont assez restrictives, et font que le dispositif n'intéresse qu'une faible proportion d'entrepreneurs ou d'investisseurs parmi l'ensemble des contribuables ".

La portée financière de l'extension proposée reste difficile à apprécier, s'agissant de deux dispositifs récemment créés, pour lesquels l'administration fiscale ne peut encore présenter de bilan.

Enfin, il est permis de s'interroger sur la raison pour laquelle l'extension de champ proposée s'appliquerait à compter du 1er septembre 1998, c'est-à-dire avant même que le projet de loi de finances ait été examiné en conseil des ministres et quatre mois avant l'adoption -éventuelle- des dispositions concernées par le Parlement.

L'entrée en vigueur anticipée de modifications législatives de la règle fiscale reste toujours aussi choquante sur le plan des principes. Elle est parfois justifiée en pratique, lorsque l'entrée en vigueur à la date de publication de la loi de finances pourrait entraîner des comportements de temporisation préjudiciables à la bonne marche de l'économie.

En l'occurrence, une entrée en vigueur anticipée peut être défendue pour les apports en capital aux sociétés de moins de quinze ans, qui se trouveraient sinon suspendus jusqu'au 1er janvier 1999.

Mais on voit mal en quoi une entrée en vigueur anticipé est justifiée pour l'attribution de BCE par des sociétés de moins de quinze ans, car il s'agit pour elles de l'ouverture d'un droit entièrement nouveau qui ne peut, par définition, perturber des projets en cours.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 bis (nouveau)

Alourdissement de la fiscalité applicable aux contrats de
capitalisation anonymes

Commentaire : cet article tend à faire passer le prélèvement opéré sur les contrats de capitalisation anonymes de 50 % à 60 %.

I. UNE FISCALITÉ DÉJÀ TRÈS LOURDE SUR LES CONTRATS DE CAPITALISATION ANONYMES


La loi de finances pour 1980 a instauré le régime fiscal spécifique des bons anonymes : alors que l'article 67 de cette loi ramenait de 40 à 38 % le taux de prélèvement libératoire applicable aux intérêts des bons du Trésor, bons de caisse ou titres assimilés, il prévoyait de porter le taux de ce prélèvement à 42 % lorsque le bénéficiaire des intérêts des bons n'autorise pas l'établissement payeur à communiquer son identité et son domicile à l'administration fiscale.

Avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, la législation fiscale ne tirait aucune conséquence du caractère anonyme d'un bon ou d'un contrat.

Depuis, le régime fiscal des bons anonymes n'a fait que se durcir :

n la loi de finances pour 1982 a instauré un prélèvement d'office annuel de 1,5 % sur leur valeur en capital (ce taux a été porté à 2 % à compter du 1 er janvier 1984) ;

n la loi de finances pour 1983 a modifié le régime fiscal des bons anonymes et a porté de 40 à 50 % le taux de prélèvement libératoire sur les bons anonymes ;

n la loi de finances pour 1997 a durci les conditions selon lesquelles les bons anonymes peuvent bénéficier d'un régime fiscal allégé. Désormais, " l'identification fiscale " doit intervenir dès la souscription des titres et non plus au moment du paiement. En outre, la cession du bon ou titre ne sera plus possible.

Les produits des bons anonymes sont dans tous les cas soumis aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement social de 2 %, soit 10 % de prélèvements additionnels).

II. CE NOUVEL ALOURDISSEMENT DE LA FISCALITÉ SUR LES BONS ANONYMES POSE LA QUESTION DE LEUR MAINTIEN

Le présent article propose d'assujettir les bons anonymes à un taux de prélèvement libératoire de 60 % à compter du 1 er janvier 1999. Cette mesure affecte tous les bons de capitalisation quelle que soit leur date d'émission dès lors que le remboursement intervient à compter du 1 er janvier 1999. Le gain supplémentaire résultant de cette mesure est évalué à 250 millions de francs.

Votre rapporteur général s'interroge sur l'importance des prélèvements qui touchent les bons anonymes. En effet, outre ce prélèvement libératoire de 60 %, les bons anonymes sont assujettis aux prélèvements sociaux de 10 % ainsi qu'au prélèvement spécifique sur les contrats anonymes de 2 % sur le montant nominal par année de durée du contrat.

La totalité de ces prélèvements pèse très lourdement sur le rendement de ce type de contrat et conduit même à une absurdité économique puisque certains contrats produiront dans certaines hypothèses des rendements négatifs.

Ainsi, à la suite de sa mission sur les fraudes et les abus, le député Charles de Courson avait rédigé un rapport en avril 1996 dans lequel il estimait que " le maintien du régime fiscal des bons anonymes (bons du Trésor, bons de caisse, bons ou contrats de capitalisation) n'est pas acceptable. En effet, le régime actuel consiste en un double prélèvement : d'une part, un prélèvement annuel spécifique de 2 % sur le capital du bon (art.990 A à C du CGI) et d'autre part, un prélèvement libératoire égal à 54,4 % du montant des intérêts. Ce double prélèvement aboutit à un prélèvement confiscatoire lorsque le taux de rendement annuel du bon est inférieur à 4,4 %, à un taux de prélèvement de 80 % lorsque le taux de rendement est de 7 % et à un taux de prélèvement de 75 % quand il est de 10 %. " Or, la rentabilité moyenne de ces bons en 1994 était de 6,9 %.

Par ailleurs, votre rapporteur général regrette le caractère rétroactif de cette disposition qui affectera tous les bons en circulation, quelle que soit leur date d'émission dès lors que le remboursement intervient à compter du 1 er janvier 1999. Il estime que cette mesure constitue une nouvelle atteinte au principe de sécurité juridique dans ce projet de loi de finances.

Votre rapporteur général n'a pu obtenir d'informations précises sur les bons anonymes. Toutefois, dans la mesure où ces derniers représentent 50 % des bons de capitalisations, l'évolution de ce marché est révélatrice de celle du marché des bons anonymes.

Evolution du marché des bons de capitalisation depuis 15 ans

Le marché des bons de capitalisation a connu un fort développement pendant les années 80, passant d'une collecte de l'ordre de 3 milliards de francs en 1980 à 55 milliards de francs en 1989 (soit une évolution de +37 % par an en moyenne sur cette période). Cette évolution s'explique principalement par deux facteurs : l'existence d'une taxe d'assurance de 7 % appliquée alors sur les contrats d'assurance vie et l'arrivée des sociétés d'assurances filiales de banques sur le marché de l'assurance vie et principalement, dans un premier temps, sur celui des bons de capitalisation.

A partir des années 1990, année de suppression de la taxe d'assurance sur les contrats d'assurance vie, le marché des bons de capitalisation a connu une chute régulière de la collecte pendant les trois années suivantes (- 30 % en 1990, - 10 % en 1991 et - 21 % en 1992) et une certaine stabilité de la collecte depuis (entre 25 et 30 milliards de francs par an).

La modification du régime de l'anonymat des bons de capitalisation en 1998 a eu un impact fortement négatif sur ce marché. En effet, le chiffre d'affaires résultant de la collecte sur les neuf premiers mois de l'année 1998 est en baisse de 55 % par rapport à la même période de l'année précédente. La collecte pour l'ensemble de l'année 1998 est estimée à moins de 15 milliards de francs.



L'anonymat ne doit certes pas être encouragé. Doit-il être maintenu à de telles conditions ?

En 1997, les bons anonymes n'auraient enregistré que 15 milliards d'épargne nouvelle, même s'ils représentent près de 150 milliards d'épargne longue investie dans notre économie.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle aucun gouvernement ne souhaite supprimer les bons anonymes. L'interdiction de cette forme d'épargne n'aurait pas d'autre résultat que sa délocalisation, ce qui priverait l'économie française d'une source de financement non négligeable et entraînerait une perte de recettes budgétaires importantes. Ainsi, en 1997, la recette du prélèvement libératoire de 50 % était de 1.487 millions de francs, tandis que la recette budgétaire du prélèvement de 2 % sur le capital s'élevait pour la même année à 748 millions de francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Extension du régime fiscal des micro-entreprises

Commentaire : cet article vise à porter le seuil d'application du régime des micro-entreprises et de la franchise en base de TVA de 100 000 à 500 000 francs pour les entreprises d'achat-revente et à 175 000 francs pour les prestataires de services et les titulaires de revenus non commerciaux. Corrélativement, les régimes du forfait et de l'évaluation administrative seraient supprimés.

Cet article relève de la volonté du gouvernement de " simplifier les démarches et les obligations des entreprises ".

Si la simplification se mesure à l'aune du nombre d'articles supprimés ou modifiés (70 articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales), alors il convient de se réjouir du grand pas effectué par le présent article.

On ne peut être, en effet, que favorable à une mesure qui supprime l'archaïque dispositif du forfait et étend la franchise en base de TVA.

Toutefois, votre commission montrera que la simplification semble profiter davantage à l'administration fiscale qu'aux entreprises et que la réforme risque d'engendrer des effets de seuil difficilement mesurables et d'exposer les entreprises à des redressements si elles sont insuffisamment informées des nouvelles dispositions. En outre, le gouvernement renonce à une meilleure appréhension de la réalité des entreprises et se met en infraction par rapport à la réglementation européenne. Enfin, son chiffrage de la mesure prête à caution.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

Les modalités concrètes de déclaration du résultat varient selon la taille des entreprises : les plus importantes sont soumises au régime de l'évaluation réelle normale ; les autres sont soumises à des obligations moins astreignantes. En effet, les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux et aux revenus non commerciaux impliquent que le chef d'entreprise soit entouré d'une équipe de comptables et de fiscalistes, ce qu'un petit artisan ou un professionnel libéral ne peut pas toujours se permettre.

A. LES RÉGIMES FORFAITAIRES

• Les contribuables imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) sont soumis de plein droit au régime du forfait lorsque leur chiffre d'affaires annuel TTC ne dépasse pas :

- 500 000 francs lorsque leur commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement (hôteliers, loueurs en meublé) ;

- 150 000 francs s'il s'agit de prestataires de services.

Lorsque l'activité d'une entreprise ressortit à la fois aux deux catégories, le forfait n'est applicable que si le chiffre d'affaires global annuel n'excède pas 500 000 francs et si le chiffre d'affaires annuel afférent aux activités de la deuxième catégorie ne dépasse pas 150 000 francs.

Le régime du forfait se caractérise par des modalités spéciales de détermination de la base d'imposition, généralement favorables au contribuable, et par des obligations déclaratives ou comptables très réduites . En effet, le Code du commerce dispense les commerçants relevant de ce régime de tenir une comptabilité d'engagement et de présenter des comptes annuels. Ils ne sont en conséquence astreints qu'à la tenue d'une comptabilité de trésorerie.

La tenue d'un seul registre est imposée . Ainsi, en cours d'année, les redevables doivent tenir et représenter à toute réquisition de l'administration :

- un registre des achats, appuyé des factures et de toutes autres pièces justificatives, pour ceux qui achètent en vue de revendre ;

- un livre-journal des recettes pour les prestataires de services.

Procédure de fixation du forfait (articles L. 5 et L. 6 du LPF)

Le bénéfice forfaitaire est un bénéfice approximatif, évalué par l'agent des impôts à partir des éléments qui sont à sa disposition : déclaration annuelle fournie par le contribuable, qualité du fonds, emplacement, marges habituelles du secteur d'activité... Il utilise également les monographies professionnelles, nationales ou régionales.

La discussion du forfait vise à la fois le bénéfice imposable et le chiffre d'affaires soumis à la TVA. L'évaluation faite par l'agent des impôts est notifiée au contribuable qui dispose de 30 jours pour accepter ou formuler ses observations. A défaut d'accord amiable, c'est la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui détermine le montant du bénéfice forfaitaire.

La notion de bénéfice forfaitaire s'oppose à la reconnaissance d'un déficit d'exploitation : au mieux l'administration considère le résultat comme égal à zéro ; si les résultats sont déficitaires, le contribuable a intérêt à renoncer au forfait.

Une fois fixé, le forfait est valable pour deux années et peut être reconduit pour une troisième année. Sauf exception, le forfait ainsi établi ne peut être remis en cause. Cette sécurité est fortement appréciée par les exploitants. Enfin, en l'absence de dénonciation, les forfaits font l'objet d'une reconduction tacite pour une durée d'un an renouvelable.

Atténuations d'impôt accordées aux forfaitaires

Le bénéfice normal ne tient pas compte des revenus exceptionnels. En conséquence, les plus-values sont en principe exonérées (article 151 septies du CGI), à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans.

Par ailleurs, les contribuables soumis au régime du forfait bénéficient de remises (franchise en taxe) ou d'atténuations de TVA (régime de la décote générale ou spéciale).

- La TVA n'est ainsi pas acquittée lorsque son montant annuel est inférieur à 1 350 F avant déduction de la taxe ayant grevé les biens amortissables ( franchise en taxe ). La franchise en taxe ne vaut pas exonération ; le contribuable peut donc récupérer la TVA qui lui est facturée, de même qu'il peut facturer la TVA liée à ses livraisons ou prestations de services ; il garde ainsi pour lui la TVA collectée auprès de ses clients.

- Si ce montant est supérieur à 1 350 F et inférieur à 5 400 F, l'impôt exigible est réduit d'une somme égale au tiers de la différence entre 5 400 F et le montant de la TVA exigible au titre de l'année civile ( décote générale ).

- Enfin, lorsque le montant annuel de la TVA due avant déduction pour investissement est compris entre 1 350 F et 20 000 F, l'impôt exigible est réduit par application d'une décote, pour les redevables qui justifient que la rémunération de leur travail et de celui des personnes qu'elles emploient représente plus de 35 % du chiffre d'affaires global annuel tous droits et taxes compris ( décote spéciale ).

• Pour les titulaires de revenus non commerciaux (BNC), l'équivalent du forfait est le régime de l' évaluation administrative forfaitaire prévu aux article 101 et 101 bis du CGI. C'est le régime de droit commun lorsque le montant annuel de leurs recettes est compris entre 100 000 francs hors taxe et 175 000 francs TVA comprise. Le soin d'évaluer le bénéfice imposable incombe alors à l'administration en vertu de l'article 102 du CGI.

Les contribuables doivent adresser avant le 1 er mars une déclaration spéciale (n° 2037) à l'inspecteur des impôts du lieu d'exercice de la profession. Elle doit indiquer, outre le montant des recettes réalisé l'année précédente, certains renseignements touchant notamment le personnel salarié, les collaborateurs non salariés et l'importance de ses dépenses professionnelles.

Par ailleurs, les contribuables doivent tenir un document enregistrant le détail journalier de leurs recettes professionnelles qu'elles doivent présenter à toute réquisition de l'administration.

Procédure de fixation du bénéfice imposable (article L. 7 du LPF)

Le BNC devant servir de base à l'impôt est évalué chaque année par l'inspecteur des impôts, d'après les renseignements fournis par le contribuable. L'évaluation ainsi faite est notifiée au contribuable, qui dispose d'un délai de 30 jours à partir de la réception de cette notification pour faire parvenir son acceptation ou formuler ses observations en indiquant le chiffre qu'il serait disposé à accepter. L'absence de réponse dans ce délai vaut acceptation tacite de l'évaluation effectuée par l'administration.

En cas de désaccord, le litige est soumis à la commission départementale des impôts qui fixe le montant du bénéfice imposable.

Enfin, les titulaires de revenus non commerciaux passibles de la TVA relèvent du régime du forfait pour la liquidation de la TVA dès lors que leur revenu est déterminé selon la procédure de l'évaluation administrative (article 302 septies A quater du CGI). La procédure de fixation du forfait TVA est la même que celle suivie pour la fixation de l'évaluation administrative.

B. LE RÉGIME DES MICRO-ENTREPRISES

1. L'imposition des bénéfices commerciaux et non commerciaux


En deçà d'un plafond de 100 000 francs de chiffre d'affaires ou de recettes hors taxes, les titulaires de revenus commerciaux (BIC) comme de revenus non commerciaux (BNC) sont soumis de plein droit au régime des micro-entreprises. Ils portent directement sur leur déclaration annuelle le montant brut de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes. Le bénéfice net est calculé par l'administration par application d'un abattement forfaitaire représentatif de frais de 50 % en BIC ou de 25 % en BNC, avec un minimum de 2 000 francs.

Les obligations déclaratives des contribuables sont très réduites, mais pas beaucoup plus que celles des contribuables relevant de régimes forfaitaires :

- En BNC, elles sont identiques à celles prévues dans le cadre de l'évaluation administrative.

- Les contribuables qui exercent une activité relevant des BIC doivent tenir un livre mentionnant de manière chronologique le montant et l'origine des recettes encaissées, qui doit être présenté sur demande de l'administration.

Enfin, les contribuables dont les recettes franchissent pour la première fois la limite de 100 000 francs sans excéder 120 000 francs continuent à bénéficier du régime au titre de l'année de dépassement.

Sont exclus du régime des micro-entreprises les assujettis à la TVA qui ne bénéficient pas de la franchise en base (voir infra) soit de plein droit, soit en raison de leur option pour le paiement de la taxe. Ainsi, le contribuable qui renonce à la franchise en base de TVA en cours d'année en optant pour la TVA est exclu du présent régime pour l'année civile entière.

2. La franchise en base de TVA

Quel que soit leur régime d'imposition, les assujettis à la TVA bénéficient de plein droit de la franchise en base de TVA lorsqu'ils ont réalisé, au cours de l'année précédente, un chiffre d'affaires (hors TVA) de moins de 100 000 F. Cette franchise les dispense de la déclaration et du paiement de la TVA. En contrepartie, ils ne peuvent pratiquer aucune déduction de TVA et ne faire apparaître la taxe sur leurs factures ou sur tout autre document en tenant lieu. C'est pourquoi ils peuvent avoir intérêt à y renoncer, auquel cas ils perdent le bénéfice du régime des micro-entreprises pour la déclaration de leurs revenus.

Les obligations déclaratives des bénéficiaires de la franchise sont très réduites : déclaration d'existence, d'identification et de cessation ; comptabilité simplifiée ; remise à l'administration de toutes justifications nécessaires au contrôle.

La franchise cesse de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires hors TVA de l'année en cours dépasse le montant de 120 000 F. Ils deviennent redevables de la TVA pour les opérations effectuées à compter du 1 er jour du mois au cours duquel ce chiffre d'affaires est dépassé.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

1. Un alignement du seuil du régime des micro-entreprises sur les seuils des régimes forfaitaires


Le présent article prévoit de porter le seuil d'application du régime des micro-entreprises de 100 000 francs à :

- 500 000 francs pour les entreprises d'achat et revente, soit le plafond d'application du régime forfaitaire pour les entreprises relevant des BIC ;

- 175 000 francs pour les prestataires de services et les professions libérales, soit le seuil du forfait BNC.

Les régimes du forfait (pour les titulaires de BIC) et de l'évaluation administrative (pour les titulaires de BNC) seraient en conséquence supprimés.

Comme dans l'actuel régime des micro-entreprises, l'accès au nouveau régime serait subordonné à l'accès au régime de la franchise en base de TVA prévu à l'article 293 B du CGI, le seuil de ce dernier régime étant relevé au niveau des deux seuils mentionnés ci-dessus (voir infra).

Les nouveaux seuils étant appréciés hors taxes (alors que les anciens seuils du forfait étaient appréciés TVA comprise), il faut donc considérer qu'ils sont en fait supérieurs aux anciens seuils du forfait BIC de 500 000 francs TTC et 150 000 francs TTC respectivement. Ainsi, le nouveau seuil de 500 000 francs HT correspond à un seuil de 603 000 francs TTC tandis que celui de 175 000 francs HT correspond à un seuil de 211 000 TTC .

Le texte du nouvel article 50-0 précise que ce régime demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les seuils de chiffres d'affaires HT ci-dessus sont dépassés mais que dans ce cas, le montant du chiffre d'affaires excédant ces limites ne fait l'objet d'aucun abattement.

Une telle disposition doit encore une fois être appréciée au regard du nouveau régime de franchise en base de TVA. En effet, dans la mesure où ce dernier régime conditionne l'accès au régime des micro-entreprises, ne pourront plus bénéficier du régime micro les entreprises dont le chiffre d'affaires excède les plafonds du régime de franchise de TVA, à savoir 550 000 et 200 000 francs.

La marge est par conséquent réduite et les avantages de cette disposition - censée être de faveur - limités.

2. Une augmentation des taux forfaitaires d'abattement

• Pour les BIC, le taux forfaitaire serait porté de 50 à 70 % pour les activités d'achat-revente et resterait fixé à 50 % pour les activités de services .

Selon le rapport de M. Didier Migaud, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale 13( * ) , le gouvernement s'est inspiré des abattements professionnels moyens tels qu'ils sont appréciés par la direction générale des impôts, c'est-à-dire ;

Activités d'achat-revente :

Epicier 70 à 75 %

Poissonnier 65 à 75 %

Activités de services :

Conseil 35 à 40 %

Taxi 45 à 60 %

Bâtiment 52 %

Courtier 50 %

• Pour les titulaires de revenus non commerciaux , le taux d'abattement serait relevé de 25 à 35 %.

Les moyennes par profession qui ont servi à la détermination de ce taux d'abattement sont les suivantes :

Agent d'assurance 39 %

Avocat collaborateur 32 à 35 %

Médecin remplaçant 30 %

3. Un alignement du seuil de la franchise en base de TVA sur les nouveaux seuils du régime des micro-entreprises

Les paragraphes numérotés 25 à 35 du présent article proposent une augmentation du seuil de la franchise en base de TVA.

Rappelons qu'à l'heure actuelle, les assujettis sont dispensés du paiement de la TVA s'ils ont réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 100 000 F l'année précédente.

En vertu du nouvel article 293 B du CGI, ce seuil serait porté à :

- 500 000 francs pour les assujettis qui réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement ;

- 175 000 francs pour les assujettis qui réalisent d'autres prestations de services.

Il est précisé que le régime de la franchise en base de TVA serait désormais réservé aux assujettis établis en France , afin de mettre le droit en conformité avec la pratique administrative et avec la réglementation communautaire en matière de régime des petites entreprises.

Le seuil spécifique des avocats, avoués, auteurs et artistes interprètes resterait fixé à 245 000 francs mais ils seraient désormais soumis aux obligations comptables de droit commun et non aux obligations simplifiées.

Le seuil d'exclusion de la franchise serait porté de 120 000 à 550 000 pour les opérations de la 1 ère catégorie et 200 000 francs pour les autres, à un niveau identique au seuil d'exclusion du régime des micro-entreprises.

Comme dans l'actuel régime de franchise en base et en l'absence de dispositions contraires, le nouveau régime s'adresse à tous les assujettis, quel que soit leur régime d'imposition en matière de bénéfices. Cela signifie qu' un assujetti qui optera pour un régime réel d'imposition de ses recettes (comme il en a la faculté en vertu du 4 de l'article 50-0 et au 5 de l'article 102 ter ) pourra continuer à bénéficier de la franchise en base de TVA dès lors que son chiffre d'affaires n'excède pas les limites précisées ci-dessus.

Car c'est l'accès au régime de la franchise en base de TVA qui subordonne le bénéfice du régime des micro-entreprises et non l'inverse.

Enfin, il est important de noter que le présent article supprime la franchise en taxe et la décote (voir encadré sur la procédure de fixation du forfait).

4. Portée de la mesure

Selon le rapport de M. Didier Migaud, qui cite des statistiques de la direction générale des impôts 14( * ) , les contribuables se répartissaient ainsi en 1997 :

- 128 184 contribuables bénéficiaient du régime des micro-entreprises en BIC ou du régime déclaratif spécial en BNC cumulé avec la franchise en base de TVA ;

- 37 970 contribuables bénéficiaient de la franchise en base de TVA seule ;

- 142 756 contribuables étaient soumis au régime du forfait BIC et TVA ;

- 44 909 contribuables étaient soumis au régime de l'évaluation administrative en BNC (et forfait TVA).

Cela représente un total de 353 819 contribuables .

Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale fait cependant valoir que la réforme devrait toucher plus de 353 819 contribuables dans la mesure où les nouveaux seuils d'application du régime des micro-entreprises sont exprimés hors taxes alors que les anciens seuils d'application des régimes forfaitaires sont appréciés toutes taxes comprises .

Se fondant ainsi sur les statistiques des assujettis à la TVA, la direction générale des impôts (DGI) indique ainsi que 640 000 entreprises réalisaient en 1997 un chiffre d'affaires inférieur à 500 000 francs hors taxes pour les professionnels de l'achat-revente et de la fourniture de logement, inférieur ou égal à 175 000 francs HT pour les autres redevables. Elle estime que 490 000 entreprises (en plus de 128 184 qui sont déjà soumis au régime micro) auront intérêt à se placer sous le bénéfice du nouveau régime micro .

Le gouvernement s'est enfin engagé à rendre compte au Parlement pendant trois ans des résultats obtenus sur le terrain, des risques éventuels et de leur possible traduction dans la réalité.

Il convient toutefois d'inscrire une telle contrainte dans la loi, ce que votre rapporteur vous proposera par un amendement.

III. APPRÉCIATION DE LA COMMISSION DES FINANCES


Bien que les dispositions du présent article conduisent a priori à un allégement de l'impôt (notamment la TVA) d'un certain nombre de petits contribuables, votre commission considère que la simplification alléguée par le gouvernement n'est pas du tout établie.

En réalité, loin de présenter des améliorations substantielles pour les entreprises, cette réforme semble destinée à alléger le poids de la gestion des régimes forfaitaires d'imposition pour l'administration fiscale et, en conséquence à libérer un certain nombre d'agents pour des taches de contrôle.

A. POUR SIMPLIFIER LA VIE DE L'ADMINISTRATION...

La suppression des régimes forfaitaires semble simplifier davantage les taches de l'administration par l'obtention d'importants gains de gestion que celles des entreprises.

En effet, selon le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale 15( * ) , l'application de la franchise en base de TVA en deçà des seuils de 500 000 et 175 000 francs devrait exempter l'administration des travaux de saisie de déclarations et de moyens de paiement pour un million de déclarations.

En outre, " la suppression de l'obligation de dépôt d'une déclaration de résultats permettra de diminuer les tâches de saisie (400 000 déclarations) et de centraliser l'exploitation du bénéfice imposable au centre des impôts compétent en matière d'impôt sur le revenu. En effet, en cas d'exercice de l'activité ailleurs qu'au lieu d'habitation, deux centres des impôts pouvaient être compétents, l'un pour réceptionner la déclaration de résultats, l'autre la déclaration d'impôt sur le revenu ".

Enfin et surtout, la suppression des régimes du forfait et de l'évaluation administrative dispense l'administration de procédures lourdes d'évaluation dont elle avait la charge : réception de la déclaration de forfait ou d'évaluation administrative, négociation du forfait avec le contribuable, envoi d'une première proposition, envoi d'une seconde proposition en cas de refus (dans environ 30 % des cas), saisine de la Commission départementale des impôts directs et des TCA en cas de désaccord persistant.

Il ressort des débats à l'Assemblée nationale que le gouvernement désire redéployer les agents fiscaux auparavant chargés de ces procédures vers des missions de contrôle fiscal.

Le ministre de l'économie et des finances a ainsi déclaré :

" Le contrôle fiscal peut être renforcé grâce aux effectifs dégagés par la mesure de simplification soumise à votre approbation. Pour le gouvernement, il est clair, et il s'y engage devant l'Assemblée, que les effectifs en question devront être affectés au contrôle fiscal et qu'un contrôle particulier devra être effectué sur les entreprises qui bénéficieront de cette nouvelle mesure, de façon que nous voyions ensemble si les effets pervers se matérialisent ".

Mais le gouvernement n'a pas été en mesure de fournir au rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale une évaluation des économies résultant du présent article, en termes d'heures de travail et d'équivalent-effectifs de fonctionnaires. Il n'a pas non plus précisé ses intentions en matière de réorganisation de la direction générale des impôts et de redéploiements d'effectifs.

En tout état de cause, votre commission ne peut qu'encourager le gouvernement à réduire les effectifs de l'administration fiscale afin de diminuer les dépenses budgétaires, conformément à une position qu'elle a toujours soutenue.

B. ...LE GOUVERNEMENT NE SIMPLIFIE PAS NÉCESSAIREMENT CELLE DES ENTREPRISES...

1. Des avantages réels mais à nuancer


a) Le présent dispositif fera rentrer dans la légalité les entreprises qui fraudent la TVA...

Un certain nombre d'artisans s'adressant à une clientèle de particuliers pouvaient jusqu'à présent avoir intérêt à s'entendre avec leurs clients pour ne pas déclarer une partie des services fournis ou des livraisons de biens effectuées. L'artisan échappe ainsi au paiement de la TVA et des autres impôts sur le revenu ce qu'il peut répercuter à son client par le biais d'une franchise de TVA. Ce dernier y gagne dans la mesure où, étant le client final, il n'a pas la possibilité de récupérer la TVA.

Ce faisant, ces artisans pouvaient concurrencer de façon déloyale les entreprises qui exercent les mêmes activités dans le cadre légal.

En portant la franchise en base de TVA à 500 000 francs, le présent article pourrait donc permettre à ces petites entreprises de continuer à facturer leurs services hors TVA en toute légalité. Un certain nombre d'activités jusqu'à présent exercées " au noir " pourraient donc être mieux appréhendées par l'administration fiscale.

En outre, les entreprises qui pâtissaient jusqu'à présent de la concurrence de ces activités illégales pourront elles-mêmes bénéficier de la franchise en base de TVA si leur chiffre d'affaires n'excède pas les nouvelles limites du régime micro.

b) ... mais l'application mécanique d'abattements prédéterminés n'avantage pas toutes les entreprises

Dans le nouveau régime des micro-entreprises, les contribuables déclareront leur chiffre d'affaires brut et l'administration déterminera leur résultat imposable par application d'un abattement forfaitaire représentatif de frais de 70, 50 ou 35 % selon le type d'activité de l'entreprise.

Or, dans la mesure où ces taux d'abattement ont été calculés par rapport à la moyenne des frais constatés par catégorie d'activités, ils ne cernent qu'approximativement la réalité des entreprises.

Comme l'écrit le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, " l'application mécanique d'abattements prédéterminés pour le calcul des résultats a le mérite de la simplicité, mais constitue, par son automaticité, un mécanisme infiniment moins souple que celui du forfait. "

Si certains contribuables y trouveront intérêt dès lors que le taux d'abattement excède le pourcentage réel de leurs frais et charges, d'autres se verront pénalisés. Il est fort probable alors que ces derniers opteront pour un régime réel d'imposition, ce qui diminue l'intérêt d'une mesure destinée à simplifier la vie des entreprises...

On peut estimer, dans la mesure où les taux d'abattement sont des moyennes, qu'une moitié des contribuables actuellement soumis au régime du forfait devrait y gagner et l'autre moitié y perdre. Ceux qui sont déjà dans le régime des micro-entreprises sont en revanche gagnants.

L'extension de la franchise en base de TVA semble constituer la mesure la plus favorable, bien que ses avantages méritent également d'être nuancés (voir infra, suppression de la franchise en taxe et de la décote).

c) La réforme proposée ne remédie pas aux inconvénients des régimes forfaitaires

Le forfait peut présenter de sérieux inconvénients. En effet, s'il ne prend pas en compte les plus-values d'actifs, il ignore les pertes en capital ainsi que les déficits d'exploitation, ce qui peut se révéler très rigoureux pour les forfaitaires quand on songe que près de la moitié des personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés sont fiscalement déficitaires et que la taxation des plus-values dans les régimes de bénéfice réel est le plus souvent modérée.

En outre, le contribuable soumis au forfait peut voir son forfait remis en cause et il n'est pas à l'abri d'un examen d'ensemble de sa situation fiscale personnelle visant à comparer ses revenus forfaitaires avec le montant apparent de ses disponibilités.

Or, si le présent article supprime le forfait, ce dont il convient de se réjouir, il faut noter que le nouveau régime des micro-entreprises n'apporte aucune solution à ces problèmes et n'encourage pas les contribuables à opter pour un régime réel d'imposition.

Le nouveau régime micro pourrait même s'avérer plus rigoureux pour les contribuables qui omettraient certaines déclarations ou ne se conformeraient pas strictement aux nouvelles obligations qui leur incombent dans la mesure où ils pourraient être soumis à la procédure de l'imposition d'office.

2. De nombreux inconvénients


La réforme proposée par le présent article se traduit par la suppression des avantages fiscaux dont bénéficiaient un certain nombre de contribuables, par le durcissement du régime des micro-entreprises, par un certain alourdissement des obligations comptables et déclaratives et par un élargissement du champ d'application de la procédure d'évaluation d'office.

a) Suppression de certains avantages

Suppression de la franchise en taxe et des décotes

En vertu des articles 282 et 282 bis du CGI, lorsque le montant annuel de la TVA normalement due par les contribuables imposables à la TVA selon le régime du forfait, ou, par option, selon le régime simplifié, n'excède pas 1 350 francs , la TVA n'est pas mise en recouvrement (franchise en taxe).

De même, lorsque ce montant est supérieur à 1 350 F sans excéder 5 400 francs, l'impôt exigible est réduit par application d'une décote générale 16( * ) .

Enfin, lorsque le montant annuel de la TVA exigible est supérieur à 1 350 francs sans excéder 20 000 francs, les redevables inscrits au répertoire des métiers (ou au registre de la batellerie navale) qui justifient que la rémunération de leur travail (et de celui des personnes qu'ils emploient) représente plus de 35 % de leur chiffre d'affaires global annuel tous droits et taxes compris, bénéficient d'une décote spéciale.

L'article 282 ter prévoit que la franchise et la décote sont applicables aux organismes et oeuvres sans but lucratif dont le chiffre d'affaires n'excède pas les limites du régime forfaitaire.

Le présent article supprime les articles 282 à 282 ter du CGI.

Or, contrairement à la franchise en base, qui vaut exonération, la franchise en taxe et la décote ne font pas obstacle à la récupération par le contribuable qui en bénéficie de la TVA facturée par les fournisseurs ainsi qu'à la perception de TVA auprès de ses clients. Il garde ainsi pour lui la TVA facturée à ses clients.

La suppression de ces articles risque donc d'affecter les contribuables qui en bénéficiaient.

Alourdissement des obligations comptables des associés de sociétés de personnes

Le paragraphe n° 11 du présent article, qui modifie l'article 103 du CGI, place les associés, commandités et membres des sociétés de personnes et des sociétés civiles professionnelles visées aux articles 8 et 8 ter du CGI sous le régime réel de la déclaration contrôlée, ce qui les astreint aux obligations comptables de droit commun. Ces contribuables avaient jusqu'à présent la possibilité de déclarer leurs bénéfices sous le régime forfaitaire de l'évaluation administrative, ce qui les dispensait de tout formalisme comptable.

Durcissement des régimes dont ressortissent les activités accessoires des sociétés civiles agricoles et des agriculteurs

A l'heure actuelle, les sociétés civiles agricoles dont l'activité principale relève du forfait agricole et dont les recettes accessoires tirées de leur activité commerciale n'excèdent ni 30 % du chiffre d'affaires tiré de l'activité agricole, ni 200 000 francs peuvent bénéficier du régime du forfait BIC pour ces recettes (article 206 du CGI).

Dans sa rédaction issue du présent article, l'article 50-0 exclut les sociétés ou organismes dont les résultats sont imposés selon le régime des sociétés de personnes. Dès lors, les sociétés civiles agricoles seront imposées selon un régime réel pour leurs BIC.

Par ailleurs, l'article 52 ter du CGI , qui prévoit des modalités d'imposition simplifiées pour les agriculteurs placés sous le régime du forfait agricole et qui réalisent des opérations commerciales accessoires (activités de tourisme à la ferme, accomplissement de travaux forestiers pour le compte de tiers) est supprimé . Cet article autorise les exploitants, lorsque les recettes afférentes à ces opérations accessoires n'excèdent pas, par foyer fiscal, 150 000 francs, remboursements de frais inclus et taxes comprises, à porter directement le montant brut des recettes commerciales sur leur déclaration d'ensemble des revenus. Ils sont alors imposés sur un bénéfice forfaitaire égal à 50 % de cette somme.

Il peut paraître opportun, comme le demande la profession, de maintenir l'article 52 ter jusqu'à la réforme projetée du forfait collectif agricole.

Durcissement des modalités d'option pour un régime réel d'imposition

En l'état actuel du droit, les contribuables placés dans le champ d'application du régime des micro-entreprises peuvent opter pour le régime forfaitaire ou pour le régime simplifié d'imposition s'ils exercent cette option avant le 1 er février de l'année au titre de laquelle ils souhaitent se placer sous le régime forfaitaire. L'option pour un autre régime est, selon l'administration, irrévocable tant que le contribuable reste de manière continue dans le champ d'application du régime micro.

En revanche, les contribuables soumis à un régime forfaitaire qui optent pour un régime réel d'imposition (régime réel normal ou régime réel simplifié peuvent renoncer expressément à leur option au bout de deux ans . L'option n'est irrévocable que l'année de l'option et l'année suivante.

En outre, l'article 282 bis du CGI dispose que la franchise et les décotes prévues en matière de TVA sont applicables aux redevables normalement placés sous le régime du forfait et qui ont opté pour un régime réel d'imposition.

Le présent projet de loi prévoit que les contribuables placés dans le champ d'application du nouveau régime micro ou soumis, au titre de l'année 1998, à un régime forfaitaire d'imposition, peuvent opter pour un régime réel d'imposition.

Il ajoutait, dans sa version initiale, que les options sont irrévocables tant que l'entreprise reste de manière continue dans le champ d'application du régime des micro-entreprises. Un tel dispositif pouvait apparaître excessivement sévère pour des contribuables qui ne disposent pas toujours des moyens prévisionnels nécessaires pour exercer l'option pour un régime réel.

Les députés ont certes apporté une amodiation pour les titulaires de BIC en prévoyant un système optionnel reconductible tous les cinq ans : les options sont valables cinq ans et reconduites tacitement par période de cinq ans.

Il reste que ce dispositif demeure plus rigide que le précédent, même s'il est destiné à lutter contre l'optimisation fiscale.

En outre, l'option demeure irrévocable pour les titulaires de bénéfices non commerciaux.

b) Durcissement du régime des micro-entreprises

Soumission des plus-values au régime de droit commun avec prise en compte de l'amortissement fictif

Dans l'ancien régime des micro-entreprises, le résultat imposable ne distinguait pas les plus ou moins-values. Désormais, le résultat imposable ne prend pas en compte les plus ou moins-values qui sont désormais déterminées et imposées selon les règles de droit commun des plus-values professionnelles. Le champ est celui de la cession des biens affectés à l'exploitation.

Elles sont donc exonérées si les recettes du contribuable n'excèdent pas le double des limites du nouveau régime des micro-entreprises et, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans (article 152 septies du CGI).

Pour pouvoir déterminer les éventuelles plus ou moins-values, le présent article précise que les abattements sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire . Ainsi, pour déterminer sa plus-value, le contribuable soumis au nouveau régime des micro-entreprises devra soustraire de la valeur d'origine du bien cédé le montant de l'amortissement linéaire qu'il est censé avoir doté, la plus-value étant la différence entre le prix de cession et la valeur d'origine.

Absence d'abattement en cas de dépassement des seuils donnant droit au régime des micro-entreprises

Le présent article prévoit que le régime des micro-entreprises demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les chiffre d'affaires limites sont dépassés, si les résultats n'excèdent pas 550 000 et 200 000 francs respectivement.

Toutefois, dans ce cas, le montant de chiffre d'affaires excédant ces limites ne fait l'objet d'aucun abattement et est par conséquent inclus dans sa totalité dans le résultat imposable. Les contribuables concernés auront donc intérêt à prévoir par avance leur passage au régime simplifié d'imposition dans la mesure où le régime des micro-entreprises est censé cesser de s'appliquer dès le premier jour du mois de dépassement.

Appréciation des seuils au niveau du contribuable et non au niveau de l'entreprise

Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoyait que les membres d'un même foyer fiscal qui exploitent plusieurs entreprises dont le total des chiffre d'affaires excède les limites d'application du régime micro pour les BIC ne pouvaient bénéficier de ce régime.

Cette précision, relativement légitime, est nouvelle par rapport à l'ancien régime micro et aux régimes forfaitaires.

Les députés ont substitué aux termes " foyer fiscal " le terme " contribuables " ce qui revient au même dès lors que les membres d'un même foyer fiscal font une déclaration commune mais est plus souple dès lors que chacun des membres du foyer fait une déclaration séparée.

La même disposition est prévue pour les titulaires de revenus non commerciaux.

Alourdissement des obligations en cas de cessation d'activité

Les contribuables qui cessent leur activité en cours d'année devront désormais faire parvenir à l'administration dans un délai de 60 jours, la déclaration de revenus et l'état mentionné au 3 de l'article 50-0 (voir plus haut e)).

Jusqu'à présent, la doctrine administrative se contentait de leur prescrire la déclaration de la cessation d'activité et la production d'un état précisant le montant net des plus-values taxables dans les 60 jours de la cessation.

c) Nouvelles obligations comptables et déclaratives

Dépôt d'un état joint à la déclaration de revenus

Les contribuables devront joindre à leur déclaration de résultat un état conforme au modèle fourni par l'administration qui devrait, selon le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale 17( * ) , récapituler les éléments relatifs à la masse salariale et aux immobilisations qui servent pour la détermination de la base de taxe professionnelle et le calcul des plus ou moins-values.

Tenue d'un registre et d'un livre journal en BIC

Alors que le régime actuel des micro-entreprises (article 50-0 alinéa 4) n'impose aux titulaires de revenus BIC que la tenue d'un livre mentionnant le montant et l'origine des recettes perçues, ils devront désormais " tenir et présenter, sur demande de l'administration, un registre récapitulé par année présentant le détail de leurs achats et un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes professionnelles, appuyées des factures et de toutes autres pièces justificatives. "

Ces obligations sont inspirées des obligations comptables qui pesaient jusqu'à présent sur les forfaitaires prestataires de services, obligations plus lourdes que celles incombant aux forfaitaires dont les activités sont l'achat-revente (ces derniers n'ont à tenir que le registre).

Il convient toutefois de préciser que ces nouvelles obligations sont conformes à la doctrine administrative qui prévoit une soumission des contribuables soumis au régime des micro-entreprises aux mêmes contraintes que celles des forfaitaires en BIC.

Tenue d'un registre et d'un livre-journal en TVA et alourdissement des obligations comptables pour les bénéficiaires de la franchise spéciale

En principe, les assujettis bénéficiant de la franchise de TVA de droit commun sont dispensés de la tenue d'une comptabilité ou à défaut, d'un livre spécial. " Il doivent toutefois tenir et, sur demande du service des impôts, présenter un registre récapitulé par année, présentant le détail de leurs achats, ainsi qu'un livre journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes professionnelles afférentes à ces opérations, appuyés des factures et de toutes autres pièces justificatives ".

Ces prescriptions sont inspirées de celles de l'article 302 sexies du CGI s'agissant des entreprises bénéficiant du régime du forfait.

Cependant, on déduit de la nouvelle rédaction de l'article 286 du CGI issue du présent article que les bénéficiaires de la franchise spéciale (avocats, auteurs d'oeuvres de l'esprit, artistes) seront désormais soumis aux obligations de droit commun précisées au 3° de l'article 286 du CGI 18( * ) et non aux obligations allégées (tenue d'un livre mentionnant de manière chronologique les recettes).

Toutefois, le paragraphe 30 autorise les bénéficiaires de la franchise spéciale à bénéficier de la nouvelle franchise de droit commun (c'est-à-dire dispense de TVA jusqu'à un plafond de chiffre d'affaires de 500 000 francs pour les opérations d'achat-revente et 175 000 francs pour les autres opérations), ce qui leur permet de continuer à bénéficier d'obligations comptables allégées.

Alourdissement des obligations déclaratives des commerçants et artisans anciennement soumis au forfait

Actuellement, en vertu de l'article 1649 bis A du CGI, les commerçants et artisans non soumis au régime du forfait peuvent être tenus, en ce qui concerne l'imposition de leur bénéfice ou de leur chiffre d'affaires, de déclarer à l'administration le montant total par client des ventes autres que les ventes au détail , réalisées au cours de l'année civile ou de leur exercice comptable lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. Les modalités de cette obligation sont fixées par décret.

La suppression du membre de phrase " non soumis au régime du forfait " sans qu'y soit substituée une exception pour les contribuables soumis au régime des micro-entreprises, a pour effet d'étendre cette obligation de déclaration à l'ensemble des commerçants et artisans.

d) Durcissement du dispositif répressif

Les procédures de taxation ou d'évaluation d'office prévues par les articles L. 65 à L. 74 du livre des procédures fiscales (LPF) ne sont pas contradictoires. Ainsi, le contribuable n'est pas invité à exposer sa position et, en cas de contestation, c'est à lui d'apporter au tribunal la preuve de sa bonne foi.

Aussi, la législation fiscale limite-t-elle l'application de ces procédures à des situations très peu nombreuses :

- défaut ou retard de productions de certaines déclarations ;

- défaut de réponse aux demandes d'éclaircissements ou de justifications ;

- opposition au contrôle fiscal ;

- défaut de désignation d'un représentant en France par un non-résident.

Ainsi, jusqu'à présent, les contribuables soumis au régime du forfait étaient passibles de la procédure d'évaluation d'office lorsqu'ils ne déposaient par leur déclaration de revenus pas dans le délai légal prévu à l'article 302 sexies du CGI.

Le présent article prévoit quatre nouveaux cas d'évaluation d'office sans mise en demeure préalable des bénéfices des contribuables soumis au régime des micro-entreprises dans la catégorie des BIC :

Dès lors qu'un des éléments déclaratifs prévus au 3° de l'article 50-0 du CGI n'a pas été indiqué, c'est-à-dire, le montant du chiffre d'affaires annuel et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de l'année et l'état (des immobilisations et des salaires) conforme au modèle fourni par l'administration.

Comme le rappelle le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, c'est le défaut de présentation de l'un de ces document qui entraîne l'évaluation d'office et non les éventuelles omissions ou erreurs qu'ils comporteraient, l'administration pouvant dans ce dernier cas procéder à des redressements contradictoires.

Lorsque la différence entre le montant du chiffre d'affaires déclaré et celui du chiffre d'affaires réel est supérieure à 10 % du premier chiffre ;

Lorsque la différence entre le montant des achats figurant sur le registre et le montant des achats réels est supérieure à 10 % du premier chiffre ;

L'application de l'évaluation d'office à ces deux derniers cas semble excessive dès lors que l'administration a les moyens de procéder à un redressement contradictoire de droit commun. Cette dernière procédure est plus adaptée dans la mesure où elle évite de mettre la preuve à la charge du contribuable.

Lorsqu'il a été constaté l'emploi de travailleurs clandestins dans l'exercice de cette activité. Les députés ont substitué à cette rédaction la rédaction suivante qui apparaît plus robuste juridiquement : " lorsqu'il a été constaté des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail dans le cadre de l'article L. 324-12 du même code. " Ces articles font référence au travail dissimulé.

En effet, la notion de travail ou de travailleur clandestin sont absentes du code du travail depuis la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 qui organise la lutte contre le travail dissimulé.

Les mêmes situations conduisent aux mêmes sanctions pour les titulaires de revenus non commerciaux soumis au régime des micro-entreprises.

C. ... RISQUE D'ENGENDRER DES DISTORSIONS DE CONCURRENCE ET DE FAVORISER L'INERTIE ÉCONOMIQUE...

1. Des possibles distorsions de concurrence


Le régime des micro-entreprises concernait jusqu'à présent 128 000 contribuables exerçant des activités relativement marginales et dont le poids économique est très réduit.

Le quintuplement du seuil du régime des micro-entreprises pour les entreprises d'achat-revente (500 000 francs contre 100 000 francs) et le quasi-doublement du seuil pour les entreprises de service et les professions libérales a pour conséquence d'inclure plus de 225 000 nouveaux contribuables dans son champ.

Or, selon les informations transmises par la Fédération française du bâtiment (FFB) et la CAPEB 19( * ) à votre rapporteur général, il semblerait que, dans ce secteur particulier, le nouveau seuil de 500 000 francs corresponde au chiffre d'affaires d'un artisan. Dès lors que les artisans ne facturent pas la TVA, ils disposent d'un avantage concurrentiel considérable par rapport aux entreprises exerçant la même activité qui sont contraintes d'acquitter (et par conséquent de répercuter sur leurs prix) la TVA.

Certes, cet argument doit être nuancé par la considération selon laquelle il est fort probable que les entreprises exonérées de TVA incluront le montant de la TVA qu'elles auront acquittée à leurs fournisseurs dans leurs marges, relevant d'autant leurs prix de vente, mais il ne manque pas de pertinence.

Selon le gouvernement, un tel argument est dénué de base pratique dans la mesure où les entreprises du bâtiment relèvent de la catégorie " prestataires de services " et donc du seuil de 175 000 francs.

On peut dès lors se demander pourquoi il n'a pas donné son agrément à un amendement déposé à l'Assemblée nationale 20( * ) proposant de transcrire cette constatation dans la loi. Selon M. Didier Migaud, un tel amendement était de nature à " créer un véritable choc fiscal pour les actuels forfaitaires du bâtiment, notamment ceux dont le chiffre d'affaires est compris entre 100 000 et 500 000 francs, qui seraient brutalement précipités dans le champ du régime réel simplifié d'imposition. "

Enfin, les instances communautaires risquent de dénoncer la distorsion de concurrence induite, en matière de franchise de TVA, par la fixation de seuils très supérieurs aux plafonds fixés par la 6 ème directive européenne (voir infra ).

2. Des effets pervers potentiels


Par ailleurs, comme le souligne le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, " la réforme aura pour effet de créer un effet de seuil substantiel entre le nouveau régime des micro-entreprises et le régime simplifié d'imposition ou celui de la déclaration contrôlée. "

Dès lors, les entreprises pourront avoir intérêt à demeurer en deçà des seuils du régime des micro-entreprises. Elles le feront, soit en évitant d'embaucher, soit en tâchant de camoufler une partie de leur activité. Il est peu probable toutefois qu'elles développent le " tâcheronnage ", c'est-à-dire incitent leurs salariés à devenir des sous-traitants, comme le craint la Fédération française du bâtiment (FFB), dans la mesure où elles ne pourraient plus récupérer la TVA sur les services que ces " faux salariés " leur factureraient.

Enfin, " la suppression de l'obligation de facturation en matière de TVA pour des dizaines de milliers d'entreprises ne va pas dans le sens de la lutte contre le travail dissimulé " écrit M. Migaud qui ajoute : " En effet, l'intérêt de la chaîne de facturation de la TVA est qu'elle permet d'appréhender par les facturations et le recouvrement de cet impôt, la réalité de l'activité économique ".

D. ... RENONCE À UNE MEILLEURE APPRÉHENSION DE LA RÉALITÉ DES ENTREPRISES...


L'option pour un régime réel d'imposition a été encouragée par le législateur depuis de nombreuses années afin de mieux cerner la réalité des entreprises et d'inciter celles qui sont destinées à se développer à se doter d'outils de gestion performants qui passent par l'établissement d'un bilan réel et d'une comptabilité précise.

En effet, l'une des premières causes de la disparition de 80 % des entreprises dès les premières années de leur création réside dans leur isolement et leur difficile positionnement sur un marché en raison de l'absence d'outils précis d'évaluation de leur situation.

La déclaration de leurs bénéfices dans le cadre d'un régime réel oblige ainsi les entrepreneurs à inventorier régulièrement leur patrimoine professionnel (stocks, travaux en cours, investissements, évolution des sommes dues par les clients et dettes) dans un but d'information et de prévention.

L'encadré ci-après recense les dispositions tendant à favoriser l'option pour un régime d'imposition réel - la dernière datant de la loi n° 98-546 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 2 juillet 1998 :

• Les centres de gestion agréés ont été créés en 1975 pour aider les contribuables assujettis à un régime réel d'imposition à remplir leurs obligations fiscales et à gérer leur entreprises.

Les adhérents à ces organismes bénéficient, sous certaines conditions et dans certaines limites, d'avantages fiscaux qui consistent en :

- un abattement de 20 % sur le montant de leur bénéfice imposable , dans la limite de 701.000 F. Cette faculté est interdite aux contribuables relevant du forfait.

- une déduction plus importante de la rémunération versée au conjoint dans les entreprises individuelles ;

- une réduction d'impôt, plafonnée à 6.000 F, destinée à compenser les frais de tenue de comptabilité pour les petits contribuables dont le chiffre d'affaires n'excède pas les limites du forfait.

• Par ailleurs, l'article 39 octodecies du CGI autorise les contribuables qui optent pour un régime réel à réévaluer en franchise d'impôt les éléments d'actifs non amortissables : fonds de commerce, droit au bail, terrain. Les entreprises peuvent par là se prémunir contre une éventuelle taxation des plus-values attachées à ces éléments d'actifs au taux de droit commun.

• Enfin, la franchise en taxe et les décotes en matière de TVA sont applicables aux redevables placés par option sous un régime réel d'imposition.

En remplaçant les régimes forfaitaires par le régime des micro-entreprises et, surtout, en rehaussant les seuils de la franchise en base de TVA, le gouvernement va à rebours de ce mouvement tendant à encourager l'option pour un régime réel d'imposition .

En outre, en assujettissant les plus-values au régime d'imposition de droit commun alors qu'elles étaient jusqu'à présent exonérées d'impôt dans les régimes forfaitaires, le nouveau régime micro prive la faculté de réévaluation des éléments d'actifs amortissables en franchise de taxe évoquée dans l'encadré ci-dessus de tout intérêt.

Enfin, l'option pour un régime réel ne pourra plus donner droit au régime de la franchise en taxe de TVA ni au régime de la décote puisque ces deux régimes disparaissent. Il est vrai cependant qu'un contribuable qui opterait pour un régime réel pour l'imposition de ses bénéfices pourra continuer à bénéficier de la franchise en base de TVA.

Les seuls avantages qui demeurent incitatifs sont l'abattement de 20 % sur le bénéfice imposable et la réduction d'impôt de 6 000 F en cas d'adhésion à un centre de gestion agréé.

E. ... RISQUE DE PÉNALISER LES ENTREPRISES QUI SERAIENT INSUFFISAMMENT INFORMÉES DES NOUVELLES DISPOSITIONS...

Il est prévu que les nouvelles dispositions s'appliquent aux résultats des années 1999 et suivantes.

Les contribuables actuellement placés dans le champ du forfait de BIC ou de l'évaluation administrative en BNC, ou dans celui d'un régime réel d'imposition, qui seront soumis de plein droit au nouveau régime des micro-entreprises devront cesser de facturer la TVA dès le 1 er janvier 1999, ou, le cas échéant, opter pour le paiement de la TVA avant le 1 er février.

Il est cependant à craindre que ces contribuables, par absence d'information, continuent de facturer la TVA, se privant ainsi du régime micro dans la mesure où ce dernier est subordonné au régime de la franchise en base de TVA, et s'exposant à des amendes fiscales pour facturation indue de TVA. A l'inverse, ceux qui oublieraient d'exercer l'option pour le paiement de la TVA se priveraient de la faculté de récupérer la TVA sur leurs consommations et services intermédiaires.

Certes, la direction générale des impôts prévoit de faire un effort d'information auprès des contribuables actuellement soumis à des régimes d'imposition forfaitaires. Mais un tel effort d'information sera inopérant auprès des contribuables actuellement soumis à un régime réel d'imposition soit par option, soit de plein droit (cas des contribuables dont le chiffre d'affaires est compris entre les anciens seuils du forfait et les nouveaux seuils du régime des micro-entreprises).

F. ... SOUS-ESTIME LE COÛT RÉEL DU NOUVEAU DISPOSITIF...

Pour la direction générale des impôts, le dispositif proposé par le présent article se traduirait, soit par une perte de 500 millions de francs pour le budget de l'Etat, soit par un gain du même montant.

Le coût brut maximal de la mesure est constitué par le montant de la TVA nette à payer déclaré en 1997 par l'ensemble des entreprises (soit 640 000), quel que soit leur forme juridique ou leur régime d'imposition, qui réalisaient un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 500 000 francs hors taxes pour les professionnels de l'achat-revente et de la fourniture de logement, inférieur ou égal à 175 000 francs HT pour les autres redevables,

Le coût brut de non perception de la TVA pour ces 640 000 entreprises ressort à 10 millions de francs .

Pour calculer le coût net, la direction générale des impôts s'est tout d'abord fondée sur l'hypothèse selon laquelle seules 490 000 contribuables sur ces 640 000 auraient intérêt à se placer sous le régime des micro-entreprises 21( * ) .

Puis elle a tenté d'évaluer le gain fiscal consécutif à la perte du droit à déduction occasionnée aux clients assujettis des entreprises relevant de la franchise en base de TVA.

Elle a pour cela étudié deux hypothèses :

- elle a considéré dans une première hypothèse que 50 % des clients des entreprises désormais exonérées de TVA étaient eux-mêmes assujettis à cette taxe (ce taux est apparemment retenu par la direction de la prévision dans certains de ses calculs) et ne pourraient désormais plus la déduire ;

- dans une seconde hypothèse, elle a appliqué un taux spécifique de 25 % pour le commerce de détail, compte tenu du nombre important de clients particuliers inhérent à ce type d'activité.

Le coût net du présent dispositif tient compte de ces éléments : la première hypothèse se traduirait par un gain budgétaire de 500 millions de francs et la seconde par un coût de 500 millions de francs.

Enfin, selon la DGI, l'augmentation des seuils d'application du régime d'imposition à l'impôt sur le revenu des petites entreprises n'entraînerait en revanche aucun coût dès lors que cette mesure ne modifierait pas en moyenne le montant du bénéfice imposable des actuels forfaitaires.

Votre commission ne peut qu'être dubitative face à de tels calculs . Outre que la DGI ne précise pas comment elle est parvenue aux deux chiffres de plus ou moins 500 millions de francs, il est difficile d'approuver les deux hypothèses qu'elle a retenues.

En effet, les entreprises relevant du régime forfaitaire sont par définition de petites entreprises dont les services ou les biens sont essentiellement destinés à une clientèle de particuliers qui ne récupère pas la TVA. Par conséquent, le gain fiscal pour l'Etat induit par la perte du droit à déduction des clients des entreprises bénéficiant de la franchise en base de TVA doit être relativisé .

Mais surtout, en supposant que seules 490 000 entreprises opteront pour le régime micro pour l'imposition de leurs bénéfices comme pour celle de leur valeur ajoutée, le gouvernement oublie que tout en optant pour un régime réel d'imposition, les contribuables continueront à pouvoir bénéficier de la franchise en base de TVA , l'accès à ce dernier régime n'étant pas subordonné à l'option pour le régime micro (voir supra ). Or, c'est bien la franchise en base de TVA qui devrait occasionner une perte de recettes substantielle pour le gouvernement et non le passage du régime forfaitaire au régime micro pour l'imposition des bénéfices.

G. ... ET SE MET EN INFRACTION PAR RAPPORT À LA LÉGISLATION EUROPÉENNE

Comme il a été vu plus haut, le présent article porte le seuil de la franchise en base de TVA (article 293 B du CGI) à 500 000 francs pour les assujettis qui réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement, et à 175 000 francs pour les autres.

Or, il convient de rappeler que l'article 24 de la sixième directive TVA n° 77/388/CEE n'autorise les États membres à appliquer une franchise de TVA qu'aux assujettis dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à la contre-valeur en monnaie nationale de 5 000 unités de compte européennes (soit 32 900 francs environ au cours actuel).

Certes, le règlement n° 1553/89 du Conseil du 29 mai 1989 concernant le régime uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée interprète de façon souple le seuil de l'article 24 de la directive, mais les nouveaux seuils ouvrant droit à la franchise en base de TVA fixés par le présent article excèdent largement ce qu'il permet.

En effet, le règlement précité ouvre aux États membres la faculté de ne pas prendre en compte, pour la détermination des ressources TVA, les opérations effectuées par les assujettis dont le chiffre d'affaires annuel, déterminé suivant les règles prévues à l'article 24 de la 6 ème directive, n'excède pas un montant de 10 000 écus converti en monnaie nationale au taux moyen de l'exercice concerné.

Compte tenu de la disposition autorisant les États membres à arrondir jusqu'à 10 % vers le haut ou vers le bas les montants résultant de cette conversion, on parvient dans le cas de la France à un seuil maximal de chiffre d'affaires de 72 400 francs (65 800 + 10 %). Ce plafond est donc largement dépassé par les nouveaux seuils du régime de la franchise en base de TVA instaurés par le présent article.

Comme le relève le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, " l'argument selon lequel les autres États européens transgressent également les seuils communautaires apparaît insuffisant au regard de la réalité que l'on constate " qui est, rappelle-t-il, un quintuplement du seuil initial pour les activités d'achat-revente. Ce dernier passe ainsi de 15 181 écus (100 000 francs) à 75 907 écus (500 000 francs).

Le présent article aura pour résultat de projeter la France en tête des pays qui transgressent la 6 ème directive et le règlement de 1989, juste derrière la Grande-Bretagne dont le seuil d'exonération de TVA est de 466 823 francs.

Viennent ensuite l'Irlande avec un seuil d'exonération de 335 360 francs, l'Allemagne avec un seuil de 335 320 francs et le Danemark avec un seuil de 335 320 francs.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

ARTICLE 6

Aménagement du régime simplifié d'imposition
en matière de taxe sur la valeur ajoutée

Commentaire : le présent article a pour objet d'aménager le régime simplifié d'imposition en matière de TVA en créant un système d'acompte remplaçant les déclarations trimestrielles.

Cet article vise à alléger les obligations administratives pesant sur les entreprises et notamment les plus petites d'entre elles qui sont soumises au régime simplifié d'imposition (RSI) en matière de TVA.

I. L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT : LE REGIME SIMPLIFIÉ D'IMPOSITION

Ce régime qui est prévu par l'article 302 septies A du code général des impôts concerne en principe toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1,5 million ou 5 millions de francs selon la nature de l'activité exercée 22( * ) .

Afin de s'acquitter de leurs obligations en matière de paiement de la TVA, elles doivent actuellement déposer chaque année quatre déclarations trimestrielles 23( * ) abrégées (formulaire CA4) accompagnées de versements provisionnels calculés de façon semi-forfaitaire 24( * ) puis une déclaration récapitulative (formulaire CA12) l'année suivante, soit au total cinq imprimés.

Ce système se révèle particulièrement lourd et complexe pour les petites entreprises.

II. LE TEXTE PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

A. LE DISPOSITIF JURIDIQUE


Il est proposé de supprimer ce système des déclarations abrégées et de les remplacer par des acomptes trimestriels pouvant par ailleurs être modulés et cela afin de tenir compte de l'évolution du chiffre d'affaires réel. Seule subsisterait la déclaration annuelle (formulaire CA12) déterminant la taxe due au titre de la période et, partant, le montant des acomptes trimestriels pour la période suivante.

Cette déclaration annuelle serait toujours déposée à la même date : le 30 avril de chaque année.

Ces acomptes seraient fixés de la façon suivante : les trois premiers versés en avril, juillet et octobre seraient égaux au quart de la taxe due au titre de l'année ou de l'exercice précédent. Le quatrième acompte versé en décembre serait égal à 20% et le complément serait versé au moment du dépôt de la déclaration annuelle.

Par analogie avec les prélèvements mensuels d'impôt sur le revenu, ces versements pourraient être modulés de deux façons différentes et ainsi introduire de la souplesse dans ce nouveau dispositif :

• dans le cas où le redevable estime que les versements déjà réalisés sont égaux ou supérieurs au montant total de la taxe qui sera due au titre de l'exercice et définitivement établie au moment de la déclaration annuelle, il pourra se dispenser de nouveaux versements en remettant au comptable chargé du recouvrement " une déclaration datée et signée ";

• dans l'hypothèse contraire, augmenter le montant de ses versements, s'il estime que la taxe sera supérieure d'au moins 10 % à celle qui a servi de base au calcul des acomptes.

Par ailleurs, s'agissant des nouveaux redevables, lors de leur première d'imposition, ils peuvent acquitter de tels acomptes dont ils fixent eux-mêmes le montant étant entendu que ceux-ci doivent représenter plus de 80 % de l'impôt réellement dû pour le trimestre correspondant.

L'ensemble de ces dispositions doit faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat destiné à en préciser les conditions d'application, et " notamment les modalités de versement et de remboursement des acomptes ".

Enfin, il est institué un dispositif de sanctions prévoyant une majoration de 10 % dans le cas où l'acompte serait " acquitté hors délai ou indûment minoré " et cela par référence au système applicable antérieurement en cas de défaillance dans le dépôt d'une déclaration de chiffre d'affaires.

Le nouveau dispositif entrerait en vigueur à compter du 1 er juillet 1999 soit lors du versement du deuxième acompte, celui afférent au second trimestre.

B. LES ÉLÉMENTS D'APPRÉCIATION

Le dispositif ainsi proposé a été adopté par l'Assemblée nationale, assorti de deux amendements de précision rédactionnelle qui n'ont pas modifié sur le fond l'économie générale de ce texte.

La mesure ici proposée s'inscrit dans un mouvement de simplification des obligations pesant sur les petites entreprises auquel votre commission ne peut être que favorable dans le principe.

En l'espèce, le gouvernement estime le nombre des entreprises pouvant bénéficier de cette simplification à 1.154.000 ce qui se traduirait par la suppression de plus de 7,2 millions de déclarations.

On peut espérer que la réduction ainsi opérée d'un certain nombre de ces taches matérielles permettra d'accompagner le mouvement de réduction des effectifs budgétaires mis en évidence par le ministère de l'économie lors de la présentation de ses crédits pour 1999 et qui s'est traduit par la suppression de 695 emplois :  " les efforts de rationalisation, certaines mesures de simplification fiscale et administrative , et la réorganisation des services permettent une baisse de 0,4 % des effectifs budgétaires, soit 695 emplois, qui traduisent les progrès de productivité du ministère (budget des services communs et financiers) " 25( * ) .

L'incidence budgétaire en terme de gain ou de perte de trésorerie résultant de la mise en place de ce nouveau système d'acomptes fait cependant l'objet d'appréciations diverses par les services du ministère de l'économie . Ils concluent, par voie de conséquence, à l'impossibilité d'arriver à la chiffrer avec précision. Les estimations vont en effet d'un gain pour l'Etat, et donc d'une perte en trésorerie pour ces entreprises, de 390 millions à une perte pour l'Etat de 360 millions de francs. Dans ce contexte, les possibilités de modulation du montant des acomptes dont bénéficient les entreprises apparaissent d'autant plus justifiées qu'elles leur permettront de limiter les effets de cette réforme sur leur situation de trésorerie.

A ce titre les prescriptions du quatrième alinéa du 3 de l'article 287 du code général des impôts aux termes desquelles un redevable peut accroître le montant de ses versements " s'il estime que la taxe sera supérieure d'au moins 10 % à celle qui a servi de base aux acomptes " n'apparaissent pas pleinement opérantes. Par ailleurs, cette possibilité n'étant pas assortie de sanction, on est en droit de douter de l'intérêt et de la portée réelle d'une telle prescription !

L'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif seulement à compter du deuxième acompte (juillet 1999) et non dès avril 1999 (premier acompte) risque par ailleurs de se révéler source de complications supplémentaires, en contradiction avec l'objectif recherché par la présente modification législative. Elle résulterait de l'impossibilité matérielle de mettre en place ce nouveau dispositif dès avril soit à l'occasion du premier acompte.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6 bis (nouveau)

Continuité du régime fiscal de TVA en cas de décès
d'un exploitant agricole

Commentaire : le présent article propose qu'en cas de décès d'un exploitant soumis au régime simplifié agricole de TVA, ce régime continue de s'appliquer dans les mêmes conditions au conjoint, à l'héritier ou à l'indivision reprenant l'exploitation.

I. LA SITUATION ACTUELLE

A. LE RÉGIME DE TVA EN AGRICULTURE


L'activité agricole connaît deux régimes en matière de TVA :

1. le remboursement forfaitaire agricole,

2. le régime simplifié agricole de TVA.

1. Le remboursement forfaitaire agricole

L'article 298 bis du code général des impôts indique que " pour leurs opérations agricoles, les exploitants agricoles sont placés sous le régime du remboursement forfaitaire prévu aux articles 288 quater et 288 quinquies ". Le régime du remboursement forfaitaire agricole est donc le régime de droit commun.

Dans ce cas, l'exploitant est dispensé du paiement de la TVA et des obligations qui incombent aux assujettis. Chaque année en février, l'Etat lui rembourse une somme représentative de la TVA qu'il aurait pu déduire de ses achats s'il avait été soumis à cette taxe. Le montant de ce remboursement est calculé forfaitairement en fonction de ses ventes 26( * ) .

Environ un tiers des exploitants est soumis à ce régime 27( * ) , un pourcentage qui décroît d'année en année.

2. Le régime simplifié agricole

Sont soumis au régime simplifié agricole de TVA :

1. de plein droit certains exploitants et notamment ceux dont le montant moyen des recettes, calculé sur deux années civiles consécutives, s'établit à plus de 300 000 francs 28( * ) ;

2. sur option les autres agriculteurs qui en font la demande.

Ce régime, prévu aux articles 298 bis à quinquies du code général des impôts, est très proche du régime général de TVA. Ses originalités consistent principalement en : une seule obligation déclarative par an (au lieu d'une douzaine dans le régime général de TVA) et l'exigibilité de la taxe lors de l'encaissement et non pas lors de la livraison.

Les deux tiers des exploitants relèvent de ce régime et, de plus en plus, les installations en agriculture se font sous ce régime qui permet notamment de déduire la TVA sur les achats de matériel.

B. LES FORMALITÉS PRÉVUES POUR LES NOUVEAUX EXPLOITANTS SOUMIS AU REGIME SIMPLIFIÉ AGRICOLE

Pour les nouveaux exploitants imposables selon le régime simplifié agricole, à titre obligatoire ou sur option, une déclaration d'existence, d'option et d'identification doit être adressée par pli recommandé au service des impôts dont relève l'exploitation dans le délai d'un mois à compter du début de leur activité 29( * ) . L'oubli de cette formalité donne lieu à des pénalités de retard de déclaration.

Il en va de même pour le repreneur (conjoint, héritier, individision) d'une exploitation en cas de décès de l'exploitant quand celui-ci était soumis au régime simplifié agricole : le repreneur doit confirmer ce choix de gestion en renvoyant la déclaration précitée.

II. LE TEXTE PROPOSÉ

Estimant ce délai trop court pour les repreneurs frappés par le deuil de l'exploitant, M. Migaud au nom de la commission des finances et MM. Mitterrand et Bouvard ont proposé, par voie d'amendement, qu' " en cas de décès d'un exploitant soumis au régime simplifié, ce régime continue de s'appliquer dans les mêmes conditions au conjoint, à l'héritier ou à l'indivision reprenant l'exploitation ".

Il s'agirait donc d'une reconduction tacite du régime fiscal de la TVA, en conséquence de laquelle le nouvel exploitant serait dispensé des formalités d'option.

L'Assemblée nationale, suivant les avis favorables de sa commission des finances et du Gouvernement, a adopté cet amendement.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission tient à mettre l'accent sur deux points :

1- Les services du ministère de l'Economie et des finances ne font pas état de difficultés d'application de l'état actuel de la réglementation. Les cas concernés semblent être très isolés.

2- Dans le cas d'espèce, le support législatif ne s'imposait pas. En effet, une simple circulaire administrative aurait été suffisante pour mettre en place une telle mesure 30( * ) .

Il n'en demeure pas moins que votre commission est favorable à cet article qui présente trois avantages :

1- il vise à réduire les formalités administratives imposées aux contribuables,

2- il prend acte du succès du régime simplifié agricole de TVA, notamment auprès des jeunes qui s'installent en agriculture,

3- il offrira au successeur une meilleure sécurité juridique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7

Relèvement de seuils de mise en recouvrement ou de perception

Commentaire : cet article vise d'une part à porter de 50 à 100 francs le seuil de mise en recouvrement des créances recouvrées par les comptables de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes et droits indirects et, d'autre part, à fixer un seuil de perception à 50 francs pour la taxe spéciale perçue sur les débits de boisson de deuxième catégorie.

I. LES RÈGLES APPLICABLES AU RECOUVREMENT DES CRÉANCES

A. LE DISPOSITIF ACTUEL


L'article 29 de la loi de finances rectificative pour 1988, devenu l'article 1724 A du code général des impôts, dispose que " les créances de toute nature dont la perception incombe [aux comptables de la direction générale des impôts et aux comptables de la direction générale des douanes et droits indirects] et non acquittées à l'échéance ne sont mises en recouvrement que lorsque leur montant cumulé excède 50 francs ".

Concrètement, cela signifie que l'administration continue de percevoir toute créance quel que soit le montant de cette dernière. En revanche, elle n'engage une procédure de mise en recouvrement en faisant parvenir au redevable qui n'a pas acquitté sa créance un avis de mise en recouvrement que si son montant dépasse 50 francs.

Cette règle s'applique également aux majorations d'impôts et aux intérêts de retard : si le contribuable a payé sa dette fiscale avec retard et que des pénalités lui ont été infligées, l'administration est tenue d'engager une procédure de recouvrement de ces pénalités que si le montant de ces dernières dépassent 50 francs.

Les créances non recouvrées ne sont pas pour autant effacées. Elles sont suivies, au plan comptable, sous le libellé " reste à recouvrer " tant que le délai de prescription de trois ans n'est pas écoulé. Si le montant des créances impayées accumulées dépassent 50 francs, l'administration fiscale doit alors engager une procédure de recouvrement.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le paragraphe I du présent article
propose d'élever le seuil de mise en recouvrement de 50 à 100 francs.

Plusieurs raisons sont invoquées pour justifier cette mesure.

D'une part, le seuil minimal de mise en recouvrement n'a pas été modifié depuis 10 ans, il est donc temps de prendre en compte l'érosion monétaire.

En outre, la franchise postale a été supprimée depuis le 31 décembre 1995 : les dépenses d'affranchissement sont désormais imputées sur les dépenses de fonctionnement des différents ministères. Or, l'engagement de la procédure de mise en recouvrement exige l'envoi d'un avis par courrier recommandé au contribuable qui n'a pas réglé sa créance. Le coût de cette procédure est évalué à 30 francs. Par ailleurs, si le contribuable n'acquitte pas sa dette, l'administration doit envoyer une mise en demeure de nouveau par courrier recommandé avant d'engager le recouvrement forcé. La description de cette procédure démontre la nécessité d'élever le seuil minimal de mise en recouvrement.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur général auprès de la direction générale des impôts, un peu moins de 50.000 créances seraient concernées par le relèvement du seuil de mise à recouvrement pour un montant maximal de créances cumulées de 5 millions de francs. Il s'agit essentiellement de créances de TVA et de droits d'enregistrement. Or, le relèvement du seuil de recouvrement induirait également des économies en ce qui concerne les frais d'affranchissement et les frais de gestion. La direction générale des impôts les évalue à respectivement 2,7 millions de francs et 615.000 francs.

Quant aux créances recouvrées par les comptables de la direction générale des douanes et droits indirects dont le seuil de recouvrement peut être inférieur à 50 francs, il s'agit du droit de licence des débitants de boissons prévu par les articles 1568 à 1572 du code général des impôts et de la taxe spéciale sur les débits de boissons prévue à l'article 562 bis du même code. Selon les informations obtenues par votre rapporteur général, environ 22.500 débits de boisson sont assujettis à un droit de licence inférieur à 100 francs. Le montant des créances cumulées est évaluées à 900.000 francs. Il convient cependant de noter que 90 % des débitants concernés s'acquittent de leur impôt dans les délais. La perte réelle de recettes serait donc de 90.000 francs.

II. LES RÈGLES APPLICABLES À LA PERCEPTION DE LA TAXE SPÉCIALE SUR LES DÉBITS DE BOISSONS

A. LE DISPOSITIF ACTUEL


L'article 4 de l'ordonnance n °60-1253 du 29 novembre 1960 devenu l'article 562 bis du code général des impôts instaure une taxe spéciale perçue au profit du Trésor sur tous les débits de boissons de deuxième, troisième et quatrième catégorie.

Les différentes catégories de débits de boissons

Les débits de deuxième catégorie sont les débits qui vendent des boissons des groupes 1 (boissons sans alcool ou dont la teneur en alcool n'excède pas 1,2 %) et 2 (boissons fermentées).

Les débits de troisième catégorie sont les débits qui vendent des boissons des groupes 1, 2 et 3 (boissons spiritueuses ne titrant pas plus de 18 %).

Les débits de quatrième catégorie sont les débits de boisson qui vendent des boissons des groupes 1, 2, 3, 4 (rhums, eaux-de-vie sans addition d'essence) et 5 (spiritueux, eaux-de-vie de grains).

Cette taxe s'applique également aux débits temporaires repris aux articles L.47 et L.48 du code des débits de boisson, c'est-à-dire :

- les débits " extraordinaires " (article L.47), qui sont les débits ouverts dans l'enceinte des expositions et des foires organisées par la puissance publique ;

- les débits " occasionnels " (article L.48) qui sont des débits établis à l'occasion d'une foire, d'une vente ou d'une fête publique.

Le montant de cette taxe dépend du montant du droit de licence que doivent également acquittés les établissements de troisième et quatrième catégorie.

En effet, tout débitant de boissons doit posséder une licence. Il existe quatre sortes de licence, correspondant aux quatre catégories de boissons. Les licences de première et de deuxième catégorie sont gratuites. En revanche, les établissements de troisième et quatrième catégorie doivent acquitter un droit qui est perçu au profit des communes.

Chaque conseil municipal fixe le tarif applicable aux licences de troisième catégorie (appelé tarif simple) qui, selon le nombre d'habitants, doit être compris entre un minimum et un maximum précisé dans l'article 1568 du code général des impôts. Ces tarifs sont doublés pour les débits pourvus de licences de quatrième catégorie.



L'article 562 bis du code général des impôts dispose que la taxe spéciale est fixée pour les débits de boissons de troisième et quatrième catégories à 30 % du droit de licence prévu aux articles 1568 à 1570 du code général des impôts. Elle est fixée, pour les débits de boissons de deuxième catégorie, à 15 % du tarif des licences de troisième catégorie applicable dans la commune.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le paragraphe II du présent article propose de fixer un seuil minimal de perception de 50 francs pour la taxe perçue sur les débits de boisson de deuxième catégorie à partir du 1 er janvier 1999. C'est le cas à chaque fois que le tarif des licences de troisième catégorie est inférieur ou égal à 333 francs. On en déduit du tableau ci-dessus que cela revient à exempter tous les établissement de deuxième catégorie situés dans des communes de moins de 1000 habitants. Il s'agit principalement des débits temporaires, qui donnent lieu à des recouvrements de quelques francs ou dizaines de francs.

Selon les information recueillies par votre rapporteur général, la mise en place de ce seuil de perception se traduirait par la suppression de près de 100.000 actes de perception pour une dépense fiscale maximale de 5 millions de francs.

Cette mesure permettrait de rendre l'action des services plus efficace en supprimant la gestion du recouvrement de sommes minimes et constituerait une simplification administrative concrète, notamment pour les organisateurs de manifestations publiques dans les petites communes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8

Augmentation du barème de l'imposition de solidarité sur la fortune

Commentaire : cet article tend à créer une nouvelle tranche marginale et à intégrer dans le barème la majoration de cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune de 10 %. En outre, aucune actualisation du barème de l'impôt n'est opérée.

I. UN DISPOSITIF QUI ALOURDIT LE POIDS DES COTISATIONS D'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE


Le projet de loi de finances pour 1999 se caractérise par un durcissement significatif des règles applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune. Ainsi, non seulement le barème de cet impôt n'est pas actualisé, mais la majoration de cotisation instaurée par la loi de finances pour 1996 est intégrée au barème et une nouvelle tranche marginale est créée.

A. L'ABSENCE D'ACTUALISATION DU BARÈME POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

Afin de tenir compte de l'érosion monétaire qui affecte la valeur du patrimoine, les tranches du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune doivent être chaque année actualisées en fonction de la hausse estimée des prix pour l'année à venir.

Pourtant, afin d'augmenter le produit de l'ISF, le gouvernement s'abstient depuis trois ans d'actualiser les tranches du barème de l'ISF. Ainsi, pour l'année 1999, le gouvernement a retenu le même barème que dans la loi de finances pour 1998 pour les six premières tranches. Les gains cumulés résultant de cette absence d'actualisation depuis 1996 sont estimés à 300 millions de francs.

Votre rapporteur vous propose donc un amendement visant à indexer les tranches d'impositions sur l'évolution des prix en 1999 estimée à 0,8 %.

B. L'INTÉGRATION DE LA MAJORATION SPÉCIALE DE 10 % DANS LA COTISATION DE L'ISF

La loi de finances rectificative de 1995 avait institué une majoration des cotisations de l'impôt de solidarité sur la fortune de 10 %. Cette surtaxe visait à compenser le ralentissement de la progression de cet impôt en 1995 et à assurer à l'Etat le montant de recettes prévues dans la loi de finances initiale pour 1995. Cette surtaxe devait cependant être temporaire. Le gouvernement actuel en a décidé autrement puisque le présent article propose de l'intégrer dans le barème de l'ISF, ce qui entraîne un alourdissement des taux d'imposition. Ainsi, les taux passent respectivement de 0,5 à 0,55 %, 0,7 à 0,75 %, 0,9 à 1 %, 1,2 à 1,3 % et 1,5 à 1,65 %.

C. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE TRANCHE MARGINALE

Jusqu'à présent, 6 taux régissaient l'impôt de solidarité sur la fortune, allant du taux 0 % pour la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine n'excédant pas 4,7 millions de francs en 1998 au taux 1,5 % pour la fraction supérieure à 45,58 millions de francs.

Le présent article propose de créer un septième taux de 1,8% qui concernerait la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine supérieure à 100 millions de francs. 800 contribuables seraient touchés par cette mesure qui devrait rapporter 200 millions de francs.

II. UN DISPOSITIF QUI ACCENTUE LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

La création de cette nouvelle tranche marginale va encore renforcer le caractère déjà très concentré de l'ISF.

En 1997, 57,6 % des redevables ont payé 9 % du montant global de l'ISF, alors que 8,9 % des contribuables en ont payé 63 %. Selon les informations fournis par le ministère des finances, 947 redevables sur 178.898, soit 0,5 % auraient payé 2,3 milliards de cotisation au titre de l'ISF en 1997, ce qui représente 25,1 % du produit total de cet impôt.

Votre rapporteur tient cependant à signaler les dangers résultant de l'alourdissement de la progressivité de l'ISF.

D'une part, les risques de délocalisation des patrimoines doivent être d'autant moins sous-estimés que la part des actifs mobiliers tend à s'accroître lorsque le montant du patrimoine s'élève.

Ainsi, le rapport d'information sur la fiscalité du patrimoine publié par M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, précise qu " en 1996, si l'on considère tous les redevables de l'ISF, les immeubles n'ont représenté que 41,53 % des bases imposables. Si l'on considère maintenant les contribuables qui possédaient plus de 35 millions de francs de patrimoine [...], le capital immobilier imposable à l'ISF s'est élevé à 51,14 milliards de francs, (soit 15,1 % de l'actif net propre à ces redevables) alors que les valeurs mobilières ont représenté 235,49 milliards de francs (soit 75 % de l'actif propre à ces redevables).

En outre, les contribuables les plus affectés par le durcissement du régime de l'ISF seront d'autant plus tentés de délocaliser leur patrimoine que la France fait figure d'exception lorsqu'on compare le poids relatif des impôts sur le patrimoine dans l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Ainsi, selon les dernières données disponibles fournies par l'OCDE, les impôts sur le patrimoine représentaient, en 1996, 5,0 % des prélèvements obligatoires en France contre par exemple 2,9 % en Allemagne, la moyenne européenne s'élevant à 4,2 %.

En outre, cette part tend à augmenter sur longue période (1965-1995) en France alors qu'elle diminue globalement pour l'Union européenne et les pays de l'OCDE.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, il est à noter que parmi les pays européens, seuls l'Espagne, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède perçoivent actuellement un impôt national sur la fortune. Une analyse comparée des dispositions relatives à cet impôt montre que les taux français sont les plus élevés après ceux de l'Espagne.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 9

Limitation de l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels de l'activité de loueur en meublé

Commentaire : cet article tend à limiter l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels aux seuls loueurs professionnels qui retirent de leur activité plus de 150.000 francs de recettes annuelles et plus de 50 % des revenus professionnels de leur foyer fiscal.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


L'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée des biens et droits détenus par des personnes physiques, évalués pour leur valeur nette de passif. Toutefois, les biens professionnels sont totalement exonérés de l'assiette, ce qui a conduit le législateur à préciser ce que recouvre cette expression.

Ainsi, l'article 885 R du code général des impôts refuse la reconnaissance de biens professionnels aux locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux si :

n ces personnes ne sont pas inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels ;

n ces personnes sont inscrites en cette qualité de loueurs professionnels mais réalisent moins de 150.000 francs de recettes annuelles et retirent de cette activité moins de 50 % de leur revenu.

Une troisième limitation peut être ajoutée qui résulte de l'article 885 N du code général des impôts. En effet, celui-ci exige, pour que les biens soient reconnus comme des biens professionnels, qu'ils soient nécessaires à l'exercice d'une profession à titre principal. Il en résulte qu'un loueur en meublé exerçant par ailleurs une autre profession à titre principal ne pourra pas faire entrer ses biens loués ou destinés à la location dans la catégorie des biens professionnels.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans son rapport d'information sur la fiscalité du patrimoine, M. Didier Migaud, rapporteur général à la commission des finances de l'Assemblée nationale envisageait certaines adaptations de l'impôt de solidarité sur la fortune suite à des abus constatés par les centres de impôts. Il écrivait ainsi qu' " un autre contournement abusif de l'assujettissement à l'ISF consiste, pour certains redevables, à prétendre exercer à titre accessoire l'activité de loueur en meublé pour, en réalité, faire bénéficier un patrimoine conséquent de l'exonération au titre des biens professionnels. Une telle exonération devrait être limitée. "

Le gouvernement a pris acte de cette remarque et a proposé de durcir le régime applicable aux loueurs de meublés. C'est l'objet du présent article.

Avant d'en examiner le contenu, il convient cependant de remarquer que l'administration avait dans le passé tenté d'interpréter l'article 885 R du code général des impôts dans un sens défavorable pour le contribuable. Considérant que l'impôt de solidarité sur la fortune est assis sur le patrimoine du foyer fiscal, elle avait estimé que la part de revenus tirés de la location de meublés devait également être évaluée en fonction du revenu global du foyer fiscal.

Cette interprétation manifestement contraire au texte de l'article 885 R du code général des impôts avait été rejetée par la Cour de cassation. En effet, dans une décision du 16 janvier 1990, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait cassé un jugement du Tribunal de grande instance de Paris qui avait retenu que les bénéfices procurés par l'exploitation des locations meublées avaient représenté moins de 50 % des revenus du ménage. La chambre avait estimé qu'  " en statuant ainsi, alors que les seuls revenus à prendre en considération étaient ceux perçus par Mme Balian , titulaire de la profession à l'exercice de laquelle étaient affectés les biens en cause, le tribunal a violé derechef le texte susvisé. "

Le paragraphe II du présent article reprend la rédaction de l'article 885 R du code général des impôts pour donner une définition positive des locaux d'habitation loués meublés considérés comme des biens professionnels. Trois conditions doivent être remplies :

- d'une part, les personnes louant directement ou indirectement ces locaux doivent être inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels ;

- d'autre part, elles doivent réaliser plus de 150.000 francs de recettes annuelles ;

- enfin, elles doivent retirer de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et des salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 du code général des impôts.

Le nombre de loueurs de meublés autorisés à considérer leurs locaux comme biens professionnels va donc diminuer puisque l'importance financière de leur activité en tant que loueur en meublés ne sera plus comparée à l'ensemble de leurs revenus propres, mais à un montant de revenus plus élevé, incluant ceux du conjoint ou de la conjointe.

Le paragraphe I tire conséquence de la définition positive de la location en meublé qui doit désormais être cité dans l'article 885 A qui énumère les articles définissant les biens professionnels exclus de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Plusieurs critiques peuvent être apportées à cette mesure.

D'une part, elle crée une discrimination entre les couples mariés et pénalise les loueurs de meublés ne disposant pas d'un patrimoine locatif considérable. En effet, supposons un couple dont le mari, en tant que loueur en meublé, réalise 250.000 francs de recettes par an et dont l'épouse, qui occupe un poste de responsabilité dans une entreprise de consulting, gagne 400.000 francs par an. Les revenus tirés de la location meublée étant inférieurs à 50 % des revenus du foyer fiscal, les biens ne seront pas considérés comme des biens professionnels exonérés de l'ISF. En revanche, si le mari dispose d'un parc locatif plus important qui lui assure un revenu de 500.000 francs, ses biens seront exonérés de l'ISF. Ainsi, plus les revenus du conjoint ou de la conjointe sont élevés, plus les revenus tirés de la location de meublés doivent être importants pour que les biens puissent être considérés comme biens professionnels.

D'autre part, cet article, sous prétexte de lutter contre les abus, tend à s'immiscer dans la vie des couples et à contester le cadre juridique choisi par les contribuables pour exercer leur activité au seul prétexte qu'il occasionne, outre son intérêt économique et financier, un intérêt fiscal.

Ainsi, dans le cas présent, le gouvernement, ayant constaté que dans certains ménages, le conjoint ou la conjointe sans activité se déclare loueur en meublé, en déduit que cette opération a pour unique objectif de faire bénéficier le patrimoine du couple de l'exonération au titre des biens professionnels. Une telle conclusion apparaît hâtive et mérite un examen au cas par cas de chaque situation. Or, la procédure d'abus de droit telle qu'elle est prévue dans l'article L. 64 du livre des procédures fiscales permet de distinguer ce qui ressort de la liberté des choix fiscaux et ce qui constitue un acte frauduleux.

Le présent article semble donc inutile puisque les éventuels abus peuvent être combattus par la procédure d'abus de droit.

En outre, on peut s'étonner qu'un gouvernement qui s'affiche soucieux de taxer plus fortement les plus gros patrimoines propose le présent article qui, ainsi que le montre l'exemple ci-dessus, peut au contraire favoriser certains d'entre eux.

Votre rapporteur vous propose donc de supprimer cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 10

Imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune des biens ou droits dont la propriété est démembrée

Commentaire : cet article vise à étendre la taxation en pleine propriété des biens ou droits dont la propriété est démembrée que l'auteur se soit réservé l'usufruit ou la nue-propriété.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL

A. LA PRÉSOMPTION IRRÉFRAGABLE DE PROPRIÉTÉ POSÉE PAR L'ARTICLE 885 G DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS


Par définition, il y a démembrement lorsque la pleine propriété d'un bien ou d'un droit est divisée entre son usufruit et sa nue-propriété. Lorsque ce bien est taxé selon sa valeur de pleine propriété, se pose alors le problème de l'évaluation respective de l'usufruit et de la nue-propriété.

Concernant la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, l'article 762 du code général des impôts prévoit que la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière en fonction d'un barème prenant en compte l'âge de l'usufruitier.

AGE de l'usufruitier

VALEUR de

l'usufruit

VALEUR de la

nue-propriété

 

Fraction de la propriété entière

Fraction de la propriété entière

Moins de :

 
 

20 ans révolus

7/10

3/10

30 ans révolus

6/10

4/10

40 ans révolus

5/10

5/10

50 ans révolus

4/10

6/10

60 ans révolus

3/10

7/10

70 ans révolus

2/10

8/10

Plus de 70 ans révolus

1/10

9/10

Dans le cadre de la détermination de la base de l'impôt de solidarité sur la fortune, cette règle n'est pas appliquée. L'article 885 G du code général des impôts dispose que, lorsqu'il y a démembrement de biens ou de droits, ces derniers sont incorporés dans le patrimoine de l'usufruitier ou de la personne disposant du droit d'usage ou du droit d'habitation pour leur valeur en pleine propriété.

La valeur des biens détenus par le nu-propriétaire n'est donc pas prise en compte dans son patrimoine. Cette disposition s'explique par le fait que c'est l'usufruit qui permet d'obtenir des revenus susceptibles d'être consacrés au paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il est à noter que l'article 885 G impose une présomption irréfragable de propriété.

Usufruit, droit d'usage, droit d'habitation

Usufruit : l'article 578 du code civil dispose que l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.

Le droit d'usage : il se distingue de l'usufruit à deux points de vue essentiels. D'une part, son étendue est moindre puisqu'il emporte un fructus limité aux besoins personnels et familiaux de l'usager. D'autre part, l'usager ne peut céder ni louer son droit à un autre.

Le droit d'habitation : il s'agit d'une catégorie d'usage, réduite au droit d'habiter tout ou partie d'une maison.

B. LES DÉROGATIONS EXISTANTES

Toutefois, l'article 885 G prévoit certaines dérogations pour lesquelles les biens faisant l'objet d'un démembrement sont compris respectivement dans les patrimoines de l'usufruitier et du nu-propriétaire  à condition que l'usufruit ne soit ni vendu, ni cédé à titre gratuit par son titulaire :

- lorsque le démembrement résulte de dispositions légales. Ainsi, l'article 767 du code civil prévoit que le conjoint survivant non divorcé a, sur la succession du prédécédé, un droit d'usufruit d'un quart ou de moitié selon la nature des héritiers. Par ailleurs, l'article 1094 du code civil permet à un époux, en l'absence de descendant, de disposer en faveur de l'autre époux de la nue-propriété de la portion réservée aux ascendants et donc de limiter la part réservataire légale des ascendants survivants à l'usufruit de cette part. Enfin, l'article 1098 précise les modalités de l'usufruit forcé du second conjoint si les enfants du premier lit préfèrent substituer à la libéralité en propriété qu'un époux remarié a pu faire à son second conjoint l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'ils auraient recueillie en l'absence de conjoint survivant ;

- en cas de vente d'un bien dont le vendeur s'est réservé l'usufruit ou le droit d'usage ou d'habitation à condition que l'acquéreur de la nue-propriété ne soit pas un héritier présomptif de l'usufruitier ou descendant de ce dernier, donataire, légataire ou personne interposée (père, mère ou époux des parties et descendants du donataire) ;

- lorsque l'usufruit ou le droit d'usage ou d'habitation a été réservé par le donateur d'un bien ayant fait l'objet d'un don ou legs à l'Etat, aux départements, aux communes ou syndicats et leurs établissements publics, aux établissements publics nationaux à caractère administratif et aux associations reconnues d'utilité publique.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET LES CRITIQUES QU'IL SUSCITE

A. LE NOUVEAU DISPOSITIF


Le présent article propose de renverser la présomption irréfragable de propriété contenue dans l'article 885 G du code général des impôts.

Désormais, les biens ou droits dont la propriété est démembrée seraient compris dans le patrimoine de l'auteur du démembrement, qu'il soit par la suite usufruitier ou nu-propriétaire.

Il serait dérogé à cette règle uniquement dans les cas déjà existants où l'article 762 du code général des impôts s'applique et permet, en fonction de l'âge de l'usufruitier, de déterminer la fraction du patrimoine imposable d'une part chez l'usufruitier et d'autre part chez le nu-propriétaire. Cette disposition est en outre étendue en cas de donation ou legs avec réserve d'usufruit au profit des régions et des fondations reconnues d'utilité publique.

Pour justifier cette modification significative des règles de taxation à l'ISF des biens dont la propriété est démembrée, le gouvernement souligne que certains contribuables démembrent temporairement leur propriété par donation et ne conservent que la nue-propriété afin d'éluder une partie de l'impôt en diminuant la base imposable.

B. LES CRITIQUES SUSCITÉES

1. Un système pénalisant pour le mécénat


Jusqu'à présent, en application de la règle posée par l'actuel article 885 G du code général des impôts, le nu-propriétaire qui faisait don de son usufruit à une association à but non lucratif ou à une fondation reconnues d'utilité publique n'était pas imposable au titre de l'ISF sur ce bien.

En outre, l'article 795 du même code exonère de tout droit de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis aux établissements publics ou d'utilité publique dont les ressources sont exclusivement affectées à des oeuvres scientifiques, culturelles ou artistiques à caractère désintéressé, ainsi qu'aux associations déclarées dont les ressources sont exclusivement affectées à la recherche médicale ou scientifique à caractère désintéressé.

Ces dispositions répondent au souci de favoriser le mécénat en faveur des organismes reconnus d'utilité publique.

La réforme envisagée par le présent article risque de remettre en cause cette forme de mécénat.

Certes, l'alinéa 2 du présent article prévoit une atténuation des rigueurs de la nouvelle règle puisqu'il autorise une répartition des biens ou droits entre les patrimoines du propriétaire auteur du démembrement et du bénéficiaire de celui-ci en cas de donation avec réserve de l'usufruit au profit des associations reconnues d'utilité publique ou des fondations reconnues d'utilité publique.

Toutefois, cette répartition pénalise fortement le donataire par rapport à la règle antérieure.

En effet, l'article 619 du code civil dispose que l'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans.

En outre, le II de l'article 762 du code général des impôts précise que l'usufruit constitué pour une durée fixe est estimé aux deux dixièmes de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l'usufruit, sans fraction et sans égard à l'âge de l'usufruitier.

En conséquence, le contribuable ayant donné pour 10 ans l'usufruit de son bien à une association ou une fondation en s'en gardant la nue-propriété deviendrait, si le présent article était adopté, imposable sur 80 % de la valeur de pleine propriété du bien objet de la donation temporaire d'usufruit.

Dans un tel contexte, il est à craindre que les donataires ne renoncent à tout projet de donation d'usufruit temporaire d'un bien dans la mesure où ils souhaiteront conserver les revenus dudit bien pour les consacrer par priorité au paiement de l'ISF frappant désormais ce bien.

Votre rapporteur général est donc persuadé que l'impact de cette mesure serait très lourdement préjudiciable aux actions des organismes philanthropiques qui risquent de voir se tarir une partie des ressources qu'ils tirent du bénéfice de donations temporaires consenties à leur profit par des mécènes.

A titre d'exemple, pour la Fondation de France, ces donations ont représenté pour l'année 1997 44 millions de francs, soit 16 % des fonds redistribués, principalement dans le secteur médico-social.

2. Un système dangereux

Le dispositif proposé par le présent article n'est pas seulement pénalisant, il s'avère également dangereux par son caractère rétroactif et dans son esprit.

Votre rapporteur général a cité l'exemple du mécénat qui serait affecté par une telle mesure, mais d'autres catégories de contribuables utilisent également la procédure du démembrement pour satisfaire leurs obligations légales. Ainsi, un père ou un époux divorcé peut procéder à la donation d'un usufruit dans le but de répondre à l'obligation alimentaire vis-à-vis respectivement de son enfant ou de son ancienne épouse.

En réalité, tous les contribuables ayant démembré leur propriété et cédé l'usufruit seraient gravement affectés par la nouvelle règle instituée par le présent article. En effet, la nouvelle présomption de propriété s'appliquera à compter de 1999, quelle que soit la date à laquelle le démembrement de propriété a été décidé. En outre, si ces contribuables désirent récupérer l'usufruit afin de pouvoir payer l'ISF, il leur faudra obtenir le consentement du donataire qui se verra non seulement privé de l'usufruit, mais devra payer les droits de mutation à titre gratuit.

En outre, le présent article est dangereux dans sa philosophie.

Votre rapporteur général ne conteste pas le fait que certains contribuables aient réalisé (et continuent de réaliser) des montages leur permettant d'éluder l'impôt. Il les dénonce et estime que ces pratiques doivent être combattues par la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Toutefois, il refuse que, sous prétexte d'éviter certaines opérations spécifiques, l'ensemble des contribuables soient pénalisés.

Par ailleurs, il condamne la suspicion généralisée que le présent article jette sur les contribuables qui utilisent la procédure de démembrement.

L'exposé des motifs précise que " le principe de l'imposition répartie serait maintenu dans les cas où le démembrement n'est pas source d'évasion fiscale. "

Or, l'analyse réalisée ci-dessus par votre rapporteur général des dérogations au principe de l'imposition de l'usufruitier sur la valeur totale du bien montre non seulement que ces dernières sont peu nombreuses (les obligations alimentaires ne sont par exemple pas incluses), mais aussi qu'elles ne permettent pas de compenser le transfert de charges lié au renversement de la présomption irréfragable de propriété.

En réalité, il semblerait que l'administration fiscale, par le biais du présent article, tente de s'opposer à tout démembrement susceptible de permettre un gain d'impôt d'ISF.

Une telle démarche est à l'opposé de la logique qui sous-tend la procédure de l'abus de droit. Celle-ci n'a pas pour objet d'interdire au contribuable de choisir pour l'exercice de son activité économique le cadre juridique qu'il juge favorable du point de vue fiscal : lorsque l'alternative est ouverte par le législateur, on ne peut reprocher à un contribuable d'adopter la solution la plus favorable à ses intérêts, sans par là s'immiscer dans sa gestion.

Or, le présent article pourrait donner à l'administration fiscale ce pouvoir exorbitant puisque de facto , toute opération ayant un intérêt fiscal pourrait être contestée, sans tenir compte des autres intérêts (économique, social, familial...). Mais dans ce cas, c'est la légitimité de l'optimisation fiscale qui est en jeu.

Le débat doit donc être clair. Soit le gouvernement continue d'utiliser la fiscalité comme instrument de politique économique et sociale. Dans ce cas là, il ne peut interdire l'optimisation fiscale qui en est son corollaire. Soit, au contraire, il ne souhaite plus influencer les comportements des contribuables et privilégie une fiscalité plus neutre.

L'analyse du projet de loi de finances pour 1999 montre que ce n'est pas cette orientation qui a été retenue par l'actuel gouvernement...

Dans ce cas, votre rapporteur général ne peut que dénoncer l'attitude illogique et contre-productive de ce dernier qui consiste à se servir largement de l'outil fiscal afin d'influencer l'activité économique tout en n'admettant pas que cet instrument puisse être utilisé légalement par les contribuables de manière à satisfaire au mieux leurs intérêts.

3. Un dispositif anticonstitutionnel

Votre rapporteur général tient enfin à souligner le risque d'inconstitutionnalité du présent article.

L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que  " pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. "

Par ailleurs, l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958 dispose que " la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ".

A partir de ces deux dispositions, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n °81-133 DC du 30 décembre 1981, " qu'il appartient au législateur, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, de fixer les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables ".

Concernant l'impôt sur les grandes fortunes, le Conseil constitutionnel a fait remarquer dans la décision précitée que " le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés périodiquement par ces biens, qu'ils soient ou non soumis par ailleurs à l'impôt sur le revenu ; qu'en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l'impôt sur les grandes fortunes est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables ".

Il ajoute : " considérant que l'impôt sur les grandes fortunes a pour objet [...] de frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés par ces biens ; qu'une telle capacité contributive se trouve entre les mains non du nu-propriétaire mais de ceux qui bénéficient des revenus ou avantages afférents aux biens dont la propriété est démembrée ; que, dans ces conditions, et compte tenu des exceptions énumérées par le législateur, celui-ci a pu mettre, en règle générale, à la charge de l'usufruitier ou du titulaire des droits d'usage ou l'habitation, l'impôt sur les grandes fortunes sans contrevenir au principe de répartition de l'impôt selon la faculté contributive des citoyens comme le veut l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. "

Or, le dispositif proposé par le gouvernement qui taxe en pleine propriété les biens ou droits dont la propriété est démembrée que l'auteur du démembrement se soit réservé l'usufruit ou la nue-propriété est contraire au principe énoncé par le Conseil constitutionnel puisque pourra désormais être taxé le nu-propriétaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 11

Aménagement des règles du plafonnement de l'impôt
de solidarité sur la fortune

Commentaire : cet article tend, pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune, à ne plus tenir compte des déficits catégoriels autres que professionnels et à prendre en considération les revenus exonérés d'impôt sur le revenu.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL DE CALCUL DU PLAFONNEMENT DE L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE


A la suite des observations formulées par le Conseil des impôts dans son huitième rapport sur la fiscalité du capital (1989), le législateur avait introduit, lors du rétablissement de l'impôt sur la fortune, une disposition visant à plafonner le total de la cotisation d'ISF et d'impôt sur le revenu par rapport au revenu disponible.

Ce garde fou répondait au souci de protéger notamment les personnes âgées propriétaires d'une résidence principale dont la valeur vénale s'était fortement valorisée mais ne disposant pas, pour autant, de revenus importants.

Toutefois, le gouvernement ayant estimé que les redevables les plus fortunés étaient aussi ceux qui bénéficiaient le plus du mécanisme de plafonnement, la loi de finances pour 1996 a limité les effets du plafonnement pour les contribuables dont le patrimoine excède la limite supérieure de la troisième tranche du barème (15,16 millions de francs en 1999). Votre Haute assemblée ne partageait pas l'opinion du précédent gouvernement sur ce sujet et considérait que cette mesure ne ferait que favoriser la délocalisation de certains patrimoines.

L'article 885 V bis du code général des impôts prévoit ainsi que le total formé par l'ISF et l'impôt sur le revenu dû au titre d'une année ne peut excéder 85 % des revenus nets imposables à l'impôt sur le revenu (ou soumis à un prélèvement libératoire) au titre de l'année précédente. En cas d'excédent, celui-ci vient en diminution de l'ISF à payer. Toutefois, pour les contribuables dont le patrimoine dépasse la limite supérieure de la troisième tranche du barème, la diminution de l'ISF ne peut pas excéder :

- soit 50 % du montant de la cotisation due avant le plafonnement,

- soit, s'il est supérieur, le montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème (72.570 francs en 1999).

Les revenus servant au calcul du plafonnement sont les revenus nets de frais professionnels, c'est-à-dire à dire après imputation des seules déductions pratiquées au titre des frais professionnels.

Les revenus des différentes catégories sont ensuite totalisés. Ainsi, le déficit éventuel constaté dans une catégorie (comme par exemple un excédent de frais professionnels sur les produits) est pris en compte au titre de l'année de sa réalisation. Ce total correspond donc à la somme algébrique de l'ensemble des revenus nets de frais professionnels.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose deux modifications dans le calcul du plafonnement de l'ISF : la prise en compte uniquement des déficits catégoriels professionnels et l'intégration des revenus exonérés d'impôt sur le revenu dans la détermination du revenu global.

L'alignement des modalités d'imputation des déficits sur la règle applicable en matière d'impôt sur le revenu

L'article 146 du code général des impôts dispose que l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce dernier est calculé en prenant en compte les propriétés et les capitaux possédés par les membres du foyer fiscal, les professions qu'ils exercent, les traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi que les bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent sous déduction du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus.

Toutefois, les modalités d'imputation des déficits relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ont été aménagées : alors que la possibilité d'imputation sur le revenu global a été maintenue pour les BIC professionnels, désormais, les BIC non professionnels ne peuvent plus s'imputer que sur des bénéfices de même nature (tunnélisation).

Le présent article propose d'appliquer cette règle pour le calcul du plafonnement de la cotisation d'ISF.

Ainsi, serait exclue la déduction des déficits et pertes suivants  :

- les déficits fonciers supérieurs à 70.000 francs ;

- les déficits non professionnels, tels que les pertes réalisées par un contribuable dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé (location en meublé, déficits d'une exploitation commerciale dans lequel le contribuable est un simple apporteur de capitaux) et les déficits résultant d'activités accessoires (activités artistiques occasionnelles...) ;

- les moins-values sur cessions de valeurs mobilières, lorsqu'elles excèdent les plus-values réalisées sur les marchés à terme ;

- les pertes réalisées sur le marché à terme.

La prise en compte des revenus exonérés d'impôt sur le revenu

Par ailleurs et afin de mieux appréhender les facultés contributives réelles du redevable, le présent article prévoit de tenir compte des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés en France ou hors de France. Ainsi, les plus-values d'immeubles détenus depuis plus de 22 ans (qui, conformément à l'article 150 M du code des impôts sont effacées compte tenu de l'abattement de 5 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième et donc ne sont pas prises en compte dans le revenu du contribuable) et les plus-values sur valeurs mobilières réalisées par des contribuables dont le montant annuel des cessions n'excède pas le seuil d'imposition feraient partie des revenus à prendre en compte.

Le paragraphe II du présent article le mentionne expressément puisqu'il dispose que " les plus-values sont déterminées sans considération des seuils, réductions et abattements prévus par le présent code ".

III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION

L'article 5 de la loi de finances pour 1996 proposait de limiter les effets du mécanisme de plafonnement de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune en fonction du revenu disponible.

Votre commission, tout en reconnaissant que les redevables les plus fortunés sont aussi ceux qui bénéficient le plus du mécanisme du plafonnement, avait toutefois émis des réserves concernant la limitation de la réduction de la cotisation d'ISF résultant de l'application du plafonnement.

Elle avait ainsi fait remarquer que la mise en place de cette mesure aboutirait, dans certains cas, à ce que les contribuables soient obligés d'aliéner une partie de leur patrimoine pour payer l'impôt de solidarité sur la fortune et avait souligné le risque de délocalisation des fortunes françaises.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, la Haute Assemblée avait d'ailleurs adopté un amendement visant à revenir au régime de plafonnement instauré par la loi de finances initiale pour 1991, ayant constaté que la mesure votée l'année précédente décourageait la production de richesses et constituait une incitation permanente à la délocalisation fiscale. Le gouvernement de l'époque en avait même accepté le principe, mais l'Assemblée nationale avait rejeté cet amendement.

Or, les mesures proposées par le présent projet de loi de finances pour 1999 rendent encore plus nécessaire la suppression de la limitation des effets du plafonnement de la cotisation d'ISF.

Ainsi, le présent article amoindrit l'impact du plafonnement puisque pour le calcul du deuxième terme de comparaison (85 % des revenus nets), il est proposé de ne plus tenir compte des déficits catégoriels autres que professionnels tandis que seraient intégrés les revenus exonérés d'impôt sur le revenu. Le montant des revenus nets va donc augmenter, ce qui permettra de prélever une cotisation d'ISF plus élevée tout en respectant le plafonnement.

Par ailleurs, l'article 16 du projet de loi de finances pour 1999 tend à lutter contre les délocalisations. Or, cette démarche ne pourra être un succès que si les contribuables estiment que leur cotisation d'ISF tient compte de leur capacité contributive et ne les oblige pas à aliéner une partie de leur patrimoine pour satisfaire à leurs obligations fiscales.

D'une façon générale, votre commission accepte les dispositifs de renforcement des contrôles destinés à lutter contre les délocalisations de patrimoine contenus dans le présent projet. Mais elle considère également que la meilleure mesure contre l'évasion fiscale est de supprimer les aspects confiscatoires de la fiscalité. Les deux attitudes sont complémentaires.

C'est pourquoi votre rapporteur général propose l'adoption d'un amendement visant à supprimer la limitation des effets du plafonnement de la cotisation d'ISF.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 12

Modalités d'évaluation de la résidence principale en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit

Commentaire : le présent article a pour objet d'instituer un abattement forfaitaire de 20 % applicable à l'évaluation de la résidence principale dont le propriétaire est redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune et à la résidence principale du défunt en matière de droits de mutation à titre gratuit.

I. LE DISPOSITIF EXISTANT


Aux termes de l'article 761 du code général des impôts, "pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission".

L'estimation des immeubles d'après leur valeur vénale réelle s'applique aussi bien en matière de droits de mutation à titre gratuit que d'impôt de solidarité sur la fortune.

En effet, aux termes de l'article 885 D du CGI, fixant l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune "l'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès...".

La valeur vénale réelle n'est pas définie par la loi . On considère qu'elle correspond au prix que le jeu normal de l'offre et de la demande permettrait de retirer de la vente du bien, abstraction faite de toute valeur de convenance.

Cependant, la Cour de Cassation a rendu un arrêt au terme duquel un logement occupé par son propriétaire doit être évalué en tenant compte de cette circonstance de fait (Arrêt Cass.com. 13 février 1996, dit arrêt "Fleury"). Cet arrêt, bien que rendu en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, énonce un principe général, applicable également en matière de droits de mutation à titre gratuit, lorsque le logement est occupé par le conjoint du défunt ou ses enfants.

Suite à cet arrêt, une instruction du 20 mai 1996 de l'administration fiscale a admis qu'il soit pratiqué, au titre de l'occupation, un abattement n'excédant pas 20% de la valeur vénale du bien. Cette instruction ne concerne toutefois que la résidence principale et ne pose ce principe qu'en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.

II. - LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article vise à donner une définition légale à la notion de valeur vénale réelle d'un immeuble en modifiant l'article 761 du code général des impôts.

Le paragraphe I
de l'article dispose que pour les immeubles dont le propriétaire a l'usage à la date de transmission, la valeur réelle de ces derniers est réputée égale à la valeur libre de toute occupation.

Le propriétaire n'a donc pas le droit d'arguer de l'occupation de son logement pour déterminer la valeur vénale de son bien.

Cette disposition législative est exactement l'inverse du principe énoncé par la Cour de cassation dans son arrêt Fleury . Elle vise, tout en permettant des dérogations allant dans le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation, à préserver une conception extrêmement restrictive de la notion d'abattement au titre de l'occupation de sa résidence.

Les paragraphes II et III prévoient deux dérogations, dans le prolongement de ce qu'indiquait l'instruction fiscale du 20 mai 1996, c'est-à-dire dans le seul cas où l'immeuble est la résidence principale du propriétaire.

En matière de droits de mutation à titre gratuit , un abattement de 20% est pratiqué sur la valeur vénale réelle de l'immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt, lorsque, à cette même date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs de ses enfants.

En matière d'impôt de solidarité sur la fortune , un abattement de 20% est pratiqué sur la valeur vénale de l'immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. Toutefois, une restriction est apportée puisque " en cas d'imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l'abattement précité ".

Alors que ces dispositions semblent être la traduction légale des dispositions prises par instruction fiscale, la commission des finances de l'Assemblée nationale évalue à 1,1 milliard de francs le gain procuré par cet article, dont 800 millions de francs pour l'impôt de solidarité sur la fortune (200 millions de francs au titre de la résidence principale et 600 millions de francs au titre des résidences secondaires) et 300 millions de francs au titre des droits de mutation à titre gratuit.

Ces gains s'expliqueraient par la pratique de taux de déduction supérieurs à 20% et l'application d'abattements sur les résidences secondaires. Votre rapporteur général manifeste à ce sujet son incrédulité.

Votre rapporteur général s'interroge également sur la pertinence de la restriction apportée dans le dernier alinéa du paragraphe III du présent article : " en cas d'imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l'abattement précité. "

En effet, soit l'immeuble est effectivement une résidence principale et il devrait effectivement bénéficier d'un abattement.

Le régime de l'imposition commune ne s'applique pas aux couples mariés lorsque les conjoints sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit et lorsque, en instance de divorce, ils ont été autorisés à avoir des domiciles séparés. Certes, on peut imaginer une séparation résultant de l'abandon du domicile conjugal ou d'une séparation acceptée par chacun des conjoints. Il s'agit cependant de cas de figure assez rares. En réalité, cette disposition risque surtout d'affecter les couples qui, soumis aux contraintes de la mobilité professionnelle, travaillent dans des villes différentes ou sont amenés à se déplacer régulièrement et possèdent donc deux résidences principales. Ce phénomène ne doit pas être sous-estimé, surtout chez les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Soit il ne s'agit pas d'une résidence principale et, par définition, tout abattement est exclu.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur général, il semblerait que le gouvernement ait souhaité limiter le bénéfice de l'abattement de 20 % à un seul immeuble afin d'éviter les obstacles auxquels l'administration fiscale se heurterait si elle devait contrôler que le deuxième abattement ne porte pas sur une résidence secondaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 13

Renforcement des obligations déclaratives relatives aux dettes déduites de l'impôt de solidarité sur la fortune

Commentaire : cet article vise à imposer aux contribuables, lors du dépôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune, de joindre les pièces nécessaires à la justification de la déduction du passif. En cas de non-respect de cette obligation, l'administration pourrait rectifier la déclaration en se conformant à la procédure de redressement contradictoire.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


L'article 885 E du code général des impôts dispose que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1 er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux membres du foyer fiscal. Les dettes grevant les patrimoines sont admises en déduction pour l'assiette de l'ISF sous les mêmes conditions et dans les mêmes limites qu'en matière de droits de succession.

A cet égard, l'article 768 du code général des impôts dispose que pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.

En outre, l'article 769 du même code précise que les dettes contractées pour l'achat de biens exonérés ou dans l'intérêt de tels biens sont imputées en priorité sur la valeur desdits biens. L'affectation de la dette doit résulter d'un contrat de prêt.

Dans le dispositif actuel, la documentation de base de l'administration fiscale précise les conditions de déductibilité des dettes. Il en résulte que pour être déductibles, les dettes doivent :

n exister au 1 er janvier de l'année d'imposition ;

n être à la charge personnelle du redevable ;

n être justifiées par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite, c'est-à-dire par des actes écrits ou encore par des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes. Pour les dettes résultant d'actes authentiques, les redevables doivent indiquer, soit la date de l'acte, le nom et la résidence de l'officier public qui l'a reçu, soit la date de la décision judiciaire et la juridiction dont elle émane. En ce qui concerne les autres dettes, les redevables doivent présenter, à la demande du service, les titres, actes ou écrits que le créancier ne peut, sous peine de dommages intérêts, se refuser de communiquer contre reçu.

En ce qui concerne les dettes professionnelles, la documentation administrative les définit comme celles nées de l'activité de l'entreprise et liées à son cycle de production. Lorsqu'une dette est inscrite au bilan d'une entreprise ou que les intérêts correspondants ont été portés en charge d'exploitation, il y a lieu de présumer qu'il s'agit d'une dette professionnelle.

La documentation administrative ajoute que les dettes contractées pour l'achat ou dans l'intérêt des biens professionnels doivent être imputées par priorité sur la valeur des biens de cette nature.

Cependant, dans l'hypothèse où le montant des dettes professionnelles se révèle supérieur à la valeur des biens considérés, le redevable peut déduire cet excédent de la valeur des biens taxables. En vue de justifier une telle imposition, il doit alors, en annexe à sa déclaration :

- mentionner la composition détaillée de son patrimoine professionnels en l'accompagnant d'une évaluation de celui-ci (avec l'indication de la méthode retenue) ;

- communiquer la liste exhaustive des éléments ayant concouru à la formation du passif.

Il semblerait donc qu'il existe déjà certaines obligations de déclaration des dettes. Toutefois, ces contraintes résultent d'instructions administratives et non pas de la loi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ


Le paragraphe I du présent article donne un fondement légal à l'obligation pour le redevable de fournir les éléments justifiant de l'existence, de l'objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée.

Le présent article étend ainsi aux dettes prises en compte dans le calcul de la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune une règle qui s'applique déjà aux dettes du défunt pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit.

En effet, l'article 770 du code général des impôts dispose que les dettes dont la déduction est demandée sont détaillées, article par article, dans un inventaire certifié par le déposant et annexé à la déclaration de la succession.

En outre, le paragraphe II complète l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales afin de créer une procédure de demande d'éclaircissements et de justifications indépendante de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. Ces demandes concerneraient la composition de l'actif et du passif du patrimoine du contribuable.

L'instauration de cette nouvelle procédure aurait deux avantages pour l'administration :

- elle ne serait pas accompagnée des garanties particulières qui entourent la procédure de l'examen contradictoire de la situation personnelle (envoi ou remise d'un avis de vérification, faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix), mais obéirait aux mêmes règles de procédure que celles prévues pour l'article L.16 (les demandes d'éclaircissement doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionnent le délai de réponse dont le contribuable dispose en fonction des textes en vigueur) ;

- en l'absence de réponse ou en cas de justifications insuffisantes, l'administration pourrait immédiatement rectifier la déclaration d'impôt en se conformant à la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L.55 du livre des procédures fiscales.

Votre rapporteur admet que cette obligation de déclaration offrirait à l'administration fiscale une vision beaucoup plus fine de la situation fiscale du contribuable.

Concernant cette nouvelle procédure de demande de justifications et d'éclaircissements, il se demande cependant s'il sera facile de la distinguer de la procédure d'examen contradictoire de la situation personnelle (ECSFP) et si les contribuables ne revendiqueront pas l'application des dispositions de l'article L.47 dès lors que les documents demandés par l'administration fiscale pourraient être regardés comme constituant le début d'un ECSFP.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur général, actuellement, les inspecteurs de l'administration fiscale reçoivent, à leur demande, des relevés bancaires justifiant des soldes mentionnés par les contribuables dans leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune, sans qu'aucune réclamation ne soit introduite par les contribuables concernés.

Or, la création d'une nouvelle procédure de contrôle risque de remettre en cause le bon fonctionnement de cette pratique et de provoquer le développement d'un nouveau type de contentieux.

Votre rapporteur ne souhaite pas renforcer le caractère déjà très procédurier du contrôle fiscal. En outre, il estime que cette nouvelle procédure amoindrit le principe constitutionnel des droits de la défense dont le Conseil constitutionnel a affirmé qu'il " s'impose à l'autorité administrative sans qu'il soit besoin, pour le législateur, d'en rappeler l'existence. " 31( * )

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur général vous propose donc un amendement visant à supprimer cette nouvelle procédure.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14

Modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit

Commentaire : le présent article propose d'imposer en France les donataires et héritiers domiciliés fiscalement en France qui reçoivent des biens étrangers, quel que soit le domicile fiscal du donateur ou du défunt.

I - LA SITUATION ACTUELLE


En vertu de l'article 750 ter 1° du code général des impôts qui pose les règles de territorialité relatives aux droits de mutation à titre gratuit, sont passibles de ces droits,

1- les donataires, héritiers ou légataires qui reçoivent des biens d'un donateur ou défunt domicilié fiscalement en France , quel que soit leur propre domicile fiscal et que ces biens, meubles ou immeubles, soient situés en France ou hors de France ;

2- les donataires, héritiers ou légataires qui reçoivent des biens d'un donateur ou défunt qui n'est pas domicilié fiscalement en France , quel que soit leur propre domicile fiscal, mais à la condition que ces biens meubles ou immeubles soient situés en France.

Il demeure donc que les donataires et héritiers domiciliés en France qui reçoivent d'un donateur ou défunt qui n'est pas domicilié fiscalement en France des biens situés hors de France , meubles et immeubles, ne sont pas passibles de l'impôt en France 32( * ) .

II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT

A. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF PRINCIPAL

1. Une volonté de lutter contre la délocalisation fiscale


Le présent article est l'un des quatre articles du présent projet de loi de finances destinés à lutter contre la délocalisation fiscale des détenteurs de revenus et de patrimoines les plus importants.

Dans ce objectif, cet article propose de modifier les règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit.

Cet article vise en particulier les personnes physiques qui transféreraient leur domicile fiscal dans le seul but d'effectuer des donations ou de préparer leur succession ; ainsi, l'ensemble de leurs biens, mobiliers et immobiliers sans assise en France, échapperait aux droits de donation ou de succession. Rappelons toutefois qu'il s'appliquera également aux personnes morales, sous réserve des exemptions particulières dont bénéficient certaines d'entre elles 33( * ) .

2. Extension des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit

Désormais seraient passibles de l'impôt en France, les donataires et héritiers domiciliés en France qui reçoivent des biens meubles et immeubles, situés en France ou hors de France , quel que soit le domicile du donataire ou du défunt.

La législation actuelle fait intervenir, en sus de la question de la localisation des biens concernés, le critère du domicile fiscal du donateur ou du défunt. Dans la situation envisagée par le Gouvernement, un second critère serait donc introduit : le domicile des héritiers, donataires ou légataires.

Ce dispositif du double critère s'inspire de celui applicable dans certains Etats européens : l'Allemagne, l'Autriche et la Finlande.

Désormais, les seuls biens exemptés des droits de mutation à titre gratuit seront ceux qui répondront à la triple condition suivante :

1- biens sis à l'étranger,

2- domicile fiscal du donateur (ou du défunt) à l'étranger,

3- domicile fiscal du donataire (ou héritier ou légataire) à l'étranger.

Dans tous les autres cas, sous réserve des conventions fiscales applicables et des exemptions particulières, les droits de mutation à titre gratuit seront dus.

Ce dispositif devrait s'appliquer aux donations ou legs réalisés ou aux successions ouvertes à compter du 1 er janvier 1999, et donc à des contrats en cours.

Aucune évaluation des conséquences d'un tel dispositif sur le budget de l'Etat ne peut être faite : le phénomène de la délocalisation fiscale demeure très difficile à apprécier. La mise en place, au début de l'année 1999, au sein du ministère de l'Economie et des finances, d'un " Observatoire de la délocalisation fiscale " devrait permettre, à partir de l'année prochaine, de mieux connaître ce phénomène et notamment les contribuables concernés et les recettes fiscales en jeu.



B. LES ATTÉNUATIONS PRÉVUES

1. La primauté des conventions fiscales sur la loi


Tout d'abord, rappelons que, conformément à l'article 55 de notre Constitution, les conventions fiscales bilatérales ont une valeur supérieure à la loi.

La France a conclu 35 conventions fiscales en matière de droits de mutation à titre gratuit. Ces conventions répartissent les droits d'imposer les successions (ou les donations) en fonction de la résidence fiscale du défunt (ou du donateur) et du lieu de situation des biens légués (ou donnés).

Sauf cas très exceptionnel, la situation des légataires (ou donataires) n'est pas prise en compte. Dès lors, les dispositions du présent article ne pourront s'appliquer en présence d'une convention fiscale conclue par le France.

Toutefois, il faut remarquer que seulement 6 de ces 35 conventions traitent des donations (en italique dans la liste ci-après). De plus, s'agissant des successions, 22 de ces conventions concernent des Etats d'Afrique ou du proche ou Moyen Orient qui sont, en général, peu susceptibles de constituer des Etats ou des territoires d'accueil pour la délocalisation à des fins fiscales (en gras dans la liste ci-après).

Liste des Etats ayant conclu une convention en matière d'impôt sur les succession avec la France : Algérie - Arabie Saoudite - Autriche - Bahreïn - Belgique - Bénin - Burkina Faso - Cameroun - Canada - République centrafricaine - Congo - Côte d'Ivoire - Emirats Arabes Unis - Espagne - Etats-Unis - Finlande - Gabon - Italie - Koweït - Liban - Mali - Mauritanie - Mayotte - Monaco - Niger - Nouvelle-Calédonie - Oman - Qatar - Royaume-Uni - Saint-Pierre-et-Miquelon - Sénégal - Suède - Suisse - Togo - Tunisie -

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

2. Eviter la double imposition

Le II. du présent article propose, afin d'éviter une double imposition pour les biens meubles et immeubles situés hors de France, et en l'absence de convention fiscale, d'étendre le dispositif d'imputation de l'impôt acquitté à l'étranger sur l'impôt exigible en France 34( * ) , au nouveau cas d'imposition prévu au I. du présent article.

Ainsi, des droits de mutation à titre gratuit n'auront à être payés en France que si les biens reçus subissent une imposition au titre des successions et des donations plus faible dans leur pays de localisation qu'en France.

3. Le cas des " impatriés "

L'application de ce dispositif aux actifs originaires d'un pays non lié à la France par une convention fiscale et " impatriés " en France pour des raisons professionnelles pourrait avoir de lourdes conséquences pour l'économie française : en effet, ces actifs, et les sociétés qui les emploient, pourraient être dissuadés de s'installer en France en raison du supplément d'imposition au titre des donations et des successions que ces actifs pourraient être amenés à payer.

La commission des finances de l'Assemblée nationale s'en est émue et a obtenu du Gouvernement que cette question soit approfondie d'ici la deuxième lecture.

Les scénarios actuellement à l'étude au ministère de l'Economie et des Finances sont les suivants :

- soit laisser l'article 14 en l'état,

- soit sortir de son champ d'application certaines personnes physiques à raison de leur durée de résidence en France.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Sans être fondamentalement hostile à ce dispositif qui permettrait de limiter l'évasion fiscale, votre commission souhaite en souligner les travers et les risques.

A. UNE CONTREPARTIE DU RENFORCEMENT DE LA PRESSION FISCALE EN FRANCE

La mise en place de ce dispositif constitue l'une des contreparties du renforcement de la pression fiscale, notamment sur les " grandes fortunes ", prévu dans le projet de loi de finances pour 1999.

Certes, en adoptant ce dispositif, la France appliquerait un système déjà en vigueur dans trois pays européens, mais il faut noter :

- d'une part, que la France se caractérise déjà, en comparaison avec ses principaux partenaires européens, par des droits de mutation à titre gratuit élevés, comme le montre le tableau ci-après,

Comparaisons internationales sur les droits de mutation à titre gratuit


- et que d'autre part, les pays qui ont adopté le double critère sont en forte minorité en Europe, comme le montre le tableau ci-dessous.

Classification des Etats européens selon les critères retenus en matière de territorialité pour les droits de mutation à titre gratuit :

(1)

(2)

(3)

(2) + (3)

Portugal

Belgique, Danemark, France actuellement , Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède

Espagne

Allemagne, Autriche, Finlande, France art. 14

(1) : Etats appliquant un principe de stricte territorialité (seule la localisation des biens et droits considérés est prise en compte) ;

(2)  : Etats retenant le critère de la résidence fiscale du donateur (ou du défunt) ;

(3)  : Etats retenant le critère de la résidence fiscale du donataire (ou de l'ayant droit) ;

(2) + (3) : Etats retenant les deux précédant critères.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

B. LE RISQUE DE FAVORISER LA DÉTENTION D'ACTIFS NON DÉCLARÉS

L'efficacité du dispositif proposé tient bien évidemment à l'obligation qui est faite aux héritiers (ou donataires) de déclarer, auprès de l'administration fiscale française, les biens reçus en héritage (ou en donation), situés hors de France, alors que le défunt (ou le donateur) n'était pas domicilié fiscalement en France.

L'absence de cette déclaration obligatoire rend les héritiers (ou donataires) passibles de sanctions fiscales.

Rappelons qu'en matière de droits de mutation à titre gratuit 35( * ) , deux délais de prescription s'appliquent :

- un délai de trois ans en cas de défaut de valeur ;

- un délai de dix ans en cas d'omission ou d'absence de déclaration.

Il semble pourtant très difficile en pratique d'imposer des biens situés à l'étranger, inconnus de l'administration fiscale française et pour lesquels une déclaration spontanée n'aurait pas été déposée.

Cette situation pose le problème récurrent des échanges d'information entre administrations fiscales de différents pays.

Les Etats ayant conclu une convention d'assistance administrative en matière de droits de mutation à titre gratuit avec la France sont les mêmes Etats qui ont conclu une convention en matière d'impôt sur les successions avec la France à l'exception de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn, de l'Oman et du Qatar. En particulier, ne figurent pas dans cette liste, le Luxembourg, la Suisse et l'Irlande, destinations possibles des personnes délocalisées.

En outre, cette imposition risque de donner lieu à des montages occultes afin d'échapper à cette nouvelle règle. Paradoxalement donc, ce dispositif pourrait conduire à une évasion fiscale internationale accrue.

C. LE RISQUE DE DISSUADER LES DONATIONS, HÉRITAGES ET LEGS EN FAVEUR DE RÉSIDENTS FRANÇAIS

Enfin, ce dispositif semble constituer un nouvel obstacle aux donations, héritages et legs en faveur de résidents français.

D. UNE RÉDACTION ARCHAÏQUE

Enfin, votre commission tient à souligner l'archaïsme de la rédaction de cet article 36( * ) qui mentionne en particulier les " fonds publics ", terme qui n'a plus cours aujourd'hui et qui remonterait à la Révolution française, pour désigner, vraisemblablement, l'équivalent des actuelles " obligations d'Etat ". Un " toilettage " du texte proposé par cet article pour le 3° de l'article 750 ter semble donc indispensable 37( * ) .

E. LE CAS DES " IMPATRIÉS "

Afin de ne pas pénaliser les " impatriés " résidant temporairement en France pour des raisons professionnelles, votre commission vous propose d'adopter un amendement visant à exclure ces personnes physiques du champ d'application du présent article.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 14 bis (nouveau)

Relèvement de l'abattement pour la perception des droits de mutation à titre gratuit sur la part du conjoint survivant

Commentaire : pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, cet article tend à relever progressivement à 500.000 francs l'abattement sur la part du conjoint survivant.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


L'article 779 du code général des impôts fixe le montant de l'abattement effectué sur la part de la succession ou de la donation reçue par l'héritier.

Entré en vigueur au 1 er janvier 1982, les abattements actuels n'ont pas été actualisés depuis. Pour une succession, ils s'élèvent à 330.000 francs sur la part du conjoint survivant, à 300.000 francs sur la part des ascendants et des enfants directs ou représentés, à 100.000 francs sur la part des frères et soeurs et à 10.000 francs sur la part des autres héritiers.

Le niveau de ces abattements est relativement faible en comparaison des abattements pratiqués en Allemagne ou aux Pays-Bas, notamment en ce qui concerne le conjoint survivant.

Ainsi, en Allemagne, la part du conjoint bénéficie d'un premier abattement de 600.000 DM (2,02 millions de francs) et d'un abattement complémentaire de 500.000 DM (1,7 million de francs) diminué, le cas échéant, de la valeur capitalisée des droits à pension non imposables attribués au conjoint survivant. En général, l'abattement accordé au conjoint s'élève donc à 1,1 million de DM, soit 3,7 millions de francs. Avant la réforme des droits de mutation à titre gratuit de 1996, l'abattement pour le conjoint n'était que de 500.000 DM.

Aux Pays-Bas, la part du conjoint survivant (ou de la personne ayant cohabité avec le défunt pendant une période ininterrompue d'au moins cinq ans) bénéficie d'un abattement de 555.317 fl (1,66 million de francs).

Votre rapporteur tient à rappeler qu'au Royaume-Uni, les droits s'appliquent sur l'ensemble de la masse successorale après un abattement général de 215.000 (soit 2,1 millions de francs) qui correspond à la tranche taxée à taux zéro.

DMTG en fonction du niveau de patrimoine transmis au conjoint survivant (en francs)

France

Montant des droits

 

5.000.000

-

 
 
 
 
 
 

Italie

Pays-Bas

4.000.000

-

Allemagne

3.000.000

-

2.000.000

-

1.000.000

-

0

 

0

1.400.000

4.200.000

7.000.000

9.800.000

12.600.000

15.400.000

Montant de la part imposable

(Source : Conseil des impôts)

En outre, le code civil est assez défavorable pour le conjoint survivant et privilégie les ascendants et les enfants en matière de droit de succession.

Ainsi, l'article 767 du code civil prévoit que le conjoint survivant non divorcé a, sur la succession du procédé, un droit d'usufruit d'un quart ou de moitié selon la nature des héritiers.

Par ailleurs, l'article 1098 précise les modalités de l'usufruit forcé du second conjoint si les enfants du premier lit préfèrent substituer à la libéralité en propriété qu'un époux remarié a pu faire à son second conjoint l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'ils auraient recueillie en l'absence de conjoint survivant.



II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de relever l'abattement sur la part du conjoint survivant et modifie pour cela le premier alinéa du I de l'article 779 du code général des impôts.

L'abattement sur la part du conjoint survivant passe de 300.000 à 400.000 francs pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes passés entre le 1 er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 et pour les successions ouvertes entre ces mêmes dates.

Il est prévu de le relever à 500.000 francs pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes passés à compter du 1 er janvier 2000 et pour les successions ouvertes à compter de cette date.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur général, la perte de recettes est évaluée à 200 millions de francs pour 1999 et 200 millions de francs pour 2000.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 ter (nouveau)

Rétablissement des sanctions en cas de défaut de déclaration des successions en Corse

Commentaire : cet article vise à rétablir le système de sanctions en cas de défaut de déclaration de succession qui existe déjà en métropole.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


L'article 641 du code général des impôts dispose que les délais d'enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires ou légataires ont à souscrire des biens à eux échus ou transmis par décès sont :

- de six mois à compter du jour du décès, lorsque celui dont on recueille la succession est décédé en France métropolitaine ;

- d'une année dans tous les autres cas.

L'article 642 du même code prévoit toutefois, en ce qui concerne la Réunion, un délai de deux ans à compter du jour du décès lorsque celui dont on recueille la succession est décédé ailleurs qu'à Madagascar, à l'île Maurice, en Europe ou en Afrique.

La Corse échappe à ce régime de droit commun, même si aucun article du code général des impôts ne mentionne le statut particulier dont elle bénéficie.

En effet, le dernier alinéa de l'article III du 21 prairial an IX pose pour principe que " la peine du droit en sus encourue par défaut de déclaration dans le délai de six mois restera abrogée ". L'arrêté Miot ne supprime pas le délai de déclaration, mais la peine qui sanctionne son inobservation par les parties concernées. Cette dérogation au droit commun ne concerne que les biens mobiliers et immobiliers situés en Corse.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La commission d'enquête créée par l'Assemblée nationale sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse a critiqué le maintien de cette spécificité fiscale. En effet, faute d'astreinte pécuniaire, les parties concernées par la succession ont presque toujours décidé de ne pas déclarer la succession. Or, l'absence répétée de déclaration contribue à faire perdurer l'indivision des propriétés, particulièrement répandue en Corse.

Comme le faisait remarquer le rapport de février 1984 des inspecteurs des finances MM. André Valls et Noël de Saint-Pulgent, " si les arrêtés Miot ne semblent pas devoir être tenus pour responsables essentiels de l'indivision des propriétés corses qui a des causes à la fois plus anciennes et plus profondes, l'absence d'obligation de déclaration des immeubles situés en Corse a toutefois permis à l'indivision de se perpétuer plus facilement. L'obligation de déclaration aurait en effet conduit les héritiers à recourir plus fréquemment aux services des notaires et il est probable que dans beaucoup de cas ces derniers ne se seraient pas contentés de liquider les droits de succession mais auraient aussi réalisé le partage des biens. "

Afin d'aligner le régime applicable en Corse sur celui applicable dans les autres départements de la République, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à rétablir des sanctions en cas d'absence de déclaration successorale.

Votre rapporteur général ne peut que se féliciter de ce retour au droit commun qu'il avait préconisé en tant qu'inspecteur des finances dans son rapport de 1977 : " Il conviendrait, en premier lieu, de modifier explicitement l'arrêté du 21 prairial an IX pour établir de manière incontestable l'obligation de déclarer toutes les successions dans un délai de six mois à compter du décès ; une disposition législative est nécessaire à cet égard, compte tenu de la force juridique reconnue à l'arrêté Miot en raison de la nature même de la question traitée ".

Toutefois, il souhaite émettre deux réserves.

D'une part, il lui semble nécessaire de régler le problème de l'indivision des propriétés avant d'autoriser le rétablissement des sanctions en cas de non déclaration.

Comme le faisaient remarquer MM. André Valls et Noël de Saint-Pulgent dans le rapport précité, " l'obligation de déclaration ne peut pas toutefois être rétablie sans ménagements ni transition en Corse, car souvent le partage des biens n'y a pas été effectué depuis plusieurs générations et les successions consécutives n'ont pas été liquidées. Or, pour que les déclarations futures puissent être déclarées, il faut que celles qui les ont précédées aient été préalablement réglées. La remise en ordre de la situation héritée du passé requiert du temps (au minimum cinq à dix ans dans certains cas). L'obligation de déclaration ne pourrait donc entrer en vigueur que progressivement . "

A cet égard, votre rapporteur général tient à rappeler que lors de la discussion de la loi de finances pour 1986, le Parlement a voté un dispositif qui exonérait de droits les actes de partage et de licitation des biens immobiliers situés en Corse, ainsi que les actes réalisés en vue du règlement des indivisions successorales jusqu'au 31 décembre 1991. Ce dispositif a été prorogé une première fois jusqu'au 31 décembre 1997, puis une deuxième fois jusqu'au 31 décembre 2000. A cette date (douze ans s'étant écoulés depuis l'adoption de ce dispositif), on peut supposer que la question des indivisions aura été en grande partie réglée et ne constituera plus un obstacle aux déclarations de succession. C'est pourquoi votre rapporteur général vous propose un amendement qui repousse l'entrée en vigueur du présent article au 1 er janvier 2001, date d'expiration des mesures transitoires en vue de faciliter les partages successoraux en Corse.

D'autre part, votre rapporteur général estime que le présent article n'aura qu'une portée limitée tant que l'évaluation des biens immobiliers n'aura pas une base légale.

Le premier alinéa de l'article 761 du code général des impôts dispose que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, d'après la déclaration détaillée et estimative des parties.

En Corse, il en va différemment puisque l'article 3 de l'arrêté du 21 prairial an IX précise que " la valeur des immeubles situés en Corse est déterminée pour l'assiette des droits de succession en multipliant par 100 le montant de la part de la contribution foncière revenant à l'Etat ".

L'application de ce dispositif conduisait à attribuer une valeur " fiscale " des biens immobiliers qui correspondait à environ 1 à 2 % de leur valeur vénale. Le décret du 9 décembre 1948 ayant donné un caractère d'impôt exclusivement local à la contribution foncière, le ministre des finances avait décidé, le 24 avril 1951, que les immeubles situés en Corse seraient évalués, comme sur le continent, à leur valeur vénale.

Cette décision avait soulevé de telles protestations que le ministre avait accepté, le 14 juin suivant, de surseoir à la mise en vigueur du régime de droit commun jusqu'à ce que le Parlement se soit prononcé sur le régime applicable en Corse.

En l'absence de règles nouvelles, la valeur des immeubles avait été calculée, depuis le 14 juin 1951, en appliquant au registre cadastral servant de base à la contribution foncière perçue au profit des départements et des communes, le coefficient de 18, puis de 22, correspondant au taux de la taxe proportionnelle sur le revenu des personnes physiques. Cette taxe ayant été supprimée en 1959, le taux de 22 % avait été remplacé par le taux de 24 correspondant à celui de la seule taxe proportionnelle qui subsistait en matière d'impôt sur le revenu, à savoir celle perçue sur les revenus de capitaux mobiliers. Or, cette méthode d'évaluation a été condamnée par la Cour de cassation (affaire Perrino, 2 janvier 1992).

L'administration fiscale ne peut plus désormais en faire application. Faute d'une base de calcul légale, les droits de succession sur les biens immobiliers situés en Corse ne sont plus recouvrés.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 14 ter

Réactivation de la commission mixte créée par la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse

Commentaire : cet article vise à réactiver la commission mixte créée par la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

L'article 63 de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse avait institué une commission mixte de douze membres composée par moitié de représentants de la collectivité territoriale de Corse et de représentants de l'Etat. Celle-ci était chargée de formuler des propositions relatives au régime fiscal spécifique applicable en Corse et aux dispositions destinées à faciliter la sortie de l'indivision. Or, les travaux de cette commission se sont très vite enlisés et aucune proposition n'a été formulée.

Votre rapporteur général souhaite réactiver ladite commission et vous propose un amendement prévoyant le dépôt d'un rapport par cette commission dans les six mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 1999 contenant ses propositions relatives au régime fiscal spécifique applicable en Corse et aux dispositions destinées à faciliter la sortie de l'indivision.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE 15

Régime des titres ou droits de personnes morales ou organismes, détenant directement ou par personne interposée, des immeubles ou droits immobiliers sis en France

Commentaire : cet article a pour objet de soumettre aux droits de mutation à titre gratuit et à l'impôt de solidarité sur la fortune, les immeubles et droits immobiliers situés sur le territoire français et détenus par des non-résidents par l'intermédiaire d'organismes ou de personnes morales interposées.

I. LE DROIT EXISTANT


Les non-résidents, personnes physiques qui n'ont pas leur domicile fiscal en France et possèdent des biens en France, sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune dès lors que la valeur nette de leur patrimoine dépasse le seuil d'imposition de 4,7 millions de francs. Seuls les biens français sont pris en considération.

Les immeubles et les droits immobiliers sont assujettis, mais les placements financiers font l'objet d'une mesure d'exonération spécifique (article 885 L du code général des impôts). Toutefois, les actions ou parts détenues dans une société ou personne morale dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, ne sont pas considérés comme des placements financiers, à proportion de la valeur de ces biens et droits immobiliers par rapport à l'actif total de la société.

En matière de droits de mutation à titre gratuit (droits de succession ou donations), les immeubles et droits immobiliers situés en France sont imposés lorsque le donateur ou le défunt n'a pas son domicile fiscal en France (article 750 ter du code général des impôts).

De surcroît, les titres relatifs aux sociétés ou aux personnes morales à prépondérance immobilière , dont le siège est situé hors de France, non cotées en bourse, et détenus par un défunt ou un donateur non-résident sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit, à proportion de la valeur de ces biens et droits immobiliers dans l'actif total de la société.

Aussi bien en matière d'impôt de solidarité sur la fortune que de droits de mutation à titre gratuit, des conventions internationales permettent d'éliminer les doubles impositions, lorsque le droit d'imposer appartient concurremment à l'Etat de situation des immeubles et à l'Etat de résidence du propriétaire.

Enfin, une taxe de 3% de la valeur vénale des immeubles possédés en France par certaines personnes morales est prévue aux articles 990D et suivants du code général des impôts. Elle fait l'objet de nombreuses exonérations.

Malgré ces dispositions, il est apparu que certaines formes de détention de biens ou droits immobiliers sur le territoire national échappaient à toute imposition sur le patrimoine . Il s'agit en particulier des immeubles détenus par des sociétés ou des personnes morales non-résidentes qui ne sont pas à prépondérance immobilière et des immeubles possédés par l'intermédiaire de chaînes de participations.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le paragraphe I
du présent article a pour objet de modifier le 2° de l'article 750 ter du code général des impôts relatif à l'imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit de biens français détenus par une personne physique non résidente, afin d'introduire la notion de possession indirecte de biens ou droits immobiliers.

Ainsi, " tout immeuble ou droit immobilier est réputé possédé directement ou indirectement lorsqu'il appartient à des personnes morales ou à des organismes dont le donateur, le défunt, seul ou conjointement avec son conjoint, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et soeurs; détient plus de la moitié des actions, parts ou droits, directement ou par l'intermédiaire de chaînes de participation. "Cette définition est valable quelle que soit le nombre de personnes morales ou d'organismes interposés.

La valeur des biens est déterminée " par la proportion de la valeur de ces biens ou des actions, parts ou droits représentatifs de tels biens dans l'actif total des organismes ou personnes morales dont le donateur ou le défunt détient directement les actions, parts ou droits ".

Les D et E du paragraphe I visent à ce que la règle selon laquelle les immeubles affectés à l'activité d'une personne morale, d'une société ou d'un organisme (activité industrielle, commerciale, non commerciale ou agricole) ne sont pas pris en considération, s'applique tant à la mise en jeu des règles sur la prépondérance immobilière qu'à l'évaluation des biens immobiliers indirectement détenus par une personne physique.

L'objectif est en effet d'imposer l'immobilier à usage privé et non l'immobilier à usage professionnel. 38( * )

Le paragraphe II modifie de manière similaire les règles relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune : les actions, parts ou droits détenus par des non-résidents dans les personnes morales ou organismes entraînant une possession immobilière indirecte ne constituent plus des biens professionnels exonérés de l'ISF.

Ainsi, les non-résidents seront assujettis à l'ISF au titre des biens et droits immobiliers indirectement possédés tant par l'intermédiaire des personnes morales et organismes de droit étranger que par les personnes morales de droit français.

Dès lors, l'exonération dont bénéficient certains placements financiers des non-résidents ne concernera plus les actions, parts et droits détenus dans les sociétés françaises à raison de la part des droits immobiliers détenus, lorsqu'un groupe familial en assure le contrôle.

Cet article constituant effectivement une mesure visant à contrecarrer les montages financiers permettant à des non-résidents de détenir des biens immobiliers en France, pour leur usage privatif, sans payer les droits y afférents, il n'appelle pas d'observation particulière.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification

ARTICLE 16

Imposition des plus-values constatées et des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France.

Commentaire : le présent article propose d'imposer immédiatement, lorsque le contribuable transfère son domicile à l'étranger, les plus-values de cession ou d'échange de titres placées antérieurement sous le régime du report, ainsi que les plus-values constatées sur les participations substantielles.

Le présent article est l'un des quatre articles du présent projet de loi de finances destinés à lutter contre la délocalisation des revenus et des patrimoines les plus importants.

La législation actuelle ne permet de taxer, à la date du transfert du domicile d'un contribuable hors de France, ni les plus-values latentes, ni même les plus-values qui ont été effectivement réalisées, calculées et déclarées, mais qui sont placées en report d'imposition.

Dans cet objectif, cet article prévoit de rendre immédiatement imposable le contribuable qui transfère son domicile fiscal à l'étranger, au titre :

1- des " plus-values de cession ou d'échange de valeurs mobilières ou de droits sociaux dont l'imposition a été reportée " ( paragraphe I du présent article, insérant un 1 bis à l'article L. 167 du code général des impôts),

2- et des plus-values constatées sur les participations substantielles 39( * ) ( paragraphe II du présent article, créant un article L . 167 bis du code général des impôts).

I. L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES EN REPORT

A. LA SITUATION ACTUELLE

La législation actuelle ne permet pas de taxer, à la date du transfert du domicile d'un contribuable hors de France, les plus-values qui ont été effectivement réalisées, calculées et déclarées, mais qui sont placées en report d'imposition.


Dans le cas général, la cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux donnant lieu à plus-value subit une taxation à 26 % 40( * ) , payée l'année qui suit la cession.

Toutefois, pour certaines opérations financières qui entraînent des échanges de titres, une possibilité de report d'imposition est prévue 41( * ) . Une telle possibilité est également prévue dans un cas de cession de titres 42( * ) .

Le report d'imposition s'applique à la demande expresse du contribuable et a pour effet de reporter l'imposition jusqu'à la transmission (à titre gratuit ou à titre onéreux), le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres concernés. Le montant total des plus-values ayant donné lieu à reports s'établissait, au 31 décembre 1996, à 42,6 milliards de francs.

Sauf cas particuliers 43( * ) , les non-résidents ne sont pas soumis à l'imposition en France sur les plus-values qu'ils réalisent en France : le droit fiscal international retient la solution de l'imposition de la plus-value dans le pays de résidence du contribuable.

L'administration fiscale française n'a donc pas de moyen de connaître la situation des valeurs mobilières et des droits sociaux d'un contribuable en report d'imposition qui a transféré son domicile fiscal hors de France. Par conséquent, elle ne peut pas recouvrer l'impôt dû en cas de transmission, rachat, remboursement ou annulation des titres remis lors de l'échange, n'ayant pas la connaissance de cet événement.

Cette situation peut être source d'évasion fiscale .

B. LE PROJET DU GOUVERNEMENT

1. L'imposition immédiate


Le présent article propose de rendre immédiatement imposable le contribuable qui transfère son domicile fiscal à l'étranger, au titre des " plus-values de cession ou d'échange de valeurs mobilières ou de droits sociaux dont l'imposition a été reportée " ( paragraphe I du présent article, insérant un 1 bis à l'article L. 167 du code général des impôts). L'impôt est alors liquidé et il devient exigible.

Plusieurs autres pays connaissent des dispositifs de même nature : l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

En l'absence d'une connaissance fine du phénomène de la délocalisation fiscale, l'évaluation du nombre de contribuables qui seront concernés est très difficile ; a fortiori, il n'est pas possible d'évaluer les recettes supplémentaires pour l'Etat générées par ce nouveau système " anti - évasion fiscale ".

Toutefois, la mise en place, au début de l'année 1999, au sein du ministère de l'Economie et des finances, d'un " Observatoire de la délocalisation fiscale " devrait permettre, à partir de l'année prochaine, de mieux connaître ce phénomène et notamment les contribuables concernés et les recettes fiscales en jeu.

2. La possibilité de différer le paiement de cet impôt

a) Le sursis de paiement

Toutefois, le présent article propose de ménager la possibilité, pour le contribuable, de demander de différer le paiement de son impôt , jusqu'à la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres concernés 44( * ) . Il ne s'agit plus d'un report d'imposition mais d'un sursis de paiement de l'impôt liquidé.

Cette possibilité de sursis de paiement se justifie par deux raisons principales :

1- ne pas contraindre le contribuable à la cession de ses titres s'il n'a pas les liquidités nécessaires au paiement de l'impôt,

2- ne pas remettre en cause le report demandé par le contribuable.

b) Quatre conditions pour en bénéficier

Aux termes du paragraphe II de l'article 167 bis proposé, le contribuable devra réunir quatre conditions pour pouvoir bénéficier de ce sursis :

1- déclarer le montant de ses plus-values ;

2- demander expressément à bénéficier du sursis ;

3- constituer " auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor ",

4- et enfin, désigner " un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt ".

c) Les effets du sursis

Le sursis de paiement suspend la prescription de l'action en recouvrement . En effet, la prolongation du sursis ne doit pas permettre au contribuable d'opposer la prescription (le recouvrement de l'impôt direct se prescrit par quatre ans). Le point de départ de ce délai de quatre ans est donc reporté pendant toute la durée du sursis.

d) La fin du sursis

En cas de nouveau transfert du domicile en France, et pour les seuls titres que le contribuable concerné détient encore dans son patrimoine, le sursis prendra fin, l'impôt établi sur les plus-values en report sera dégrevé d'office et les reports existants seront rétablis de plein droit 45( * ) .

Le contribuable qui bénéficie du sursis de paiement devra remplir une déclaration annuelle de revenus ; cette déclaration constituera un document de suivi pour l'administration fiscale française. S'il omettait de le faire, ou si sa déclaration n'était pas complète, l'impôt en sursis de paiement deviendrait immédiatement exigible.

e) Le paiement de l'impôt

Le contribuable qui bénéficie d'un sursis de paiement devra donc payer les impôts au fur et à mesure que les transmissions, rachats, remboursement ou annulations de ses titres interviendront, avant le 1 er mars de chaque année.

Le texte du présent article prévoit que " l'impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l'impôt sur le revenu établi en France à condition d'être comparable à cet impôt ", afin d'éviter la double imposition .

Les conditions d'application du présent article (en particulier les modalités permettant d'éviter la double imposition, les obligations déclaratives des contribuables et les modalités du sursis de paiement) seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.

3. La déclaration provisoire de revenus

Le présent article est également l'occasion de moderniser la rédaction d'une disposition de l'article 167 du code général des impôts modifié par ailleurs.

Tout contribuable qui transfère son domicile fiscal hors de France doit remplir une déclaration provisoire de revenus , afin de procéder à l'imposition des revenus qui relèvent de la souveraineté fiscale de la France.

Il est proposé de prévoir que cette déclaration soit produite non plus dans les " dix jours qui précèdent la demande de passeport ", mais dans les " trente jours qui précédent le transfert du domicile hors de France ".



Cette modification présente deux avantages :

1- elle remplace la date de demande de passeport, qui a perdu de son sens 46( * ) , par la date du transfert du domicile fiscal à l'étranger,

2- elle laisse un délai suffisant au contribuable pour s'acquitter de ces formalités déclaratives, sans que ce délai soit trop éloigné de la date du départ pour donner une image fiable de ses revenus au moment du départ 47( * ) .

4. Un dispositif rétroactif

Ce dispositif s'appliquerait de manière rétroactive aux contribuables ayant transféré leur domicile hors de France depuis le 9 septembre 1998, date de la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres. L'entrée en vigueur de ce dispositif au 9 septembre rappelle la règle en vigueur aux Etats-Unis dite du " fair announce " selon laquelle les lois fiscales rétroagissent à la date à laquelle l'administration a annoncé les nouvelles dispositions qui allaient être soumises au Congrès.

Le motif d'intérêt général justifiant cette rétroactivité semble être la " moralisation " de la fiscalité pour les gros patrimoines et les placements financiers. En outre, ce caractère rétroactif dissuaderait les éventuels candidats à la délocalisation d'agir dans la précipitation entre l'annonce de la mesure et le 31 décembre 1998.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

La taxation des plus-values en report, au moment du transfert du domicile fiscal du contribuable, est légitime.

En effet, l'Etat a acquis une créance sur le contribuable qui a obtenu un sursis d'imposition : cette imposition est connue et la demande de report correspond à une acceptation de sa légitimité.

Ces plus-values sont actuellement taxables au moment de la cession des titres. Or nombreux sont les cas d'omission de déclaration et donc de non - recouvrement de cette créance par le Trésor. Le contribuable pourra demander un sursis de paiement de son impôt, qui s'apparente au report dont il bénéficiait préalablement à son départ, à condition de constituer des garanties, ce qui semble légitime.

II. L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES CONSTATÉES

A. LA SITUATION ACTUELLE

1. Définition des participations substantielles


Le paragraphe II du présent article concerne les " plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l'article 160 " du code général des impôts.

Il s'agit plus précisément des droits détenus directement ou indirectement 48( * ) dans les bénéfices sociaux de sociétés cotées ou non cotées 49( * ) par le cédant ou son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants qui ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ; c'est ce que l'on appelle les " participations substantielles ".

2. Régime actuel d'imposition


En vertu des articles 160-I et 244 bis B du code général des impôts, les plus-values réalisées sur les participations substantielles sont imposables en France, que leur détenteur y ait, ou non, son domicile fiscal 50( * ) .

Dans le cas général, la taxation se fait au taux de 16 % 51( * ) auquel s'ajoute 10 % au titre des prélèvement sociaux, soit une taxation à 26 %.

Toutefois, la législation actuelle ne permet pas de taxer, à la date du transfert du domicile d'un contribuable hors de France les plus-values latentes, c'est à dire celles qui n'ont pas encore été réalisées.

Or, certaines conventions fiscales bilatérales ne permettent pas à la France d'imposer les cessions de participations substantielles . Cette situation serait source d'évasion fiscale au motif qu'un résident français pourrait s'expatrier dans un pays qui ne reconnaît pas le droit à la France de l'imposer et qui lui-même opère une faible imposition, dans le seul objectif de vendre les droits qu'il détenait dans son entreprise avec une imposition réduite sur les plus-values réalisées.

B. LE PROJET DU GOUVERNEMENT

1. L'imposition immédiate


a) Principe

Le présent article prévoit de rendre immédiatement imposable le contribuable qui transfère son domicile fiscal à l'étranger, au titre des plus-values latentes sur ses participations substantielles ( paragraphe II du présent article, créant un article L . 167 bis du code général des impôts).

Trois pays européens connaissent un tel dispositif d'imposition des plus-values latentes : l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas.

b) Contribuables concernés

L'impôt établi sur les participations substantielles ne concernerait que les contribuables détenteurs de participations substantielles, résidents en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années . Cette limitation s'explique par la volonté du Gouvernement de ne comprendre dans ce dispositif que des contribuables ayant de forts liens avec la France, en évitant de taxer les personnes auxquelles leur profession impose une grande mobilité internationale.

Tout comme dans le cas de l'imposition des plus-values en report, il est très difficile d'évaluer le nombre de contribuables concernés par ces nouveaux dispositifs anti-délocalisation fiscale. Le Gouvernement n'avance aucune évaluation des recettes supplémentaires envisagées. L'Observatoire de la délocalisation fiscale précité devrait permettre, dans les années à venir, de mieux connaître ce phénomène, par nature, très difficile à cerner.

Ce nouvel article 167 1 bis du code général des impôts devrait également entrer en application rétroactivement au 9 septembre 1998.

c) Calcul de la plus-value latente

Le montant des plus-values latentes serait déterminé par différence entre la valeur des droits à la date du transfert du domicile du contribuable hors de France et leur prix d'acquisition 52( * ) .

Cette disposition ne pose pas de problème d'application pour les titres des sociétés cotées . Selon l'article 885 T bis du code général des impôts relatif à l'évaluation des biens pour l'ISF, " Les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d'imposition ". En pratique, c'est l'évaluation la plus favorable au contribuable qui est retenue.

La situation est plus complexe en ce qui concerne l'évaluation des titres des sociétés non cotées . L'article 758 du code général des impôts relatif à l'assiette des droits de mutation à titre gratuit prévoit que " la valeur servant de base à l'impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties (...) ". En matière de droits de mutation à titre gratuit et d'impôt sur la fortune, la jurisprudence et la doctrine administrative ont élaboré une évaluation des titres non cotés, qui servirait désormais pour le calcul de l'impôt sur les plus-values latentes.

L'évaluation des titres peut faire apparaître des " pertes constatées " ; le présent article prévoit qu'elles ne seraient pas imputables sur les plus-values de même nature réalisées par ailleurs, en vertu du principe selon lequel on ne peut pas imputer une moins-value latente sur une plus-value réalisée.

2. Le sursis de paiement : à plus-value latente, impôt latent

Une possibilité de sursis de paiement , dans les mêmes conditions qu'exposé précédemment, est prévue. L'imposition en sursis de paiement serait ajustée en fonction des plus-values effectives.

3. Le dégrèvement de l'impôt

L'impôt établi sur les plus-values latentes sur les participations substantielles a vocation à être un impôt temporaire, à simple usage dissuasif. De plus, il entend respecter le principe du droit fiscal international selon lequel les plus-values de titres sont imposées dans le pays de résidence : le présent article distingue donc, domiciliation réelle à l'étranger (au-delà de cinq ans), et domiciliation fictive (moins de cinq ans).

En effet, cet impôt sur les plus-values latentes serait dégrevé d'office au terme d'un délai de cinq ans 53( * ) , ou avant en cas de nouvelle installation en France, sous réserve que les droits sociaux soient toujours dans le patrimoine du contribuable. Ainsi, le contribuable qui sera revenu avec ses titres ou qui sera resté plus de cinq ans à l'étranger, sera réputé ne pas s'être délocalisé pour des raisons fiscales et ne paiera pas cet impôt.

A l'inverse, l'impôt deviendrait définitif pour les titres vendus, rachetés, remboursés ou annulés avant l'expiration du délai de cinq ans de résidence fiscale à l'étranger ou avant le retour en France, si ce retour intervient dans les cinq ans qui suivent le départ.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Sans être fondamentalement hostile à ce dispositif qui permettrait de limiter l'évasion fiscale, votre commission souhaite en souligner les travers et les risques.

1. Une innovation juridique : l'imposition de plus-values virtuelles

La plus-value n'est normalement imposée que si elle est réalisée : généralement, on n'impose pas un revenu virtuel ni une plus-value latente.

Plusieurs situations peuvent illustrer l'inadaptation, voire l'iniquité d'un tel mécanisme d'imposition des plus-values latentes :

1- un contribuable, ayant accepté d'être imposé immédiatement sur une plus-value latente, dégage à la cession de ses titres une moins-value ; il aura donc payé un impôt qu'il n'aurait pas été obligé de payer s'il n'était pas sorti du territoire, et dont il ne pourra bien sûr pas obtenir le remboursement auprès du Trésor ;

2- un contribuable, ayant accepté d'être imposé immédiatement, peut être à nouveau imposé sur son nouveau lieu de résidence, sans possibilité de compensation entre ces deux impôts payés si la convention fiscale liant ce pays de résidence à la France ne le prévoit pas ;

3- un contribuable quitte le territoire français en bénéficiant du sursis de paiement de l'impôt sur ses plus-values latentes en l'an n ; il décède en l'an n+ 4, c'est à dire avant le dégrèvement d'office de cet impôt ; ses titres n'ayant pas quitté le patrimoine du défunt durant ces quatre années, ses héritiers devront acquitter l'impôt calculé en l'an n, puisque la transmission à titre gratuit constituée par la succession fait tomber le sursis et rend cet impôt immédiatement exigible.

2. Des critères insatisfaisants

Cet article vise particulièrement les personnes physiques qui transféreraient leur domicile fiscal hors de France afin de vendre leur entreprise dans un pays ayant conclu avec la France une convention fiscale internationale ne reconnaissant pas à notre pays le droit d'imposer les plus-values sur les participations substantielles. Il s'agit vraisemblablement d'un public très restreint.

On peut s'étonner du traitement fait aux participations substantielles par rapport aux autres participations. En effet, les détenteurs de participations substantielles ne sont pas tous, loin de là, des détenteurs de " grosses fortunes " : le jeune ingénieur qui détient 25 % des droits sociaux d'une PME innovante nouvellement créée et part quelques années à l'étranger, risque de se trouver prisonnier du dispositif prévu par le présent article. A l'inverse, les détenteurs de " grosses fortunes " ne détiennent pas tous des participations substantielles.

C'est pourquoi votre commission des finances vous propose de redéfinir par voie d'amendement le champ d'application de cet article : les dispositions du présent article 16 s'appliqueraient à toutes les plus-values dès lors que le montant des droits sociaux concernés excède dix millions de francs au moment du transfert du domicile fiscal. Ce critère de valeur semble d'application plus simple et plus efficace que le dispositif prévu initialement par le Gouvernement.

3. Une entorse à la libre-circulation des personnes et des capitaux ?

Il est très courant aujourd'hui qu'un résident français soit contraint de transférer son domicile fiscal hors de France puis à nouveau en France en moins de cinq ans, pour des raisons professionnelles. Dans ce cas, s'il a vendu ses participations substantielles durant ce laps de temps, il subira l'imposition sur les plus-values latentes.

En outre, dans le contexte de la mise en place de l'euro et d'une mobilité accrue des personnes et des capitaux, cette nouvelle mesure aura pour effet de dégrader l'image de la France et de dissuader des personnes physiques et les personnes morales de venir s'installer dans notre pays.

Plus qu'au renforcement de la pression fiscale en France et des contraintes de sortie du territoire, votre commission croit à l'abaissement de la pression fiscale et au respect de la mobilité des personnes et des capitaux.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 17

Gratuité de la délivrance des cartes nationales d'identité
et du droit d'examen pour l'obtention du permis de conduire

Commentaire : le présent article tend à supprimer, à partir du 1 er septembre 1998, le droit de timbre dû au titre de la délivrance de la carte nationale d'identité, ainsi que le droit d'examen pour l'obtention du permis de conduire les véhicules terrestres à moteur.

I. LES DROITS DE TIMBRE RELATIFS AUX CARTES D'IDENTITÉ ET AU PERMIS DE CONDUIRE

A. LES CARTES D'IDENTITÉ


Aux termes de l'article 947 du code général des impôts, " les cartes d'identité délivrées par les préfets et les sous-préfets sont assujetties, soit lors de leur délivrance, soit lors de leur visa, de leur validation ou de leur renouvellement, lorsque ces formalités sont obligatoires d'après les règles en vigueur, à un droit de timbre".

Le "c" de l'article 947 prévoit la perception d'un droit de timbre de 160 francs (150 francs jusqu'au 15 janvier 1998) pour les cartes d'identité autres que celles visées au "a" du même article, c'est-à-dire autres que les cartes d'identités professionnelles des voyageurs ou représentants de commerce.

Le même droit de timbre est applicable aux cartes de séjour des ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne et aux certificats de résidence des ressortissants algériens (article 948 du CGI).

B. LE DROIT D'EXAMEN POUR L'OBTENTION DU PERMIS DE CONDUIRE LES VÉHICULES TERRESTRES À MOTEUR

L'article 967-I du CGI prévoit qu'un droit est perçu lors de "l'examen pour l'obtention du permis de conduire les véhicules automobiles, les motocyclettes et tous autres véhicules à moteur".

Ce droit d'examen est fixé à 250 francs depuis le 15 janvier 1998.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A. LA GRATUITÉ DES CARTES D'IDENTITÉ


Le I du présent article vise à rendre gratuite la délivrance de la carte nationale d'identité. Il abroge donc trois dispositions du CGI :

- le "c" de 'l'article 947 ;

- l'article 948 : cette abrogation découle logiquement de celle de l'article 947 puisque le droit de timbre prévu est "de même quotité que le droit perçu en application de l'article 947" ;

- l'article 951 bis : cet article, introduit par l'article 80 de la loi n°98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, exonère du droit de timbre en question les personnes "dont les ressources ne dépassent pas le montant du revenu minimum [d'insertion] et qui n'ont pas la possibilité d'apporter la preuve d'un domicile ou d'une résidence dont elles seraient propriétaire ou occupant ou auxquelles la loi n'a pas fixé une commune de rattachement" .

Cette dernière disposition prend en compte le fait que le droit de timbre peut constituer un élément dissuasif pour les personnes sans domicile fixe souhaitant se faire délivrer une carte d'identité : elle anticipait l'exonération générale de droit de timbre prévue par le présent article. Il est cependant dommage - pour la qualité de la loi - de constater qu'une disposition législative sera abrogée le jour même... de son entrée en vigueur.

Environ 3,5 millions de cartes d'identité sont délivrées chaque année. Ainsi, en année pleine, cette mesure engendre un allégement fiscal de 560 millions de francs , qui - et il ne s'agit pas bien sûr de remettre en cause cette décision qu'approuve votre commission - représenteront cependant davantage un manque à gagner pour l'Etat qu'une économie d'impôt appréciable pour les ménages (160 francs tous les 10 ans).

B. LA SUPPRESSION DE LA TAXE D'EXAMEN POUR L'OBTENTION DU PERMIS DE CONDUIRE

Le II du présent article abroge l'article 967 du CGI : l'obtention du permis de conduire les véhicules terrestres à moteur ne sera donc plus conditionnée au paiement d'un droit d'examen de 250 francs.

L'allégement fiscal en résultant devrait avoisiner 600 millions de francs en année pleine. En effet, selon des estimations du ministère, 2,32 millions d'examens théoriques (code) et pratiques devraient être passés en 1999.

En outre, il faut bien noter que seule la taxe d'examen pour l'obtention du permis de conduire est supprimée : en effet, la délivrance du permis reste soumise à une taxe prévue à l'article 1599 terdecies du CGI, et perçue au profit de la région . Son tarif varie de 0 à 450 francs selon la région :


Régions

Permis de conduire

Tarifs 1998

Alsace

Aquitaine

Auvergne

Basse-Normandie

Bourgogne

Bretagne

Centre

Champagne-Ardenne

Corse

Franche-Comté

Guadeloupe

Guyane

Haute-Normandie

Ile-de-France

Languedoc-Roussillon

Limousin

Lorraine

Martinique

Midi-Pyrénées

Nord-Pas-de-Calais

Pays de Loire

Picardie

Poitou-Charentes

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Réunion

Rhône-Alpes

268

341

235

150

225

285

0

150

214

290

0

0

252

1

322

257

308

350

300

240

280

1

190

320

450

330

Taux moyen

221,5

Tarif moyen en métropole

Tarif moyen DOM

225,4

200

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

L'allégement total résultant de ces suppressions de droit de timbre s'élève ainsi à environ 1,20 milliard de francs.

Enfin, votre commission voudrait attirer l'attention sur deux points.

D'une part, l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1 er septembre 1998 est critiquable sur le plan des principes, mais paraît nécessaire eu égard aux problèmes techniques qui se poseraient en cas de remboursement des droits acquittés pour des documents établis à partir du 1er septembre, la restitution étant un procédé souvent complexe et lourd à gérer.

D'autre part, il est permis de s'interroger sur la logique qui consiste à augmenter les droits de timbre en 1998 puis à supprimer certains d'entre eux l'année suivante.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 18

Modification des tarifs des taxes intérieures de consommation sur les produits pétroliers et sur le gaz naturel et mise en oeuvre d'un remboursement de TIPP aux transporteurs routiers

Commentaire : le présent article propose de :

- modifier les tarifs des taxes intérieures de consommation sur les produits pétroliers et sur le gaz naturel ;

- réduire l'écart de taxation entre le gazole et le supercarburant sans plomb ;

- rembourser partiellement la TIPP sur le gazole pour le transport routier ;

- rebudgétiser la redevance jusqu'à présent perçue au profit du fonds de soutien aux hydrocarbures.

I. LE RÉGIME FISCAL DU GAZOLE : UNE " EXCEPTION  FRANÇAISE "

A. UN ÉCART DE TAXATION IMPORTANT...


Le gazole bénéficie, en France, d'un régime fiscal très avantageux , le tarif de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) qui lui est applicable étant de 2,41 francs le litre, contre 3,84 francs pour un litre de supercarburant sans plomb. Le différentiel de TIPP entre ces deux carburants routiers est donc de 1,43 franc le litre. Cet écart de taxation est le plus important au sein de l'Union européenne, la moyenne communautaire s'établissant à 0,97 franc.

Il faut toutefois rappeler que le gazole n'est pas moins taxé en France que dans les autres pays européens : ce sont les autres carburants routiers qui le sont davantage.

Le régime fiscal très avantageux du gazole oriente la demande des consommateurs vers les véhicules à moteur diesel, ainsi que le montre le tableau ci-dessous qui retrace la consommation de produits pétroliers.



Le parc automobile français est ainsi caractérisé par un taux de diésélisation particulièrement élevé , qui est passé de 8,4 % en 1980 à 38,1 % en 1998, comme l'illustre le tableau ci-après.



En outre, le faible prix du gazole conduit les possesseurs de véhicules diesel à les utiliser davantage.

B. ...QUI N'EST PAS JUSTIFIÉ

Il serait vain de tenter de comparer les avantages et inconvénients respectifs du supercarburant et du gazole. Il est cependant possible, au regard de trois paramètres, de s'interroger sur la légitimité d'une telle inégalité fiscale.

1. Le paramètre environnemental

L'un des principaux arguments utilisés dans le débat opposant partisans du gazole et partisans de l'essence est la caractère polluant du premier. En réalité, la part du gazole dans la pollution de l'air est délicate à déterminer. Les études menées en ce sens aboutissent à des conclusions nuancées.

Les bilans d'émission en oxydes d'azote et en hydrocarbures sont relativement comparables pour les moteurs diesel et essence. En revanche, les deux tiers des microparticules inférieures à 10 microns - les plus dangereuses car pénétrant plus profondément les voies respiratoires - émises par les véhicules le sont par les véhicules diesel. Enfin, le gazole contribue moins largement que l'essence à l'émission de gaz à effet de serre, l'émission de dioxyde de carbone (CO2) par un moteur diesel étant très inférieure à celle d'un moteur essence, même si la puissance plus grande choisie par les possesseurs de véhicules diesel et des distances parcourues plus importantes viennent nuancer ce propos.

Il apparaît que la pollution de l'air n'est pas tant aggravée par la nature du carburant routier lui-même que par ses conditions d'utilisation. Or, les conditions de la circulation urbaine sont défavorables, eu égard notamment à l'émission de particules, aux véhicules diesel.

Les qualités environnementales du gazole ne sauraient justifier l'avantage fiscal dont il bénéficie.

2. Le paramètre industriel


La déformation de la structure de la consommation des carburants sous l'effet de la fiscalité fait diverger de plus en plus lourdement la demande par rapport aux possibilités de l'outil de raffinage français.

En effet, l'industrie française du raffinage a réalisé de lourds investissements, à la demande des pouvoirs publics le plus souvent, afin d `assurer la production de supercarburant sans plomb. Or, le différentiel de TIPP en faveur du gazole constitue un handicap structurel pour le raffinage français, l'industrie pétrolière se voyant contrainte d'exporter de l'essence à bas prix et d'importer des quantités importantes de gazole.

Ces surcoûts, conjugués à de lourds besoins d'investissements nécessités par l'ajustement des schémas de raffinage, fragilisent le raffinage français par rapport à celui des autres pays européens.

Cependant, depuis une bonne année, les cours du pétrole brut ont nettement diminué. Dès lors, les marges de raffinage ont progressé en 1997, même s'il s'agit avant tout d'un phénomène de rattrapage. Toutefois, cette baisse des prix du pétrole n'a eu qu'un impact limité sur le prix à la pompe des carburants routiers. Le prix de vente à la pompe dépend partiellement des variations du prix hors taxes, qui est lié, notamment, aux cours du pétrole brut et aux fluctuations du marché, national et international. Or, le poids de la fiscalité pesant sur les carburants routiers - plus de 75 % du prix de vente des carburants est composé de taxes - affecte la répercussion de la baisse des cours sur le prix à la pompe.

3. Le paramètre budgétaire

La croissance de l'utilisation du carburant routier le moins taxé pèse
sur le rendement de la fiscalité pétrolière. En effet, la déformation de la structure des consommations de carburants au profit des produits les moins taxés s'est confirmée et la part du gazole dans la consommation totale de carburant a progressé régulièrement.

En 1996, les recouvrements de TIPP étaient en baisse de près de 1 %, alors que le relèvement des tarifs opéré par la loi de finances pour 1996 conduisait à une progression de 3,5 % par rapport à 1995. En 1997, les recettes de TIPP s'établissent à 150,75 milliards de francs, soit une progression de 1,6 % par rapport à 1996. Le relèvement des tarifs ayant néanmoins procuré une recette supplémentaire de 3,1 milliards de francs, les recouvrements de TIPP à législation constante accusent une baisse de 0,6 %.

Il est établi qu'une réduction de l'écart actuel au niveau de l'écart moyen constaté dans l'Union européenne engendrerait un supplément de recettes de l'ordre de 14 milliards de francs, et de 39 milliards en cas d'alignement des fiscalités appliquées au gazole et au supercarburant sans plomb.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A. UNE MODIFICATION DIFFÉRENCIÉE DES TARIFS DES TAXES INTÉRIEURES DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS PÉTROLIERS ET SUR LE GAZ NATUREL

1. La stabilisation de la fiscalité sur le supercarburant sans plomb, le GPL et le GNV


Le présent article propose de ne pas augmenter le tarif de la TIPP applicable au supercarburant sans plomb pour 1999. Son tarif restera donc, hors fonds de solidarité des hydrocarbures (FSH), de 384,23 francs par hectolitre.

De même, le tarif de la TIPP applicable au gaz de pétrole liquéfié (GPL) et au gaz naturel véhicules (GNV) reste inchangé : 70 francs pour 100 kilogrammes de GPL, et 60 francs pour 100 mètres cubes de GNV.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, les taxes sur ces carburants routiers n'augmenteront pas d'une année sur l'autre. Le projet de loi de finances pour 1998 avait relevé, dans une proportion supérieure de un point à l'inflation, le tarif applicable à tous les carburants routiers, en le majorant de 8 centimes par litre (soit 8 francs par hectolitre). La progression moyenne était ainsi de 2,3 %. Compte tenu de la hausse des prix à la consommation prévue pour 1999, la fiscalité de ces carburants routiers connaîtra même une baisse relative, dont l'effet sera sans doute atténué par l'attention portée par les consommateurs aux mouvements absolus - et non relatifs - des prix.

Ces mesures sont directement inspirées du rapport d'information rédigé par Mme Nicole Bricq, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avançant un certain nombre de propositions destinées à promouvoir la " fiscalité écologique ". Mme Bricq envisageait ainsi " un gel de la pression fiscale sur le supercarburant sans plomb " et proposait de " geler le taux de la TIPP applicable au GPL et au GNV " , afin d'orienter les utilisateurs vers l'achat de " véhicules propres " ou vers l'adaptation de leurs véhicules à ces " carburants propres ".

2. L'actualisation des tarifs de la TIPP applicable aux autres produits pétroliers et de la TICGN

Le présent article propose, comme chaque année, de relever , à compter du 11 janvier 1999, le tarif de la TIPP applicable aux produits pétroliers (tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes) autres que le supercarburant sans plomb, le GPL et le GNV, et celui de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel ( TICGN, article 266 quinquies du code) dans la même proportion que l'indice des prix à la consommation, soit + 0,9 % (indice 1998).

Le principal carburant routier concerné par cette hausse de la fiscalité est le supercarburant plombé. Hors FSH, le tarif du supercarburant plombé passe de 411,51 francs pour un hectolitre à 415,21 francs (+ 3,70 francs).

Depuis la loi de finances pour 1992, et conformément à la directive communautaire n° 92/81 dite " directive structures ", l'augmentation du tarif de la TICGN n'est plus effectuée en même temps que celle du tarif de la TIPP, mais fait l'objet d'une disposition séparée. Le taux de la TICGN est porté de 7,30 francs à 7,37 francs pour 1.000 kilowattheures (+ 7 centimes).

3. La suppression de la redevance perçue au profit du FSH


On remarque que, après intervention des hausses fiscales décrites ci-dessus, les tarifs applicables aux carburants automobiles augmentent encore de 0,39 franc par hectolitre, soit 0,39 centime par litre.

Cette augmentation correspond en réalité à la réintégration dans la TIPP d'une redevance d'un montant équivalent, qui était jusqu'à présent perçue sur ces mêmes carburants au profit du fonds de soutien aux hydrocarbures (FSH). En effet, l'article 266 ter du code des douanes dispose, dans son premier alinéa, que " Les supercarburants, l'essence normale et le gazole, ... ,sont passibles d'une redevance, perçue au profit du fonds de soutien aux hydrocarbures, d'un montant de 0,39 franc par hectolitre ".

Le FSH est un compte spécial du Trésor (n° 902-12) créé en 1950 pour promouvoir le développement des technologies pétrolières et gazières. Il permet d'allouer aux entreprises présentant des programmes de recherche et développement dans le domaine de l'exploration et de la production des hydrocarbures des aides dont le taux est au plus égal à 50 % du budget de programme. Ces aides sont remboursables en cas de succès commerciaux en fonction du chiffre d'affaires spécifique réalisé par l'entreprise. Le FSH a notamment permis à l'industrie parapétrolière française de renforcer ses positions sur les marchés étrangers et d'y occuper souvent une place de premier plan.

Le III du présent article propose de supprimer l'article 266 ter du code des douanes à compter du 11 janvier 1999. C'est pourquoi une dotation de 280 millions de francs, correspondant aux recettes du FSH, est inscrite , en contrepartie, au budget de l'Etat, lequel financera dorénavant le développement de la recherche et de la production d'hydrocarbures.

Le tableau ci-après récapitule les modifications, pour 1999, de la fiscalité sur les produits pétroliers consécutives aux dispositions du présent article.



B. LA RÉDUCTION DE L'ÉCART DE TAXATION ENTRE LE GAZOLE ET LE SUPERCARBURANT SANS PLOMB EST ENGAGÉE

Le présent article constitue la première étape du rééquilibrage de la fiscalité du gazole sur celle des autres carburants routiers.

En effet, le tarif de la TIPP sur le gazole est augmenté , à compter du 11 janvier 1999, de 7 centimes par litre, soit une augmentation de 2,9 %. L'hectolitre de gazole passera donc de 240,79 francs à 248,18 francs (y compris les 39 centimes correspondants à la redevance FSH).

Il s'agit d'une progression modérée de la fiscalité sur le gazole , dont le produit devrait s'élever, en 1999, à 2,78 milliards de francs.

Le dispositif prévu par le Gouvernement doit permettre d'aligner l'écart de taxation français entre le gazole et le supercarburant sans plomb sur l'écart communautaire moyen sur une durée de sept ans. Le Gouvernement note que " Cette période a été retenue pour permettre aux consommateurs et aux constructeurs automobiles de s'adapter à cette mesure et de limiter les hausses de la TIPP à un niveau très modéré ".

Assurément, cette mesure va dans le bon sens. La commission d'enquête sénatoriale consacrée à la politique énergétique de la France appelait " à une action plus résolue des pouvoirs publics vers un alignement de l'écart de TIPP entre le gazole et le supercarburant sur l'écart moyen européen ".

En outre, la commission d'enquête estimait que ce nécessaire rééquilibrage devait être " prudent et progressif ". En effet, il convient de préserver les ménages d'une hausse excessive de la fiscalité applicable à un carburant - le gazole - que les pouvoirs publics les ont encouragés, du moins implicitement, à consommer. La réforme fiscale doit donc être programmée sur une période suffisamment longue pour permettre aux agents économiques d'opérer leurs arbitrages. En outre, l'industrie automobile française, très présente sur le marché du diesel, ne doit pas se trouver déstabilisée par cette réforme fiscale. La commission d'enquête concluait que le nécessaire alignement de la fiscalité "devrait être programmé sur une période de 5 à 10 ans ".

Les dispositions prévues par le présent article s'inscrivent donc, sur ces points, dans le cadre des recommandations du Sénat.

C. LE REMBOURSEMENT PARTIEL DE LA TIPP SUR LE GAZOLE AUX TRANSPORTEURS ROUTIERS


1. Les raisons d'un remboursement partiel


La commission d'enquête susmentionnée avait également souhaité que des solutions soient trouvées pour que la compétitivité du secteur des transports routiers et du secteur automobile ne soit pas trop affectée par le rééquilibrage demandé de la fiscalité.

Un mécanisme de remboursement d'une fraction de la hausse de TIPP sur le gazole est indispensable.

En effet, les transporteurs routiers, à la différence des particuliers n'ont guère le choix de leur carburant. Les possibilités de substitution qui s'offrent à eux sont beaucoup plus limitées, les véhicules fonctionnant presque tous au gazole. Ce dernier est du reste un carburant adapté pour les poids lourds, ainsi que pour les gros rouleurs : son utilisation pose problème pour de petites distances en milieu urbain.

En outre, les carburants représentent plus de 15 % des charges d'exploitation des transporteurs routiers.

Enfin, l'environnement concurrentiel qui est celui des transporteurs routiers doit conduire à une majoration raisonnable de la fiscalité pesant sur le gazole. Il convient de garder à l'esprit qu'il existe un risque de déplacement de la consommation en raison des capacités de stockage des transporteurs routiers.

Le contexte dans lequel intervient la réforme proposée est national mais également européen . Or, les droits d'accises sur les huiles minérales ont été harmonisés par la directive n° 92/81 du 19 octobre 1992 .

L'article 8 alinéa 4 de cette directive donne à un Etat membre la possibilité de mettre en place un carburant utilitaire : " le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un Etat membre à introduire des exonérations pour des réductions supplémentaires pour des raisons de politique spécifique ". Il ajoute : " le Conseil est réputé avoir autorisé l'exonération ou la réduction proposée [par l'Etat membre] si, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle les autres Etats membres ont été informés ... , ni la Commission, ni aucun Etat membre n'a demandé que cette question soit examinée par le Conseil ".

Le même article 8, dans son alinéa 8, pose le fondement juridique d'un mécanisme de remboursement de la taxe ainsi perçue : " les Etats membres ont la faculté de donner effet aux exonérations ou réductions du taux d'accises visées au présent article au moyen d'un remboursement de l'accise payée ".

2. Les modalités du remboursement partiel

Le IV du présent article détermine les modalités du remboursement partiel qu'il est proposé d'instaurer. Ces modalités sont fixées par un nouvel article - 265 septies - du code des douanes.

Ainsi, peuvent obtenir, sur leur demande, un remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gazole, les entreprises propriétaires ou, en leur lieu et place, les entreprises titulaires " soit d'un contrat de crédit - bail, soit d'un contrat de location de deux ans ou plus et comportant une faculté d'achat " (article 284 bis A du code des douanes) :

- de véhicules routiers à moteur destinés au transport de marchandises et dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 12 tonnes ;

- de véhicules tracteurs routiers dont le poids total roulant est égal ou supérieur à 12 tonnes.

Le seuil de 12 tonnes finalement retenu qui apparaît pertinent , exclut les fourgonnettes, les utilitaires légers, les autocars et les autobus.

Le V du présent article prévoit que " le dispositif prévu au IV s'applique aux acquisitions de gazole effectuées à compter du 11 janvier 1999 ". Il interviendra avec un décalage d'un an, et n'aura d'effet sur les finances publiques qu'à partir de 2000. Son coût est estimé à 320 millions de francs.

Le mécanisme prévu consiste à rembourser la différence entre les deux taux de TIPP sur le gazole qui coexisteront : d'une part, le taux de droit commun, et, d'autre part, le taux du " carburant professionnel " au taux applicable à ce type d'utilisation au cours de l'année n-1 augmenté d'une somme correspondant au produit de la taxe sur le supercarburant sans plomb au cours de l'année n-1 par la variation des prix à la consommation.

Concrètement, pour la période du 11 janvier 1999 au 10 janvier 2000, le remboursement partiel sera de 3,54 centimes par litre, soit 1.416 francs pour un poids lourd.

En effet, le présent article prévoit que " le remboursement est plafonné à 40.000 litres de gazole par an et par véhicule ". Ce plafond correspond à la consommation annuelle moyenne du type de véhicules routiers visés par ces dispositions.

III. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté le présent article, amendé sur trois points :

- à l'initiative de M. Yves Cochet, elle a adopté deux amendements tendant, pour le premier, à abaisser de 70 francs à 65,71 francs pour 100 kilogrammes le taux de TIPP applicable au GPL , ce qui correspond au minimum communautaire, et, pour le deuxième, à abaisser de 60 francs à 55 francs pour 100 mètres cubes le taux applicable au GNV ; le coût de la première mesure est de 12,8 millions de francs , celui de la seconde de 0,2 million ;

- elle a adopté un amendement présenté par M. Maurice Adevah-Poeuf visant à porter de 12.000 à 40.000 litres par an et par véhicule le plafond de la détaxe de la TIPP applicable au GPL et au GNV bénéficiant aux exploitants de transport public en commun de voyageurs ; le coût budgétaire de cette disposition sera nul en 1999 mais estimé à 2,8 millions de francs en 2000 ;

- elle a, enfin, adopté deux amendements présentés par M. Didier Migaud, rapporteur général, le premier étant d'ordre rédactionnel, le second clarifiant les modalités d'évolution de la fraction de TIPP sur le gazole qui sera remboursée aux transporteurs routiers.

Le Gouvernement a émis un avis favorable sur l'adoption de chacun de ces cinq amendements.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission approuve l'orientation générale prise par le présent article , plusieurs de ses dispositions étant conformes aux recommandations formulées à plusieurs reprises par le Sénat, notamment par sa commission d'enquête sur la politique énergétique de la France.

En revanche, elle estime qu'il est possible de réduire l'écart de taxation entre le gazole et l'essence - réduction que le présent article propose d'engager - tout en réduisant le poids de la fiscalité sur le supercarburant sans plomb.

Votre commission vous propose, en conséquence, un amendement tendant à réduire de 2 centimes par litre le taux de TIPP applicable au supercarburant sans plomb, et à accroître de 1 centime par litre le taux de TIPP applicable au gazole, étant entendu que, d'après les informations fournies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à votre Rapporteur Général, les modifications de tarif proposées sont sans incidence en termes de recettes fiscales.

Ainsi, le tarif de la TIPP sur le gazole serait porté à 249,18 francs pour un hectolitre au lieu de 248,18 francs, et celui de la TIPP sur le supercarburant sans plomb à 382,62 francs pour un hectolitre au lieu de 384,62 francs.

L'écart de fiscalité entre le gazole et le supercarburant sans plomb serait ainsi réduit de 10 centimes, et non de 7 centimes comme le propose le présent article. L'alignement sur l'écart moyen communautaire serait réalisé, non sur une période de sept ans, mais sur cinq ans . Cette position est tout à fait cohérente, tant avec la proposition du rapport de la commission d'enquête du Sénat qu'avec celle du rapport de Mme Nicole Bricq.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 18 bis (nouveau)

Modification du régime fiscal de l'aquazole

Commentaire : le présent article tend à exonérer de TIPP la part d'eau contenue dans l'aquazole.

I. LES PROPRIÉTÉS DE L'AQUAZOLE

A. UN NOUVEAU CARBURANT " PROPRE "


L'aquazole est un produit mis au point par le groupe Elf : il s'agit d'un nouveau carburant se présentant sous la forme d'une émulsion composée d'eau et d'antigel, de gazole et d'additifs. Exprimée en volume, la répartition est la suivante : eau et antigel : 11,2 % ; gazole : 86,1 % ; additifs : 2,7 %.

Cette émulsion se substitue au gazole dans les moteurs diesel.

Le régime de l'accise est fixé par la directive n° 92/81 du Conseil du 19 octobre 1992, modifiée, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales. Son article 2 alinéa 3 précise que " tout produit destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme carburant ou comme additif ou en vue d'accroître le volume final des carburants est taxé comme un carburant ". Ainsi, l'accise est celle du gazole routier ou celle du gazole sous condition d'emploi.

Le rapport de la commission d'enquête du Sénat consacrée à la politique énergétique de la France notait que " l'aquazole semble disposer d'atouts intéressants ".

Effectivement, l'émulsion d'eau dans du gazole contribue à l'amélioration de la qualité de l'air dans les zones urbaines, qui sont les plus touchées par la pollution atmosphérique. L'aquazole est utilisable sans modification du moteur et permet de réduire fortement les rejets polluants des véhicules : les émissions d'oxyde d'azote seraient réduites de 15 à 30 %, celles de particules de 10 à 50 % et les fumées noires de 30 à 80 %. Ces bons résultats s'expliquent par la modification des conditions de combustion du carburant due à la présence de l'eau. Celle-ci permet d'abaisser la température de combustion et ralentit la cinétique de formation des oxydes d'azote. Parallèlement, la vaporisation brutale de cette eau conduit à une meilleure dispersion du carburant dans la chambre de combustion, ce qui diminue la formation des suies et des particules. L'utilisation de l'émulsion dans les véhicules équipés de pots catalytiques d'oxydation réduit encore davantage les émissions des principaux polluants atmosphériques, notamment celles d'hydrocarbures imbrûlés et de monoxyde de carbone.

En outre, l'émulsion d'eau dans du gazole est utilisable sans modification technologique des moteurs. Le gazole employé dans la fabrication de l'émulsion étant standard, aucune modification des schémas de raffinage ni des installations logistiques n'est nécessaire.

B. UNE UTILISATION CIBLÉE ET ENCORE EXPÉRIMENTALE

L'aquazole est un nouveau carburant pour les poids lourds, destiné en priorité aux flottes captives urbaines et aux installations fixes : transports en commun, poids lourds urbains de livraison ou à vocation utilitaire, moteurs diesel fixes... Il peut être utilisé sans difficulté par des véhicules particuliers, même s'il n'est pas destiné à ce marché. L'émulsion est délivrée en vrac à des flottes captives urbaines possédant des installations de stockage et non par l'intermédiaire des réseaux de station-service.

L'aquazole présente néanmoins deux inconvénients : d'une part, il fait baisser la puissance du moteur, ce qui entraîne un surcoût de consommation de 10 %, et ,d'autre part, sa stabilité n'est pas assurée au-delà de six mois.

Actuellement, l'aquazole est encore utilisé à titre expérimental. Les communes de Chambéry, de Lyon ou de Villefranche-sur-Saône y ont ainsi recours pour faire fonctionner une partie de leurs bus. La RATP s'intéresse également, pour son parc de bus, au développement de l'aquazole.

En effet, ce nouveau carburant ne dispose pas d'une autorisation de mise sur le marché et ne peut être utilisé que sur la base de dérogations accordées ponctuellement par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, pour la période du 1 er avril 1998 au 31 mars 1999, a été autorisée la mise sur le marché d'un volume de 2.000 mètres cubes ; ce volume autorisé a été porté à 5.000 mètres cubes pour la période du 1 er octobre n1998 au 31 mars 1999. Une telle décision semble indiquer le développement de l'aquazole.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le présent article prévoit de modifier le régime fiscal de l'aquazole. En effet, la part d'eau contenue dans ce carburant est elle-même soumise à la TIPP.

Dès lors, à pouvoir calorifique équivalent, l'aquazole est taxé plus fortement que le gazole lui-même. En effet, un volume d'émulsion égal à 1,1 fois le volume de gazole est nécessaire pour effectuer le même trajet en raison de la présence de l'eau. La taxe est ainsi augmentée proportionnellement, son assiette étant constituée par le volume total de l'émulsion (eau incluse). Le surcoût engendré est évalué à 30 centimes par litre.

Mme Nicole Bricq, dans son rapport d'information réalisé au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale et consacré à la fiscalité écologique, proposait de " modifier le régime fiscal appliqué à l'aquazole en exonérant de TIPP la part d'eau de ce carburant ".

Le présent article , issu d'un amendement de M. Didier Migaud, rapporteur général, de Mme Nicole Bricq et de M. Michel Bouvard, propose de réaliser cette exonération, en fixant le taux de TIPP applicable à l'aquazole , désigné non sous son nom commercial mais sous l'appellation technique d' " émulsion d'eau dans du gazole stabilisée par des agents tensio-actifs, dont la teneur en eau est égale ou supérieure à 7 % en volume sans dépasser 20 % en volume " , à un niveau inférieur de 15 % par rapport à celui du gazole, soit 210,95 francs pour un hectolitre.

M. Didier Migaud a présenté un sous-amendement, qui a été adopté, proposant que, à l'aquazole sous condition d'emploi , soit appliqué un taux de TIPP de 43,75 francs pour un hectolitre , ce qui correspond au taux actuel du fioul domestique (51,47 francs par hectolitre à compter du 11 janvier 1999), diminué de 15 %. En effet, le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les huiles lourdes est différent, selon que le produit est utilisé comme carburant pour véhicules routiers - le gazole proprement-dit - ou sous condition d'emploi, c'est-à-dire comme carburant dans des moteurs fixes, dans des engins de travaux publics agricoles et forestiers, et dans divers véhicules ne circulant pas sur la voie publique. Dans ce cas, le gazole sous condition d'emploi, ou fioul domestique, est coloré en rouge et identifié par des traceurs chimiques. Afin que les émulsions d'eau dans du gazole puissent bénéficier des mêmes utilisations que le gazole lui-même, il convient, de la même manière, de distinguer l'utilisation da l'aquazole comme carburant de véhicules routiers et celle sous condition d'emploi.



Les taux adoptés dans le présent article permettent de compenser le poids de la TIPP sur la part d'eau contenue dans l'émulsion. Il s'agit d'une mesure d'équité fiscale, à laquelle votre commission adhère. Au regard du développement futur de ce nouveau carburant, et si les expériences en cours se révèlent fructueuses, il conviendra probablement de prendre fiscalement en considération les bénéfices écologiques de l'aquazole.



Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 18 ter (nouveau)

Augmentation du volume de GPL défiscalisé pour les taxis

Commentaire : le présent article tend à porter de 6.500 litres à 9.000 litres par an le volume de GPL exonéré de TIPP dont disposent les chauffeurs de taxis.



I. LES INCITATIONS À L'UTILISATION DE CARBURANTS ALTERNATIFS


Le présent article s'inscrit dans le cadre de l'incitation à l'utilisation de carburants alternatifs à l'essence et au diesel, en l'occurrence le GPL et le GNV.

Le GPL
(gaz de pétrole liquéfié) est un mélange de butane et de propane produit par raffinage du pétrole brut ou récupéré sur les gisements de pétrole ou de gaz naturel. Il offre un certain nombre d'avantages : prix hors taxes modéré, bien que supérieur à celui de l'essence et du gazole, logistique minimale de distribution existante, rejets toxiques réduits de 30 à 70 % par rapport au mieux réglé des moteurs à essence. Néanmoins, l'installation du second réservoir entraîne un surcoût compris entre 12.000 et 19.000 francs par véhicule. En outre, le moteur GPL s'accompagne d'une perte de puissance de 2 à 12 % par rapport au moteur à essence, ce qui accroît la consommation au kilomètre du GPL d'environ 20 %.

Pour compenser ces surcoûts, le GPL a bénéficié depuis 1996 de trois séries de mesures incitatives :

- l'article 20 de la loi de finances pour 1996 a procédé à une forte réduction de la TIPP applicable au GPL, son taux étant passé de 245,67 francs par quintal à 74,34 francs à compter du mois de janvier 1996 ;

- la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie de décembre 1996 a, notamment, prévu le remboursement de la TIPP pour les véhicules de transports publics dans la limite de 12.000 litres par an et pour les taxis dans la limite de 6.500 litres par an ;

- la loi de finances pour 1998 a diminué la TIPP sur le GPL de 8 %, a autorisé la récupération de la TVA à 100 % pour les véhicules de fonction et de société et a permis aux conseils généraux d'exonérer de vignette les véhicules dits " propres " à partir de 1999.

Ces différentes mesures incitatives ont permis d'assister à une croissance très importante de la consommation du GPL, dont le volume des ventes est passé de 21.174 tonnes en 1995 à 84.557 tonnes en 1997, soit une progression de près de 300 % en trois ans. La consommation japonaise de GPL est cependant 1,76 million de tonnes, et celle de l'Italie de 1,18 million. Dans le même temps, le nombre de véhicules équipés est passé de 20.000 à 70.000, et serait proche de 100.000 unités aujourd'hui. 40.000 véhicules neufs devraient être immatriculés en 1998. Enfin, le nombre de stations délivrant du GPL est passé de 600 environ en 1995 à 900 au début de 1998. Il était toutefois de 1.246 en 1986.

Le GNV (gaz naturel pour véhicules), quant à lui, possède des qualités environnementales incontestables : émissions de dioxyde de carbone réduites de 25 à 30 % par rapport aux carburants traditionnels, émissions de dioxyde d'azote inférieures de 40 %, réduction des pollutions à froid... Mais il présente des inconvénients qui ont pour l'instant réduit sa diffusion.

En effet, outre le fait que la puissance des véhicules est réduite de l'ordre de 15 %, il est nécessaire de stocker le GNV sous une pression de 200 bars (c'est-à-dire dix fois supérieure à celle nécessaire pour le GPL), ce qui implique l'utilisation de bouteilles lourdes et encombrantes. De plus, pour avoir une autonomie équivalente à 100 litres d'essence, une réserve de 260 litres est nécessaire, ce qui explique que l'emploi du GNV est souvent réservé aux flottes d'utilitaires spécifiques. Enfin, le coût d'adaptation global est bien plus important que pour le GPL : une station de compressage rapide coûte plus de 3 millions de francs, investissement irréalisable pour des flottes inférieures à 100 véhicules.

Ces difficultés techniques expliquent qu'en France seuls 17.000 véhicules roulent au gaz, dont 4.000 à la RATP.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le présent article propose de modifier l'article 265 sexies du code des douanes.

Cet article précise, dans son premier alinéa, que les chauffeurs de taxi bénéficient d'une exonération totale de TIPP applicable à tout carburant, " dans la limite de 5.000 litres par an pour chaque véhicule ". Son quatrième alinéa précise que " à compter du 1 er janvier 1997, la limite visée au premier alinéa est fixée à 6.500 litres pour le gaz naturel véhicules et la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le gaz de pétrole liquéfié carburant ".

Le présent article propose de porter ce plafond d'exonération de 6.500 à 9.000 litres de GNV et de GPL, à compter du 1 er janvier 1999.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission n'est pas persuadée que les dispositions du présent article constituent une incitation particulièrement efficace à l'adoption de carburants propres par les taxis.

En effet, si l'on estime qu'un taxi consomme 10 litres pour effectuer 100 kilomètres, le plafond actuel de 6.500 litres lui permet de réaliser 65.000 kilomètres par an. Or, la consommation annuelle moyenne d'un taxi est de 30.000 à 35.000 kilomètres. Par conséquent, le volume détaxé dont bénéficient les taxis suffit à couvrir leur consommation annuelle. Il est dès lors permis de s'interroger sur la pertinence d'un relèvement de ce plafond d'exonération. Du reste, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en réponse à une question de votre Rapporteur Général, a estimé que " porter le plafond de détaxe pour les chauffeurs de taxi, dont les véhicules fonctionnent au GNV et au GPL carburant, de 6.500 à 9.000 litres par véhicule et par an, représente un coût budgétaire très faible, voisin de zéro ".

En revanche, votre commission invite le Gouvernement à poursuivre sa réflexion sur la voie la plus efficace pour développer la consommation de carburants propres.

Il conviendrait, par exemple, d'étudier, afin d'orienter les chauffeurs de taxi vers le GPL ou le GNV, un mécanisme combinant, d'une part, la mise en place d'une prime de 9.000 francs - montant correspondant à la différence entre le prix hors taxe du gazole et celui du GPL dans le cadre des dispositions du présent article additionnel - qui constituerait une incitation à l'équipement des véhicules, et, d'autre part, l'abaissement progressif sur cinq ans du volume de carburant (5.000 litres de gazole ou d'essence) actuellement exonéré de taxe, de 1.000 litres par an. Le relèvement du plafond de la détaxe et la prime à l'équipement inciteraient les chauffeurs de taxi à s'orienter vers le GPL ou le GNV, tandis que la réduction progressive du volume de carburant exonéré les détournerait du gazole.



Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 19

Application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux abonnements souscrits pour la fourniture de gaz et d'électricité

Commentaire : le présent article vise à assujettir à la TVA au taux réduit les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz.

I. L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT


Depuis le 1 er janvier 1995, en application de l'article 12 de la loi de finances pour 1995, les abonnements et la consommation d'électricité, de gaz et d'énergie calorifique sont soumis au taux normal de TVA . Cette situation était d'ailleurs celle qui prévalait jusqu'à la loi de finances pour 1989.

En effet, l'article 9 de celle-ci avait soumis au taux réduit de TVA, à compter du 10 octobre 1988, les abonnements à l'électricité et au gaz, et à compter du 1 er novembre 1989 les abonnements aux livraisons d'énergie calorifique.

II. LE TEXTE PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

L'article 19 du projet de loi de finances pour 1999 propose d'assujettir à nouveau au taux réduit de TVA les abonnements à l'électricité et au gaz , comme cela avait été le cas de 1989 à 1995, en rétablissant pour cela le b decies de l'article 279 du code général des impôts et en modifiant par voie de conséquence les dispositions applicables à la Corse telles que figurant à l'article 297 dudit code.

Cet article 19 se distingue cependant du dispositif mis en place en 1989 à un double titre :

- d'une part, le taux réduit ne s'applique pas qu'aux seuls usagers domestiques, permettant ainsi aux assujettis ponctuels ou aux non assujettis d'être également concernés par la baisse de TVA ;

- d'autre part, cette baisse de TVA ne concernera pas, à la différence du système mis en place par la loi de finances pour 1989, les réseaux d'énergie calorifique. En effet, la fourniture d'énergie par les réseaux de chaleur ne figure pas parmi la liste des biens et services concernés par l'annexe H de la sixième directive communautaire et pour lesquels le taux réduit peut être appliqué.

III. LES ÉLÉMENTS D'APPRÉCIATION DU DISPOSITIF PROPOSÉ PAR CET ARTICLE

A. LA CONFORMITÉ AU DROIT COMMUNAUTAIRE

1. La mesure proposée par le gouvernement


Le dispositif tel que transmis au Sénat semble a priori conforme à la réglementation communautaire applicable en la matière sous les précisions suivantes.

Il convient tout d'abord de respecter la procédure fixée en ce domaine par l'article 12-3-b de la sixième directive qui dispose que: " les Etats membres peuvent appliquer un taux réduit aux fournitures de gaz naturel et d'électricité, à condition qu'il n'en résulte aucun risque de distorsion de concurrence. Un Etat membre qui envisage d'appliquer un tel taux en informe la Commission au préalable. La Commission se prononce sur l'existence d'un risque de détournement de concurrence. Si la Commission ne s'est pas prononcée dans les trois mois à partir de la réception de l'information, aucun risque de distorsion de concurrence n'est censé exister ".

Or, la commission européenne qui a été informée de cette demande du gouvernement français par lettre en date du 8 juillet 1998 a souhaité obtenir le 31 juillet 1998 des précisions quant aux modalités de mise en oeuvre de la mesure, s'intéressant notamment au risque de distorsion de concurrence. Le gouvernement a répondu par lettre en date du 7 septembre 1998.

Il importe donc aujourd'hui de connaître l'état précis d'avancement des négociations avec la commission européenne étant entendu que le point de départ du délai de trois mois valant acceptation tacite serait, selon les indications fournies par le gouvernement, le 7 septembre 1998. De ce fait en l'absence de nouvelle demande de précisions émanant du commissaire européen avant le 7 décembre 1998 (7 septembre plus trois mois), le risque de distorsion de concurrence sera réputé ne pas exister.

Par ailleurs la rédaction de l'article 12-3-b précité de la directive communautaire évoque la " fourniture de gaz naturel et d'électricité " . Il convient donc d'être certain que l'abonnement, au sens du droit communautaire, en constitue bien un élément indissociable. En principe, celui-ci ne s'apparente pas à un bien meuble loué 54( * ) , mais est au contraire un instrument de mesure et de contrôle permettant de s'assurer que la puissance installée peut être délivrée correctement et sans dommage pour l'utilisateur. Il est donc indissociable de l'opération de fourniture du gaz ou de l'électricité.

2. L'extension aux réseaux de chaleur

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le texte présenté par le gouvernement, après qu'ait été supprimée à l'initiative de ce dernier en seconde délibération la mention introduite par sa commission des finances, tendant à assujettir les abonnements aux réseaux de chaleur au taux réduit de TVA, nonobstant la contrariété de cette précision au droit communautaire " dans son état actuel ", comme l'avait relevé le secrétaire d'Etat au budget.

Il ressort des informations communiquées à votre rapporteur que, à la suite de la lettre envoyée par le gouvernement à la commission européenne le 7 septembre 1998, celle-ci a réitéré son opposition à un tel assujettissement, compte tenu de l'état actuel de la législation communautaire. La commission européenne se serait cependant engagée à agir en ce domaine, d'après les informations obtenues par votre rapporteur.

Il appartiendra donc au gouvernement de veiller à ce que cet engagement soit effectivement suivi d'effet.

Cela interdit cependant d'étendre le champ du taux réduit de TVA aux réseaux de chaleur, hors " amendement d'appel " d'un coût estimé par le gouvernement à 200 millions de francs.

On relèvera également le flou des explications obtenues : votre rapporteur est surpris que le gouvernement ne puisse expliciter de façon plus convaincante la position prêtée à la commission européenne.

B. UNE BAISSE LIMITÉE DE LA TVA POUR LES MÉNAGES

1. Le passage au taux réduit de TVA ne concerne que les abonnements et non la consommation d'électricité ou de gaz.


Son impact sur les prix semble assuré puisque la détermination du prix de l'électricité relève du pouvoir réglementaire.

Selon les informations fournies par le gouvernement, le coût de cette baisse estimé à 4 milliards de francs devrait bénéficier intégralement aux ménages.

Cette affirmation du gouvernement appelle de votre rapporteur général la remarque suivante.

Il convient de relever que cette diminution de TVA concerne l'ensemble des abonnements et non ceux à usage domestique. En conséquence, cette mesure, qui n'aura pas d'incidence pour les entreprises assujetties qui continueront de déduire la TVA au titre de leurs abonnements, bénéficiera également aux assujettis ponctuels ou non assujettis et pas seulement aux ménages, c'est-à-dire aux administrations, ou aux professions libérales non soumises à la TVA.

Il est donc quelque peu réducteur de la part du gouvernement de considérer que le bénéfice de cette mesure profitera exclusivement aux ménages.

2. Cette mesure aura un effet homéopathique


Cette mesure " en faveur de la justice sociale " représente à elle seule avec un coût estimé à 4 milliards de francs, près de la moitié des allégements fiscaux que le gouvernement déclare affecter à tous les ménages dans le projet de loi initial (8,9 milliards de francs au total). Par ailleurs, elle concentre 85,1 % des mesures de " baisse ciblée " de TVA figurant dans ce projet de loi de finances.

De plus, comme l'a justement relevé le rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée nationale, " l'impact est limité pour chaque ménage considéré individuellement " .

Il ressort en effet des informations fournies par le ministère de l'économie que pour la majorité des abonnés cette baisse sera homéopathique.

S'agissant des abonnements à l'électricité, sur 26,9 millions de clients :

- 14,5 % d'entre eux bénéficient d'une réduction annuelle de moins de 20 francs (de 19,48 francs en moyenne) ;

- 79,5 % verront leur facture allégée de moins de 100 francs 55( * ) .

S'agissant des abonnements au gaz, sur 9,15 millions de clients, l'allégement annuel sera :

- pour 38 % d'entre eux de moins de 30 francs (28 francs) ;

- pour 93,9 % d'entre eux de moins de 100 francs.

3. Cette mesure ne bénéficiera pas " tout particulièrement " aux ménages modestes comme le soutient le gouvernement

Il semble en effet excessif, s'agissant des abonnements à l'électricité 56( * ) de présenter, ainsi que le fait le gouvernement
, cette mesure comme devant " bénéficier tout particulièrement aux ménages de condition modeste pour lesquels l'abonnement au gaz ou à l'électricité constitue une dépense relative plus importante que pour les ménages aisés ".

Il apparaît au contraire que le poids relatif de l'abonnement s'accroît en même temps que la consommation . L'abonnement n'est pas en effet un coût fixe d'importance dégressive mais au contraire un élément variable à caractère progressif 57( * ) .

Si l'on considère, que les plus gros consommateurs d'énergie sont a priori les " ménages aisés " pour reprendre la terminologie du gouvernement, ceux-ci vont donc bénéficier en priorité de cette baisse du taux de la TVA.

Cela signifie que la baisse de TVA sur l'abonnement à l'électricité qu'elle soit mesurée en valeur absolue ou en valeur relative, ne bénéficiera donc pas " tout particulièrement aux ménages modestes " comme le prétend le gouvernement. En effet, son impact sera d'autant plus important que la consommation est forte et, partant, le bénéficiaire " aisé ".

Votre rapporteur ne s'en indigne pas, mais il croît devoir réagir à l'égard d'une présentation de cette mesure fort éloignée de la réalité.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 20

Application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux appareillages destinés aux diabétiques et à certains handicapés

Commentaire : le présent article propose de soumettre au taux réduit de TVA les appareillages destinés aux diabétiques et à certains handicapés.

I. LE CHAMP DES APPAREILLAGES POUR HANDICAPÉS ET DES ÉQUIPEMENTS SPÉCIAUX SOUMIS AU TAUX DE TVA À 5,5 % A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU DEPUIS 1988


L'article 278 quinquies du code général des impôts recense les appareillages et équipements spéciaux qui sont soumis au taux réduit de TVA. En l'état actuel du droit, qui résulte de dispositions de loi de finances antérieures, ce taux réduit s'applique à trois grands types de matériel:

- les appareillages pour handicapés visés aux chapitres premier à l'exception des chaussons intérieurs moulés, 3, 4 pour ce qui concerne uniquement les aérateurs trans-tympaniques, 5 à 8 du titre II et aux titres III et IV du Tarif Interministériel des Prestations Sanitaires (TIPS) 58( * ) fixé en application de l'article L. 314-1 du code de la sécurité sociale (article 24 de la loi de finances pour 1988) ;

- les équipements spéciaux, dénommés aides techniques, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et qui sont conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves (article 15 de la loi de finances pour 1991) ;

- les ascenseurs et matériels assimilés spécialement conçus pour les personnes handicapées et dont les caractéristiques sont fixées par arrêté du ministère de l'économie (article 23 de la loi de finances pour 1996).

II. L'EXTENSION DU TAUX RÉDUIT DE TVA À CERTAINS APPAREILLAGES FIGURANT DANS LE CHAPITRE 3 DU TITRE I DU TIPS

Cet article se propose d'élargir le champ du taux réduit de 5,5 % aux appareillages nécessaires au traitement des personnes diabétiques, stomisées 59( * ) ou souffrant d'incontinence grave qui relèvent actuellement de l'article 278 du code général des impôts, soit du taux normal de TVA à 20,6 %.

Une telle mesure est en conformité avec la réglementation communautaire, qui permet, conformément à la liste figurant à l'annexe H de la sixième directive, de soumettre au taux réduit les " équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou à traiter des handicapés, à l'usage personnel et exclusif des handicapés, y compris la réparation de ces biens ".

Elle concernerait 230.000 personnes handicapées, diabétiques ou stomisées.

Son coût budgétaire, est évalué à 200 millions de francs, et son impact sur les ménages suppose que la diminution de la TVA soit répercutée sur les prix de vente.

Votre rapporteur souhaiterait connaître selon quel ordre de priorité le gouvernement entend étendre ce mouvement de baisse de la TVA aux autres équipements figurant dans le TIPS 60( * ) .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 21

Application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations de collecte et de tri sélectifs des ordures ménagères

Commentaire : le présent article a pour objet de soumettre au taux réduit de TVA les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets ménagers portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat avec une entreprise agréée au titre de la loi du 15 juillet 1975.

Cet article s'intègre dans le cadre des réflexions sur le développement de la " fiscalité écologique ", et fait en cela suite, notamment, aux travaux de Mme Nicole Bricq : " pour un développement durable : une fiscalité au service de l'environnement " 61( * ) .

Il vise à améliorer le régime fiscal applicable aux prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets ménagers en les soumettant au taux réduit de TVA dès lors qu'il y a eu un effort de valorisation de ceux-ci.

I. LA COLLECTE ET LE TRAITEMENT DES DÉCHETS SONT LE SEUL SERVICE PUBLIC LOCAL À ÊTRE ENCORE SOUMIS AU TAUX NORMAL DE TVA

A. LE CADRE JURIDIQUE : LA " DATE BUTOIR " DU 1 ER JUILLET 2002




La loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets, modifiée par la loi du 2 février 1995, a mis en évidence la volonté du législateur de promouvoir une politique plus dynamique de valorisation des déchets 62( * ) en l'assortissant pour cela de divers mécanismes d'incitation fiscale.

Cette loi détermine également quatre objectifs : prévenir ou réduire la nocivité des déchets ; organiser le transport des déchets ; valoriser les déchets par réemploi, recyclage, ou incinération avec récupération des calories (valorisation énergétique) ; assurer l'information du public.



Elle a également prévu de mettre en place avant le 4 février 1996 des plans départementaux ou interdépartementaux d'élimination des déchets 63( * ) , en concertation avec les élus et l'Etat. Ceux-ci doivent recenser les quantités de déchets, fixer les proportions qui doivent être recyclées, valorisées, détruites et stockées à un horizon de 5 à 10 ans, organiser leur transport et enfin prévoir les installations nouvelles nécessaires.

Au titre des dispositions fiscales, plusieurs mesures ont été prises en faveur des collectivités locales, qu'il s'agisse du décret du 1 er avril 1992 64( * ) , de la création d'une redevance spéciale permettant une tarification en fonction du service rendu 65( * ) ou de la taxe sur le traitement et le stockage des déchets ménagers.

Cela doit se traduire, par ailleurs, d'ici le 1 er juillet 2002 par l'interdiction pour les installations d'élimination des déchets par stockage d'accueillir d'autres déchets qu'un déchet ultime, soit un déchet " qui n'est plus susceptible d'être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux ".

Ainsi le traitement, plus que la collecte constitue désormais la priorité dans la mesure où ce traitement permet de valoriser le déchet collecté.

Cette position vient d'être confortée par une circulaire du ministère de l'aménagement du territoire en date du 28 avril 1998 qui a confirmé le 1 er juillet 2002 comme date-butoir 66( * ) et souhaité une limitation du recours à l'incinération au profit du développement du tri sélectif et de la valorisation-matière et organique.

Votre rapporteur général tient à ce titre à rappeler que le coût de l'objectif " zéro déchet " avait été estimé à 60 milliards de francs.

B. QUELQUES DÉFINITIONS

1. Les déchets ménagers et assimilés


Ce sont les déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités locales : outre les déchets des ménages (ordures ménagères et encombrants ménagers), les déchets de la collectivité (déchets verts, de voirie et des marchés, les boues des stations d'épuration et de curage des égouts) ainsi que les déchets industriels banals, dès lors que ceux-ci sont collectés avec les déchets des ménages (déchets des commerces, des bureaux ou des administrations).

Ils représentent aujourd'hui 147 millions de tonnes ainsi réparties : 100 millions de tonnes de déchets industriels banals dont 5 millions de tonnes sont collectées avec les déchets des ménages, 24,5 millions de tonnes de déchets des ménages et 22,5 millions de tonnes de déchets de la collectivité.



Les autres types de déchets tels que les déchets industriels spéciaux (souvent de haute toxicité), les déchets inertes (déblais et gravats), les déchets de l'agriculture et des industries agro-alimentaires ou les déchets radioactifs relèvent de logiques distinctes.

2. Les trois étapes du cycle des déchets ménagers et assimilés



La fabrication du futur déchet
. Dans 40% des cas, il s'agit d'emballages, ce qui justifie le dispositif du décret du 1 er avril 1992, ou " décret emballage ".

La collecte des déchets . Elle comprend les opérations d'enlèvement et de transport. Elle peut être simple ou sélective c'est à dire avec un tri préalable généralement effectué par les usagers.

Le traitement des déchets. Il peut s'effectuer soit par élimination (stockage ou incinération), soit par valorisation et cela de trois manières différentes :

*la " valorisation-matière " : elle correspond au recyclage, au réemploi ou à la réutilisation ;

*la valorisation énergétique : elle se traduit par la récupération des calories résultant de l'incinération des déchets ;

*la valorisation biologique par compostage, soit la dégradation de la matière organique.

Ces différentes méthodes de traitement des déchets en vue de leur valorisation sont coûteuses : en 1996, l'ADEME 67( * ) estimait le coût de la collecte simple entre 200 et 400 francs hors taxe par tonne, celui du tri entre 350 et 700 francs et celui du compostage des déchets organiques entre 500 et 1.500 francs.

3. Les organismes ou entreprises agréés au titre de la loi du 15 juillet 1975

La rédaction de cet article fait référence à des prestations qui doivent porter sur des matériaux " ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréé au titre de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux " . Ces entreprises ou organismes agréés sont actuellement au nombre de deux : " Eco-emballage " et " Adelphe ".

Les contrats conclus entre les communes ou les établissements de coopération intercommunale et ces entreprises agrées peuvent concerner soit un seul matériau qui est généralement le verre, soit plusieurs d'entre eux : il s'agit en ce cas du verre, du papier, d'emballages et de déchets divers (on parle en ce cas de " contrats multi-matériaux ").

4. Le mode de financement de la collecte et du traitement des déchets



La collecte et le traitement des déchets sont une compétence normale et obligatoire des communes ou des groupements de communes.

Trois possibilités de financement existent :

• par le budget communal au travers de recettes fiscales ordinaires ;

• par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

• par une redevance qui peut être de deux types : soit " générale " et calculée en fonction de l'importance du service rendu 68( * ) , soit " spéciale " pour éliminer les déchets industriels banals et également calculée en fonction de l'importance du service rendu 69( * ) .



Lorsque le financement s'opère par le biais d'une redevance pour service rendu, les opérations d'enlèvement et de traitement des déchets peuvent être assujetties à la TVA 70( * ) : les recettes de la redevance supportent une TVA et les investissements ouvrent droit à déduction par la voie fiscale 71( * ) .

Or la collecte et le traitement des déchets ménagers sont le seul service public à être encore soumis au taux normal de TVA ce qui est hautement paradoxal eu égard à la contrainte pesant à ce titre sur les collectivités locales en terme d'investissements.

Il faut donc accompagner l'effort d'investissement des communes, notamment lorsqu'il a des conséquences bénéfiques sur l'environnement.



La question de la baisse de la TVA sur le traitement des déchets répond donc tout à la fois à une nécessité politique et environnementale. Elle permettrait par ailleurs d'adresser un signal fort vers les communes qui sont pleinement parties prenantes de l'investissement public en ce domaine.

II. LE DISPOSITIF SOUMIS AU SÉNAT

A. LE PROJET INITIAL DU GOUVERNEMENT


L'article 21 du projet de loi de finances initiale tel que déposé par le gouvernement visait à soumettre à la TVA au taux réduit les " prestations de collecte et de tri sélectifs des déchets " relatives à des matériaux ayant fait l'objet d'un convention entre un organisme agréé au titre de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets, et une collectivité publique , commune ou établissement public de coopération intercommunale.

Cette rédaction a pour effet de n'assujettir au taux réduit que la seconde étape du "cycle du déchet " soit la collecte, dés lors qu'elle est assortie d'un tri sélectif réalisé dans le cadre dudit contrat. Le bénéfice de ce taux réduit ne joue pas dans les autre hypothèses notamment celle d'un tri sélectif réalisé directement à l'initiative de la collectivité locale. Dans la rédaction présentée par le gouvernement la conclusion d'un contrat avec une entreprise agrée constitue donc la condition de l'assujettissement au taux réduit.

Par ailleurs cette rédaction exclut d'une telle diminution de la TVA toutes les opérations de traitement, qui constituent cependant la phase cruciale, et de très loin la plus onéreuse, du processus. On rappellera qu'elles constituent la priorité actuelle telle que définie par le législateur et qu'il apparaît donc paradoxal qu'elles ne bénéficient pas d'une aide fiscale.

B. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Dans ce contexte, et compte tenu du caractère limité du dispositif proposé dans le texte initial du projet de loi de finances, l'assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des finances, et après avis favorable du gouvernement un amendement supprimant la mention du caractère " sélectif " du tri et étendant le bénéfice de ce taux réduit aux opérations de traitement dès lors que celles-ci portaient sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat avec une entreprise agréée . Est ainsi avérée en pareille hypothèse la volonté d'oeuvrer en faveur de la valorisation et de l'élimination des déchets ménagers.

Cette extension se situe par ailleurs dans le prolongement des propositions faites par Mme Nicole BRICQ dans son rapport précité.



Il convient cependant de préciser que les matériaux issus de ces opérations de traitement et ainsi valorisés restent soumis à leur taux propre de TVA , notamment en cas de revente : la baisse de TVA ne s'applique qu'aux seules prestations de traitement et non à la vente.

C. ÉLÉMENTS D'APPRÉCIATION

1. L'état d'avancement des plans d'élimination des déchets


Prévus par la loi du 13 juillet 1992, les plans départementaux ou interdépartementaux d'élimination des déchets devaient être mis en place avant la date-butoir du 4 février 1996. Or comme le relève justement le rapport précité de Mme Bricq, " leur élaboration ne va pas sans mal " .

Ainsi, à la date du 28 avril 1998, 79 plans avaient été adoptés par arrêté préfectoral (dont un à caractère interdépartemental couvrant deux départements) et 5 restaient à élaborer les autres étant en phase d'enquête publique ou de réexamen.



Votre commission souhaiterait que le gouvernement puisse l'informer plus complètement sur les raisons de ces retards ainsi que sur les difficultés rencontrées par les collectivités locales lors de la mise en oeuvre de ces plans d'élimination des déchets.

2. La conformité au droit communautaire


" Les services fournis dans le cadre du nettoyage des voies publiques, de l'enlèvement des ordures ménagères et du traitement des déchets " figurent dans l'annexe H de la 6 eme directive communautaire au nombre des biens et prestations de service pouvant faire l'objet de taux réduits de TVA 72( * ) .

Ainsi que le relevait votre rapporteur général M. Alain Lambert dans son rapport 73( * ) sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF), " en l'occurrence, le droit communautaire en matière de TVA est en avance sur le droit national ".

La compatibilité au droit communautaire de cette baisse de TVA apparaît donc avérée.

3. L'effet de la baisse de la TVA

L'impact de la baisse de la TVA dépend du mode de financement des opérations de collecte et de traitement des déchets.


Dans l'hypothèse d'un financement fiscal, que ce soit par le budget général ou au moyen de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, l'effet ne sera pas direct, mais dépendra de la façon dont la baisse de TVA sur les prestations de collecte et de traitement pourra et sera répercutée, soit en amont sur le niveau des investissements, soit en aval sur le montant des impôts locaux.

Dans le cas où le service est financé par une redevance pour service rendu c'est à dire s'il s'exerce dans des conditions industrielles et commerciales, et comme la collectivité a la possibilité d'opter pour l'assujettissement à la TVA 74( * ) , la baisse sera en cette hypothèse répercutée sur l'usager. La mesure n'aura cependant pas d'incidence directe pour les communes puisqu'elles peuvent déduire la TVA.

4. Le champ d'application de ce dispositif

L'application du taux réduit de TVA que met en place cet article s'applique aux prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets ménagers et assimilés dès lors qu'elles portent sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat entre une commune et une entreprise agréée.

La modification introduite par l'assemblée nationale en supprimant la référence à un tri sélectif préalable évitera des difficultés d'interprétation dans la mesure où la notion de tri sélectif ne fait pas l'objet d'une définition précise et générale. Dans ce cadre, la signature d'un tel contrat avec une entreprise agréée constitue la condition de l'assujettissement au taux réduit de TVA : une opération de tri réalisée par une commune de façon " autonome " ne sera pas assujettie au taux réduit alors que la même opération effectuée dans le cadre d'une convention " ad hoc " bénéficiera du taux réduit. En ce cas, s'il existe un tel contrat portant sur ces matériaux, les prestations de collecte, de tri et de traitement bénéficieront d'une présomption d'assujettissement au taux réduit.

Dans ce contexte, votre rapporteur général souhaiterait que soit précisé le statut des opérations de valorisation énergétique 75( * ) réalisées dans le cadre d'un pareil traitement . Ainsi que le relevait Mme Bricq dans son rapport précité, la valorisation énergétique constitue l'une des modalités du traitement des déchets. Elle est donc en principe assujettie au taux réduit dès lors qu'elle s'opère à partir de matériaux ayant fait l'objet d'un contrat " ad hoc ", puisque la rédaction de cet article évoque " les prestations de traitement ". Dans la mesure où ce point n'a pas été clairement explicité à l'assemblée nationale, votre rapporteur général a souhaité déposer un amendement de précision rédactionnelle en ce sens.

Il souhaiterait par ailleurs que soit également, à cette occasion, précisé le régime applicable aux prestations entre collectivités.



5. Le coût budgétaire

Eu égard au consensus existant quant à la nécessité de favoriser la collecte et le tri sélectif et, partant, de développer le traitement des déchets ménagers, la prise en compte du coût budgétaire d'une telle mesure constitue l'élément central d'appréciation quant à la nécessité et à l'opportunité d'une telle mesure.

Selon les indications fournies par le gouvernement, le coût du dispositif initial tel que présenté par le gouvernement, et limitant la baisse de TVA aux seules opérations de collecte et de tri sélectifs était de 320 millions de francs.

L'extension de la baisse de TVA aux opérations de traitement des déchets, votée par l'Assemblée nationale, représente un coût supplémentaire de 100 millions de francs 76( * ) .

Le fait de soumettre l'ensemble de la filière de la collecte, qu'elle soit simple ou sélective, jusqu'au traitement des déchets ménagers et assimilés a été estimé par le gouvernement à 1,3 milliard de francs 77( * ) . En l'espèce, la perspective d'un telle charge pour les finances publiques semble constituer l'objection majeure présentée par le gouvernement à l'adoption de cette disposition, que préconisait cependant le rapport précité de Mme Bricq. Celle-ci souhaitait qu'une telle extension soit réalisée tout en concevant qu'elle puisse se limiter " le cas échéant, aux prestations de collective sélective et de traitement des déchets en vue de leur valorisation ". C'est précisément l'objet de l'amendement voté par l'assemblée nationale.

Par ailleurs il était également objecté que, en raison de son caractère général, une telle baisse de TVA sur l'ensemble de la filière ne s'inscrirait pas dans une logique " environnementale ".



Votre rapporteur vous propose donc de prendre acte de la baisse ainsi opérée sur le taux de TVA applicable à la collecte, au tri et au traitement des déchets ménagers que concrétise le présent article dès lors qu'elle porte sur des matériaux ayant fait l'objet d'une convention avec une entreprise agréée.

Cette baisse vise en effet à accompagner l'effort déjà réalisé en ce domaine par les collectivités locales.

A ce titre, votre rapporteur souhaite que soient évaluées par le gouvernement les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des plans départementaux d'élimination des déchets.

Il est enfin favorable à ce que soient rapidement examinées les conditions d'une extension de ce taux réduit de TVA à l'ensemble des opérations de collecte et de traitement des ordures ménagères.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 22

Application du taux réduit de 5,5% de la taxe sur la valeur ajoutée aux travaux subventionnés par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat

Commentaire : cet article a pour objet d'abaisser à 5,5% le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux travaux, subventionnés par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), dans des logements faisant l'objet d'une convention d'aide personnalisée au logement.

I - LE DISPOSITIF EXISTANT


Les mesures adoptées aux articles 17 de la loi de finances pour 1997 et 14 de la loi de finances pour 1998, ont réformé les aides de l'Etat au logement social en substituant partiellement un avantage fiscal à des subventions ou à des prêts.

L'article 17 de la loi de finances pour 1997 a substitué aux subventions associées aux prêts locatifs aidés (PLA) un régime de TVA à taux réduit (5,5 %) sur les livraisons à soi-même d'immeubles.

Il portait exclusivement sur les opérations de construction neuve, et donc excluait les opérations d'acquisition-amélioration, pour lesquelles l'ancien régime de subvention était maintenu.

L'article 14 loi de finances pour 1998 a poursuivi le processus d'assujettissement des investissements des bailleurs sociaux à la TVA à taux réduit sous forme de livraison à soi-même. Il a assujetti à la TVA à taux réduit (5,5 %) la livraison à soi-même des travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement des logements locatifs sociaux.

Les logements bénéficiant d'un taux réduit de TVA doivent donc obéir à trois conditions : ils doivent être locatifs ; ils doivent être conventionnés de façon à donner droit à l'aide personnalisée au logement pour le locataire ; ils doivent être sociaux , c'est à dire loués à des ménages sous plafond de ressources, et à des niveaux de loyers également plafonnés.

Enfin, dans le prolongement de ces dispositions, la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a fait bénéficier du taux réduit de TVA les logements-foyers visés à l'article L. 351-2,5° du code de la construction.

Cette extension progressive du taux réduit de TVA aux logements à caractère social avait été approuvée par la commission des finances du Sénat.

Cependant, lors de l'examen de la loi de finances pour 1998, et de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 2 juillet 1998, M. Alain Lambert, alors rapporteur général de notre commission, s'était étonné "que les logements conventionnés visés par le 4° de l'article L.351-2 du code de la construction et de l'habitation , construits sans aide de l'Etat depuis 1977, mais qui n'appartiennent pas aux HLM ou aux SEM soient exclus du dispositif , dès lors qu'ils remplissent les trois conditions fondamentales."

Le présent article montre que cette interrogation n'était pas sans fondement.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A. UN DISPOSITIF RÉSERVÉ AUX TRAVAUX SUBVENTIONNÉS PAR L'ANAH ET RÉALISÉS DANS DES LOGEMENTS CONVENTIONNÉS OUVRANT DROIT A L'APL


Le présent article a précisément pour objet de faire entrer dans le champ d'application de la TVA à taux réduit les logements visés au 4° de l'article L.351-2 qui en étaient jusqu'à présent exclus.

Cependant, seuls les travaux bénéficiant d'une subvention de l'ANAH en application de l'article R. 321-4 du code de l'habitation et de la construction pourront bénéficier de ce taux réduit de TVA.


En application de l'article L.321-1 du code de l'habitation et de la construction, l'ANAH a pour objet " de faciliter l'exécution de travaux de réparation et d'amélioration des immeubles à usage principal d'habitation, notamment par la prise en charge totale ou partielle de l'intérêt des capitaux investis dans les travaux ".

Les travaux subventionnables doivent donc être destinés à l'amélioration de l'habitat en matière de sécurité, de salubrité ou d'équipement, aux économies d'énergie, à l'isolation acoustique ou à l'accessibilité et l'adaptation aux personnes handicapées physiques, et réalisés dans les parties privatives ou communes des immeubles.

L'assiette de la TVA sera constituée du prix de revient total des travaux, à savoir les éléments de coût qui auront subi la TVA en amont.

La définition des travaux éligibles au taux réduit de TVA pour les bailleurs privés est sensiblement plus restrictive que celle retenue pour les bailleurs sociaux.

En effet, concernant les logements locatifs sociaux, les travaux éligibles sont :

- les travaux donnant droit à la PALULOS (travaux de mise aux normes d'habitation ou d'amélioration), dont l'objet est similaire aux travaux subventionnés par l'ANAH (article R. 323-3 du code de la construction et de l'habitation) ;

- mais aussi, les travaux d'amélioration, d'aménagement ou de transformation en logement financés par un PLA acquisition-amélioration ou financés sur fonds propres (et ayant donc fait l'objet d'une décision favorable du représentant de l'Etat dans le département).

En ce cas, les travaux de grosses réparations et de gros entretien sont concernés. Ce sont les travaux les plus lourds : transformation de bureaux en logements, reconstruction, agrandissement.

Ainsi, pour les bailleurs privés propriétaires de logements conventionnés donnant droit à ouverture d'une aide personnelle au logement, les travaux éligibles seront les travaux de rénovation subventionnés, à l'exclusion des travaux n'ouvrant pas droit à la subvention de l'ANAH.

B. ACCORDER UNE TVA À TAUX RÉDUIT POUR LES MÊMES TRAVAUX QUE CEUX ÉLIGIBLES POUR LES BAILLEURS SOCIAUX


Le présent article appelle plusieurs questions.

Il est possible de s'interroger sur la condition mise à l'octroi d'une subvention de l'ANAH, dans la mesure où le contribuable devra obtenir une décision de subvention pour pouvoir bénéficier du taux réduit de TVA, ce qui peut apparaître comme une procédure rigide.

Il semble toutefois que ce critère ait été instauré pour mettre en oeuvre un contrôle a priori et a posteriori sur la nature et la réalisation des travaux.

En fait, le problème vient de ce que seuls les travaux bénéficiant d'une subvention de l'ANAH en application de l'article R. 321-4 du code de l'habitation et de la construction peuvent bénéficier de ce taux réduit de TVA.

Les travaux réalisés sont plus importants que les travaux subventionnables. Les dossiers déposés à l'ANAH comprennent des devis qui peuvent concerner à la fois des dépenses subventionnables et non subventionnables.

Il apparaît qu'en moyenne, les travaux globaux s'élèvent à 222.700 francs en 1997, dont 180.100 francs de travaux subventionnés.

Pour les logements conventionnés toutefois, le montant moyen de travaux subventionnables est élevé (211.800 francs en 1997).

Il faudrait donc prévoir que le taux réduit de TVA s'applique sur les travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement, définition identique à celle retenue pour le logement social, et moins restrictive que les seuls travaux subventionnés par l'ANAH.

Afin de ne pas compliquer le dispositif, il est proposé de garder la condition de subvention de l'ANAH.

En effet, d'après le secrétariat d'Etat au logement, le cas de travaux sur des logements conventionnés n'entrant pas dans le champ de la subvention de l'ANAH n'existe pas. Les travaux sur les logements conventionnés étant des travaux d'importance, les propriétaires déposent systématiquement un dossier à l'ANAH. De plus, il n'y a pas de contrôle en opportunité. Elle assure seulement un contrôle juridique sur la nature et la réalisation des travaux.

L'ANAH devrait être parfaitement à même de distinguer, dans le dossier qui lui est soumis, les travaux entrant dans le champ de TVA à taux réduit (travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement) et ceux entrant dans le champ des subventions qu'elle peut accorder. La décision de l'ANAH pourra être transmise aux services fiscaux.

Au total, l'extension du taux réduit de TVA sur les travaux réalisés dans des logements conventionnés concernera les travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement à l'exclusion des travaux d'entretien qui ne sont pas compris dans les travaux éligibles en application de l'annexe H de la sixième directive européenne.

L'application du dispositif de TVA à taux réduit pour les travaux ne bénéficiant pas de subvention de l'Etat dans le logement locatif social

Le décret n°98-331 du 30 avril 1998 fixe les modalités d'application du dispositif fiscal de réduction du taux de TVA pour les travaux réalisés sur les logements sociaux conventionnés.

Il précise notamment les modalités d'agrément pour les travaux réalisés sans subvention de l'Etat et bénéficiant d'une décision favorable du Préfet.

Au terme de l'article R.326-3 du code de la construction et de l'habitation, le contrôle préalable à la délivrance de l'agrément ne porte que sur l'éligibilité des travaux au taux réduit en fonction de leur nature. Il n'y a donc pas de contrôle de l'opportunité ou du volume des travaux. La décision favorable doit en outre être antérieure au commencement des travaux. Cependant, l'article R.326-4 édicte qu'il peut être dérogé au caractère préalable de la décision favorable en cas de travaux urgents, sous réserve d'en informer préalablement le Préfet.

C. LES SUBVENTIONS DE L'ANAH


Les subventions de l'ANAH sont attribuées aux propriétaires bailleurs qui s'engagent à louer pendant dix ans, à titre de résidence principale, un logement assujetti à la taxe additionnelle au droit de bail (TADB), ou exonéré de celle-ci en raison de son loyer.

Pour être subventionnable, le logement doit être achevé depuis plus de quinze ans au 1er octobre précédant la date de la demande.

Les travaux doivent être achevés dans le délai de deux ans à compter de la date de notification de la subvention.

En règle générale, l'aide de l'ANAH équivaut à 25% du coût des travaux subventionnables. Ce taux peut néanmoins être majoré lorsque le logement fait l'objet d'une convention avec l'Etat ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL) en application de l'article L. 351-2-4° du code de la construction et de l'habitation, ce qui est précisément le cas des logements visés par le présent article.

En 1997, 9.100 logements conventionnés ont été subventionnés par l'ANAH pour un montant de travaux de 211.800 francs, avec une subvention moyenne de 85.500 francs. Sur ces 9.100 logements, 900 logements concernaient le secteur diffus, 5.000 logements des opérations planifiées d'amélioration de l'habitat (OPAH) et 3.200 logements des programmes sociaux thématiques (PST) .

L'activité de l'ANAH de 1992 à 1997

Indicateurs

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Nombre de dossiers

 
 
 
 
 
 

- enregistrés

52.597

+ 23,7 %

65.731

+ 25,0 %

52.968

- 19,4 %

52.464

- 1,0 %

53.304

+ 1,6 %

51.744

- 9,7 %

- agréés

46.929

+ 25,1 %

53.243

+ 13,5 %

54.899

+ 3,1 %

52.982

- 3,5 %

48.927

- 7,7 %

49.080

+ 0,1 %

Montant des subventions (MF)

 
 
 
 
 
 

- les subventions engagées

2.182

+ 21,9 %

2.437

+ 11,7 %

2.724

+ 11,8 %

2.731

+ 0,2 %

2.595

- 5,0 %

2.338

- 9,9 %

- les subventions payées

1.525

- 3,3 %

2.038

+ 33,6 %

2.231

+ 9,5 %

2.109

- 5,4 %

2.159

+ 2,4 %

2.220

+ 2,8 %

Nombre de logements

 
 
 
 
 
 

- subventionnés

123.500

+ 24,7 %

141.300

+ 14,4 %

143.600

+ 1,6 %

126.500

- 11,9 %

111.800

- 11,6 %

107.600

- 3,8 %

- améliorés

67.600

+ 24,0 %

73.100

+ 8,1 %

81.800

+ 11,9 %

76.300

- 6,7 %

67.000

- 12,2 %

65.300

- 2,5 %

- mis sur le marché

26.000

31.400

+ 20,5 %

42.200

+ 34,1 %

40.600

- 3,7 %

38.500

- 5,1 %

35.000

- 9,1 %

- conventionnés

9.680

+ 16,6 %

9.160

- 5,4 %

9.000

- 1,7 %

11.300

+ 25,6 %

12.200

+ 8,0 %

9.100

- 25,7 %

Montant des travaux (MF)

 
 
 
 
 
 

- les travaux générés

8.590

9.840

+ 14,7 %

12.337

+ 25,4 %

12.422

+ 0,7 %

11.207

- 9,8 %

10.823

- 3,4 %

- les travaux subventionnables

7.620

8.746

+ 14,8 %

10.408

+ 19,0 %

9.956

- 4,3 %

9.062

- 9,0 %

8.752

- 3,4 %

Taux moyen de subvention (*)

28,0 %

27,1 %

25,5 %

26,8 %

28,1 %

26,2 %

(*) Le taux moyen de subvention est calculé en comparant la subvention des dossiers au montant des travaux subventionnables correspondants.

Ce tableau montre que le nombre de logements conventionnés a fortement chuté en 1997 en raison de l'achèvement du dispositif mis en place à partir de juillet 1995 et consistant en une majoration forfaitaire de la subvention applicable aux logements vacants conventionnés.

III. L'APPLICATION DU NOUVEAU DISPOSITIF

Le dispositif d'application du taux réduit de TVA est similaire à celui existant déjà pour les logements sociaux.

Les travaux restent soumis au taux normal, mais cette TVA est déductible, et, lors de l'achèvement de l'immeuble, les bailleurs procèdent à une "livraison à soi-même" qui supporte une TVA à 5,5 % non déductible (charge définitive). En cas de non respect des engagements initiaux, la livraison à soi-même est taxée à 20,6%.

Dans le présent article, le mécanisme est toutefois légèrement différent : les livraisons à soi-même sont "des opérations occasionnelles". En application de l'article 271-I alinéa 2 du code général des impôts, le droit à déduction prend naissance, en matière de TVA, au moment où la taxe déductible devient exigible chez le redevable. Toutefois, "les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à TVA n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison".

Ainsi, le propriétaire d'un logement conventionné subventionné par l'ANAH continuera à supporter une TVA à 20,6% non déductible tout au long de la réalisation des travaux . Ce n'est qu'à leur achèvement, lors de la livraison à soi-même, soit au plus tard dans les deux ans de la date d'attribution de la subvention de l'ANAH, qu'il pourra imputer sur la TVA à 5,5% due au titre de cette opération la TVA à 20,6% supportée au titre des travaux d'amélioration. Le bailleur privé enregistre donc une perte de trésorerie par rapport à une déduction de TVA au fur et à mesure des travaux 78( * ) .

Enfin, le dispositif est applicable pour les logements ayant reçu une décision d'attribution de la subvention de l'ANAH à compter du 1er janvier 1999.

Il est possible de s'interroger sur l'application du dispositif de livraison à soi-même pour des particuliers peu avertis de ce type d'opérations. Peut-être une formule plus souple aurait-elle pu être trouvée. Il conviendra, en tout état de cause, qu'une explication claire soit fournie aux propriétaires de logements conventionnés afin que ce dispositif ait une certaine efficacité.


Le coût de la mesure est estimé à 200 millions de francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 22 bis (nouveau)

Majoration du crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien afférentes à l'habitation principale

Commentaire : cet article a pour objet de doubler le plafond des dépenses d'entretien afférentes à l'habitation principale ouvrant droit au crédit d'impôt créé par l'article 74 de la loi de finances pour 1998 et de majorer le taux de leur prise en charge, pour les travaux réalisés à compter du 15 octobre 1998.

I. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF EXISTANT


Le dispositif du crédit d'impôt pour dépenses d'entretien de la résidence principale a été créé par la loi de finances pour 1998 (article 74).

Le crédit d'impôt porte sur les dépenses d'entretien ou de revêtement de surfaces , autres que celles qui ont le caractère de dépenses locatives 79( * ) , engagées par les contribuables, entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2000, au titre de leur habitation principale.

Le montant des travaux pris en compte est plafonné à 5.000 francs pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, et à 10.000 francs pour un couple marié soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 500 francs par personne à charge, 750 francs pour le second enfant et 1.000 francs par enfant à partir du troisième.

Le crédit d'impôt est égal à 15% du montant des dépenses éligibles sous plafond, ce qui correspond précisément au différentiel entre le taux réduit et le taux normal de TVA.

Le crédit d'impôt est en effet un substitut à une application du taux réduit de la TVA sur les travaux relatifs à la résidence principale .

La création d'un crédit d'impôt plutôt que l'application d'un taux réduit de TVA s'explique par l'état actuel du droit communautaire qui ne permet pas une telle extension du taux réduit de TVA. L'annexe à la sixième directive TVA précise que le taux réduit n'est applicable qu'aux logements construits ou réhabilités "dans le cadre de la politique sociale."

Enfin, le crédit d'impôt s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont effectivement été payées .

Lorsque le crédit d'impôt excède l'impôt dû, l'excédent est restitué : il bénéficie donc également aux ménages non imposables.

II. LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE


L'Assemblée Nationale a modifié le dispositif pour deux motifs :

1) Rapprocher les montants des réductions d'impôt pour dépenses d'entretien de ceux existant pour travaux de grosses réparations.

Les plafonds de dépenses éligibles sont en effet quatre fois plus élevés pour les gros travaux que pour les dépenses d'entretien (20.000 francs pour un célibataire et 40.000 francs pour un couple marié), de même que les montants supplémentaires pour personne à charge (sauf pour le troisième enfant pour lequel c'est le triple).

D'autre part, le taux de la réduction d'impôt est de 15% pour l'entretien et 20% pour les gros travaux.

2) Relever les seuils retenus pour le crédit d'impôt afin de le rendre plus incitatif.

Ainsi, le présent article double le plafond des dépenses ouvrant droit à ce crédit d'impôt en le portant de 5.000 francs à 10.000 francs pour une personne seule et de 10.000 francs à 20.000 francs pour un couple marié.

Par ailleurs, il aligne le taux de déduction des dépenses en le portant de 15% à 20%.

Ce dispositif s'applique aux travaux réalisés à compter du 15 octobre 1998.

Le coût sera de 200 millions de francs en 1999, qui s'ajoutera au coût de 1,4 milliard de francs attendu pour le dispositif existant.
Le coût supplémentaire pour 1999 correspond aux travaux qui seront réalisés sur 2 mois et demi en 1998. En l'an 2000, le coût supplémentaire atteindra donc 960 millions de francs, soit un crédit d'impôt représentant 2,3 milliards de francs en année pleine.

Il faut noter, d'autre part, que le crédit d'impôt au titre des grosses réparations et des améliorations afférentes à l'habitation principale (LFI art 85, art 199 sexies D du CGI) représente 4 milliards de francs en année pleine 80( * ) .

Au total, en 1999, 5,6 milliards de francs seront consacrés en crédit d'impôt pour les travaux réalisés sur la résidence principale.

III. ÉVALUATION DU NOUVEAU DISPOSITIF


Le doublement du crédit d'impôt pour les travaux d'entretien de la résidence principale n'est, paradoxalement, qu'une demi-mesure.

Il est intervenu à la suite d'un long débat sur l'assujettissement au taux réduit de la TVA des travaux d'amélioration et d'entretien dans l'habitat.

En effet, plusieurs mesures ont déjà été prises en matière de TVA.

Dans la loi de finances pour 1998 a été décidé l'assujettissement au taux réduit des opérations de rénovation et d'amélioration dans le logement social (au même titre que les opérations de construction depuis la loi de finances pour 1997).

Dans le projet de loi de finances pour 1999, une nouvelle mesure est inscrite, qui en est l'extension normale, et qui était d'ailleurs réclamée par la commission des finances du Sénat l'an dernier : l'assujettissement au taux réduit de TVA des travaux réalisés par les bailleurs privés bénéficiant d'une subvention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) portant sur des logements conventionnés à l'aide personnalisée au logement (APL). 81( * )

Cependant, en raison des dispositions du paragraphe 9 de l'annexe H de la sixième directive européenne, ces mesures en matière de TVA sont limitées "à la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale ".

Ainsi, les autres mesures fiscales en faveur de la rénovation des logements ont dû être prises sous la forme de crédits d'impôt.

La loi de finances pour 1998 a institué un crédit d'impôt pour certains travaux d'entretien, après la réduction d'impôt pour grosses réparations, amélioration et ravalement mise en place par la loi de finances pour 1997.

L'Assemblée nationale a estimé que, compte tenu de l'enjeu économique d'une extension de la baisse de la TVA aux travaux d'amélioration et d'entretien, il ne fallait pas se réfugier derrière l'intangibilité du droit communautaire pour refuser l'extension du taux réduit de TVA aux travaux de réhabilitation des logements.

En effet, la Commission européenne elle-même a proposé, à l'occasion du sommet sur l'emploi de Luxembourg (20 et 21 novembre 1997), d'explorer la piste d'une réduction du taux de TVA à la prestation de certains services considérés comme étant à forte intensité de main-d'oeuvre.

Parmi les choix présentés par la Commission figure l'ensemble des travaux de "rénovation et de réparation de logements".

Dans une résolution du 17 septembre 1998, le Parlement a approuvé cette orientation.

Afin de pousser le gouvernement a promouvoir cette extension du taux réduit de TVA au niveau communautaire, la commission des finances de l'Assemblée nationale a donc voté un amendement portant sur cette extension.

Cet amendement ayant un coût de l'ordre de 15 à 20 milliards de francs et n'étant pas encore compatible avec le droit communautaire, il s'agissait d'un amendement "d'appel" pour inciter le gouvernement à trouver une solution.

Selon le rapporteur général de l'Assemblée nationale, de l'ordre de 5 à 7 milliards de francs pourraient toutefois être "récupérés" en raison de l'abrogation des dispositifs existants et de l'augmentation des recettes de TVA du fait d'un effet volume lié à l'augmentation de l'activité et à la réduction du travail clandestin.

Il faut rappeler les positions de la commission des finances du Sénat en ce domaine.

Lors de l'examen de la disposition relative au crédit d'impôt dans la loi de finances pour 1998 , elle a également souhaité qu'une réflexion s'engage, avec nos partenaires européens, sur l'application du taux réduit de TVA au secteur de la rénovation du logement. En effet, une telle mesure aurait un fort contenu en emplois et serait plus adaptée à la nature actuelle des besoins des économies européennes, dont le parc de logements a basculé d'une phase de reconstruction dans une phase de rénovation et de renouvellement.

Elle a, en conséquence, considéré le système du crédit d'impôt comme un pis aller.

Votre rapporteur ne peut, aujourd'hui, que prendre acte de l'absence de changement du droit communautaire et de l'impossibilité d'adopter un taux réduit de TVA pour le secteur de la réhabilitation des logements.

Il souhaite donc que se concrétisent les engagements pris par M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, devant l'Assemblée nationale le 16 octobre dernier, indiquant qu'une action résolue serait menée au plan européen 82( * ) .


Cependant, il considère également que l'application d'un taux réduit de TVA au secteur du logement serait insuffisant à réduire la tentation du travail clandestin dans l'artisanat du bâtiment, car celle-ci n'est pas seulement motivée par le poids de la TVA, mais aussi et surtout par celui des charges sociales, problème auquel le gouvernement n'apporte toujours pas de réponse.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 22 ter (nouveau)

Assujettissement à la TVA des prestations fournies par les parcs résidentiels de tourisme

Commentaire : l'article 22 ter (nouveau) tend à mettre en place un régime fiscal de nature à favoriser la rénovation de l'immobilier touristique en assujettissant à la TVA une nouvelle catégorie d'établissements appelée " villages résidentiels de tourisme ".

Cet amendement, adopté à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, fait l'objet d'un large consensus sur le fond, qui s'était traduit par le dépôt d'amendements similaires.

Il s'agit de mettre en place un régime fiscal qui soit susceptible de faciliter la réhabilitation d'un parc immobilier de tourisme , aujourd'hui vieilli .

L'offre de logements touristiques, largement constituée entre les années soixante et le début des années quatre-vingt, est maintenant inadaptée : de nombreux locaux sont trop petits pour répondre aux standards actuels, les parties communes sont souvent mal entretenues.

Dans un certain nombre de stations du littoral ou de montagne, la situation est préoccupante, car elle a pour conséquence une diminution des taux de remplissage. Globalement, il y a un problème d'image, préjudiciable à la compétitivité de l'offre touristique nationale.

Le principe de la mesure est simple : on permet l'assujettissement à la TVA des prestations fournies par une nouvelle catégorie d'établissements touristiques, constituée par des locaux meublés d'habitation dont les propriétaires ont conclu avec des exploitants un contrat de location d'une durée minimum de neuf ans dans le cadre d'une opération globale de réhabilitation immobilière. Ainsi, sera-t-il possible, de récupérer la TVA payée en amont sur les opérations de rénovation.

Le dispositif, qui tend à ajouter un nouvel alinéa au 4° de l'article 261 D du code des impôts, est calqué sur celui, prévu par ce même article pour permettre l'assujettissement des prestations fournies dans les hôtels et les résidences de tourisme classés.

La version votée par l'Assemblée diffère de celle initialement proposée par sa commission des finances. Deux changements doivent être notés :d'une part, l'appellation de " villages de tourisme " a été substituée à celle de " parcs résidentiels de tourisme classés " ; d'autre part, l'application de la mesure ne fait plus intervenir un décret en Conseil d'État mais deux décrets : un décret simple pour la définition de la nouvelle catégorie d'établissements touristiques, un décret en Conseil d'État pour celle de l'opération de réhabilitation dans laquelle la création d'un tel établissement peut avoir lieu.

Votre commission est favorable, sur le fond, à la mesure mais se demande dans la forme s'il est possible de calquer la rédaction de ce nouvel alinéa sur celle applicable aux hôtels et résidence de tourisme. On peut s'interroger également sur la méthode qui consiste à définir un régime fiscal par anticipation, s'agissant d'un régime devant s'inscrire dans des opérations d'un type nouveau, dites " opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir ", qui n'ont pas encore été définies dans leur contenu comme dans leurs procédures. Un décret en conseil d'État paraît une sécurité, s'agissant d'ensembles immobiliers comportant de nombreux propriétaires et d'un système de locations saisonnières.

Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose par amendement de prévoir que les modalités d'application du présent article doivent être fixées par décret en Conseil d'État .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 23

Augmentation des taux de réduction de droits sur les donations

Commentaire : cet article a pour objet d'unifier les réductions de droit applicables aux donations-partages et donations à enfant unique ou simples et de les porter à 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans révolus et de moins de 75 ans.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


Comme l'indique l'encadré ci après, les droits de mutation à titre gratuit (successions et donations) sont, depuis 1984, très élevés en France. Les taux les plus élevés s'échelonnent ainsi entre 40 et 60 %. De tels taux sont de nature à freiner les transmissions anticipées de patrimoine, notamment professionnel, et à conduire des chefs d'entreprise à ne pas préparer suffisamment à l'avance leur relève.

Tarifs des droits applicables en ligne directe et entre époux

Fraction de part nette taxable :

n'excédant pas 50 000 F 5 %

Comprise entre 50 000 et 75 000 F 10 %

Comprise entre 70 000 et 100 000 F 15 %

Comprise entre 100 000 et 3 400 000 F 20 %

Comprise entre 3 400 000 F et 5 600 000 F 30 %

Comprise entre 5 600 000 et 11 200 000 F 35 %

Supérieure à 11 200 000 F 40 %

Tarifs des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents

Entre frères et soeurs :

Fraction de part nette taxable n'excédant pas 150 000 F 35 %

Fraction de part nette taxable supérieure à 150 000 F 45 %

Entre parents jusqu'au 4 ème degré 55 %

Entre parents au delà du 4 ème degré et entre personnes non parentes 60 %

Faute de pouvoir réaménager ce barème très lourd, l'article 9 de la loi de finances pour 1996 tendait à instituer un abattement spécifique de 50 % sur la valeur des biens professionnels transmis entre vifs, afin de favoriser la transmission anticipée des entreprises.

Cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 28 décembre 1995 83( * ) , au motif que cette exonération, en cas de pluralité de donateurs, tendait " non pas à faciliter la transmission par un chef d'entreprise petite ou moyenne de son " outil professionnel ", mais à privilégier fiscalement la transmission de certains éléments de patrimoine par rapport à tous les autres types de biens, en avantageant au surplus les actionnaires majoritaires par rapport aux actionnaires minoritaires ".

Suite à cette décision, le Sénat a adopté plusieurs articles additionnels à la loi n° 96-314 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 12 avril 1996, afin d'alléger les droits de mutation pour les donations et les donations-partage dans un sens favorable à la transmission des entreprises.

Ces allégements de droits de mutation varient selon l'âge du donateur et la nature juridique de la donation.

L'article 790 du code général des impôts distingue ainsi :

- les donations-partage qui bénéficient d'une réduction de 35 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans et de 25 % lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans ;

- les donations simples effectuées par deux parents ou l'un d'entre eux à leur enfant unique qui bénéficient des mêmes allégements que les donations-partage ;

- les autres donations qui bénéficient d'une réduction de 25 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans et de 15 % lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans.

En outre, à titre temporaire, l'article 16 de la loi du 12 avril 1996 a étendu le bénéfice des taux de réduction les plus favorables 84( * ) à toutes les donations consenties par une personne âgée de 65 à 75 ans. Cette disposition, qui concernait initialement les actes passés entre le 1 er avril 1996 et le 31 décembre 1997, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 1998 par l'article 17 de la loi de finances pour 1998 du 30 décembre 1997.

Enfin, la loi précitée à institué un abattement de 100 000 francs pour les donations de grands-parents à petits enfants.

Toutefois, on constate que ces allégements ne visent que les donations effectuées dans le cercle familial, à l'exclusion donc de celles effectuées en faveur d'un repreneur qui ne serait pas nécessairement héritier.

IL. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A. UNE EXTENSION DES ALLÉGEMENTS À L'ENSEMBLE DES DONATIONS


Le présent article propose de supprimer la distinction des taux d'allégement en fonction de la nature juridique des donations. Le nouvel article 790 du CGI viserait désormais toutes les donations effectuées conformément au code civil, y compris à des personnes extérieures au cercle familial.

Le gouvernement cherche ainsi à assurer la neutralité de la fiscalité dans le choix du repreneur d'une entreprise.

B. UNE AUGMENTATION DES TAUX DE RÉDUCTION

Par ailleurs, afin d' encourager les transmissions anticipées de patrimoine, le présent article propose d' augmenter les taux des abattements pratiqués sur les droits applicables.

Votre rapporteur souscrit à cet égard tout à fait aux intentions du gouvernement lorsqu'il écrit : " les transmissions anticipées d'entreprises nécessitent que le transfert du pouvoir de décision soit préparé à l'avance dans le cadre d'une donation, plutôt qu'imposé par le décès du dirigeant ".

Les taux seraient ainsi portés :

- à 50 % (au lieu de 35 %) lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans ;

- à 30 % (au lieu de 25 %) lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans.

Lorsque le donateur a atteint l'âge de 75 ans, les droits ne font l'objet d'aucune réduction.

C. DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Le présent article précise que les dispositions qu'il institue sont applicables aux donations consenties par actes passés à compter du 1 er septembre 1998 .

Une telle précision, qui rend la mesure rétroactive, est nécessaire pour ne pas geler les transmissions entre le 1 er septembre 1998, date de l'annonce des nouvelles dispositions favorables, et le 1 er janvier 1999.

En outre, à titre transitoire, la réduction de 35 % serait maintenue pour les donations effectuées avant le 31 décembre 1998 par des donateurs âgés de 65 ans révolus et de moins de 75 ans.

Il convient en effet d'observer que le nouveau taux de réduction de 30 % applicable aux donations consenties par une personne âgée de 65 ans révolus et de moins de 75 ans est moins favorable que le taux de 35 % institué à titre temporaire par la loi portant DDOEF du 12 avril 1996 et reconduit par la loi de finances pour 1998 (voir supra). La présente disposition vise donc à maintenir le taux le plus favorable jusqu'à l'extinction prévue de la mesure temporaire.

Le coût des dispositions prévues par le présent article est estimé par le gouvernement à 300 millions de francs .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission ne peut qu'être favorable à l'extension d'un dispositif qu'elle avait elle-même contribué à instituer.

Elle constate toutefois que, comme dans le précédent dispositif, les donateurs âgés de plus de 75 ans ne bénéficient d'aucune mesure de faveur. La discrimination dont ils sont ainsi l'objet pourrait apparaître excessive au regard de l'objectif poursuivi. Rappelons en effet que les donations consenties par les personnes de moins de 75 ans donnent droit à une réduction de droits de mutation de 35 % (puis de 30 % à partir du 1 er janvier 1999).

Votre rapporteur propose donc d'étendre le taux de réduction de 30 % bénéficiant aux personnes âgées de moins de 75 ans à tous les donateurs, indépendamment de leur âge jusqu'au 31 décembre 1999 85( * ) . Au regard des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, une telle mesure serait susceptible de recueillir l'accord du gouvernement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose.

ARTICLE 24

Moralisation des avantages liés à la transmission des patrimoines par le biais de l'assurance vie

Commentaire : cet article tend à remettre en cause l'exonération des droits de mutation à titre gratuit dont bénéficient les contrats d'assurance vie en assujettissant à ces droits les sommes reçues par chaque bénéficiaire d'une assurance vie suite au décès d'un assuré à raison de 20 % sur la part des sommes excédant 1.000.000 francs.

I. LA TENTATIVE DU GOUVERNEMENT DE REMETTRE FORTEMENT EN CAUSE LE DISPOSITIF ACTUEL D'ASSURANCE VIE EN MATIÈRE DE DROITS DE MUTATION PAR DÉCÈS

A. LE DISPOSITIF ACTUEL EN MATIÈRE DE DROITS DE MUTATION PAR DÉCÈS


Le régime fiscal actuel de l'assurance vie est très favorable puisque, pour les contrats souscrits à compter du 20 novembre 1991, la totalité des versements effectués avant les 70 ans de l'assuré et la totalité des produits (intérêts, participations aux bénéfices...) sont exonérés de droits de mutation.

Conformément à l'article 757 B du code général des impôts, seules sont taxées, au-delà de 200.000 francs, les primes versées au-delà des 70 ans de l'assuré.

Au niveau européen, la fiscalité française des contrats d'assurance vie au regard des droits de succession constitue une exception. Ainsi, en Allemagne, les deux-tiers du capital investi sont assujettis aux droits de mutation à titre gratuit à la date du décès, sous réserve des abattements de droit commun. De même, au Royaume-Uni, en Espagne, au Luxembourg ou aux Pays-Bas, les capitaux versés au titre de contrats d'assurance vie sont assujettis aux droits de mutation à titre gratuit sous réserve de l'abattement général et des exonérations de droit commun. En Italie, sont cependant exonérés d'une part les capitaux versés au titre de contrats d'assurance vie en cas de décès souscrits au nom d'un bénéficiaire désigné et, d'autre part, les capitaux versés au titre de contrats d'assurance vie souscrits au sein d'une entreprise par un salarié au profit de ses successibles.

B. UN DISPOSITIF FORTEMENT REMIS EN CAUSE PAR L'ARTICLE 24 INITIAL DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999

L'article 24 initial du projet de loi de finances pour 1999 proposait de remettre en cause l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont bénéficient les contrats d'assurance vie lorsque les sommes des valeurs de rachat des contrats rachetables et des primes versées sur les contrats non rachetables au jour du décès de l'assuré excèdent 1.000.000 francs ou 30 % de cette somme augmentée de l'actif net successoral et des donations de moins de dix ans.

En outre, cette disposition devait s'appliquer aux successions ouvertes à la suite du décès d'assurés survenus à compter du 2 janvier 1999 quelle que soit la date à laquelle les contrats d'assurance vie aient été signés.

Le gain engendré par cette mesure était évalué à 500 millions de francs.

Par ailleurs, l'article 24 initial fixait les modalités spécifiques d'assujettissement des sommes garanties par les contrats en adhésion conjointe ainsi que les obligations d'information à la charge des organismes d'assurance pour la mise en oeuvre de l'assujettissement aux droits de succession des contrats d'assurance vie.

Enfin, le paragraphe II de l'article précité précisait les obligations des souscripteurs d'assurance vie hors de France et instituait des sanctions en cas de non-respect des ces obligations.

II. UN DISPOSITIF COMPLÈTEMENT MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE


La commission des finances de l'Assemblée nationale a proposé une nouvelle rédaction de l'article 24 qui modifie profondément son dispositif.

En effet, redoutant une censure constitutionnelle du dispositif proposé par le gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a transformé ce dernier en profondeur.

Le A du paragraphe I du présent article insère dans le code général des impôts un article 990 I qui introduit un nouveau régime de taxation des sommes versées au décès de l'assuré.

Le dispositif proposé prévoit l'assujettissement des sommes reçues par chaque bénéficiaire d'une assurance vie à raison du décès d'un assuré à un prélèvement de 20 % sur la part de ces sommes excédant 1.000.000 francs. Le taux de 20 % serait applicable quel que soit le lien de parenté entre l'assuré et le bénéficiaire.

L'assiette retenue pour ce prélèvement est donc très large puisque seuls les contrats d'assurance de groupe souscrits dans le cadre d'une activité professionnelle conserveraient le bénéfice de l'exonération 86( * ) . Ainsi, les reversions de rentes viagères entre époux ou entre parents en ligne directe, jusqu'à présent exonérées de droits de mutation à titre gratuit conformément à l'article 793-5 e du code général des impôts, seraient soumises à ce prélèvement dès lors que ces sommes excéderaient 1.000.000 francs.

Toutefois, l'assiette varie selon la nature du contrat d'assurance vie. Le présent article distingue entre d'une part, les contrats rachetables (qui correspondent aux contrats d'assurance en cas de vie), pour lesquels le prélèvement de 20 % porte sur la fraction rachetable des contrats et, d'autre part, les contrats non rachetables (ou encore contrats d'assurance en cas de décès) pour lesquels le prélèvement de 20 % porte sur les primes versées.

Pour éviter qu'un bénéficiaire de plusieurs assurances vie n'effectue sur les sommes reçues à travers chacune d'elles un abattement de 1.000.000 francs, le deuxième alinéa du paragraphe I du présent article dispose que le bénéficiaire doit produire auprès des organismes d'assurance et assimilés une attestation sur l'honneur indiquant le montant des abattements déjà appliqués aux sommes, rentes ou valeurs quelconques reçues d'un ou plusieurs organismes d'assurance et assimilés à raison du décès du même assuré.

Par ailleurs, le troisième alinéa prévoit que le prélèvement de 20 % dû par le bénéficiaire est versé au comptable des impôts par les organismes d'assurance et assimilés ou leur représentant fiscal dans les quinze jours qui suivent la fin du mois au cours duquel les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux ont été versées aux bénéficiaires à titre gratuit.

A cet égard, le cinquième alinéa reprend les dispositions de l'article 24 initial concernant l'obligation pour les organismes d'assurance et assimilés non établis en France et admis à y opérer en libre prestation de services de désigner un représentant fiscal résidant en France et personnellement responsable du paiement du prélèvement instauré par le présent article.

Enfin, le B du paragraphe I supprime le caractère rétroactif du dispositif qui ne s'appliquera qu'aux contrats souscrits à compter du 13 octobre 1998 et aux primes versées à compter de cette date sur les contrats en cours.

Le texte voté par l'Assemblée nationale introduit également un prélèvement exceptionnel destiné à compenser la perte de recettes de 500 millions de francs résultant de la non rétroactivité du dispositif.

Ainsi, le C du paragraphe I institue un prélèvement exceptionnel de 0,20 % dont l'assiette est constituée par les primes ou cotisations émises en 1998, nettes d'annulations ou de remboursements, afférentes à des garanties vie ou de capitalisation, à l'exception des primes ou cotisations liées à l'assurance collective. Ce prélèvement est à la charge des assurances et doit être versé au plus tard le 30 juin 1999.

Les paragraphes II, III et IV du présent article reprennent les dispositions contenues dans l'article 24 d'origine sur les obligations déclaratives des souscripteurs, des bénéficiaires et des assurances, notamment celles qui ne sont pas établis sur le territoire français.

Ainsi, un article 1649 AA est inséré dans le code général des impôts qui dispose que, lorsque des contrats d'assurance vie sont souscrits auprès d'organismes qui sont établis hors de France, les souscripteurs sont tenus de déclarer en même temps que leur déclaration de revenus, les références du ou des contrats, les dates d'effet et de durée de ces contrats, ainsi que les avenants et opérations de remboursement opérés au cours de l'année civile. Si les contribuables ne se conforment pas à ces obligations de déclaration, ils sont passibles d'une amende égale à 25 % des versements effectués au titre des contrats non déclarés. Toutefois, lorsque le contribuable apporte la preuve que le Trésor public n'a subi aucun préjudice, le taux de l'amende est ramené à 5 % et son montant plafonné à 5.000 francs.

B. LA RÉACTION DE VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL

Votre rapporteur général était farouchement opposé au texte initial qui, par son caractère rétroactif, portait atteinte à la sécurité juridique de la fiscalité relative à l'assurance vie.

A cet égard, votre rapporteur tient à signaler que la collecte de l'assurance vie pour les neuf mois de l'année 1998 s'inscrivait en baisse de 12 % selon M. Denis Kessler, président de la fédération française des sociétés d'assurance. Or, ce repli s'explique par les décisions fiscales du gouvernement ainsi que par l'incertitude dans laquelle se trouvent les épargnants.

Votre rapporteur estime que le texte adopté par l'Assemblée nationale constitue un moindre mal même s'il lui paraît perfectible. Dans un souci de compromis et afin de mettre un terme à l'instabilité croissante du régime de l'assurance vie, votre rapporteur général est disposé à accepter le présent article sans modification à condition cependant que le gouvernement s'engage à ne plus modifier chaque année les règles régissant l'assurance vie.

Votre rapporteur général tient cependant à formuler trois remarques sur le texte voté par l'Assemblée nationale.

D'une part, il demande au gouvernement de s'engager à garantir le caractère véritablement exceptionnel du prélèvement de 0,2 % sur les compagnies d'assurance. Le texte l'indique implicitement puisque le C du paragraphe I du présent article détermine l'assiette de ce prélèvement en faisant référence aux primes ou cotisations émises en 1998. Toutefois, votre rapporteur souhaiterait que le gouvernement s'engage officiellement à ne pas banaliser ce prélèvement.

D'autre part, votre rapporteur général estime que le paragraphe II du présent article relève du domaine réglementaire. Comme pour l'article 757 B du code général des impôts, la liste des informations à fournir par les compagnies d'assurances aurait pu être déterminée par un décret en Conseil d'Etat.

Enfin, votre rapporteur général s'interroge sur l'opportunité d'exonérer du prélèvement de 20 % instauré par le présent article les primes afférentes à des contrats d'assurances en cas de décès, lorsque ces contrats garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant handicapé.

A cet égard, il rappelle que ces primes font déjà l'objet de mesures dérogatoires.

Ainsi, le 2 e de l'article 199 septies du code général des impôts ouvre droit à une réduction d'impôt pour les primes afférentes à des contrats d'assurances en cas de décès, lorsque ces contrats garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant de l'assuré atteint d'une infirmité qui l'empêche, soit de se livrer, dans des conditions normales de rentabilité, à une activité professionnelle, soit, s'il est âgé de moins de dix-huit ans, d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal.

De même, l'article 5 II de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 exonère de CSG et de prélèvement de 2 % les produits attachés aux contrats visés au 2 e de l'article 199 septies du code général des impôts.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 25

Réduction de l'écart entre les minima de perception
du droit de consommation sur les tabacs

Commentaire : le présent article tend à réduire la période durant laquelle les cigarettes brunes sont soumises à un minimum de perception inférieur à celui des autres cigarettes.

I. LA FISCALITE SUR LES TABACS

A. UNE FISCALITE COMPLEXE


La fiscalité des tabacs se compose de trois taxes superposées.

La mise à la consommation des tabacs manufacturés est en premier lieu soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , au taux de 20,6 %. Conformément à l'article 298 quaterdecies du code général des impôts (CGI), la base d'imposition est constituée par le prix de vente au détail (y compris le droit de consommation et la taxe BAPSA sur les tabacs fabriqués et y compris la remise allouée aux débitants) mais à l'exclusion de la TVA elle-même.

La mise à la consommation supporte également, conformément à l'article 1609 unvicies du CGI, une taxe de 0,74 % perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles ( BAPSA ) en addition à la TVA, selon les mêmes règles que cette dernière. Elle contribue au financement des régimes de protection sociale des agriculteurs.

La mise à la consommation de tabacs manufacturés donne enfin lieu au paiement d'un droit de consommation . Ce droit est perçu au profit de l'Etat, à l'exception du droit perçu dans la région de Corse et dans les départements d'outre-mer (DOM) dont le produit est affecté au budget de ces collectivités territoriales.

Son taux est actuellement fixé pour la France continentale de la façon suivante (article 575 A du CGI) :

Cigarettes 58,30 %

Cigares 28,86 %

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes 51 %

Autres tabacs à fumer 46,74 %

Tabacs à priser 40,20 %

Tabacs à mâcher 27,47 %

Le droit de consommation sur les cigarettes comporte une part spécifique par unité de produit et une part proportionnelle au prix de détail. Néanmoins, pour les cigarettes de la classe de prix la plus demandée (c'est-à-dire au sens et pour l'application de l'article 575 du CGI, les cigarettes du même prix que la Marlboro), le montant du droit de consommation est déterminé globalement en appliquant le taux normal du droit à leur prix de vente au détail.

La part spécifique est égale à 5 % de la charge fiscale totale afférente aux cigarettes de la classe de prix la plus demandée et comprenant le droit de consommation, la TVA et la taxe additionnelle au profit du BAPSA.

S'agissant des cigarettes de la classe de prix la plus demandée, la part proportionnelle est réputée égale à la différence entre le montant total du droit de consommation et la part spécifique définie ci-dessus.

Le rapport entre cette taxe proportionnelle et le prix de vente au détail de ces cigarettes constitue le taux de base. Pour les autres cigarettes, la part proportionnelle est déterminée en appliquant le taux de base déterminé pour la classe de cigarettes la plus demandée à leur prix de vente au détail.

La fiscalité pour un paquet de cigarettes se ventile de la façon suivante :

(En francs)

 

Marlboro

(paquet de 20)

Gauloise blonde

(paquet de 20)

Gauloise brune

(paquet de 20)

a.- Prix de vente public (PVP)

19,40

16,70

13,90

b.- TVA (17,081 du PVP) (1)

3,314

2,853

2,374

c.- Taxe BAPSA (0,613 du PVP) (2)

0,119

0,102

0,085

d.- Droit de consommation

11,310

9,736

8,104

e.- Charge fiscale totale (b+c+d)

14,743

(76 %)

12,691

(76 %)

10,563

(76 %)

f.- Remise débitants (8 % du PVP)

1,55

1,34

1,11

g.- Prix industriel (a-e-f)

3,107

2,669

2,227

(1) Taux "en dehors" de 20,6 %, soit un taux "en dedans" de 17,081 %

(2) Taux "en dehors" de 0,74 %, soit un taux "en dedans" de 0,613 %

S'agissant du seul droit de consommation, il est donc déterminé de façon différente dans deux cas :

- paquet de cigarettes de la classe de prix la plus demandée (exemple Marlboro) :

droit de consommation (58,30 % du PVP) 11,310

part spécifique (5 % de e) 0,737

part proportionnelle (d - part spécifique) 10,573

taux de base (part proportionnelle/PVP x 100) 54,50 %

- paquet de cigarettes Gauloise brune (l'exemple pourrait tout aussi bien porter sur les cigarettes Gauloise blonde) :

part spécifique (5 % de e) 0,528

part proportionnelle (taux de base x PVP) 7,575

total droit de consommation 8,103

En 1997, les consommateurs ont acheté 92 233 tonnes de tabac, soit presque 3 % de moins qu'en 1996. L'augmentation des ventes de tabacs à fumer, à rouler et pour la pipe (+ 4,5 %) ainsi que de cigares et cigarillos (+ 2,6 %) a compensé partiellement le retrait des ventes de cigarettes (- 3,6 %).

La hausse du prix moyen des cigarettes a été de 7,75 % en 1997 (l'inflation s'établissant à 1,1 %).



Les taxes sur les tabacs ont rapporté 56,586 milliards de francs en 1997, soit une progression de 4,2 % par rapport à 1996. Le taux moyen de la taxation sur les produits du tabac s'est établi à 75,2 % et 76,55 % sur les cigarettes.

En 10 ans, les recettes fiscales du tabac (TVA, BAPSA et droit de consommation) ont augmenté de 96,5 %, soit un quasi-doublement.



La fiscalité réelle calculée sur le prix moyen de la cigarette s'élève à 76,55 % en France en 1997, soit le 6 ème rang européen. Elle était de 70 % en 1992.

Le lien entre hausse du prix de vente et baisse du niveau de la consommation existe mais il est ténu ; une étude de l'INSEE a cependant montré que la consommation de tabac diminuait sensiblement sous l'effet d'une hausse des prix importante et continue.

B. LE MINIMUM DE PERCEPTION


La fiscalité sur les tabacs, outre d'évidentes implications sur les recettes fiscales, a également des conséquences en matière de santé publique, notamment à l'égard des jeunes parmi lesquels la proportion de fumeurs augmente. D'ailleurs, en vertu de l'article 49 de la loi de finances pour 1997, le budget de l'Etat doit verser une fraction du droit de consommation sur les tabacs à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

C'est à la fois pour des considérations fiscales et dans un objectif de lutte contre les excès du tabagisme que l'article 575 du CGI dispose que "le montant du droit de consommation ne peut être inférieur à un minimum de perception" , qui est fixé par mille unités ou par mille grammes selon le mode de présentation du tabac.

Le minimum de perception constitue ainsi un mécanisme de maintien du niveau des recettes fiscales et, par là même, empêche une baisse généralisée des prix du tabac qui serait propice à une augmentation sensible de la consommation, chez les plus jeunes notamment.

Ainsi, en cas de baisse des prix très sensible, le mécanisme du minimum de perception intervient, ce qui permet alors de déconnecter la faiblesse des prix des rentrées fiscales : il constitue le plancher de la fiscalité sur les tabacs.

La revalorisation du minimum de perception, décidée par la loi de finances pour 1998, est intervenue dans un contexte particulier. En effet, le marché des cigarettes a été perturbé par la forte concurrence sur les prix, avec la mise en vente par le manufacturier américain Rothmans de paquets de 30 unités à bas prix (22 francs) : la cigarette blonde Winfield.

S'en est suivie une " guerre des prix ". Or, ses conséquences -sanitaires et fiscales- peuvent être très dommageables, d'autant plus que la liberté du prix des tabacs a été instaurée par l'article 56 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Deux mesures ayant un "effet cliquet" ont donc été prises en 1998 afin de contrecarrer les effets sur les recettes fiscales mais également sur les prix de vente, d'une éventuelle baisse des prix intervenant dans le cadre de cette concurrence accrue.

D'une part, le dernier alinéa de l'article 575 du CGI dispose que "pour l'année 1998, le montant du droit de consommation, applicable à un produit, ne peut être inférieur au montant du droit de consommation calculé sur la base du prix de vente au détail résultant de la première homologation postérieure au 1er décembre 1997". Un fabricant ne trouve donc plus d'intérêt à demander une baisse du prix de vente d'une classe de cigarettes au cours de l'année. Cette disposition était spécifique à l'année 1998, et deviendra obsolète après le 31 décembre.

D'autre part, les minima de perception ont été revalorisés au 1 er janvier 1998. Celui s'appliquant aux cigarettes est passé de 380 à 500 francs, et celui pour les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes a été porté de 150 à 230 francs afin de limiter la hausse de la consommation du tabac à rouler corrélative à la baisse de celle des cigarettes.

Surtout, une distinction a été introduite entre les cigarettes blondes, qui sont soumises au minimum de perception de 500 francs, et les cigarettes brunes, ces dernières voyant s'appliquer un minimum de perception de 400 francs du 1 er janvier au 31 décembre 1998 et de 420 francs à compter du 1 er janvier 1999.

Le marché des cigarettes brunes connaît un net recul depuis plusieurs années comme le montre le tableau ci-après :

(en % du marché des cigarettes)

Année

Blondes

Brunes

1988

58,70

41,30

1989

60,80

39,00

1990

63,80

36,20

1991

66,60

33,40

1992

68,60

31,40

1993

70,05

29,95

1994

71,20

28,80

1995

72,70

27,30

1996

74,20

25,80

1997

76,10

23,90

Afin de permettre aux producteurs de cigarettes brunes de s'adapter à cette évolution du marché, la loi de finances pour 1998 a instauré une période durant laquelle cette catégorie de cigarettes était soumise à un minimum de perception inférieur à celui des autres cigarettes.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article tend précisément à réduire la période pendant laquelle les cigarettes brunes sont soumises à un minimum de perception inférieur à celui des autres cigarettes.

L'article 575 A du CGI, dans sa rédaction actuelle, laisse assez aisément deviner qu'était prévu l'alignement du minimum de perception des cigarettes brunes sur celui des autres cigarettes sur une durée de cinq ans. Il était en effet fixé à 400 francs du 1 er janvier au 31 décembre 1998, puis à 420 francs à compter du 1 er janvier 1999. Il est très probable qu'il se serait élevé à 440 francs en 2000, 460 francs en 2001, 480 francs en 2002 puis 500 francs -soit le niveau commun - en 2003.

Or le présent article ramène cette période de progressif rattrapage du montant du minimum de perception de 5 à 3 ans. Il sera en effet fixé à 420 francs à compter du 1 er janvier 1999 - cette disposition avait déjà été arrêtée dans la loi de finances pour 1998 - puis à 450 francs du 1 er janvier au 31 décembre 2000.

A partir du 1 er janvier 2001, au lieu du 1 er janvier 2003, le minimum de perception sera unique, à la fois pour les cigarettes blondes et pour les cigarettes brunes.

Cette accélération de la période de réduction de l'écart entre les minima de perception est motivée par la nécessaire mise en conformité de notre législation au droit communautaire.


En effet, la directive 95/59/CE du Conseil du 27 novembre 1995 concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés dispose, dans son article 8 alinéa 2 : " Le taux de l'accise proportionnelle et le montant de l'accise spécifique doivent être les mêmes pour toutes les cigarettes ". Ainsi aucune distinction n'est établie entre cigarettes : le régime spécifique des cigarettes brunes ne trouve aucune base dans les textes communautaires, ce qui retire tout fondement au dispositif fiscal français décrit plus haut.

Ainsi, à partir du 1 er janvier 2001, et en conformité avec la directive susmentionnée, un minimum de perception unique s'appliquera à l'ensemble des cigarettes. La distinction fiscale entre cigarettes brunes et blondes cessera d'ailleurs d'exister après le 31 décembre 2000.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Didier Migaud, a adopté un amendement tendant à allonger d'un an la période au terme de laquelle le minimum de perception applicable aux cigarettes brunes sera aligné sur celui applicable aux cigarettes blondes. Sa commission des finances a en effet estimé que " Le passage de 450 à 500 francs, qui doit intervenir au 31 décembre 2000, obligerait les producteurs de cigarettes brunes, au premier rang desquels la SEITA, à relever de près de 2 francs le prix de vente au détail du paquet ". Elle ajoute : " Il est permis de penser qu'une telle revalorisation pourrait causer des difficultés importantes ".

Cette décision, si elle retarde d'un an la mise en conformité de notre fiscalité sur les tabacs aux exigences communautaires, par rapport à la proposition du Gouvernement, est néanmoins acceptable en ce sens qu'elle permet aux producteurs de tabac de s'adapter aux modifications de prix proposées. En effet, les hausses de prix brutales ont généralement un effet bénéfique sur la consommation en termes de santé publique ; elles peuvent aussi manquer cet objectif si elles renforcent les activités de contrebande ou la consommation de produits venant de l'étranger, via Internet par exemple. Des hausses de prix modérées permettent aussi de réduire la consommation de tabac.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 26

Aménagement de la taxe sur les locaux à usage de bureaux
en Ile-de-France

Commentaire : cet article a pour objet d'accroître les ressources du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF), en élargissant l'assiette de la taxe qui l'alimente, afin de lui permettre de prendre en charge à la fois ses missions traditionnelles et la compensation de la mise en extinction progressive de la dotation globale de fonctionnement de la région Ile-de-France.

I. UNE MESURE LIÉE À LA LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE (LOADT) DU 4 FÉVRIER 1995

A. L'ARTICLE 73 DE LA LOADT : UNE MESURE DE PÉRÉQUATION


L'article 73 de la LOADT organise une péréquation entre collectivités locales au profit de la province selon la logique suivante :

- la dotation globale de fonctionnement (DGF) de la région Ile-de-France sera progressivement supprimée , les sommes dégagées étant affectées à la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation minimale de fonctionnement des départements (DMD) ;

- la perte pour la région Ile-de-France est compensée par des versements de montant équivalent en provenance du FARIF , lui même alimenté par la taxe sur les bureaux en Ile-de-France.

Ce dispositif permet à l'Ile-de-France de s' " autofinancer " tandis que le montant de la DGF à répartir entre l'ensemble des collectivités territoriales augmente.

1. La mise en extinction de la DGF de la région Ile-de-France

La LOADT a prévu d'éteindre graduellement la DGF versée à l'Ile-de-France, qui s'élevait en 1995 à 1.200 millions de francs 87( * ) . Un processus à dix ans a été retenu. Ainsi, l'article 73 de la LOADT dispose que " à compter de 1995, le montant de la dotation globale de fonctionnement versée à la région d'Ile-de-France (...) est diminué chaque année d'un montant de 120 millions de francs ". A partir de 2005, la région Ile-de-France ne devrait plus percevoir de DGF .

La réduction de l'enveloppe versée à l'Ile-de-France ne s'accompagne pas d'une réduction du montant total de la DGF. Par conséquent, elle accroît celui des sommes à répartir entre les autres collectivités territoriales. Cet effet mécanique est en lui-même péréquateur.

Mais l'article 73 de la LOADT va plus loin et prévoit que " en 1995 , les ressources ainsi dégagées abondent pour moitié la dotation de solidarité urbaine et pour moitié la dotation de solidarité rurale (...). A partir de 1996 , ces ressources abondent pour un tiers la dotation de solidarité urbaine (...) pour un tiers la dotation de solidarité rurale (...) et pour un tiers la dotation de fonctionnement minimale des départements. "

Ainsi, en partie grâce à ces versement, les crédits de la dotation de solidarité urbaine ont pu s'accroître de 60% entre 1995 et 1998 88( * ) .

2. La mise à contribution du FARIF

Le fonds d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF), qui est un compte spécial du trésor (n°902-22), a été créé en 1990 afin de " dégager des moyens complémentaires à ceux du budget général pour résoudre les problèmes liés à la concentration urbaine de cette région " 89( * ) . Il est alimenté par le produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France, que le présent article modifie.

Le FARIF, qui finance en Ile-de-France des investissements à partir d'une ressource prélevée en Ile-de-France, constitue un instrument de péréquation entre collectivités. Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire estimait le 11 juillet 1994, devant l'Assemblée nationale, que " l'Etat fait payer par l'intermédiaire de la taxe les investissements qui, normalement, devraient faire l'objet d'un prélèvement sur son propre budget. Il y a donc déjà un réel effort de péréquation ".

L'article 73 de la LOADT accentue la vocation péréquatrice du FARIF en prévoyant que transiteraient par lui les crédits versés à la région Ile-de-France en compensation de la perte de la DGF. Selon ce texte, " le produit du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France est affecté (...) à la région Ile-de-France à due concurrence du montant du prélèvement effectué sur la dotation globale de fonctionnement versée à cette région ".

Le montant des versements a été conforme au texte de l'article 73 : 120 millions de francs en 1995, 240 en 1996, 360 en 1997 et 480 en 1998. Pour 1999, le versement sera de 600 millions de francs. Ils ont été réalisés depuis 1995 à partir des chapitres consacrés aux " subventions d'investissement en matière de transports collectifs en Ile-de-France " (chapitre 4) et aux " investissements sur le réseau routier national en Ile-de-France " (chapitre 5) :

Transferts du FARIF à la région Ile-de-France en application de l'article 73 de la LOADT

 

Subventions d'investissement
en matière de transports collectifs (ch.4)


Investissements
sur le réseau routier national (ch.5)



Total versement
Ile-de-France

1995

120

0

120

1996

150

90

240

1997

240

120

360

1998

310

170

480

3. Une curiosité juridique

L'article 73 de la LOADT prévoit que les versements du FARIF à la région Ile-de-France sont effectués " dans les conditions prévues par la loi de finances pour 1995 (n°94-1162 du 29 décembre 1994) ".

En réalité, la loi de finances pour 1995 n'a pas défini les modalités de l'affectation d'une partie du produit du FARIF à la région . Les versements ont donc été effectués en vertu de conventions passées entre l'Etat et la région, généralement élaborées par le Préfet de région.

Ainsi, entre 1995 et 1998, 1.200 millions de francs ont été transférés à la région Ile-de-France sans que jamais une loi de finances ne vienne définir les conditions de ces versements.

B. POURQUOI UNE RÉFORME EN 1999 ?

1. L'objectif : préserver la capacité d'intervention de l'Etat en Ile-de-France


La part du versement à la région Ile-de-France au sein des crédits du FARIF a cru substantiellement depuis 1995, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Pourcentage du versement dans les crédits du FARIF

LFI 1995

LFI 1996

LFI 1997

PLF1998

8,2

16

22,3

29,2

Cet accroissement ne constituait pas un motif d'inquiétude car l'article 73 de la LOADT prévoit que " jusqu'en 1998, la région prendra en charge, à due concurrence des sommes transférées, les engagements de l'Etat financés par le fonds ". En d'autres termes, les crédits transférés à la région étaient " fléchés " et finançaient les investissements dans le réseau routier et les transports collectifs que l'Etat aurait du financer.

A partir de 1999, la région recouvrera une totale liberté d'utilisation des crédits versés par le FARIF. Dès lors, une éviction des dépenses d'investissement par le versement à la région Ile-de-France est à craindre. D'autant plus qu'en l'absence de réforme du mode d'alimentation du FARIF, la part du versement à l'Ile-de-France dans les crédits du FARIF aurait été de 35,7% en 1999.

L'article 26 du projet de loi de finances pour 1999 vise donc à élargir l'assiette de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France afin d'accroître les recettes du FARIF de manière à préserver la capacité de l'Etat à financer les investissements d'infrastructure en Ile-de-France.

Le recours à une taxe applicable uniquement en Ile-de-France pour accroître les ressources disponibles en Ile-de-France se situe dans la logique de la LOADT : le montant des transferts aux autres collectivités territoriales ne sera pas affecté par cette opération interne à la région Ile-de-France.

2. L'objectif ne devrait pas être atteint

Les prévisions de recettes élaborées par le ministère de l'équipement 90( * ) indiquent que la réforme ne devrait pas permettre de stabiliser la part du versement à la région Ile-de-France dans les ressources du FARIF.

Part du versement à la région Ile-de-France dans les recettes du FARIF
(prévisions ministère de l'équipement)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

27

30

33,7

36,5

39

41,4

La poursuite de l'augmentation du poids du versement à la région Ile-de-France au sein des recettes du FARIF est due au fait que la progression des recettes n'est pas suffisamment importante pour compenser l'augmentation de 120 millions de francs par an du versement.

Prévisions d'évolutions des recettes de la taxe sur les bureaux,

les locaux commerciaux et les locaux de stockage

(en millions de francs)

 

1998*

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Recettes totales

1676

2220

2346

2486

2626

2766

2898

Restitution région

-

600

720

840

960

1080

1200

Montant disponible

1676

1620

1626

1646

1666

1686

1698

* En 1998, dernière année avant l'élargissement de l'assiette de la taxe, la région Ile-de-France est encore obligée de financer les actions décidées par l'Etat. La distinction entre " restitution région " et " montant disponible " est donc artificielle, tous les crédits finançant les mêmes actions.

En résumé :

- la réforme proposée par le gouvernement contribuera à limiter l'éviction des dépenses d'investissement de l'Etat par le versement à la région Ile-de-France, mais ne parviendra pas à l'empêcher ;

- la part du versement à la région dans le FARIF continuera à croître et les dépenses d'investissement connaîtront entre 1999 et 2002 une baisse en volume. Ce n'est qu'en 2003 qu'elles retrouveront un niveau comparable à celui de 1998.




II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN OBJECTIF PRÉCIS, DES MOYENS APPROXIMATIFS

A. UN OBJECTIF, DEUX INSTRUMENTS

1. L'objectif : obtenir un produit de 1.200 millions de francs en 2004


Le dispositif proposé par l'article 26 du présent projet de loi de finances a été confectionné " sur mesure " à partir de deux paramètres :

- le gouvernement a décidé que le transfert à la région Ile-de-France ne devait pas entraîner de réduction des moyens d'intervention de l'Etat dans le FARIF. Par conséquent, il lui fallait calibrer un dispositif susceptible de rapporter 1.200 millions de francs en 2004, lorsque la DGF de la région Ile-de-France aura complètement disparu ;

- le FARIF est alimenté par une taxe sur les locaux à usage de bureau en Ile-de-France. Par soucis de simplicité, le gouvernement a décidé de recourir à cet instrument afin d'accroître les recettes du FARIF. Toutefois, il est permis de penser que l'ampleur de la réforme aujourd'hui proposée n'en change la nature de la taxe actuelle.

2. Premier instrument : élargir l'assiette de la taxe

a) L'assiette de la taxe sur les bureaux ne change pas, mais son contour est précisé

Le présent article réorganise et précise le contenu de l'article 231 ter du code général des impôts qui régit actuellement la taxe sur les locaux à usage de bureaux.

Les redevables de la taxe

Rédaction actuelle

Rédaction proposée

"  La taxe est due par les personnes privées ou publiques qui, au 1er janvier de l'année d'imposition, sont propriétaires de locaux imposables. "

"  La taxe est due par les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel sur de tels locaux.

La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable ".

Les surfaces taxables

Rédaction actuelle

Rédaction proposée

" Les locaux à usage de bureau s'entendent des locaux commerciaux ou à usage professionnel, ainsi que des locaux utilisés par des administrations publiques sauf ...". Les exceptions seront mentionnées dans le paragraphe consacré aux exonérations.

" Les locaux à usage de bureau s'entendent :

- d'une part des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinées à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisées par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les les organismes professionnels et

- d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant un but non lucratif. "

Les exonérations

Rédaction actuelle

Rédaction proposée

Au II, sont exclus du paiement de la taxe " d'une part, les magasins, boutiques, ateliers, hangars, garages et locaux de stockage et, d'autre part, les locaux spécialement aménagés pour l'exercice d'une activité de caractère sanitaire, social, éducatif, sportif ou culturel ".

Au III , " sont exonérés de la taxe les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité.

Les locaux d'une superficie totale inférieure à 100 m 2 sont exonérés de la taxe. Pour l'application de cette disposition, il est tenu compte de tous les locaux à usage de bureau qu'un propriétaire possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d'adresses, dans un même groupement topographique. "

Au V., " Sont exonérés de la taxe :

1°) Les locaux à usage de bureaux (...) situés dans une zone franche urbaine (...) ;

2°) Les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel ;

3°) Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 500 m 2 (...). "

Le IV précise que " pour le calcul des surfaces visées (...),il est tenu compte de tous les locaux à usage de bureau qu'un propriétaire possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d'adresses, dans un même groupement topographique. "

b) L'élargissement aux locaux commerciaux et de stockage

L'accroissement attendu du produit de la taxe, qui prend le nom de " taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage " 91( * ) , provient de l'élargissement de son assiette :

L'élargissement aux locaux commerciaux

L'article 231 ter du code général des impôts, dans sa rédaction actuelle, dispose que les locaux à usage de bureaux s'entendent " des locaux commerciaux ou à usage professionnel ". Néanmoins, " les magasins, boutiques, ateliers, hangars, garages " sont explicitement exclus du champ de la taxe.

La rédaction de l'article 26 revient sur cette exclusion et précise que la taxe est due " pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestation de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes . "

Le régime des exonérations est le même que pour les locaux à usage de bureau, à l'exception de la taille minimale exigée pour le paiement de la taxe, qui est de 300 m 2 pour les locaux commerciaux.

Les locaux de stockage

Les locaux de stockage sont explicitement exclus du champ de la taxe par l'actuelle rédaction de l'article 231 ter . La rédaction proposée les y intègre, en précisant que les locaux de stockage s'entendent " des locaux ou aires couvertes destinés à l'entreposage de produits, de marchandises ou de biens et qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production. ".

Le régime des exonérations est le même que pour les locaux à usage de bureaux et les locaux commerciaux, mais la taille minimale déclenchant l'assujettissement à l'impôt est de 500 m 2 .

3. Deuxième instrument : encadrer l'évolution des tarifs

a) Le droit commun : l'indexation sur l'indice du coût de la construction

Les régimes applicables aux différents types de locaux

La rédaction proposée reprend le mode de tarification actuel pour les locaux à usage de bureaux . Le dispositif prévoit deux niveaux de tarifs applicables : un tarif " normal " et un tarif réduit applicable aux " locaux possédés par l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes ou les établissements publics sans caractère industriel et commercial, les organismes professionnels ainsi que les associations ou organismes privés sans but lucratif à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel et dans lesquels ils exercent leur activité. " 92( * )

Le montant des deux niveaux de tarifs est modulé en fonction de l'implantation géographique des bureaux. Trois circonscriptions sont prévues. La nouvelle rédaction ne propose pas d'en modifier le périmètre :

- Première circonscription (tarifs les plus élevés) : 1er, 2è, 3è, 4è, 6è, 7è, 8è, 9è, 14è, 15è, 16è, 17è arrondissements de Paris, arrondissements de Nanterre et Boulogne-Billancourt du département des Hauts-de-Seine ;

- Deuxième circonscription : 5è, 10è, 11è, 12è, 13è, 18è, 19è, 20è arrondissements de Paris, arrondissement d'Antony du département des Hauts-de-Seine ainsi que les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;

- Troisième circonscription (tarifs les plus bas) : départements de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne et du Val d'Oise.

S'agissant des locaux commerciaux et des locaux de stockage , le présent article ne prévoit pas de tarif réduit, ni de circonscriptions géographiques. Les tarifs fixés s'appliquent à l'ensemble des locaux de la région Ile-de-France. Néanmoins, il est prévu une modulation des tarifs en fonction de la superficie des locaux imposables :

- s'agissant des locaux commerciaux, la nouvelle rédaction distingue les locaux dont la surface totale est comprise entre 300 et 2.500 mètres-carrés et ceux dont la superficie est supérieure à 2.500 mètres-carrés.

- s'agissant des locaux commerciaux, la nouvelle rédaction sépare les locaux dont la surface totale est comprise entre 500 et 5.000 mètres-carrés et ceux dont la superficie est supérieure à 5.000 mètres-carrés.

Le mode de progression des tarifs

La rédaction actuelle de l'article 231 ter prévoit que " les tarifs sont révisés chaque année en fonction de l'évolution annuelle de l'indice du coût de la construction ". La nouvelle rédaction reconduit ce mode d'indexation " à compter de l'année 2005 ".


L'indice du coût de la construction

Cet indice est calculé chaque trimestre par l'INSEE en collaboration avec le ministère de l'équipement, des transports et du logement. Il mesure l'évolution du prix global de la construction d'immeubles à l'usage d'habitation (depuis les fondations jusqu'à la finition).Il fait appel à l'observation des prix effectivement payés pour des immeubles réellement construits.

Cette observation tient compte du genre de la construction (individuelle ou collective), du mode de financement (HLM-location, HLM-accession, avec prime, assortie ou non de prêt, construction non aidée) et de l'importance des chantiers.

Cet indice reflète non seulement les variations du coût des facteurs physiques (main d'oeuvre et matériaux), mais aussi celle des frais financiers engagés éventuellement par les promoteurs et qui sont susceptibles de les affecter (taxe professionnelle et autres impôts, loyer de l'argent, etc.), de même que les variations des taxes diverses (dont TVA) et des marges bénéficiaires des différents corps de métiers. L'indice s'applique à l'ensemble du territoire national. C'est la référence explicite du prix des loyers dans le secteur libre.

Il ne prend pas en considération le prix des terrains et les frais d'aménagement de ces derniers (frais de voirie, raccordements, etc.). Il ne tient pas compte non plus des frais d'étude (honoraires d'architecte). Enfin, il ne s'applique qu'à la construction des locaux à usage d'habitation et non à celle des bâtiments industriels, scolaires, hospitaliers, etc. Il ne peut être utilisé non plus pur mesurer le coût des réparations d'immeubles ou de leur entretien.

b) Le régime transitoire de 1999 à 2004

L'objectif de l'article 26 est d'accroître de 1.200 millions de francs en cinq ans les recettes du FARIF. Pour être sûr d'atteindre son objectif, le gouvernement a décidé d'encadrer l'évolution des tarifs au cours de cette période.

Les tableaux suivant retracent l'évolution prévue des tarifs entre 1999 et 2004 :

Pour les locaux à usage de bureaux

 

1ère circonscription

2ème circonscription

3ème circonscription

 

Tarif normal

Tarif réduit

Tarif normal

Tarif réduit

Tarif normal

Tarif réduit

1999

70 F

35 F

42 F

25 F

20 F

18 F

2000

72 F

36 F

43 F

26 F

21 F

19 F

2001

74 F

37 F

44 F

27 F

22 F

20 F

20025

76 F

38 F

45 F

28 F

23 F

21 F

2003

78 F

39 F

46 F

29 F

24 F

22 F

2004

80 F

40 F

47 F

30 F

25 F

23 F

Pour les locaux commerciaux

Année

Surface totale comprise
entre 300 et 2.500 m 2

Surface totale égale
ou supérieure à 2.500 m 2

1999

12 F

30 F

2000

15 F

36 F

2001

18 F

42 F

2002

21 F

48 F

2003

24 F

54 F

2004

27 F

60 F

Pour les locaux de stockage

Année

Surface totale comprise
entre 500 et 5.000 m 2

Surface totale égale
ou supérieure à 5.000 m 2

1999

7F

14 F

2000

9 F

17F

2001

11 F

20 F

2002

13 F

23 F

2003

15 F

26 F

2004

17 F

28 F

B. LES PRÉVISIONS DE RECETTES REPOSENT SUR DES HYPOTHÈSES FRAGILES

Le succès de la démarche du gouvernement consistant à encadrer l'évolution des tarifs de manière à s'assurer du montant du produit de la taxe serait garanti si l'assiette de la taxe pouvait être déterminée avec précision. Or, il n'en est rien.

1. Le calcul des superficies imposables

Les prévisions de recettes pour les années 1999 à 2004 ont été élaborées en appliquant les tarifs retenus aux superficies imposables. Si les superficies imposables à l'assiette de la taxe sur les bureaux sont connues de manière relativement fiables, il n'en va pas de même pour les superficies des locaux commerciaux et de stockage.

La taxe sur les bureaux

La superficie à laquelle doit être appliqué chacun des tarifs de la taxe sur les bureaux (normal ou réduit, première, deuxième ou troisième circonscription) a pu être déterminée par le ministère de l'équipement en ventilant les informations recueillies pour l'année 1997 sur les recettes au comptant 93( * ) , c'est à dire encaissées par paiement direct du contribuable conjointement à sa déclaration.

Cette ventilation arrive aux résultats suivants :


 

surface redevable
du tarif normal

surface redevable
du tarif réduit

surface totale

Zone 1

16.703.396

2.090.204

18.793.600

Zone 2

8.380.631

1.965.122

10.345.753

Zone 3

8.098.503

1.398.739

9.497.242

Total

33.182.530

5.454.065

38.636.595

La taxe sur les locaux commerciaux et de stockage

La détermination des superficies imposables n'est pas aussi précise s'agissant des locaux commerciaux et de stockage. Selon les information recueillies par votre rapporteur général auprès du ministère de l'équipement, le montant total des surfaces de tels locaux existant actuellement en région parisienne ne peut être saisi de manière directe.

Par conséquent, une estimation a été opérée à partir des statistiques de mises en chantier enregistrées dans le fichier des permis de construire, statistiques connues de 1975 à 1996, et redressées pour les années antérieures.

Les résultats obtenus sont récapitulés dans le tableau suivant :


Locaux commerciaux

Locaux de stockage

300-2.500 m2

>2.500 m2

500-5.000 m2

>5.000

4.000.000

5.000.000

8.800.000

8.300.000

2. Un accroissement du produit également réparti entre les trois types de locaux

Les prévisions de recettes escomptées par le gouvernement figurent dans le tableau ci-dessous. Comme on l'a vu, elles permettent tout juste de rétablir la capacité d'intervention de l'Etat en fin de période. Pour l'année 1999, l'objectif ne sera pas atteint puisque le transfert à la région Ile-de-France sera de 600 et la recette supplémentaire attendue de 544 millions de francs.

Evolution des recettes de la taxe sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage

(en millions de francs)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Bureaux

1676

1844

1886

1941

1997

2052

2108

Locaux commerciaux

0

198

240

282

324

366

408

Locaux de stockage

0

178

220

263

305

348

382

Total

1676

2220

2346

2486

2626

2766

2898

Restitution région

0*

600

720

840

960

1080

1200

Disponible Etat

1676

1620

1626

1646

1666

1686

1698

* En 1998, la région perçoit un versement mais n'est pas encore libre de disposer à sa guise des sommes en provenance du FARIF

La décomposition du produit attendu de la taxe pour les cinq prochaines années entre les trois types de locaux taxables fait apparaître qu'au terme de la période, l'accroissement du produit sera équitablement réparti entre les trois types de locaux taxés : 408 millions de francs pour les locaux commerciaux, 382 pour les locaux de stockage et 432 pour les locaux à usage de bureaux.

Toutefois, l'accroissement du produit de la taxe sur les bureaux escompté entre 1998 et 2004 est supérieur à sa progression sur la période antérieure 1992-1998, qui s'élevait à 380 millions de francs. Cet écart est du en partie à la réforme proposée par le présent article 26. Le mécanisme d'encadrement des tarifs s'accompagne en effet, pour chacun des tarifs de la taxe de la taxe sur les bureaux, d'une augmentation entre 1998 et 1999 supérieure, parfois dans des proportions importantes, à leur progression sur la période 1992-98 :

 

Augmentation
1992-98
(en francs)

Augmentation
1998-99
(en francs)

Augmentation
1999-2004
(en francs)

TARIF NORMAL

 
 
 

Zone 1

+ 3,9

+ 6,1

+ 10

Zone 2

+ 2,2

+ 3,8

+ 5

Zone 3

+ 0,9

+ 1,1

+ 5

TARIF RÉDUIT

 
 
 

Zone 1

+ 1,8

+ 3,2

+ 5

Zone 2

+ 1,3

+ 1,7

+ 5

Zone 3

+ 0,6

+ 1,4

+ 5

III. L'OPPORTUNITÉ DE LA MESURE

A. QUEL EST L'INTÉRÊT DE CIBLER LA MESURE SUR LES LOCAUX COMMERCIAUX ET DE STOCKAGE ?

1. L'explication officielle de l'élargissement aux locaux commerciaux et de stockage


En réponse à une question du rapporteur spécial des comptes spéciaux du trésor de la commission des finances du Sénat, le ministre de l'équipement, des transports et du logement a indiqué que, " pour permettre à l'Etat de poursuivre à l'avenir en Ile-de-France une politique à la mesure des besoins, il est apparu indispensable d'élargir l'assiette de la taxe sur les locaux à usage de bureaux à l'ensemble des activités économiques ".

Toutefois, le ministre mettait en avant " des raisons objectives pour que les activités industrielles et agricoles et celles du BTP " ne soient pas concernées par l'élargissement de la taxe :

- " les premières, parce que l'emploi industriel en Ile-de-France a connu une réduction relative, bien plus importante que celle enregistrée dans les autres régions de France (...) et que ce mouvement a particulièrement touché certains départements où l'action du FARIF est précisément requise pour corriger les déséquilibres existants ;

- les deuxièmes, parce qu'elles contribuent à modérer l'expansion des zones urbanisables et qu'elles préservent des espaces naturels indispensables;

- les dernières, enfin, parce que l'emploi y a connu en Ile-de-France une évolution analogue à celle de l'industrie
".

Après exonération de ces trois secteurs d'activité, le ministre en arrive à la conclusion que " l'ensemble des activités économiques " susceptible d'être assujetti à la taxe se limite aux locaux commerciaux et de stockage.

2. L'élargissement de la taxe reste une erreur économique

Le gouvernement utilise des arguments peu contestables pour exonérer certains secteurs de l'assiette de la taxe. Mais il est possible de faire valoir des arguments tout aussi recevables en faveur des secteurs du commerce et du stockage.

a) Le commerce est piégé par la taxe

La définition large du local commercial retenue par le gouvernement, notamment la prise en compte des " réserves attenantes ", conduit à englober la grande majorité des commerces dans l'assiette de la taxe.

Les commerçants sont prisonniers du dispositif proposé car, contrairement aux bureaux ou aux locaux de stockage, les locaux commerciaux ne peuvent pas se délocaliser. Les commerçants seront donc contraints de supporter une charge nouvelle, au détriment de leur rentabilité et d'éventuelles créations d'emplois.

Le Sénat, qui croit au rôle des commerces en matière de politique de la ville et d'aménagement du territoire, pourrait difficilement l'accepter.

Par ailleurs, cette taxe a des conséquences absurdes sur les secteurs d'activité dans lesquels la taille des locaux est consubstantielle de leur activité, tels que l'hôtellerie.

b) La taxation du stockage va contre les objectifs du FARIF

La définition des locaux de stockage dans le texte du présent article 26, traduit la mauvaise appréhension des enjeux économique de ce secteur d'activité. En effet, les locaux de stockage ne sont pas des " locaux ou aires couvertes destinés à l'entreposage de produits, de marchandises ou de biens (...) qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production ".

Au contraire, dans une économie moderne, les locaux de stockage sont de véritables lieux de production . Comme l'a déjà souligné notre collègue député Gilbert Gantier dans une note qu'il a adressé au ministre de l'équipement, des transports et du logement, " les entrepôts et les quais de transit ne sont pas des locaux où la marchandise s'entasse. Ce sont de véritables locaux d'activité où la marchandise circule, où l'on réalise du groupage et du dégroupage, du conditionnement, de l'étiquetage. Ce sont des locaux où l'on organise les arrivages et les expéditions, et où l'on suit les marchandises à l'aide d'équipements informatiques de plus en plus performants. "

En outre, l'activité de stockage est au coeur du transport combiné, dont le gouvernement déclare pourtant faire l'une de ses priorités. Si du fait de la taxe, les entrepôts se délocalisaient, le rôle de l'Ile-de-France comme pôle important du trafic marchandise serait remis en cause. Les travaux de la commission d'enquête sénatoriale consacrée aux infrastructures de transport 94( * ) ont montré qu'une telle éventualité ne serait pas sans conséquence sur le port du Havre, à l'heure où les ports français doivent se battre pour exister face aux ports de Rotterdam, Anvers et Hambourg, qui ont eux, d'ailleurs, parfaitement compris l'importance stratégique de la logistique et du stockage.

Par ailleurs, le gouvernement s'est déclaré favorable à la réalisation du canal Seine-Nord. Votre rapporteur s'en félicite, tout en attendant la décision concrète de financement et de lancement de cet ouvrage. Mais quelles seraient les conséquences sur le taux de rentabilité économique de ce projet d'une délocalisation des activités de stockage en Ile-de-France ?

Certes, certaines entreprises pourraient s'installer à la périphérie de l'Ile-de-France, ce qui ne remettrait pas en cause le trafic de marchandise dans cette région, mais il est clair que les espaces disponibles seraient absolument insuffisants et qu'il en résulterait par ailleurs une pression trop forte sur certains secteurs du bassin parisien. D'autres entreprises pourraient envisager de répartir leur activité entre plusieurs entrepôts de plus petite taille de façon à échapper à la taxe.

Outre que cette dernière solution semble difficilement praticable dans le cas des formes les plus modernes de la logistique 95( * ) , de telles réactions des professionnels auraient des effets désastreux pour la région Ile-de-France, et contraire à l'objectif même du FARIF.

En effet, les infrastructures de transport que finance le FARIF ont pour but de fluidifier le trafic routier en Ile-de-France, région ou le trafic augmente plus vite que la surface autoroutière. Or, la délocalisation des entrepôts, à la périphérie de la région, aussi bien que la multiplication des petits entrepôts, entraîneraient une augmentation massive du trafic poids lourd, anéantissant ainsi les bénéfices des infrastructures réalisées par le FARIF , sans parler des conséquences sur la qualité de l'air.

B. L'ÉTAT NE SAIT PAS EXACTEMENT COMBIEN LA TAXE VA LUI RAPPORTER, MAIS LES ENTREPRISES SAVENT COMBIEN ELLES VONT PAYER

L'une des caractéristiques regrettables de cette nouvelle taxe est son caractère arbitraire. Comme on l'a vu plus haut, l'Etat connaît le montant du produit qu'il entend retirer de l'élargissement de l'assiette de la taxe, mais ses prévisions de recette ont été élaborées à partir d'estimations des superficies taxables qui, tout en étant les plus fiables possibles, restent largement aléatoires .

En revanche, les contribuables de la taxe savent calculer combien le nouvel impôt va leur coûter, et s'en émeuvent à juste titre. D'après des chiffrages transmis à votre rapporteur général, l'élargissement de l'assiette de la taxe aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage conduirait à renchérir de 5 à 10 % le montant des loyers acquittés par les entreprises de logistique. Leur chiffre d'affaires serait réduit de 1,5 à 3 %.

Sans pouvoir affirmer qu'ils sont représentatifs, certains cas individuels sont parlants. Ainsi, une chaîne de magasins d'électroménager disposant de 47 implantations en Ile-de-France d'une superficie totale de 52.800 mètres-carrés verrait sa fiscalité alourdie de 650.000 francs en 1999, avec une montée en charge jusqu'à 1,5 million de francs en 2004.

C. LE MANQUE DE COHÉRENCE DE L'ACTION GOUVERNEMENTALE

L'élargissement de l'assiette de la taxe sur les bureaux s'articule mal avec la réforme de la taxe professionnelle. En effet, il est surprenant de constater que le gouvernement, fraîchement converti aux vertus des allègements de charges, reprenne aux entreprises d'Ile-de-France par la taxe FARIF les bénéfices qu'elles auraient retiré de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle.

L'exemple suivant, transmis à votre rapporteur général, est particulièrement évocateur.

Il s'agit d'un hôtel de 60 chambres pour une superficie totale de 2.600 mètres carrés et 25 salariés. Pour cet établissement, la réforme de la taxe professionnelle se traduit par un gain de 20.000 francs en 1999 et 72.000 francs à terme. Mais cet allègement de charges est plus qu'absorbé par le poids de la taxe sur les locaux commerciaux, au titre de laquelle il devra acquitter 75.000 francs en 1999 et 150.000 francs en 2004.

La comparaison entre les effets respectifs des deux réformes permet non seulement de mettre en lumière l'absence de cohérence de l'action du gouvernement, mais également de prendre la mesure de l'importance de la charge nouvelle imposée aux entreprises.

D. LE FARIF A-T-IL VRAIMENT BESOIN D'UNE MAJORATION DE SES CRÉDITS ?

La nécessité de réaliser des infrastructures en Ile-de-France n'est pas contestable, particulièrement en matière de transports
. Aux grands chantiers routiers que sont l'A86 et la Francilienne s'ajoute une indispensable amélioration des réseaux de transport en commun de banlieue à banlieue.

Le financement d'une grande partie de ces infrastructures est contractualisé entre l'Etat et la région Ile-de-France, la part de l'Etat étant financée par le FARIF. Depuis 1995, la région était obligée de consacrer les sommes qu'elle recevait du FARIF à la réalisation de ces infrastructures.

Le caractère obligatoire de cette dépense n'était pas contraignant pour la région car la nouvelle majorité du Conseil régional, comme l'ancienne, considère les transports comme l'une des priorités de son action.

La région Ile-de-France n'a pas encore établi son budget pour l'année prochaine. Elle ne sait donc pas à quoi seront consacrés les crédits en provenance du FARIF 96( * ) , sur lesquels elle aura désormais une totale liberté d'utilisation. Néanmoins, d'après les informations recueillies par votre rapporteur général auprès des services du conseil régional, il est vraisemblable que ces crédits continueront de financer des infrastructures de transport .

En outre, les recettes de fonctionnement de la région sont d'ores et déjà supérieures à ses dépenses de fonctionnement, et une partie de ces dernières est prélevée pour alimenter le budget d'investissement. Cette indication conduit à dissiper les craintes de voir la région utiliser les crédits du FARIF pour des dépenses de fonctionnement.

C'est pourquoi, dans la perspective de la renégociation des contrats Etats-région qui aura lieu en 1999, il serait envisageable de modifier la clef de répartition du financement des infrastructures de transport, la part de l'Etat étant réduite et celle de la région accrue du montant du versement en provenance du FARIF. Tacitement, le dispositif de la loi d'aménagement du territoire serait donc reconduit.

Ainsi, le montant des crédits consacré aux infrastructures de transport en Ile-de-France serait maintenu constant, mais la nécessité pour l'Etat de prélever une taxe sur les locaux commerciaux et de stockage afin d'être en mesure d'assumer sa part du financement serait moins forte.

Cette solution ne semble pas irréaliste, le président de la région Ile-de-France ayant lui même demandé une " modification partielle " du présent article 26 en raison de son " impact négatif prévisible " sur l'équilibre financier des entreprises.

IV. ALLÉGER LA CHARGE SUR LES ENTREPRISES SANS METTRE EN PÉRIL LE FARIF

Le dispositif du projet de loi de finances ne peut être maintenu en l'état :

- au mieux, on doit considérer que l'élargissement de l'assiette de la taxe entraîne un alourdissement insupportable de la pression fiscale sur les entreprises de stockage, et dans ce cas il faut réduire les tarifs de la taxe applicables aux entreprises ;

- au pire, l'élargissement de l'assiette de la taxe est absurde, comme l'a expliqué la secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat 97( * ) : " Cette fameuse taxe est proportionnelle aux surfaces. Je ne pense pas que ce soit une bonne référence pour la distribution, tant les chiffres d'affaires au mètre carré peuvent varier. Il faut ouvrir une discussion technique ". Cette remarque s'applique également aux locaux de stockage.

La combinaison du manque de pertinence de l'élargissement de l'assiette et de ses conséquences absurdes sur un grand nombre de secteurs d'activités conduit à rendre impraticable un éventuel aménagement de l'élargissement de l'assiette.

1. 1ère solution : aménager le dispositif


Il est envisageable de réduire d'environ 50% les tarifs applicables aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage. Les tableaux ci-dessous comparent les tarifs retenus par le gouvernement et ceux proposés par votre commission :

Tarifs applicables aux locaux commerciaux

(en francs par mètre carré)

 

Proposition du gouvernement

Proposition de la commission

 

300 à 2500 m 2

> 2500 m 2

300-2500 m 2

>2500 m 2

1999

12

30

6

15

2000

15

36

8

17

2001

18

42

9

19

2002

21

48

11

22

2003

24

54

12

26

2004

27

60

14

28

Tarifs applicables aux locaux de stockage

(en francs par mètre carré)

 

Proposition du gouvernement

Proposition de la commission

 

500-5000m 2

> 5000 m 2

500-5000 m 2

> 5000 m 2

1999

7

14

4

7

2000

9

17

5

8

2001

11

20

6

9

2002

13

23

7

10

2003

15

26

8

11

2004

17

28

9

12

L'application de ces tarifs aux surfaces taxable donne les produits suivants :


 

1999

2004

 

Gouvernement

Commission

Gouvernement

Commission

Bureaux

1844

1844

2108

2108

Commerces

198

99

408

196

Stockage

178

93

382

179

TOTAL

2220

2036

2898

2483

Versement région

600

600

1200

1200

Disponible Etat

1620

1436

1698

1283

Le nouveau barème de tarifs proposé conduit, en 1999, à réduire de 184 millions de francs le produit de la taxe disponible pour l'Etat. En 2004, la perte pour l'Etat par rapport au projet du gouvernement est de 415 millions de francs.

Ce dispositif présente deux avantages :

- compte tenu de la part réduite dans l'assiette de la taxe des locaux commerciaux et de stockage, une division par deux des tarifs applicables à ces locaux aboutit à une perte de recette minime pour le FARIF ;

- en revanche, la charge pesant sur les entreprises commerciales et de stockage, pénalisante, est divisée par deux.

2. 2ème solution : refuser l'élargissement de l'assiette


La solution qui consiste à diviser par deux les tarifs de la taxe n'est pas entièrement satisfaisante car, d'une part, le seul critère de la surface n'est pas pertinent pour déterminer la capacité contributive d'une entreprise et, d'autre part, même une taxe réduite aurait des effets très pénalisants pour certaines entreprises ou secteurs d'activité, dans l'agriculture par exemple.

C'est pourquoi il semble raisonnable de refuser dans la voie de l'acceptation d'un nouveau prélèvement sur les entreprises dont la logique est absurde et les conséquences non contrôlables.

Les conséquences d'un refus de l'élargissement de l'assiette de la taxe pour les crédits du FARIF sont les suivantes :


1999

2004

 

Gouvernement

Commission

Gouvernement

Commission

Bureaux

1844

1844

2108

2108

Commerces

198

-

408

-

Stockage

178

-

382

-

TOTAL

2220

1844

2898

2108

Versement région

600

600

1200

1200

Disponible Etat

1620

1244

1698

908

La perte de recette est importante pour la FARIF. Néanmoins, la région devrait consacrer une fraction suffisamment importante des crédits qu'elle recevra du FARIF pour permettre de maintenir constant le montant total des investissements publics consacrés aux infrastructures de transport en Ile-de-France.

Votre commission a opté pour cette seconde solution.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 27

Suppression de la taxe régionale sur les cessions d'immeubles et unification du régime d'imposition des cessions de locaux professionnels

Commentaire : cet article a pour objet d'alléger les droits de mutation à titre onéreux sur les immeubles d'habitation et les immeubles professionnels, avec une compensation de l'Etat aux collectivités locales, dont le coût serait minoré par l'alignement de la taxation des cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière sur le régime d'imposition des mutations d'immeubles professionnels.

L'article 27 peut être divisé en deux parties très fortement distinctes :

- la première partie abaisse de manière significative les droits de mutation à titre onéreux pour les immeubles d'habitation (de 7% à 6% environ) et surtout sur les locaux professionnels (de 18,2% à 4,80%). Le coût de la compensation pour l'Etat s'élève à 8,6 milliards de francs, inscrits en dépenses au budget du ministère de l'intérieur (dont 5,3 milliards de francs pour les régions et 3,3 milliards de francs pour les départements).

- la seconde partie prévoit de taxer à 4,80 % les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière, ce qui constitue une mesure très significative d'aggravation de la fiscalité sur ces sociétés, pour un gain de 4,9 milliards de francs.

Au total, le coût net pour l'Etat de la réforme des droits de mutation s'élève donc à 3,7 milliards de francs.

I. LE DROIT EXISTANT

Lorsqu'une cession d'immeubles donne lieu au paiement de la TVA "immobilière" (article 257,7° CGI),
c'est-à-dire quand la cession intervient en cours de construction ou moins de 5 ans après l'achèvement de l'immeuble, le droit d'enregistrement est nul. La cession supporte toutefois une taxe de publicité foncière au taux de 0,60% liquidée sur le prix hors taxe (CGI art. 692) majorée du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement de 2,5%.

Dans les autres cas, les ventes d'immeubles donnent ouverture à un droit qui se décompose comme suit :

- un droit proportionnel perçu au profit du département (le plus important), dont le taux varie selon la nature de l'immeuble et sa situation.

Le taux normal du droit départemental de ventes d'immeubles, applicable pour l'essentiel aux ventes de locaux destinés à une exploitation commerciale ou professionnelle est fixé à 15,40% 98( * ) .

Les ventes d'immeubles d'habitation et de garages bénéficient, sous certaines conditions, du droit départemental de vente au taux réduit (4,20%), ce taux pouvant être modifié par les conseils généraux pour atteindre 5% 99( * ) .

- une taxe additionnelle perçue au profit de la commune (CGI, art. 1584) ou d'un fonds de péréquation départemental pour les communes de moins de 5.000 habitants (CGI, art 1595 bis) de 1,20% ;

- une taxe additionnelle régionale de 1,6% (CGI art. 1599 sexies et 1599 septies) ;

- un prélèvement perçu au profit de l'Etat au titre des frais d'assiette et de recouvrement du droit départemental de 2,5% sur le montant du droit (CGI art 1647).

Au total, les droits de mutation sont nettement plus élevés pour les locaux destinés à une exploitation commerciale ou professionnelle (18,2 % environ) que pour les locaux à usage d'habitation (de 7 à 7,8 %).

Dispositif actuel

 

Immeubles d'habitation

Immeubles professionnels

Droit départemental

de 4,20 à 5%

15,40%

Taxe additionnelle communale

1,20%

1,20%

Taxe additionnelle régionale

1,60%

1,60%

Total (hors frais d'assiette et de recouvrement)

de 7,00 à 7,80%

18,20%

frais d'assiette et recouvrement

de 0,125 à 0,185%

0,385 %

Total

de 7,125 à 7,985 %

18,585%

Les droits de mutation concernant les immeubles d'habitation varient légèrement d'un département à l'autre, dans une fourchette comprise entre 4,20% et 5%.

Droit départemental d'enregistrement et taxe
départementale de publicité foncière

Taux applicables aux mutations sur immeubles
au 1er juin 1998


Département

Taux

 

Département

Taux

01 Ain

02 Aisne

03 Allier

04 Alpes de haute Provence

05 Alpes (hautes)

06 Alpes maritimes

07 Ardèche

08 Ardennes

09 Ariège

10 Aube

11 Aude

12 Aveyron

13 Bouches du Rhône

14 Calvados

15 Cantal

16 Charente

32 Gers

33 Gironde

34 Hérault

35 Ille-et-Vilaine

36 Indre

37 Indre et Loire

38 Isère

39 Jura

40 Landes

41 Loir et Cher

42 Loire

43 Loire (Haute)

44 Loire Atlantique

45 Loiret

46 Lot

47 Lot et Garonne

48 Lozère

49 Maine et Loire

50 Manche

51 Marne

52 Marne (Haute)

53 Mayenne

54 Meurthe et Moselle

55 Meuse

56 Morbihan

57 Moselle

58 Nièvre

59 Nord

60 Oise

61 Orne

62 Pas-de-Calais

63 Puy de Dôme

64 Pyrénées atlantiques

4,37

4,20

4,20

5,00

5,00

4,50

5,00

5,00

5,00

4,77

5,00

5,00

5,00

4,20

5,00

4,20

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

4,20

5,00

5,00

5,00

5,00

4,34

4,20

5,00

4,60

5,00

5,00

4,20

4,20

4,50

4,20

5,00

5,00

5,00

4,20

4,35

5,00

5,00

4,70

5,00

5,00

5,00

 

17 Charente maritime

18 Cher

19 Corrèze

2A Corse du sud

2B Haute Corse

21 Côte d'Or

22 Côtes d'Armor

23 Creuse

24 Dordogne

25 Doubs

26 Drôme

27 Eure

28 Eure-et-Loir

29 Finistère

30 Gard

31 Garonne (Haute)

65 Pyrénées (Hautes)

66 Pyrénées orientales

67 Rhin (Bas)

68 Rhin (Haut)

69 Rhône

70 Saône (Haute)

71 Saône et Loire

72 Sarthe

73 Savoie

74 Savoie (Haute)

75 Paris

76 Seine maritime

77 Seine et Marne

78 Yvelines

79 Sèvres (Deux)

80 Somme

81 Tarn

82 Tarn et Garonne

83 Var

84 Vaucluse

85 Vendée

86 Vienne

87 Vienne (Haute)

88 Vosges

89 Yonne

90 Territoire de Belfort

91 Essonne

92 Hauts de Seine

93 Seine Saint Denis

94 Val de Marne

95 Val d'Oise

5,00

5,00

5,00

4,20

5,00

4,20

5,00

5,00

5,00

4,20

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

4,40

5,00

5,00

4,20

5,00

4,20

5,00

5,00

5,00

4,95

5,00

5,00

4,60

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

5,00

4,20

5,00

5,00

5,00

DOM

 

971 Guadeloupe

972 Martinique

973 Guyane

974 Réunion

4,20

4,20

4,37

4,37

 

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le régime des droits de mutation a été fortement critiqué dans le dernier rapport du Conseil des impôts
(seizième rapport sur la fiscalité du patrimoine).

"Le niveau élevé des droits de l'immobilier d'entreprise comme d'habitation encourage des comportements assimilables à de l'évasion fiscale. Il est possible de faire porter un parc immobilier par des sociétés qui procèdent ensuite à des cessions ou des échanges de parts sociales ou d'actions. Ainsi, ces transactions ne sont-elles pas répertoriées comme des transactions immobilières en raison de l'absence de transparence fiscale des titres et sont assujetties aux droits correspondant aux mutations de droits sociaux (le plus souvent, droits de 4,80% ou droits de 1%, plafonnés à 20.000 francs)".

Pour les immeubles d'habitation , les taux correspondants dans les pays voisins sont en effet de 1% à 3% au Royaume-Uni, de 3,5% en Allemagne, de 4% en Italie et de 6% en Espagne (contre 7% de droits en France).

Pour les immeubles industriels et commerciaux , les taux correspondants sont de 1% à 2% au Royaume-Uni, 3,5% en Allemagne, 6% aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Espagne (contre 18,20% en France).

Le rapport du Conseil des Impôts préconisait un taux de droit commun à un niveau de l'ordre de 3%, y compris les frais d'assiette. D'un coût de 3,6 milliards de francs, cette mesure aurait eu pour conséquence, selon le Conseil des Impôts, d'accroître le taux de rotation du parc immobilier et le nombre de rotations, pour un coût final relativement faible.

Le présent article abaisse donc les droits de mutation sur les immeubles d'habitation de 7% environ à 5,4% (de 7,9% à 6,2% pour la fourchette "haute" 100( * ) ), en supprimant la part régionale de 1,6%.

Par ailleurs, il diminue considérablement les droits de mutation sur les immeubles professionnels en les faisant passer d'une taxe de 18,2% à 4,8 % (le taux de 4,8% correspondant au taux communal de 1,2% et à un taux départemental restreint à 3,6%).

Au total, les droits de mutation seront moins élevés sur les biens professionnels que sur les immeubles d'habitation.

L'abaissement des droits de mutation est applicable au 1er septembre 1998 pour les immeubles d'habitation et au 1er janvier 1999 pour les immeubles professionnels.

Nouveau dispositif

 

Immeubles d'habitation

Immeubles professionnels

Droit départemental

de 4,20 à 5%

3,60%

Taxe additionnelle communale

1,20%

1,20%

Total

de 5,40 à 6,20%

4,80%

III. LES CONSÉQUENCES DU NOUVEAU DISPOSITIF

A. LES IMMEUBLES D'HABITATION

L'abaissement des droits de mutation sur les immeubles d'habitation est une mesure très favorable
. Elle ne portera pas atteinte à certaines dispositions particulières en application desquelles les conseils généraux peuvent voter des taux réduits. Il s'agit essentiellement de dispositifs issus de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire :

- la possibilité de voter un taux de 3,60% pour les ventes d'immeubles d'habitation et de garages situés dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de revitalisation urbaine en vertu de l'article 1594 F du CGI (12 départements appliquaient ce taux réduit au 1er juin 1998) ;

- la possibilité d'instituer un abattement de 50.000 francs à 300.000 francs (en pratique, cet abattement n'est pratiqué que dans 6 départements et exclusivement dans des zones de revitalisation rurale).

Cependant, il faut remarquer que le droit de mutation sur les immeubles d'habitation devient le taux de droit commun alors qu'il était un taux dérogatoire. Son abaissement de 1,6% est relativement modéré par rapport à la baisse des droits de mutation sur les immeubles professionnels.

Au demeurant, la très grande majorité des taux dérogatoires au droit commun seront désormais alignés sur le droit applicable aux immeubles professionnels, ce qui pourrait entraîner des situations difficiles, notamment pour le régime applicable à l'agriculture.

B. UNE REMISE EN CAUSE DE L'INTÉRÊT PROCURÉ PAR LES RÉGIMES DE FAVEUR

L'abaissement des droits posera des difficultés pour les régimes spéciaux en matière de droit de mutation.


Ainsi, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) bénéficient aujourd'hui d'un taux réduit de droits de mutation de 0,6%. Compte tenu de leurs frais, de l'ordre de 8 à 9% de la valeur des immeubles, le prix d'un immeuble d'une valeur égale à 100 est de 108,6 à 109,6. Dans l'ancien système, ce prix se situait en dessous des prix des autres intervenants qui payaient le droit commun de mutation. Cependant, avec l'abaissement à 4,80% des droits de mutation, leurs frais deviennent supérieurs au droit commun.

Il est donc important que des solutions soient trouvées pour palier cette difficulté. Un certain nombre de pistes semblent être explorées par le ministère de l'agriculture et de la pêche, en lien avec le ministère de l'Economie et des finances : une augmentation de la subvention budgétaire accordée aux SAFER (43,7 millions de francs en 1999), une exonération totale des droits de mutation, une diminution de la taxe sur le foncier non-bâti et la création d'un acte notarié unique. Il importe que ces travaux aboutissent afin de permettre aux SAFER de continuer à mener leurs missions.

En dehors du cas des SAFER, il apparaît que la réforme des droits de mutation, globalement favorable, aura pour effet d'éteindre totalement les avantages concurrentiels procurés par de nombreux régimes spéciaux , notamment le régime en faveur du commerce et de l'industrie, et les régimes concernant l'agriculture.

Ainsi en est-il des immeubles acquis par le locataire d'une société immobilière pour le commerce et l'industrie ou d'une société agréée pour le financement des télécommunications (art. 698), des immeubles acquis par le locataire d'une société agréée pour le financement des économies d'énergie (art.698 bis), des acquisitions immobilières réalisées par les entreprises exploitantes dans le cadre des opérations réalisées dans des zones d'aménagement du territoire (art. 697). Toutes ces opérations étaient soumises à une taxe de publicité foncière ou un droit d'enregistrement de 2% auquel s'ajoutait la taxe régionale de 1,6%, soit au total 3,6% contre 15,4% pour le régime de droit commun. Désormais, elles seront soumises au même taux que les droits de mutation des immeubles professionnels.

Les mutations d'immeubles : régime de droit commun et régimes spéciaux

Articles du Code général des impôts

Régime applicable

Taux de référence

Total des droits

(en millions de francs)

710-711

Régime en faveur de l'habitation

4,20%

9 552

683

Régime de droit commun

15,4%

3 309

697 à 698 bis

Régime en faveur du commerce et de l'industrie

3,60%

65

 

Régime en faveur de l'agriculture

 
 

701 à 708

droit commun rural

13,40%

568

702

amélioration de la rentabilité

6,40%

30

703,704,709

bois et forêts

3,60%

12

705,706,707

acquisition par titulaire du bail, mise en valeur de terres incultes en Guadeloupe, SAFER

0,60%

 

692

Certains immeubles relevant du régime de TVA

0,60%

1 967

693

Acquisitions dans le cadre de rénovations urbaines

0,60%

 

713

Régimes spéciaux

3,60%

25

TOTAL

 
 

15 528

Source: XVIème rapport du Conseil des impôts

C. LES IMMEUBLES PROFESSIONNELS

En apparence, le dispositif pour les immeubles professionnels est très positif, parce qu'il réduit les droits de mutations applicables aux locaux professionnels de 18,2% à 4,8%.

En effet, la taxe régionale est supprimée et la taxe départementale est réduite de 15,4% à 3,6% pour :

- les immeubles professionnels, c'est-à-dire les immeubles dont l'acquéreur a pris l'engagement de les affecter à un autre usage que l'habitation pendant trois ans au moins à compter de la date de l'acte d'acquisition ;

- les immeubles achetés par les mutuelles, les association cultuelles, les associations reconnues d'utilité publique ayant pour objet l'assistance, la bienfaisance ou l'hygiène sociale, en vue d'être affectés à l'habitation, lorsqu'ils sont nécessaires au fonctionnement de leurs services ou de leurs oeuvres sociales (ex : foyer ou hôtel d'hébergement). Cependant, il s'agit là d'une simple reprise des dispositions spécifiques prévues à l'article 724 du code général des impôts.

Au total, les mutations d'immeubles professionnels seront donc taxées à 4,80% correspondant à un taux départemental de 3,60% et à la taxe additionnelle communale de 1,20%.

Cependant, l'abaissement des droits de mutation sur les immeubles professionnels est une mesure en trompe l'oeil.

D. UN ALOURDISSEMENT DE LA FISCALITÉ DES SOCIÉTÉS IMMOBILIÈRES

En réalité,
un grand nombre de transactions échappaient au taux de 18,2% car les mutations d'immeubles professionnels se faisaient souvent par le biais de sociétés.

En effet, lorsqu'une transaction s'applique aux parts d'une structure patrimoniale et non plus à un immeuble, il est perçu des droits d'Etat.

Actuellement, les cessions de droits sociaux sont ainsi soumises à un droit d'enregistrement de :

- 1% plafonné à 20.000 francs par mutation, pour les actes portant cessions d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires ;

- 4,80% pour les cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions (c'est-à-dire les SARL et les sociétés civiles immobilières).

- au tarif des ventes d'immeubles (18,2% pour les immeubles professionnels), si la cession intervient dans les trois ans de l'apport et que la société n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés (article 727 du code général des impôts).

Ainsi, jusqu'à présent, parmi les locaux professionnels, seuls les locaux entrant dans le patrimoine de personnes physiques et les locaux d'exploitants industriels payaient un droit de mutation de 18,2%.

Toutes les autres mutations étaient réalisées sous le régime des sociétés civiles immobilières (taxées à 4,80%) ou encore des sociétés anonymes et des sociétés foncières (taxées à 1% avec un plafond de 20.000 francs).


Les opérations d'importance étaient donc réalisées sur les titres des sociétés foncières. 101( * ) et sur les parts de SCI.

Cette pratique a pu être qualifiée d'évasion fiscale 102( * ) . Elle correspondait plus justement à une "optimisation fiscale", parfaitement légale et qui s'expliquait par des montants de droits de mutation démesurément élevés par rapport à ceux de nos voisins européens.

Le présent article propose ainsi d'assujettir aux droits d'enregistrement perçus par l'Etat, au taux de 4,80%, les cessions de titres de sociétés, quelle qu'en soit la forme sociale, lorsque leur actif est principalement composé d'immeubles ou de droits réels immobiliers.

Cette mesure vise à unifier totalement le régime de taxation des cessions de locaux professionnels, en instituant un taux unique de 4,80%.

En pratique, les cessions de parts sociales dans les sociétés, dont le capital n'est pas divisé en actions, à prépondérance immobilière, ainsi que les participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière seront soumises au taux de 4,80%.

Selon les dispositions du présent article, est à prépondérance immobilière " la personne morale dont l'actif est ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales elles-mêmes à prépondérance immobilière."

La définition de la prépondérance immobilière est différente de celle mentionnée à l'article 150A bis du code général des impôts , concernant l'imposition des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de titres de sociétés non cotées à prépondérance immobilière : " les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux de sociétés non cotées dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens relèvent exclusivement du régime d'imposition prévu pour les biens immeubles. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale ".

L'article 74 A bis de l'annexe II du code général des impôts précise que " pour l'application de l'article 150A bis du code général des impôts, sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés non cotées en bourse, autres que les sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie, dont l'actif est constitué pour plus de 50% de sa valeur par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale ".

L'article 750 ter du code général des impôts concernant le champ d'application des droits de mutation à titre gratuit exclut également " les immeubles situés sur le territoire français, affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole, ou à l'exercice d'une profession non commerciale ".

Il résulte donc de la nouvelle définition de la prépondérance immobilière que les immeubles affectés par la personne morale à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole, ou à l'exercice d'une profession non commerciale seront pris en compte pour déterminer la prépondérance immobilière.

Il en sera de même pour les immeubles constituant le stock immobilier de sociétés de construction-vente ou d'une société de marchands de biens, ainsi que les immeubles donnés en location, qui ne sont pas considérés comme affectés à l'exploitation, et les titres de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière.

Si la valeur de ces immeubles et de ces droits immobiliers représente plus de 50% de la valeur de l'actif social, la société sera considérée comme étant à prépondérance immobilière et ses cessions taxées à 4,80%.

Votre rapporteur estime qu'il n'est pas justifié de prendre en compte les immeubles affectés par une entreprise à sa propre exploitation pour définir sa prépondérance immobilière. Il convient donc, dans un souci de cohérence et de stabilité de la règle fiscale, de revenir à la notion de prépondérance immobilière telle qu'elle figure aux articles 150A bis et 750 ter du code général des impôts.

De plus, les éléments d'actif ne seront plus estimés à leur valeur réelle à la date de la cession (article 74A bis de l'annexe II du CGI) mais au cours de l'année précédant la cession des participations en cause. Il semble que cette disposition vise à éviter que, par des mouvements de trésorerie (et notamment des emprunts), une société puisse échapper à la définition de personne morale à prépondérance immobilière.

Aujourd'hui, les cessions effectuées par ces sociétés sont taxées à 1% dans la limite de 20.000 francs.

Pour les grandes opérations, ce changement sera radical . Par exemple, en cas de cession d'un immeuble d'une valeur de 300 millions de francs, la taxe s'élèvera à près de 15 millions de francs, alors que l'imposition pouvait être quasi nulle auparavant.

IV. LES AUTRES DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Votre rapporteur estime que l'imposition des sociétés à prépondérance immobilière constitue une mesure très importante d'alourdissement de la fiscalité des entreprises, qui ne sera pas de nature à faciliter les transactions.


Cet alourdissement sera d'autant plus significatif que la nouvelle taxe de 4,80% prendra en compte, non seulement les immeubles détenus par les sociétés, mais également les droits immobiliers, alors que la détention de tels droits relève souvent d'un choix économique et non du souci d'échapper aux droits de mutation. Le rapport du Conseil des impôts incriminait d'ailleurs particulièrement la création des sociétés civiles immobilières, constituées pour bénéficier d'un taux de taxation à 4,80%, ce type de créations devant naturellement s'éteindre avec l'abaissement des droits de mutation.

De plus, aucun argument n'est recevable pour justifier des dispositions, prévues par le présent article, mais qui n'ont aucun lien avec le régime d'imposition des immeubles.

En effet, il convient de supprimer un dispositif, inséré dans le présent article, mais qui n'a aucun lien avec son objet.

Sans aucun rapport avec le régime de cessions d'immeubles, le présent article prévoit que les cessions de parts de sociétés non cotées seront soumises à une taxe de 1% plafonnée à 20.000 francs.

Or, aux termes des dispositions du 1° de l'article 726 du code général des impôts, les cessions d'actions, de parts de fondateurs, de parts bénéficiaires ou de titres en capital souscrits par les clients des établissements de crédit mutualistes ou coopératifs ne sont soumises au droit de 1% que lorsque les cessions sont constatées par un acte . A défaut d'acte, ces cessions sont soumises au droit fixe des actes innommés lors de leur enregistrement, dans le délai d'un mois.

Aujourd'hui, il n'existe pas d'acte formalisé pour les cessions d'actions de sociétés non cotées : en vertu des nouvelles dispositions de l'article 639 du code général des impôts prévues par cet article, à défaut d'acte, ces cessions devront faire l'objet de déclarations. Les contribuables seront donc obligés de produire une déclaration pour payer les droits d'enregistrement.

Cette nouvelle taxation est quelque peu contradictoire avec la politique affichée par le gouvernement en faveur de l'innovation , car les sociétés non cotées sont les plus dynamiques.

Aujourd'hui, les actions, en tant que valeurs mobilières, se transmettent par virement. L'inscription sur le registre des transferts assure l'opposabilité de la cession aux tiers. Les transferts d'actions ou de valeurs mobilières peuvent représenter des opérations de nature très différente (reclassement des titres pour les filiales d'un groupe, opérations de prêts ou de transfert en garantie). De plus, des obligations pèsent déjà sur le cédant en matière de plus-values, et permettent un contrôle de l'administration fiscale.

Obliger les sociétés par actions à produire un acte pour chaque cession de titres constitue un élément de complexification administrative qui ne se justifie pas.

Enfin, il ne semble pas que les cessions de parts de sociétés non cotées fassent l'objet de taxation dans les autres pays européens.

Il convient donc d'exclure du droit d'enregistrement à 1% plafonné à 20.000 francs les cessions de parts de sociétés non cotées.

• En second lieu, il est proposé d' exclure les sociétés cotées à prépondérance immobilière de la taxe à 4,80%

L'accroissement de la taxation à 4,80% ne concernerait donc que les sociétés anonymes non cotées à prépondérance immobilière (les autres sociétés non cotées, type SARL ou SCI sont déjà soumises à un taux de 4,80%).

A la lecture de l'article, il apparaît en effet que les cessions de parts de toutes les sociétés cotées restent soumises à une taxe de 1%, plafonnée à 20.000 francs, sans tenir compte du fait qu'elles seraient, ou non, à prépondérance immobilière.

L'amendement a donc pour simple objet de s'assurer que les sociétés cotées à prépondérance immobilière, dont les cessions d'actions sont soumises au droit d'enregistrement de 1%, sont bien exclues du dispositif de taxation à 4,80% .

Cet amendement précise ce qui existe déjà en matière de plus-values à l'article 74 A bis de l'annexe II du code général des impôts, pour l'application de l'article 150 A bis du même code et qui exclut expressément des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés cotées.

Enfin, votre rapporteur propose un amendement d'amélioration.

Le présent article prévoit une adaptation du régime des sanctions en cas de non respect des conditions exigées pour bénéficier d'un régime de faveur au titre de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement

En effet, dans le régime actuel, en matière de fiscalité des mutations immobilières, lorsque le redevable bénéficie d'un régime de faveur, il doit acquitter les droits non payés et un droit supplémentaire fixé à 6%, en cas de non respect des conditions mises à l'octroi de ce régime de faveur (articles 1840 G ter, 1840 G quater A et 1840 G quinquies, 1840 G septies, 1840 G octies).

Compte tenu de l'abaissement du régime des droits de mutation à titre onéreux à compter du 1er septembre 1998 pour les immeubles d'habitation et du 1er janvier 1999 pour les immeubles professionnels, le régime de sanction a été adapté : ce droit supplémentaire a donc été ramené à 1% pour tous les régimes de sanctions .

Les achats d'immeubles, de fonds de commerce ou d'actions et de parts de sociétés immobilières, effectuées par les personnes qui exercent la profession de marchands de biens bénéficient d'un régime de faveur à la condition, notamment, qu'elles prennent l'engagement de revendre les biens acquis dans un délai de quatre ans : elles sont donc soumises au régime de sanctions en cas de non respect de ce délai.

Le régime de faveur consiste en une exonération de droit ou de taxe de mutation à l'achat (hormis une taxe départementale de publicité foncière à 0,60%) alors que la revente du bien est soumise aux droits et taxes de mutation dans les conditions de droit commun.

Cependant, les marchands de biens, placés dans la situation de devoir vendre leurs immeubles en 1998, ont été pénalisés par l'annonce de la diminution des droits de mutation , qui abaissera le coût des immeubles professionnels au 1er janvier 1999.

Un amendement adopté à l'Assemblée nationale leur permet de bénéficier des taux réduits de droits de mutation jusqu'au 30 juin 1999, sans pénalités parce qu'ils auraient dépassé leur délai de revente.

Tel qu'il est rédigé, l'amendement s'applique aux immeubles acquis avant le 1er janvier 1993, qui bénéficiaient d'un délai spécial de revente jusqu'au 31 décembre 1998 et aux immeubles acquis entre le 1er juillet 1994 et le 31 décembre 1994, et qui devaient donc également être revendus au deuxième semestre 1998 pour respecter le délai de 4 ans entre l'achat et la vente.

Or, il apparaît souhaitable d'accorder les mêmes facilités pour les immeubles dont le délai expire début 1999. En effet, on peut considérer que six mois ont été, en quelque sorte, "gelés" par l'annonce de la baisse des droits de mutation. La prolongation du délai ne serait qu'un ajustement nécessaire.

Il est donc proposé d'appliquer le dispositif de suspension des sanctions en cas de revente entre le 1er janvier et le 30 juin 1999 pour les immeubles qui devaient être revendus entre le 1er juillet 1998 et le 30 juin 1999.

Ainsi, un immeuble qui doit être revendu le 3 janvier 1999 pourra bénéficier d'une prolongation jusqu'au 30 juin 1999, comme c'est déjà le cas pour un immeuble qui devait être revendu fin 1998.

V. LA COMPENSATION AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

A. SUR QUOI PORTE LA COMPENSATION ?


Pour évaluer les conséquences financières des dispositions du présent article sur les ressources des collectivités locales, il convient de distinguer, d'une part, les départements des régions et, d'autre part, les immeubles professionnels des immeubles d'habitation.

L'article 27 et les collectivités locales

 

Immeubles professionnels

Immeubles d'habitation

Régions

La taxe additionnelle de 1,6% est supprimée

La taxe additionnelle de 1,6% est supprimée

Départements

Le taux des droits perçus par les départements passe de 15,4% à 3,6%.

Pas de modification

B. LES MODALITÉS DE LA COMPENSATION

L'article 27 tend à priver les régions et les département de tout ou partie des droits de mutation à titre onéreux perçus à leur profit. Pourtant, la compensation versée à ces deux niveaux de collectivité est organisée de manière très différentes :

- les modalités de la compensation aux départements sont déjà prévues par les dispositions relatives à la compensation des transferts de compétence du code général des collectivités territoriales ;

- en revanche, l'article 27 crée un dispositif ad hoc de compensation aux régions.

1. La compensation aux départements

Les droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements leur ont été transférés, en contrepartie de transferts de compétences, dans le cadre des lois de décentralisation.


L'article L.1614-5 du code général des collectivités territoriale prévoit l'éventualité d'une modification des caractéristiques d'un impôt transféré, ainsi que la prise en charge par l'Etat des possibles conséquences financières négatives de la modification sur les ressources de la collectivité concernée :

" Les pertes de produit fiscal résultant, le cas échéant, pour les départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date de transfert des impôts et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux de ces impôts sont compensées intégralement, collectivité par collectivité, soit par des attributions de dotation de décentralisation, soit par des diminutions des ajustements " opérés lorsque le produit d'un impôt est supérieur aux charges transférées qu'il est censé financer.

La réduction de 15,4% à 3,6% des droits perçus par les départements entre dans ce cas de figure. La compensation est donc automatique et incorporée à la dotation générale de décentralisation (DGD), qui figure au chapitre 41-56 du budget du ministère de l'intérieur. C'est pourquoi le II de l'article 27, qui organise la compensation aux collectivités, ne mentionne pas les départements.

Le montant de la compensation pour 1999, 3,3 milliards de francs, a été fixé à partir du produit des droits de mutation perçus en 1997, doublement indexé sur l'indice de progression de cette dotation 103( * ) pour 1998 et 1999. Le montant de la compensation ainsi obtenu n'est qu'indicatif . Il sera régularisé à la fin de l'année 1999 après avis de la commission consultative d'évaluation des charges, dont la composition et les compétences sont prévues à l'article L.1614-3 du code général des collectivités territoriales. Cette perspective contribuera peut-être à redynamiser cette structure.

Le texte de l'article 27 profite de cette réforme pour modifier, dans le 9 du I, le texte l'article 1594 A du code général des impôts relatif au droit départemental d'enregistrement et à la taxe départementale de publicité foncière. La modification proposée par le gouvernement tend à affirmer que ces prélèvements sont " perçus au profit des départements " et non plus, comme dans la rédaction actuelle, " transférés aux départements ".

Votre rapporteur général souhaite que le gouvernement confirme la nature purement sémantique de cette modification
, et qu'elle ne conduirait pas les départements à perdre le bénéfice de la compensation prévue à l'article L.1614-5 du code général des collectivités territoriale lors d'une éventuelle réduction des taux ou de l'assiette des deux prélèvements.

2. La compensation aux régions

La suppression de la taxe additionnelle perçue au profit des régions n'entre pas dans le champ de la compensation organisée par l'article L.1614-5 car cette taxe ne fait pas partie de la fiscalité transférée aux collectivités locales dans le cadre des lois de décentralisation.

Par conséquent, le II du présent article 27 met en place un dispositif nouveau, dans lequel :

- le versement de la compensation aux régions est assuré par la création d'une dotation nouvelle indexée, comme la dotation générale de décentralisation, sur l'indice de la DGF. Cette dotation est un concours budgétaire, inscrit au chapitre 41-55 (nouveau) " Dotation de compensation aux régions des pertes de recettes fiscales immobilières " du budget du ministère de l'intérieur. Ces crédits ne seront pas intégrés à l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales ;

- le montant de la perte de recette pour les régions est obtenu, comme pour les départements, en actualisant doublement le produit de la taxe additionnelle perçu en 1997, qui s'est élevé à 5,1 milliards de francs. Le montant de la compensation prévu pour 1999 a été fixé à 5,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances 104( * ) ;

- le montant de la compensation versée à chacune des régions est modulé en fonction du montant des droit perçus par chacune d'entre elles avant la réforme.

Ainsi, pour les régions dans lesquelles le montant des droits par habitant est inférieur ou égal à 59 francs, la compensation est égale à 100% du montant des droits relatifs à la taxe additionnelle régionale perçu en 1997, auquel est appliqué la double indexation.

En revanche, la compensation est limitée à 95% dans les régions dans lesquelles le montant des droits par habitant est supérieur ou égal à 59 francs.

Répartition des régions en fonction du montant des droits par habitants perçus


Droits par habitant > 59 FF

Droits par habitant < ou = 59 FF

-Ile-de -France

- Picardie

- Haute Normandie

- Centre

- Lorraine

- Alsace

- Basse Normandie

- Pays de Loire

- Bretagne

- Poitou Charentes

- Aquitaine

- Midi Pyrénées

- Bourgogne

- Rhône Alpes

- Languedoc

- PACA

- Champagne Ardennes

- Nord Pas de Calais

- Franche comté

- Limousin

- Auvergne

- Corse

- Guadeloupe

- Martinique

- Guyane

- Réunion

Ce dispositif a été substitué à la rédaction initiale de l'article du projet de loi de finances, qui prévoyait une compensation à 100% pour l'ensemble des régions, lors de la première lecture de la loi de finances pour 1999 à l'Assemblée nationale.

Dans son rapport, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale considère en effet que " la compensation intégrale des pertes de recettes, quelles que soient la capacité des régions à agir, n'a plus lieu d'être. Les ressources des régions sont telles, notamment à mesure de l'évolution favorable des bases d'imposition directes, en liaison avec l'urbanisation croissante, qu'il apparaît parfaitement justifié de soumettre, pour les plus favorisées d'entre elles, la participation du budget de l'Etat à la compensation des droits relatifs à la taxe additionnelle à une forme de "ticket modérateur" au bénéfice des régions les plus défavorisées ."

En réalité, la raison qui a conduit le gouvernement à se rallier à une version légèrement modifiée du dispositif proposé par les députés est sans doute le gain de 240 millions de francs par rapport au dispositif prévu au départ. Ce montant est en effet équivalent au coût de l'amendement voté en première lecture par les députés à l'article 40 du présent de loi de loi de finances, tendant à prendre en compte 20%, et non plus 15%, du taux de croissance du produit intérieur dans le mode de calcul de la progression de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.

C. UN DISPOSITIF PEU SATISFAISANT

1. Le dispositif retenu place les régions en situation de dépendance financière


La compensation qui sera versée aux régions, à hauteur de 95 ou 100%, ne sera pas une compensation au franc le franc mais un versement d'un montant équivalent au produit de 1997 indexé.

En somme, comme dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, le gouvernement n'a pas choisi de recourir au système du dégrèvement et lui a préféré la compensation qui, si elle protège les ressources des régions des fluctuations du marché de l'immobilier, les place dans une situation de dépendance financière par rapport à l'Etat et les déconnecte des évolutions de leur tissu économique.

En outre, votre rapporteur général regrette la démarche du gouvernement consistant à systématiquement transformer des impositions locales en concours budgétaires, sur l'évolution desquels les collectivités locales n'ont plus de prise.

2. Une péréquation en trompe l'oeil

Le gouvernement se défend d'avoir gagé l'augmentation de la fraction du taux de croissance du PIB prise en compte dans le mode de calcul de la progression de l'enveloppe normée par la baisse de la compensation aux régions dont les droits par habitant sont supérieurs à 59 francs.

En effet, ce transfert de crédits des régions les plus riches vers l'enveloppe normée (en l'occurrence la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), variable d'ajustement de l'enveloppe normée) constituerait une mesure de péréquation puisque la DCTP est redistribuée à l'ensemble des collectivités.

Ce raisonnement ne doit pas être accepté car, mené à son terme, il conduit à la fin de la diversité locale et à la recentralisation .

La péréquation est nécessaire quand elle consiste en un effort de la collectivité nationale en faveur des territoire en difficulté, afin de donner les même chances de développement à chaque partie du territoire et de préserver l'homogénéité nationale. Mais la péréquation ne doit pas systématiquement consister à prendre aux "mieux dotés" pour donner aux "plus défavorisés". Car, alors, apparaît le risque d'étouffer les collectivités les plus dynamiques et, à terme, la croissance de l'économie nationale.

Par conséquent, votre rapporteur général suggère de revenir à la rédaction du II du présent article 27 initialement prévue par le projet de loi de finances pour 1999.

La suppression de la taxe additionnelle régionale étant entrée en vigueur au 1er septembre 1998 , il faudra veiller à mettre en place, dans la loi de finances rectificative pour 1998, une compensation intégrale pour les régions.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 27 bis (nouveau)

Exonération de TVA pour les achats de terrains à bâtir par des particuliers qui souhaitent y construire un immeuble
affecté à leur usage privatif

Commentaire : le présent article, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, a pour objet d'exonérer de TVA les achats de terrains réalisés par des particuliers, en vue de la construction d'immeubles affectés à leur usage privatif.

I. DESCRIPTION DU RÉGIME FISCAL DE L'ACQUISITION DE TERRAINS A BÂTIR


Sont considérés comme des terrains à bâtir des terrains acquis en vue d'une opération de construction.

Le régime de TVA s'applique uniquement lorsque l'acte d'achat contient l'engagement de réaliser une ou des constructions dans le délai de quatre ans suivant l'acquisition. La mutation est exonérée de droits d'enregistrement (art 691 CGI).

Si l'acte ne contient pas cet engagement, la TVA n'est pas perçue et la mutation est soumise au droit départemental d'enregistrement de droit commun (15,4%), auquel s'ajoutent la taxe communale de 1,2%, la taxe régionale de 1,6% et le prélèvement de 2,5% pour frais d'assiette calculé sur le montant du droit départemental d'enregistrement. 105( * )

Aussi, lorsque la construction n'intervient pas dans le délai imparti, l'acheteur du terrain doit payer les droits de mutation dont il avait été exonéré (jusqu'à présent, 18,2%) ainsi qu'un droit supplémentaire de 6% (art 1840 G ter du code général des impôts), soit, au total, une taxe de 24,2%.

Deux cas peuvent se présenter lorsque le particulier souhaite acheter un terrain pour y faire construire une maison.

Dans le premier cas, le particulier achète un terrain nu en vue de faire construire, sans que le terrain ait fait l'objet, au préalable, de travaux d'aménagement.

Le redevable légal de la TVA est l'acquéreur
, sauf si le terrain a déjà fait l'objet d'une mutation soumise à la TVA et demeure dans le champ d'application de cette taxe, auquel cas c'est le vendeur qui est redevable (CGI art 285, 3° et ann. II art. 246).

Le particulier paye la TVA sur l'achat du terrain à bâtir à 20,6%.

Les acquisitions et les apports en sociétés de terrains à bâtir relèvent en effet du taux normal de TVA à 20,6% depuis le 29 juillet 1991 (loi n° 91-716 du 26 juillet 1991). Ce taux est toutefois réduit à 9,5% dans les départements d'outre-mer et à 8% en Corse. De plus, il existe depuis cette date un taux réduit pour les acquisitions de terrains effectués en faveur du logement social. 106( * )

L'assiette de la taxe est constituée par le prix de cession hors taxe , augmenté des charges , ou la valeur vénale si elle est supérieure (CGI, art 266, 2-b).

De la TVA due sur la mutation peuvent être normalement déduites les taxes ayant grevé l'opération en amont . Cependant, cette déduction n'est possible que si le redevable de la taxe est le vendeur, que ce soit légalement ou parce qu'il prend la position d'assujetti au lieu et place de l'acquéreur. Le vendeur peut alors déduire la TVA ayant grevé la mutation précédente, celle ayant grevé les travaux d'aménagement éventuellement réalisés et celle ayant grevé la commission de l'intermédiaire.

Au contraire, lorsque l'acheteur est redevable de la TVA, il ne peut pas déduire ces mêmes taxes, qu'il n'a pas supportées.

Dans le cas de l'achat d'un terrain nu qui n'a pas été soumis préalablement au régime de TVA, le particulier supporte donc in fine une TVA à 20,6%.

Dans le second cas, le particulier achète son terrain à un aménageur-lotisseur.

Ce terrain a alors fait l'objet de travaux de viabilisation et d'aménagement.


Dans la quasi totalité des cas, les lotisseurs placent leurs achats de terrains à bâtir sous le régime de la TVA en vue de la revente dans les quatre ans.

Le redevable légal de la TVA est donc le vendeur , car le terrain a déjà fait l'objet d'une mutation soumise à la TVA et demeure dans le champ d'application de cette taxe (CGI art 285, 3° et ann. II art. 246).

Le lotisseur peut alors déduire la TVA ayant grevé la mutation précédente, celle ayant grevé les travaux d'aménagement et celle ayant grevé la commission de l'intermédiaire .

Cette déduction est particulièrement importante, car les lotisseurs réalisent d'importants travaux de viabilisation sur les terrains qu'ils vendent . Ces travaux sont souvent, et particulièrement en zone rurale, d'un montant bien plus élevé que le prix du terrain lui-même.

Enfin, en cas de non respect de l'engagement de construire, le particulier est replacé sous le régime des droits de mutation (18,2 + 6% soit 24,2%), qui est pénalisant par rapport au régime de TVA (20,6%).

Cependant, l'abaissement des droits de mutation à 4,80% à partir du 1er janvier 1999 rendra cette sanction totalement inefficace et même absurde .

En effet, replacer le particulier sous le régime des droits de mutation aboutit à une moindre taxation que son maintien sous le régime de TVA. Le particulier devra acquitter 4,80 +1% 107( * ) soit 5,80% sur la valeur d'achat de son terrain au lieu d'une TVA acquittée à 20,6%, et qui lui serait remboursée, ce qui lui ferait en définitive gagner de l'argent s'il ne construit pas sous les 4 ans.

Votre rapporteur ne peut toutefois penser que le changement du régime fiscal des acquisitions de terrains à bâtir, qui a des conséquences particulièrement importantes, ait été motivé par cet élément . Il suffirait, en effet, de modifier le régime de sanctions (par exemple en prévoyant le paiement de droits supplémentaires plus élevés) pour remédier à cette situation.

II. LE NOUVEAU DISPOSITIF

Le nouveau dispositif consiste à exonérer de TVA les acquisitions de terrains à bâtir réalisées par des particuliers qui souhaitent y construire leur résidence.

Le particulier sera alors soumis au nouveau droit de mutation à 4,80%
(qui remplacera, à compter du 1er janvier 1999, l'ancien droit de 18,2%).

Par rapport au régime antérieur, lorsque le particulier achète un terrain nu qui n'est pas entré auparavant dans le régime de TVA, il obtient une baisse de taxation à l'achat du terrain correspondant à la différence entre la TVA et les droits de mutations, soit 20,6-4,80 = 15,8%.

La difficulté du nouveau régime vient de l'achat réalisé par un particulier par l'intermédiaire d'un lotisseur.

En effet, les lotisseurs réalisent d'importants travaux de viabilisation sur les terrains qu'ils vendent (eau, électricité, infrastructures diverses).

Si l'achat d'un terrain à bâtir par un particulier est exonéré de TVA, cela signifie que le lotisseur n'est plus redevable de la TVA à la vente. Or, le lotisseur a engagé des travaux importants pour lesquels il a acquitté une TVA, qui, dès lors, ne pourra plus être déduite.

L'exonération de TVA incitera donc les lotisseurs, qui souhaitent conserver une rentabilité à leurs opérations, à majorer leurs prix, de manière à récupérer le coût des taxes qui auront grevé leurs opérations de viabilisation. Cette majoration rendra toutefois leurs ventes moins concurrentielles que celles réalisées par des particuliers ou des entreprises qui s'en tiennent à une vente de terrain n'ayant fait l'objet d'aucune viabilisation.

Le ministère de l'Economie et des finances leur conseille donc de se placer sous le régime des marchands de biens 108( * ) .

Le marchand de biens
n'achète pas en régime de TVA, mais paye uniquement la taxe départementale de publicité foncière à 0,60%.

Lorsqu'il vend le terrain, il est soumis à la TVA sur marge, c'est-à-dire sur le prix de vente hors taxe dont il faut déduire le prix d'achat hors taxe, soit sa "marge" bénéficiaire. La TVA nette qu'il supporte est donc égale à la TVA sur marge dont est déduite la TVA qu'il a acquittée sur les travaux.

Le nouveau dispositif aboutit au résultat suivant : au lieu de supporter une TVA à 20,6%, la vente de terrain à bâtir par les aménageurs lotisseurs supportera une TVA sur marge et des droits de mutation à 4,80%. Comme les travaux de viabilisation réalisés par les lotisseurs sont importants, le ministère de l'Economie et des finances assure que ce nouveau régime sera favorable (la déduction de la TVA sur travaux sera en effet importante).

Votre rapporteur aurait toutefois souhaité d'obtenir des informations chiffrées du ministère sur les différents cas possibles, en fonction de la marge réalisée et du montant des travaux.

Surtout, un certain nombre de lotisseurs expliquent que, contrairement à ce qui est annoncé, il n'est pas évident de passer, selon le type d'opérations, du régime applicable aux lotisseurs au régime des marchands de biens. En effet, les lotisseurs sont la plupart du temps des sociétés anonymes soumises à l'impôt sur les sociétés alors que les marchands de biens sont soumis à l'impôt sur le revenu.

Il apparaît donc nécessaire à votre rapporteur que le ministère de l'Economie et des finances fournisse un descriptif précis du processus administratif qui permettra aux lotisseurs de passer sous le régime des marchands de biens et des conséquences fiscales de ce choix.

En effet, la définition applicable aux marchands de biens semble éloignée de l'activité des lotisseurs.

Sont fréquemment désignées par l'expression marchands de biens et assimilés , les personnes taxées à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux en vertu de l'article 35, I-1°, 2° et 3° du code général des impôts, c'est-à-dire :

- les personnes qui, habituellement, achètent en vue de la revente des immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent en vue de les revendre des actions ou parts de ces sociétés ;

- les intermédiaires pour l'achat, la souscription ou la vente de ces mêmes biens ;

- les personnes qui, titulaires d'une promesse de vente unilatérale sur un immeuble, vendent cette immeuble par fraction ou par lots.

Concernant les collectivités locales , de nombreux élus et parlementaires se sont émus 109( * ) du fait que la collectivité, qui vend les terrains, sans faire de marge bénéficiaire, sera pénalisée.

En effet, l'immense majorité des collectivités locales achètent hors TVA. La TVA résiduelle nette à la vente ne pourrait dès lors être effacée en raison de l'absence de profits.

Dans de nombreuses communes rurales, les collectivités locales jouent le rôle des lotisseurs.

Comme pour les aménageurs-lotisseurs, le ministère de l'Economie et des finances conseille donc aux collectivités locales se placer sous le régime des marchands de biens.

En l'absence d'explications suffisantes, votre rapporteur souhaite indiquer qu'il sera très vigilant à ce que le nouveau dispositif proposé ne pénalise pas les collectivités locales qui vendent des terrains en lots. Si tel était le cas, il conviendrait de recourir à un dispositif de compensation de la perte de TVA, en recourant par exemple au mécanisme du FCTVA.

La rédaction du présent article laisse d'autres questions en suspens, même si une lettre du secrétaire d'Etat au budget en date du 30 octobre 1998 adressée aux professionnels du secteur, tente de dissiper les nombreuses inquiétudes nées de l'adoption trop rapide de ce dispositif.


La date d'entrée en vigueur : par communiqué, le ministère des Finances a indiqué que l'entrée en vigueur du nouveau dispositif interviendra pour les actes signés à compter du 22 octobre.

L'annonce d'une prochaine exonération de TVA avait en effet gelé le marché et créé une situation de blocage qui a amené le ministère de l'Economie et des finances à annoncer que la nouvelle mesure s'appliquera aux actes authentiques signés à compter du 22 octobre 1998

Le problème restait entier pour les avant-contrats conclus avant cette date . Par la lettre en date du 30 octobre 1998, le secrétaire d'Etat au budget a indiqué que " pour chaque vente consécutive à un avant-contrat signé et formalisé avant le 22 octobre 1998, et ayant acquis date certaine avant le 5 novembre 1998 " l'acheteur pourra bénéficier de l'application du droit d'enregistrement de 4,80% au prix hors taxe figurant dans l'avant contrat.

Cependant l'application du dispositif d'exonération de TVA aux affaires en cours qui ont été engagées sous un régime de TVA, pose des difficultés pour les vendeurs des terrains, et notamment pour les collectivités locales.

En effet, un certain nombre de particuliers qui ont souscrit des avant-contrats pourront bénéficier de l'exonération de TVA qui n'était pas prévue par le vendeur et risquent ainsi de réduire ou annihiler sa marge bénéficiaire.

Afin de ne pas pénaliser les aménageurs-lotisseurs (qui étaient encore sous le régime de la TVA et devraient, pour les opérations suivantes, se mettre sous le régime de "marchands de biens"), le ministère de l'Economie et des finances a indiqué que la TVA afférente à la marge du vendeur sera liquidée sur la base du bénéfice net de l'aménageur lotisseur.

Pour les collectivités locales , le ministère a indiqué que la TVA liquidée sera exactement égale à la TVA que les collectivités locales ont droit de déduire sur les dépenses réalisées au titre de l'aménagement du terrain, si bien que l'opération sera blanche.

Reste le cas des particuliers qui vendent sans être des aménageurs-lotisseurs professionnels . Ceux-ci ont pu supporter une TVA sur leurs travaux d'aménagement. Aucune indication n'est donnée sur la manière dont ils pourront déduire cette TVA.

Le ministère de l'Economie et des finances estime que les opérations engagées sont d'environ 10.000 ventes, si bien que le coût de ces mesures serait de l'ordre de 300 millions de francs.

Enfin, un dernier point à éclaircir concerne l a nature des immeubles , le texte du présent article fait mention d'immeubles à usage privatif. La lettre du secrétaire d'Etat au budget parle de la construction d'immeubles à usage d'habitation (notion qui inclut la location).

Le régime fiscal de l'acquisition de terrains à bâtir



 

Achat du terrain à bâtir

Travaux de construction


VEFA

Revente par le particulier dans les 5 ans de l'achèvement

Régime fiscal de l'acheteur

Législation actuelle


Promoteur immobilier

TVA : 20,6 %

(en cas de non respect de l'engagement de construire rappel net DMTO : 18,20 + DS de 6 %)

TVA : 20,6 %


Vente : TVA 20,6 % sous déduction de la taxe afférente aux travaux de construction

 
 

Particulier achat en VEFA

 
 

TVA supportée au titre de l'achat : 20,6 %

TVA : 20,6 % sous déduction de la TVA supportée lors de l'achat


TDPF 0,60


Particulier constructeur

TVA : 20,6 %

(en cas de non respect de l'engagement de construire rappel net DMTO : 3,6 %
(24,20 - 20,6)

TVA : 20,6 %

 

TVA : 20,6 % sous déduction de la TVA supportée lors de l'achat du terrain et au titre des travaux de construction

TDPF 0,60

Nouvelle législation : article 27 bis PLF 1999


Promoteur immobilier

TVA : 20,6 %

(en cas de non respect de l'engagement de construire rappel net DMTO : 4,80 % + DS de 1 %)

TVA : 20,6 %


Vente : TVA 20,6 % sous déduction de la taxe afférente aux travaux de construction

 
 


Lotisseur

Marchand de biens

TDPF 0,60

TVA : 20,6 %

Vente : TVA/marge

Marge HT : prix vente HT - prix achat HT

TVA nette : marge HT x 20,6 % - TVA/travaux

 


DMTO :
4,80 %

 
 
 
 
 
 

Particulier achat en VEFA

 
 

TVA supportée au titre de l'achat : 20,6 %

TVA : 20,6 % sous déduction de la TVA supportée lors de l'achat

TDPF 0,60


Particulier constructeur

DMTO : 4,80 %

TVA : 20,6 %

 

TVA : 20,6 % sous déduction de la TVA afférente aux travaux de construction

TDPF 0,60

Source : ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie

En conclusion, votre rapporteur estime que toutes les questions que soulève le présent article n'ont pas encore obtenu de réponses satisfaisantes .

De surcroît, l'annonce par voie de communiqué ou même de lettre ne saurait faire loi . L'avancement de la date d'entrée en vigueur de la mesure, l'éventuelle modification de la définition des opérations ouvrant droit à une exonération de TVA sur les terrains à bâtir, sont autant d'éléments qui entrent dans la compétence du législateur et non du gouvernement.

D'une manière générale, le présent article est un exemple édifiant d'une certaine improvisation et des libertés prises avec la souveraineté de décision de la représentation nationale.

En attendant d'obtenir tous les éléments nécessaires afin de décider d'apporter les corrections nécessaires au présent article, votre rapporteur estime nécessaire
de le réserver.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

ARTICLE 28

Réduction du taux de l'avoir fiscal

Commentaire : le présent article a pour objet de réduire de 50 à 45 % des sommes nettes distribuées le montant de l'avoir fiscal pour les actionnaires personnes morales.

En contrepartie de la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés qui résulte de l'extinction progressive de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés instituée par la loi portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) du 10 novembre 1997, le gouvernement propose, par le présent article, de réduire le montant de l'avoir fiscal de 50 à 45 % des sommes nettes distribuées pour les actionnaires personnes morales.

Cette réforme ne concernerait donc pas les personnes physiques, ni les sociétés bénéficiaires du régime mère-fille, ni les personnes morales dites " transparentes " (OPCVM et ensemble des personnes dont les associés, commandités ou actionnaires sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu).

Il faut cependant constater qu'après avoir été invalidé par le Conseil constitutionnel 110( * ) en tentant de plafonner la restitution de l'avoir fiscal aux personnes physiques dans la loi de finances pour 1998, le gouvernement cherche de nouveau à réduire l'efficacité d'un dispositif dont l'objectif n'est atteint, au taux de l'impôt sur les sociétés de droit commun (i.e. 33,33 %), que si le montant de l'avoir fiscal est égal à la moitié des dividendes distribués.

En outre, il faut rappeler que les hausses du taux de l'impôt sur les sociétés intervenues ces dernières années ont déjà érodé l'impact de l'avoir fiscal.

Enfin, il convient d'observer que le dispositif proposé est rétroactif puisqu'il portera sur des distributions qui ont eu lieu en 1998 et qui ont été assorties d'un avoir fiscal à 50 %. En outre, elles ont pu donner lieu, de la part de la société distributrice, au versement d'un précompte au taux de 50 %.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL

A. L'AVOIR FISCAL EST DESTINÉ À ÉVITER LA DOUBLE TAXATION DES BÉNÉFICES LORSQU'ILS SONT DISTRIBUÉS SOUS FORME DE DIVIDENDES


Rappelons que l'avoir fiscal a été institué pour éviter une nouvelle imposition, entre les mains des actionnaires, des bénéfices distribués qui ont déjà été soumis à l'impôt sur les sociétés. Il représente l'impôt sur les sociétés payé par la société distributrice et vaut crédit d'impôt imputable sur l'impôt sur le revenu dû par l'actionnaire.

Égal à la moitié des sommes distribuées, l'avoir fiscal vient ainsi s'ajouter au dividende pour composer le revenu imposable de l'actionnaire. Ce revenu est ensuite taxé entre les mains de l'actionnaire et l'avoir fiscal est retranché du montant de l'impôt brut.

Les modalités d'utilisation de l'avoir fiscal en France sont différentes selon que l'actionnaire est passible ou non de l'impôt sur les sociétés. Pour les actionnaires personnes physiques, l'avoir fiscal est restitué lorsqu'il excède le montant de l'impôt dû alors qu'il n'est pas restituable pour les actionnaires assujettis à l'impôt sur les sociétés.

Sans avoir fiscal, on pourrait atteindre, pour un bénéfice imposable de 100, avec un taux d'impôt sur les sociétés de 33,1/3 % une charge fiscale moyenne de :

33,33 + 22,22 (33,33 % de 66,66) = 55,55

L'avoir fiscal efface la charge fiscale pesant sur le bénéfice distribué :

Bénéfice 100

Impôt sur les sociétés - 33,33

Dividende net 66,66

Avoir fiscal 33,33

Revenu imposable 100

Taxation entre les mains de l'actionnaire - 33,33

Imputation de l'avoir fiscal + 33,33

Impôt à acquitter sur le dividende net 0

Appliqué à partir de 1966, le mécanisme de l'avoir fiscal n'a atteint son plein effet au plan national qu'en 1993, lorsque le taux de l'impôt sur les sociétés a été fixé à 33,33 %. En effet, comme l'indique l'exemple ci-dessus, à ce taux le montant de l'avoir fiscal est strictement égal au montant de l'impôt sur les sociétés acquitté par la société.

L'avoir fiscal est en principe réservé aux personnes physiques ou morales ayant leur domicile ou leur siège social en France.

Par exception, certaines conventions internationales prévoient l'extension de l'avoir fiscal aux résidents du pays lié à la France par cette convention. Les conventions prévoient généralement un taux de retenue à la source de 15 % qui ouvre droit à un crédit d'impôt d'égal montant dans l'Etat de résidence du contribuable. Cette retenue à la source procède de l'idée selon laquelle l'Etat de la source des bénéfices doit conserver un droit d'imposition sur ces bénéfices. Le paiement de l'avoir fiscal a lieu si l'Etat de résidence du bénéficiaire effectif impose les dividendes nets et l'avoir fiscal.

Le coût budgétaire global de l'avoir fiscal attaché aux seuls dividendes de sociétés françaises a atteint 19,36 milliards de francs en 1997, contre 16,76 en 1996 et 16,86 en 1995. 14,1 milliards de francs de crédit d'impôt ont concerné les résidents de France (personnes morales et personnes physiques).

Avec un coût de 5,26 milliards de francs, les remboursements aux non résidents représentent aujourd'hui la moitié du coût budgétaire de l'avoir fiscal attribué aux personnes morales selon le rapport de M. Didier Migaud 111( * ) . Le graphique ci-après illustre la progression de la part du transfert de l'avoir fiscal aux non résidents après déduction d'une retenue à la source :



B. L'AUGMENTATION DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS A ÉRODÉ L'EFFICACITÉ DE L'AVOIR FISCAL

Depuis que le taux effectif de l'impôt sur les sociétés a été porté à 36,66 % par la loi de finances rectificative pour 1995 du 4 août 1995, puis à 41,66 % par la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) du 11 novembre 1997, le montant de l'avoir fiscal ne compense plus totalement, pour l'actionnaire, le montant de l'impôt acquitté par la société distributrice.

Le tableau ci-après montre ainsi qu'avec un taux d'impôt sur les sociétés de 41,66 % en 1998, le montant du revenu imposable entre les mains de l'actionnaire (dividende + avoir fiscal) n'est plus que de 87,5 pour un bénéfice initial de 100. L'actionnaire acquitte un impôt de 7,3 % et le montant du prélèvement global réel pesant sur le bénéfice initial atteint 48,95 %.



II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

A. LA RÉDUCTION DU MONTANT DE L'AVOIR FISCAL POUR LES PERSONNES MORALES DEVRAIT SE TRADUIRE PAR UN ALOURDISSEMENT DE L'IS PESANT SUR LES DIVIDENDES DISTRIBUÉS


Le gouvernement propose par le présent article de réduire le montant de l'avoir fiscal à 45 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique, à compter du 1 er janvier 1999.

Outre les personnes physiques, ne seraient pas concernées par l'application du nouvel avoir fiscal de 45 % :

- les personnes morales qui ne sont pas utilisatrices du crédit d'impôt, c'est-à-dire les OPCVM et l'ensemble des sociétés de personnes dites " transparentes " dont les associés, commandités ou actionnaires sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu.

- les sociétés mères procédant à des distributions dans le cadre du 2° de l'article 146 du CGI ;

Le régime des sociétés mères et filiales dit " régime mère-fille " a pour objet d'éviter de taxer une deuxième fois chez la société mère des produits qui auraient été taxés une première fois au niveau de la société qui réalise les profits distribués.

Ainsi, l'article 216 du CGI autorise les sociétés mères à retrancher de leur bénéfice imposable les produits nets de leurs participations qui ont déjà supporté l'impôt lors de leur réalisation par les sociétés filiales.

L'article 146-2° du CGI permet à la société mère, lors de la redistribution des produits de la filiale, de transmettre à ses propres actionnaires l'avoir fiscal attaché à ces produits sans avoir à supporter le précompte.

En vertu de l'article 145 du CGI, le bénéfice du régime mère-fille est réservé aux sociétés mères qui détiennent au moins 10 % du capital de la société filiale sous forme de titres de participation nominatifs ou, à défaut, déposés dans un établissement désigné par l'administration. En outre, la société mère doit avoir souscrit les titres à l'émission. A défaut, elle doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans.

Le régime mère-fille a un caractère optionnel.

Le nouvel avoir fiscal minoré ne concernerait donc que les sociétés qui détiennent des participations inférieures à 10 % dans des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, ou des participations supérieures à 10 % dans des sociétés soumises à l'IS mais qui ne remplissent pas les conditions du régime spécial des sociétés mères et filiales.

Deux arguments sont avancés par le gouvernement à l'appui de la diminution du montant de l'avoir fiscal :

- En premier lieu, il s'agirait de réduire l'avantage fiscal concédé par le biais de l'avoir fiscal aux non-résidents. L'exposé des motifs du présent article souligne ainsi que, parmi les destinataires de dividendes de sociétés situées en France, se trouvent des fonds de pension et que " les remboursements aux non-résidents représentent aujourd'hui la moitié du coût budgétaire de l'avoir fiscal attribué aux personnes morales. "

- Par ailleurs, une telle mesure tendrait à " neutraliser " la réduction de 15 à 10 % de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, conformément à la loi MUFF de novembre 1997, qui devrait conduire à un accroissement de l'avantage financier lié à l'attribution de l'avoir fiscal pour les sociétés. Le taux de l'impôt sur les sociétés sera en effet ramené de 41,66 % à 39,99 % en 1999.

C'est ignorer, comme il est rappelé plus haut, que même avec un taux d'impôt sur les sociétés réduit à 39,99 %, l'avoir fiscal n'efface toujours pas la double imposition. Ainsi, dans l'exemple précédent, avec un montant d'avoir fiscal de 50 % du dividende distribué, ce dividende reste taxé entre les mains de l'actionnaire à un taux de 6 % (soit un taux d'impôt réel sur le bénéfice distribué de 45,99 %).

A taux d'IS constant, la fixation du montant de l'avoir fiscal à 45 % des dividendes versés porterait le taux d'imposition effectif du bénéfice initial à 47,8 %, ce qui correspond à un supplément d'impôt dû par l'actionnaire de 7,8 %. Cet impôt réduira en conséquence la masse distribuable à ses propres actionnaires, ce qui dans l'hypothèse d'une redistribution en chaîne, peut conduire à réduire à la portion congrue les produits distribuables.

En outre, en remplaçant un impôt par un autre (quoique les montants en jeu ne soient pas les mêmes), le gouvernement semble conforter l'idée selon laquelle toute aggravation de l'impôt , même temporaire comme devait l'être la cotisation exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, est destinée à être pérennisée .

Il oublie en outre qu'un certain nombre de sociétés n'ont pas été touchées par les contributions exceptionnelles à l'impôt sur les sociétés instituées en novembre 1997, et seront donc directement pénalisées par une telle mesure sans compensation d'aucune sorte. C'est le cas des sociétés de moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires dont le taux d'impôt sur les sociétés a été ramené à 19 % par l'article 10 de la loi de finances pour 1997.

Selon le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale 112( * ) , une telle mesure " constituerait en quelque sorte la réponse aux souhaits, exprimés par la majorité, d'une taxation ciblée des gains spéculatifs réalisés sur les marchés boursiers, notamment par d'importantes sociétés. "

M. Didier Migaud concède toutefois que la disposition proposée est de " portée limitée " et qu' " elle n'est pas non plus techniquement irréprochable, au point que sa mise en oeuvre devrait entraîner un certain nombre de difficultés ".

Il énumère ainsi parmi les difficultés d'application du présent article le fait que les conventions fiscales ne prévoient pas des droits identiques en matière d'avoir fiscal pour les non-résidents.

Enfin, la présente mesure institue un double taux d'avoir fiscal et une distorsion avec le précompte que le texte propose, sous réserve d'un ajustement particulier, de calculer toujours au taux de 50 %.

B. DES DIFFICULTÉS D'APPLICATION POUR LES NON-RÉSIDENTS

Le présent article entend exclure l'application du taux de 45 % lorsque l'avoir fiscal est attribué à une personne morale qui n'est pas utilisatrice de ce crédit d'impôt. C'est ainsi le cas des organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) qui ne sont que des intermédiaires.

Or, pour l'application des conventions fiscales conclues avec la France, les OPCVM étrangers qui sont imposées à raison des revenus qu'ils perçoivent sont considérés comme des résidents étrangers et ont dès lors droit au transfert de l'avoir fiscal dans les conditions prévues par les conventions pour les personnes morales. Ils sont donc, à la différence des OPCVM français, des personnes morales " susceptibles d'utiliser " l'avoir fiscal au sens du II du 2 du I du présent article et le taux de 45 % leur est applicable.

En outre, un certain nombre de conventions fiscales prévoient le transfert de l'avoir fiscal à des OPCVM qui ne sont pas imposés dans la mesure où il est impossible aux porteurs de parts de présenter des demandes de remboursement des retenues à la source françaises et des avoirs fiscaux. Ces porteurs se trouveraient donc pénalisés s'ils ne bénéficiaient pas de ces conventions.

Le présent dispositif obligera donc ces OPCVM à distinguer parmi leurs porteurs de parts les personnes morales des personnes physiques et à fournir ces informations au Trésor français. Ils auraient ainsi droit à un transfert d'avoir fiscal égal à 50 % du montant des dividendes à due concurrence de la fraction de leurs porteurs de parts qui sont des résidents personnes physiques de l'Etat où ils sont constitués, et à un transfert d'avoir fiscal de 45 % pour la proportion relative aux autres porteurs de parts.

C. UN " TOILETTAGE " IMPARFAIT DU PRÉCOMPTE

Lorsque les produits distribués sont prélevés sur des sommes à raison desquelles la société n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal, l'avoir fiscal perd sa justification. Le maintenir reviendrait à consentir une ristourne sur un impôt qui n'a pas été versé par la société. Un correctif s'imposait dès lors. Le législateur n'a pas voulu que les associés aient à se livrer à des distinctions laborieuses selon l'origine des dividendes qu'ils ont reçu et a reporté les servitudes sur les sociétés distributrices.

La société distributrice doit faire au Trésor l'avance de l'avoir fiscal sous forme du versement d'un précompte mobilier, égal au montant de l'avoir fiscal attaché à ces dividendes.

Par ailleurs, pour inciter les sociétés à répartir rapidement leurs bénéfices, le précompte est également exigible lorsque les dividendes distribués sont prélevés sur des bénéfices d'exercices clos depuis plus de cinq ans.

Par cohérence avec la baisse du montant de l'avoir fiscal, le gouvernement propose que le précompte soit également fixé à 45 % pour les dividendes distribués aux personnes morales, faute de quoi la société distributrice serait amenée à payer au titre du précompte un montant supérieur au montant de l'avoir fiscal réellement octroyé aux actionnaires. Mais il subordonne cette mesure à une condition que les sociétés seront, en pratique, difficilement susceptibles de remplir.

En effet, le texte du nouvel article 223 sexies du CGI autorise la société distributrice à limiter le montant de son précompte à celui de l'avoir fiscal à 45 % lorsqu'elle est en mesure de justifier de l'utilisation potentielle de cet avoir fiscal , c'est-à-dire de démontrer que la personne susceptible d'utiliser l'avoir fiscal n'est pas une personne physique.

Une telle condition suppose que la société distributrice soit en mesure de distinguer parmi ses actionnaires les personnes physiques - qui ont droit à l'avoir fiscal à 50 % - des personnes morales - qui n'ont droit qu'à l'avoir fiscal à 45 % - ce qui est en pratique très difficile voire impossible pour les sociétés cotées en bourse . Ces dernières ne pourraient remplir cette condition que si l'actionnariat ne variait pas entre la date de l'Assemblée ayant voté le dividende et la date de la distribution, ce qui est exceptionnellement le cas.

Par ailleurs, l'imprimé fiscal unique (IFU) actuellement délivré par les établissements bancaires pour l'utilisation dans la déclaration de revenus fait masse de l'ensemble des avoirs fiscaux et des crédits d'impôt octroyés au contribuable ce qui rend matériellement impossible la distinction requise par le présent article. Il en résulte une grande difficulté d'application pratique pour les sociétés cotées.

Votre rapporteur vous proposera un amendement tendant à procéder de manière inverse, c'est-à-dire à prévoir, lorsque les dividendes ont donné lieu au versement du précompte à 50 % et que les produits distribués correspondant à ces dividendes n'ont pas été prélevés sur la réserve spéciale des plus-values à long terme, que l'avoir fiscal de 45 % est complété par un crédit d'impôt de 10 % du précompte acquitté par la société.

C'est d'ailleurs parce qu'elles acquittent un précompte au taux de 50 % sur les dividendes qu'elles distribuent et qui sont issus des produits de leurs filiales (produits exonérés d'impôt comme il a été vu dans l'encadré sur le régime mère-fille) que les sociétés mères ont été expressément exclues de l'application du présent dispositif. Si tel n'était pas le cas, l'application d'un avoir fiscal de 45 % du montant des revenus distribués à des revenus qui auraient subi le précompte au taux de 50 % créerait une distorsion.

D. UN DISPOSITIF RÉTROACTIF

Le présent article prévoit l'application du nouveau taux de l'avoir fiscal pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1 er janvier 1999 .

Or, les distributions 1998 ont, pour une grande partie, déjà été liquidées généralement sur les résultats d'exercice clos en 1997 (sauf pour les exercices ne coïncidant pas avec l'année civile) et assorties d'un avoir fiscal égal à 50 % des sommes distribuées.

Pour les sociétés françaises bénéficiaires, les avoirs fiscaux seront imputables sur l'impôt dû en 1999. Pour les non-résidents, les demandes de restitutions sont généralement présentées en fin d'année et les restitutions ont lieu en début d'année suivante.

Pour ces deux catégories de contribuables, l'avoir fiscal ne sera restitué qu'au taux de 45 %. En outre, les sociétés distributrices ont pu avoir à acquitter le précompte à 50 %.

Une telle rétroactivité du dispositif devrait engendrer une recette supplémentaire de l'ordre de 100 millions de francs selon le rapport de l'Assemblée nationale.

Au total, votre rapporteur souhaite rappeler l'urgence de procéder à une réforme d'envergure du mécanisme de l'avoir fiscal (assorti du précompte), dont le principe peut être contesté et qui est générateur de coûts de gestion substantiels.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 28 bis (nouveau)

Assimilation à des apports des droits d'adhésion perçus par les sociétés d'assurance mutuelles

Commentaire : issu d'un amendement présenté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, cet article propose d'assimiler à des apports sur le plan fiscal, les droits d'adhésion versés par les nouveaux sociétaires et inscrits au compte " fonds d'établissement ", afin d'exclure ces suppléments d'apport de l'actif net pris en compte pour le calcul du résultat imposable.

Les sociétés d'assurance constituées sous forme mutualiste ne disposent pas d'un capital social divisé en actions ou parts sociales mais d'un fonds d'établissement 113( * ) constitué à fonds perdus par les fondateurs et les sociétaires. Leurs excédents non ristournés aux adhérents appartiennent à la " collectivité indivise et intemporelle des sociétaires ". Ceux-ci sont à la fois individuellement assurés et collectivement assureurs.

Cette situation interdit actuellement aux sociétés d'assurances mutuelles d'augmenter leurs fonds propres autrement que par la mise en réserve d'excédents.

En effet, en raison de l'absence de capital social, les droits d'adhésion perçus auprès des nouveaux assurés ne peuvent être juridiquement assimilés aux " supplément d'apport " mentionnés à l'article 38-2 du code général des impôts, qui sont exclus de la base de calcul de l'impôt sur les sociétés. Ils sont donc compris dans le calcul de la valeur de l'actif net servant à déterminer le résultat imposable et taxés au taux normal de l'impôt sur les sociétés.

Un certain nombre de dispositions ont déjà été adoptées pour permettre aux sociétés mutuelles d'assurance de renforcer leurs fonds propres mais elles restent insuffisantes (voir encadré ci-après).

Les assouplissements déjà accordés en matière de renforcement des fonds propres

Les sociétés d'assurance mutuelles (SAM) peuvent, si leur statut le prévoit, constituer un fonds social complémentaire par emprunt auprès des sociétaires après accord de l'autorité de tutelle. Elles peuvent également émettre des titres participatifs, qui ne sont remboursables qu'en cas de liquidation de la société ou, à son initiative, à l'issue d'un délai non inférieur à sept ans.

En outre, l'article 8 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 les a autorisées à émettre des titres de créance sous forme de titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) ou d'emprunts obligataires, à l'instar des sociétés anonymes, après approbation à l'assemblée générale.

Toutefois, les SAM font valoir que les titres de dette ne sont pas, en pratique, accessibles aux mutuelles de taille moyenne. La mise en oeuvre de ces possibilités d'émission est en effet limitée, en pratique, par la notation des titres par les agences, qui n'ont pas une bonne connaissance des sociétés mutuelles d'assurance dans la mesure où ces dernières ne sont pas cotées en bourse.

Le présent article propose d'assimiler à des apports sur le plan fiscal les droits d'adhésion versés par les nouveaux sociétaires et inscrits au compte " fonds d'établissement ".

Les sommes bénéficiant de cette assimilation seraient plafonnées par sociétaire, en fonction de la marge de solvabilité réglementaire . Ainsi, le droit d'adhésion versé par un sociétaire en cours d'exercice ne serait considéré comme un apport qu'à hauteur d'un montant " égal au rapport entre le montant minimal de la marge de solvabilité exigée par la réglementation et le nombre de sociétaires constaté à la clôture de l'exercice précédent ".

La marge de solvabilité réglementaire des sociétés d'assurance mutuelles, prévue aux articles R. 334-1 et suivants du code des assurances, est un montant minimal de fonds propres qui a pour objet de permettre la couverture des engagements inscrits au passif. Ces derniers sont évalués à partir des cotisations annuelles (ou des sinistres) en assurances de dommages et à partir des provisions mathématiques en assurance vie 114( * ) .

Le plafonnement des droits d'entrée admis en franchise d'impôt par le rapport entre la marge minimale de solvabilité et le nombre des sociétaires permet de traiter de façon égale les SAM, sans distinguer celles dont la marge de solvabilité est plus élevée que le minimum exigé des autres.

Ainsi, dans l'hypothèse d'une société de 10 000 sociétaires dont la marge de solvabilité minimale est de 10 millions de francs, le droit d'entrée sera considéré comme un apport à hauteur de 1 000 francs.

En outre, lorsque la marge de solvabilité effectivement constituée est inférieure au montant minimal réglementaire, la marge de solvabilité prise en compte au numérateur du ratio précédent est majorée du montant de cette insuffisance.

Ainsi, dans l'exemple précédent, si la marge de solvabilité réellement constituée par la société n'est que de 8 millions de francs, le droit d'entrée non imposable s'élèvera à :

[10 000 000 + (10 000 000 - 8 000 000)] / 10 000 = 1 200 francs

Enfin, les sommes prélevées sur le compte " fonds d'établissement " seraient imposables au titre de l'exercice en cours à la date du prélèvement sauf en cas d'imputation de pertes.

Le coût de cette mesure est estimé par le gouvernement à 100 millions de francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 28 ter (nouveau)

Réintégration d'une quote-part des frais et charges afférente aux dividendes versés par une société fille à sa mère

Commentaire : le présent article résulte d'un amendement des membres du groupe communiste de l'Assemblée nationale. Il a pour objet de rétablir une disposition qui avait été supprimée par la loi de finances pour 1993 et qui obligeait les sociétés mères, dans le cadre du régime mère-fille, à augmenter leur bénéfice imposable d'une quote-part des frais et charge afférente aux dividendes versés par leurs filiales. Le produit attendu est de 1,5 milliard de francs.

I. RAPPEL DES DISPOSITIONS RELATIVES AU RÉGIME MÈRE-FILLE EN VIGUEUR AVANT 1993


Le régime des sociétés mères et filiales dit " régime mère-fille " a pour objet d'éviter de taxer une deuxième fois chez la société mère des produits qui auraient été taxés une première fois au niveau de la société qui réalise les profits distribués sous forme de dividendes.

Rappelons qu'en vertu de l'article 145 du CGI, le bénéfice du régime mère-fille est réservé aux sociétés mères qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions suivantes :

- les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou, à défaut, être déposés dans un établissement désigné par l'administration ;

- les titres de participation doivent représenter au moins 10 % du capital de la société émettrice ;

- enfin, la société mère doit avoir souscrit les titres à l'émission. A défaut, elle doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans.

Ainsi, l'article 216 du CGI autorise les sociétés mères à retrancher de leur bénéfice imposable les produits nets de leurs participations qui ont déjà supporté l'impôt lors de leur réalisation par les sociétés filiales.

Jusqu'en 1992 , les sociétés mères devaient toutefois retrancher de ces produits (et donc ajouter à leur bénéfice imposable) une quote-part des frais et charges censée représenter les frais de gestion de la participation qui ont été déduits du bénéfice comptable. Cette quote-part était fixée forfaitairement à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris, et ne pouvait excéder le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société mère au cours de la période d'imposition.

En 1992, lorsque le taux de l'impôt sur les sociétés a été ramené à 33,33 %, les sociétés mères se trouvaient dans une position moins favorable que les sociétés qui bénéficiaient de l'avoir fiscal, compte tenu de la suppression totale de la double taxation que cet avoir permet avec un taux d'IS de 33,33 %.

Ainsi, pour un dividende de 100 francs, la quote-part était égale à :

(100 + 50) x 5 % = 7,5 francs

L'impôt correspondant était donc de :

7,5 x 33,33 % = 2,5 francs.

L'article 104 de la loi de finances pour 1993 (loi n° 92-1376) a en conséquence aménagé le régime fiscal des dividendes versés par les filiales à leur société mère en supprimant les dispositions concernant l'imputation de la quote-part de frais et charges et ses modalités de calcul.

Elle a en outre permis aux sociétés mères susceptibles de bénéficier du régime d'opter ou non pour son application.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le présent article a pour objet de rétablir les dispositions supprimées par la loi de finances pour 1993.

En conséquence, les sociétés participantes devraient de nouveau imputer sur les produits qu'elles perçoivent de leurs filiales une quote-part de frais et charges (et donc accroître leur bénéfice imposable d'autant).

Cette quote-part serait fixée uniformément à 2,5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris, au lieu de 5 % dans le régime précédent.

En conséquence, pour un dividende de 100 francs, la quote-part serait égale à :

(100 + 50) x 2,5 % = 3,75 francs

L'impôt correspondant serait donc de :

3,75 x 40 % = 1,5 francs.

Le gouvernement chiffre à 1,2 milliard de francs le produit de ce nouveau prélèvement.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le présent article doit être analysé au regard de l'article 28 du présent projet de loi qui porte de 50 à 45 % le montant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués. Il serait ainsi, selon le gouvernement, la contrepartie du fait que les sociétés bénéficiant du régime mère-fille seraient exclues du champ d'application du nouvel avoir fiscal et continueraient donc à bénéficier du taux de 50 %.

Toutefois, il convient de souligner que l'avoir fiscal ne supprime plus la double-taxation depuis que le taux de l'impôt sur les sociétés a été porté à 36,66 % par la loi de finances rectificative du 4 août 1995, puis à 41,66 % par la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier du 10 novembre 1997. La taxation effective est ainsi de

Votre commission considère que le présent article vient accroître de manière injustifiée le poids de l'impôt sur les sociétés et risque de provoquer de nombreuses distorsions économiques. Il vous est donc proposé de le supprimer.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 29

Réforme de la taxe professionnelle

Commentaire : le présent article propose de supprimer en cinq ans la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle. Cette réforme s'accompagne de mesures de financement destinées à en limiter le coût pour l'Etat mais qui atténuent la portée de la réforme proposée pour un certain nombre d'entreprises. Une compensation est prévue en faveur des collectivités territoriales.

I. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF


A l'heure actuelle, l'article 1467 du CGI dispose que la taxe professionnelle a pour base deux éléments :

- la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle ; pour les immeubles, cette valeur locative est déterminée selon les règles prévues en matière de taxe foncière ; pour les équipements, cette valeur est fixée à 16 % de leur prix de revient ;

- les salaires et les rémunérations allouées aux dirigeants, pris en compte pour 18 % de leur montant.

En 1997, la deuxième composante représentait 34,95 % de l'assiette de la taxe professionnelle (288,2 milliards de francs).

A. LA SUPPRESSION PROGRESSIVE DE LA PART SALARIALE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Le présent article prévoit un aménagement de ces règles de sorte que la part salariale soit progressivement supprimée de l'assiette sur une période de cinq ans. Cette suppression prendrait la forme d'abattements annuels sur la fraction imposable des salaires et rémunérations, c'est-à-dire sur 18 % des salaires.

Ces abattements seraient fixés à :

- 100 000 francs au titre de 1999, ce qui représente un montant de salaires de 100 000 / 18 % = 555 555 francs ;

- 300 000 francs au titre de 2000, ce qui représente un montant de salaires de 300 000 / 18 % = 1 666 666 francs ;

- 1 000 000 francs au titre de 2001, ce qui représente un montant de salaires de 1 000 000 / 18 % = 5 555 555 francs ;

- 6 000 000 francs au titre de 2002, ce qui représente un montant de salaires de 6 000 000 / 18 % = 33 333 333 francs ;

A compter de 2003, la part salariale serait complètement supprimée.

Pour la première année, un tel dispositif équivaut à supprimer la part salariale de l'assiette de taxe professionnelle pour tous les redevables qui déclarent un montant de salaires égal ou inférieur à 555 555 francs, soit 820 000 établissements selon le gouvernement. Ils représentent 68,4 % du nombre total d'établissements.

Un tel dispositif est donc immédiatement favorable aux petites entreprises et monte en puissance jusqu'en 2003.

Le tableau suivant illustre la progression du nombre d'établissements exonérés de 1999 à 2003 :



En outre, les abattements prévus s'appliqueraient par redevable et par commune, la taxe professionnelle étant acquittée au niveau de l'établissement et non au niveau de l'entreprise.

B. LES MESURES DE FINANCEMENT

Pour atténuer la dépense fiscale résultant pour l'Etat de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, dépense estimée par le gouvernement à 13 milliards de francs la première année, le présent article prévoit un certain nombre de dispositions aggravant le poids de l'impôt pour les entreprises, et surtout pour les plus grandes d'entre elles.

1. La suppression de la réduction pour embauche et investissement

Actuellement, les entreprises qui embauchent ou qui investissent bénéficient d'une réduction de leur base d'imposition, couramment dénommée REI, égale à la moitié de la différence constatée entre :

- le montant de la base de l'année d'imposition,

- et le montant de la base de l'année précédente multiplié par la variation des prix à la consommation constatée par l'INSEE pour l'année de référence de l'imposition (i.e. l'avant-dernière année précédent celle de l'imposition).

Cette réduction s'applique au niveau de chaque établissement.

Le coût de la REI s'est élevée à 3,35 milliards de francs en 1998 . Il est compensé aux collectivités locales par le biais d'une fraction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP).

Le présent article propose :

- d'abaisser le montant de cette réduction pour les impositions établies au titre de 1999 pour la porter de 50 à 25 % ; l'excès de base d'une année sur l'autre ne serait donc retranché des bases imposables que pour 25 % de son montant.

- de supprimer complètement la REI à compter des impositions établies à compter de 2000.

Cette disposition aurait pour effet de rendre totalement imposables les nouveaux investissements dès la seconde année suivant celle de leur réalisation.

Il convient de noter que la suppression de la REI s'opérera en deux ans alors que la réduction progressive de la part salariale de la taxe professionnelle s'effectuera sur cinq ans.

L'abattement appliqué sur la fraction imposable des salaires aura pour effet de limiter la progression globale des bases d'imposition et, par suite, de limiter le montant de la REI et celui de la compensation correspondante par l'Etat. Cette économie est estimée à 1 milliard de francs pour 1999 dont 500 millions seraient affectés dans le cadre de la préparation du budget de 1999 à la majoration de la dotation de solidarité urbaine.

Par ailleurs, la réduction à 25 % du taux de réfaction donnerait lieu à une économie de 500 millions de francs .

L'Etat économiserait donc 1,5 milliards de francs en 1999.

Notons que la réduction de moitié des bases de la première année d'imposition en cas de création d'établissement prévue par l'article 1478 du CGI serait maintenue, moyennant un " toilettage " pour tenir compte de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.

2. L'intégration des loyers dans la valeur ajoutée des entreprises

En dépit des objections généralement avancées contre la substitution d'une assiette valeur ajoutée à l'assiette actuelle de la taxe professionnelle 115( * ) , on ne peut ignorer que la valeur ajoutée sert déjà largement d'assiette à cette taxe, compte tenu de deux dispositifs :

- le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée qui est prévu à l'article 1647 B sexies du CGI ; ce plafonnement est variable selon le chiffre d'affaires de l'entreprise ; il oscille entre 3,5 et 4 % de la valeur ajoutée (voir infra ) ;

- la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du CGI : cette cotisation est égale à 0,35 % de la valeur ajoutée pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires (voir infra ).

Aux termes du II de l'article 1467 B sexies , la valeur ajoutée servant au calcul du plafonnement des cotisations de taxe professionnelle et de la cotisation minimale de taxe professionnelle est définie comme l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et de services en provenance de tiers. Son mode de calcul est détaillé dans l'encadré ci-après.

Mode de calcul actuel de la valeur ajoutée des entreprises

Pour la généralité des entreprises, la production est égale à la différence entre :

- d'une part les ventes, les travaux, les prestations de service ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'entreprise ;

- et d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice.

Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, les frais de transport et de déplacement, les frais divers de gestion.

Ces consommations incluent les loyers des biens pris en location à l'exception de ceux qui se rapportent :

- à des biens pris en crédit-bail ;

- à des biens mis à la disposition du redevable par une entreprise liée ; cette dernière disposition est issue de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996.

En contrepartie, dans ces deux hypothèses, le bailleur est autorisé à déduire de sa valeur ajoutée le montant des amortissements et provisions se rapportant aux biens loués ou mis à disposition.

Il est à noter que les dotations aux provisions et aux amortissements ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée.

La valeur ajoutée est déterminée " hors taxes ", c'est-à-dire déduction faite des taxes sur le chiffre d'affaires des contributions indirectes et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

La valeur ajoutée des entreprises ayant pour activité exclusive la gestion des valeurs mobilières, des établissements de crédits, des entreprises d'assurance, de capitalisation et de réassurance, ainsi que celles des redevables soumis à un régime forfaitaire d'imposition fait l'objet de dispositions spécifiques propres à chaque catégorie d'entreprises.

On constate que dans le dispositif actuel, les loyers sont comptabilisés comme des charges déductibles de la valeur ajoutée et viennent donc en réfaction de la valeur ajoutée des entreprises locataires. Ils sont à l'inverse pris en compte positivement dans le calcul de la valeur ajoutée des entreprises bailleuses.

Cette règle place les entreprises qui prennent un équipement en location dans une situation plus favorable que si elles avaient acquis ce bien, car les loyers - générateurs d'une imposition au titre de la taxe professionnelle comparable à celle qui résulte de la détention à titre de propriétaire 116( * ) - viennent réduire le montant de la valeur ajoutée, ce qui peut leur permettre de bénéficier du dégrèvement, alors que l'amortissement qui serait pratiqué si le bien figurait à l'actif n'est pas déductible de cette valeur ajoutée.

La fiscalité n'est donc ici pas neutre puisqu'elle incite les entreprises à louer plutôt qu'à acquérir les biens qu'elles utilisent.

En revanche, les entreprises qui optent pour le crédit-bail ne peuvent déduire les loyers versés au crédit-bailleur de leur valeur ajoutée. En effet, lors de l'institution de la taxe professionnelle en 1975, le législateur a considéré que le crédit-bail devait être assimilé à un véritable investissement dans la mesure où un bien pris en crédit-bail est en principe destiné à entrer dans l'actif du preneur.

Un crédit-preneur se trouve donc dans la même situation qu'un propriétaire utilisateur au regard du calcul de la valeur ajoutée à la différence près que le crédit-bailleur peut déduire de sa valeur ajoutée les provisions et les amortissements afférents aux biens donnés en crédit-bail.

Fin 1996, le gouvernement a étendu ce principe aux locations pratiquées au sein d'un même groupe d'entreprises . Il s'agissait de lutter contre des dispositifs visant à optimiser le calcul de leur valeur ajoutée au regard de la taxe professionnelle. Ainsi, depuis la loi de finances pour 1997, une entreprise qui prend un bien en location chez une entreprise appartenant à un même groupe ne peut plus déduire les loyers qu'elle verse de sa valeur ajoutée. En contrepartie, et en vertu d'un amendement présenté par votre commission, l'entreprise bailleresse peut déduire de sa valeur ajoutée les provisions et les amortissements relatifs au bien mis en location.

Il faut également observer qu'un crédit-bailleur se trouve dans un situation plus favorable au regard du mode de calcul de la valeur ajoutée qu'un simple bailleur , ce dernier ne pouvant pas déduire de sa valeur ajoutée les provisions et amortissements qu'il effectue sur les biens qu'il donne en location, à l'inverse du premier. Cette injustice est particulièrement criante chez les professionnels de la location assujettis à la cotisation minimale en raison de leur faible cotisation de taxe professionnelle (celle-ci étant acquittée chez les preneurs des biens mis en location). En effet, leur valeur ajoutée est principalement constituée par les dotations aux amortissements des biens taxés chez les utilisateurs. Sans possibilité de limiter l'assiette de la cotisation minimale de taxe professionnelle, les professionnels de la location devraient donc subir de plein fouet l'augmentation de cette cotisation minimale prévue par le présent article et affronter la concurrence des sociétés de crédit-bail dans des conditions inéquitables.

Or, rien ne justifie l'inclusion des provisions et des amortissements pratiqués sur les biens mis en location dans la valeur ajoutée des entreprises de location longue durée dans la mesure où ils constituent des charges externes, directement facturés au client dans les loyers dont ils représentent l'essentiel du montant.

Pour rétablir l'égalité entre un locataire et un propriétaire utilisateur ou un crédit-preneur, le présent article propose d'exclure des charges externes déductibles les loyers afférents aux locations d'une durée de plus de six mois de biens mobiliers ou immobiliers .

En contrepartie, et pour rétablir l'équité entre un bailleur et un crédit-bailleur, le bailleur serait autorisé à déduire de sa valeur ajoutée les amortissements autres que les amortissements dérogatoires , se rapportant aux biens donnés en location, mais plus les provisions .

Les amortissements dérogatoires sont des amortissements constatés en complément de l'amortissement constatant la dépréciation du bien. Ils visent à encourager certains investissements. Ne seraient donc déductibles que les amortissements de droit commun qui ont pour objet de constater une dépréciation, c'est-à-dire les amortissements passés selon les modes linéaire ou dégressif en vertu du 2° du 1 de l'article 39 du CGI. La non-prise en compte des amortissements dérogatoires marquerait la légalisation d'une doctrine administrative qui pouvait prêter à discussion.

Il importe par ailleurs d'observer que les redevances résultant d'une convention de location-gérance ne pourront plus être déduites de la valeur ajoutée du locataire. Jusqu'à présent, les redevances versées au propriétaire par le gérant libre d'un fonds de commerce étaient déductibles dès lors qu'elles ne dissimulaient pas une cession du fonds. Il semblerait que la suppression de la déductibilité de cette charge résulte des difficultés de contrôle entre les éléments incorporels et les éléments corporels des redevances.

Cette réforme, qui revient à traiter selon les mêmes méthodes les biens loués et ceux acquis en fonds propres ou en crédit-bail, retire à la location l'atout que ce titre juridique représentait jusqu'à présent dans la stratégie de développement de l'entreprise confrontée à un impôt grevant l'investissement. Or, aujourd'hui, la location est le titre juridique prédominant dans le rattachement des biens à l'entreprise (parc informatique et bureautique, véhicules...).

Le gouvernement privilégie ici un principe d'équité en termes de conditions de concurrence plutôt qu'une stricte logique comptable. En effet, s'il est légitime d'exclure de la détermination de la valeur ajoutée les annuités afférentes aux biens pris en crédit-bail, dans la mesure où ils ont potentiellement vocation à être, à terme, acquis et donc immobilisés par l'entreprise, ce raisonnement est beaucoup moins robuste dans le cas des biens pris en location dont les loyers demeurent des charges.

Au total, en réglant un problème de distorsion de concurrence réel entre les crédit-bailleurs et les bailleurs, cette réforme du mode de calcul de la valeur ajoutée est pénalisante pour une très grande majorité des entreprises, tant au regard du dispositif de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée qu'au regard de la cotisation minimale de taxe professionnelle. Elle conduira à alourdir sensiblement l'impôt d'une très grande partie des redevables de la taxe professionnelle.

3. La pérennisation des taux de plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée


Les entreprises redevables de la taxe professionnelle bénéficient, à leur demande, d'un plafonnement de leurs cotisations par rapport à la valeur ajoutée qu'elles produisent.

La cotisation de taxe professionnelle versée en excédent de ce plafond donne lieu à un dégrèvement à la charge de l'Etat qui s'élève à 37 milliards de francs . L'Etat est ainsi le redevable d'une très grande partie de la taxe professionnelle.

Initialement fixé à 6 % pour les impositions établies au titre de 1979, le taux de ce plafonnement a ainsi été progressivement ramené à 3,5 % pour les impositions établies au titre de 1991.

Puis, la loi de finances pour 1995 a porté ce taux à 3,8 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 140 millions de francs et à 4 % pour celles dont le chiffre d'affaires excède 500 millions de francs. Elle a d'autre part limité à 500 millions de francs au lieu de un milliard le montant du dégrèvement susceptible d'être obtenu par une même entreprise. Elle a enfin gelé le taux d'imposition de la cotisation de référence à l'année 1995.

Enfin, l'article 16 de la loi de finances pour 1996 a reconduit ce dispositif pour trois ans. Il est codifié à l'article 1467 B sexies du CGI.

Aujourd'hui, le dégrèvement, plafonné à 500 millions de francs par entreprise, est égal à la différence entre :

- d'une part la cotisation de taxe professionnelle fictive (dite cotisation de référence) calculée en appliquant aux bases d'imposition de l'année le taux d'imposition de l'année 1995 ;

- et d'autre part, un pourcentage de la valeur ajoutée fixé à :

3,5 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année d'imposition est inférieur à 140 millions de francs ;

3,8 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année d'imposition est compris entre 140 millions et 500 millions de francs ;

4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 millions de francs.

En vertu de la loi de finances pour 1996, ce dispositif devait s'éteindre en 1999 et laisser la place à un taux de plafonnement unique de 3,5 % de la valeur ajoutée pour toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires.

Le présent article prévoit de pérenniser les taux différenciés selon le montant du chiffre d'affaires des entreprises ce qui devrait permettre de limiter le coût du dégrèvement pour les finances publiques.

En outre, en accroissant la valeur ajoutée des entreprises du montant des loyers qu'elles versent (et qu'elles déduisaient jusqu'à présent), la modification du mode de calcul de la valeur ajoutée prévue par le présent article devrait alourdir la cotisation de taxe professionnelle réellement payée par les entreprises au plafond, et donc atténuer le montant du dégrèvement versé par l'Etat aux entreprises.

En effet, comme l'indique le tableau ci-dessous, les entreprises soumises au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée constituent aujourd'hui près de 45 % des entreprises soumises au régime réel normal d'imposition et jusqu'à 57 % dans les secteurs de la production d'énergie, de biens intermédiaires ou de l'industrie agro-alimentaire.

Entreprises bénéficiant du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

Secteur d'activité


Nombre total d'entreprises

Nombre d'entreprises bénéficiaires du plafonnement

Entreprises bénéficiaires par rapport au secteur (en %)

Montant total du dégrèvement (en milliers de francs)

Agriculture, sylviculture

8.200

3.286

40,07

195.299

Industrie agricole et alimentaire

15.305

8.606

56,23

1.518.739

Production et distribution d'énergie

911

525

57,63

1.413.027

Industrie des biens intermédiaires

27.166

15.514

57,11

6.049.512

Industrie des biens d'équipements

18.268

8.077

44,21

5.382.820

Industrie des biens de consommation courante

31.269

15.840

50,08

2.468.313

Bâtiment, génie civil et agricole

56.597

19.612

34,65

1.443.163

Commerce

204.651

93.232

45,56

5.236.157

Transport et télécommunications

26.501

14.634

55,22

2.962.969

Services et organismes d'intérêt public

11.931

5.258

44,07

708.957

Activités immobilières

77.297

33.279

43,07

1.954.630

Assurances et organismes financiers

16.675

5.392

33,34

2.116.359

Autres services

140.892

60.801

43,15

5.333.684

Divers

10.302

2.751

26,97

398.109

Ensemble

646.225

286.807

44,38

37.301.737

(Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie)

Sauf à ce que la suppression progressive de la part " salaires " de leur taxe professionnelle les conduise à sortir du mécanisme de plafonnement, ces entreprises devraient donc voir leur charge fiscale s'accroître.

Le gouvernement n'ayant pas chiffré l'économie qu'il allait réaliser en modifiant le mode de calcul de la valeur ajoutée, on ne peut que se référer à la précédente réforme de cette valeur ajoutée mise en oeuvre par la loi de finances pour 1997. Or, lorsqu'en décembre 1996, le précédent gouvernement avait inclus les loyers dans la valeur ajoutée des entreprises louant des biens à des sociétés appartenant à un même groupe, il avait estimé qu'une telle mesure permettrait de réaliser une économie de 700 millions de francs en 1997, sur le montant du compte d'avances aux collectivités locales.

L'extension de ce nouveau mode de calcul de la valeur ajoutée à toutes les entreprises, quelles que soient les relations juridiques, financières ou économiques qui lient les entreprises, devrait donc logiquement induire une économie beaucoup plus substantielle .

4. La très forte augmentation du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle

Depuis 1996, les entreprises dont le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année précédant celle de l'imposition est supérieur à 50 millions de francs hors taxes, sont assujetties, au lieu de leur principal établissement, à une cotisation minimale égale à 0,35 % de la valeur ajoutée qu'elles ont produite au cours de la même période.

Dans le cas où la somme des cotisations mises en recouvrement (majorée des cotisations théoriques correspondant à certains abattements et exonérations et diminuée des dégrèvements) est inférieure à la cotisation minimale, l'entreprise est redevable d'un supplément d'imposition égal à la différence entre ces deux cotisations et perçu par l'Etat.

Toutefois, pour atténuer la charge des entreprises, le législateur a prévu en 1996 un dispositif transitoire : l'imposition minimale ne peut ainsi avoir pour effet de mettre à la charge de l'entreprise un supplément d'imposition excédant pour 1996, 1997 et 1998 respectivement deux fois et demie, trois fois et quatre fois la cotisation de référence ayant servi à déterminer le supplément d'impôt.

Les entreprises ne devraient donc être redevables de la totalité de la cotisation minimale qu'en 1999. C'est ce qui explique en partie le faible rendement de cette cotisation jusqu'à présent.

En effet, alors que le ministère de l'économie et des finances avait anticipé un rendement global de 400 millions de francs en 1996 pour un nombre d'entreprises assujetties de 1 137, le rendement effectif ne s'est élevé qu'à 50 millions de francs en 1996 et ne devrait s'établir qu'autour de 60 millions de francs en 1998.

C'est pourquoi le présent article propose de porter le taux de la cotisation minimale à 1,5 % de la valeur ajoutée en trois ans . Il serait fixé à 1 % pour 1999 et à 1,2 % en 2000.

Il faut cependant observer que le relèvement du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle de 0,35 % à 1 % de la valeur ajoutée en 1999 correspond à une augmentation de 185 % de la cotisation pour les entreprises. Cette progression sera en fait supérieure si l'on considère que le mécanisme du plafonnement de la cotisation minimale évoqué ci-dessus a conduit jusqu'à présent à contenir le montant de cotisation minimale réellement payé par les entreprises en deçà de 0,35 % et qu'il cessera de s'appliquer à compter de 1999.

Dans le rapport 117( * ) qu'il a remis au Parlement en décembre 1997 en application de l'article 98 de la loi de finances pour 1998 adopté à l'initiative du Sénat, le ministère de l'économie indiquait lui-même que " la suppression [du mécanisme de plafonnement] combinée avec un relèvement du taux de la cotisation conduirait à des ressauts d'imposition considérables. "

Il ajoute :  " Limitée à 1 % sans application d'une mesure de plafonnement, la cotisation minimale dégagerait un produit de l'ordre de 750 millions de francs. Dans ce cas, des transferts de charges affecteraient également les entreprises et les ressauts d'imposition seraient également très forts. "

On peut dès lors s'inquiéter de la hausse programmée par le présent article qui devrait peser sur les 504 entreprises actuellement assujetties à cette taxe et inclure dans le champ de la cotisation minimale près d'un millier d'entreprises nouvelles .

Sur le fondement du rapport de 1997, le gouvernement escompte une recette supplémentaire de 800 millions de francs en 1999.

Il semble cependant que ce chiffre ne tienne pas compte de l'impact du nouveau mode de calcul de la valeur ajoutée qui devrait accroître le montant de la cotisation minimale de taxe professionnelle acquittée par les entreprises autres que les sociétés de location et de crédit-bail.

5. L'accroissement progressif des taux de la cotisation de péréquation

Une cotisation de péréquation est due par les entreprises implantées dans les communes où le taux global de la taxe professionnelle (c'est-à-dire la somme des taux perçus au profit des collectivités locales et de leurs groupements dotés d'une fiscalité propre) est inférieur au taux global moyen constaté au plan national l'année précédente.

Elle est assise sur les bases nettes imposables à la taxe professionnelle de ces entreprises. Son taux est d'autant plus élevé que le taux global de taxe professionnelle de la commune est faible.

Actuellement, le taux de la cotisation est fixé à :

- 1,70 % dans les communes où le taux global communal de la taxe professionnelle est inférieur à la moitié du taux moyen national ;

- 1,25 % dans les communes où le taux global communal est compris entre la moitié et les trois quarts du taux moyen national ;

- 0,80 % dans les communes où le taux global communal est compris entre les trois quarts du taux moyen national et celui-ci.

Mais ces taux sont limités, le cas échéant, de sorte que la somme du taux global communal et du taux de la cotisation de péréquation n'excède pas :

- dans le premier cas, la moitié du taux moyen national majorée de 1,25 points ;

- dans le deuxième cas, les trois quarts du taux moyen national majorés de 0,8 point ;

- dans le troisième cas, le taux moyen national.

Le présent article prévoit un doublement des taux de la cotisation sur une période de cinq ans. Les nouveaux taux seraient fixés comme suit :



Selon le gouvernement, le produit total de la cotisation de péréquation passerait de 3,5 milliards de francs en 1997 à 4,4 milliards de francs en 1999 et pourrait atteindre 4,7 milliards de francs en 2003.

Le relèvement des taux fournirait donc une recette supplémentaire de 900 millions de francs en 1999.

C. LES MESURES D'AMÉNAGEMENT

1. L'adaptation des seuils de bases exonérées dans les zones urbaines et en Corse


Les établissements situés dans les zones urbaines en difficulté et dans la zone franche de Corse bénéficient d'une exonération de taxe professionnelle à hauteur d'un plafond de bases nettes imposables fixé à :

- un million de francs en 1992 pour les zones urbaines sensibles (ZUS) et les zones de redynamisation urbaine (ZRU), ce seuil étant réduit de moitié pour les établissements existants en 1997 dans les ZRU ;

- 3 millions de francs en 1997 dans les zones franches urbaines (ZFU) et dans la zone franche de Corse.

Ces plafonds sont actualisés chaque année en fonction de l'inflation. Pour les impositions établies en 1998, les plafonds d'exonération atteignent 1 129 000 francs et 3 057 000 francs respectivement.

La suppression progressive de la part salaires de l'assiette de taxe professionnelle se traduira par une réduction à due concurrence de la base d'imposition des établissements concernés.

Le présent article prévoit donc de réduire chaque année les plafonds de bases exonérées. Les nouvelles limites seraient fixées par la loi en valeur absolue et actualisées au prorata de la diminution de la part salaires dans les bases totales de taxe professionnelle.

Au terme de la réforme en 2003, les plafonds seraient ainsi ramenés à 745 000 francs et 2 010 000 francs respectivement.

2. La correction des dispositions relatives aux taxes spéciales d'équipement et aux contributions fiscalisées des communes aux syndicats de communes

A l'heure actuelle, les produits des taxes spéciales d'équipement sur les impôts des ménages perçues au profit d'un certain nombre d'établissements d'aménagement 118( * ) , sont répartis entre les taxes foncières, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l'année précédente à l'ensemble des communes et de leurs groupements situés dans le ressort de ces établissements.

Si l'on ne procédait pas à une correction, la réduction de la taxe professionnelle reporterait sur les impôts des ménages une partie de la charge de ces taxes. Il est donc prévu de prendre en compte la compensation afin de ne pas déséquilibrer le poids relatif de la taxe professionnelle dans les recettes servant à la répartition des produits des taxes spéciales d'équipement.

Une correction identique est pratiquée pour calculer les contributions fiscalisées des communes aux syndicats de communes.

3. L'absence de prise en compte de la diminution des bases de taxe professionnelle dans l'application de mécanismes de solidarité

Une des dispositions du présent article prévoit logiquement de ne pas tenir compte de la diminution des bases de taxe professionnelle pour l'application de deux mécanismes de solidarité :

- le dégrèvement spécial de taxe professionnelle en faveur des redevables dont les bases d'imposition ont diminué entre l'année servant de référence pour l'imposition et l'année précédent l'année d'imposition (article 1647 bis du CGI) ;

- le versement de la seconde fraction du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) entre, d'une part, les communes enregistrant d'une année sur l'autre une perte importante de bases d'imposition à la taxe professionnelle et, d'autre part, les communes qui connaissent des difficultés financières graves en raison d'une baisse, sur une ou plusieurs années, de leurs bases d'imposition à la taxe professionnelle (article 1648 B du CGI).

4. La baisse de l'abattement sur les bases d'imposition de La Poste

En raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent à cet exploitant, les bases d'imposition de La Poste font l'objet d'un abattement égal à 85 % de leur montant (article 1635 sexies du CGI).

La Poste a ainsi acquitté 283 millions de francs de taxe professionnelle en 1997 et devrait acquitter un montant de 294 millions de francs en 1998. Cela représentait 0,4 % de sa valeur ajoutée en 1997.

La suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle conjuguée au relèvement du taux de la cotisation minimale et à des modalités de calcul de la valeur ajoutée moins favorables devrait avoir pour effet de réduire le montant de la cotisation calculée dans les conditions du droit commun et pour conséquence de soumettre La Poste à la cotisation minimale.

Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale chiffre les suppléments d'imposition qui en résulteraient à 424 millions de francs en 1999 (avec un taux de cotisation minimale fixé à 1 % de la VA), 566 millions de francs en 2000 (avec un taux de 1,2 %), 772 millions de francs pour 2001 et 2002 (avec un taux de 1,5 %) et près de 1 milliards de francs à compter de 2003.

En conséquence, le présent article prévoit de faire bénéficier le montant de la valeur ajoutée retenu pour le calcul de la cotisation minimale d'un abattement de 70 %. Une telle disposition permettrait de contenir la progression de la taxe professionnelle due par l'exploitant public puisqu'il devrait acquitter en 2003 environ 75 millions de francs au titre de la cotisation de taxe professionnelle et 245 millions de francs au titre de la cotisation minimale, soit un total de 320 millions de francs, ce qui représenterait 0,45 % de sa valeur ajoutée.

II. UN ALLÉGEMENT OPPORTUN MAIS QUI SERA INÉGALEMENT PARTAGÉ ET DONT LES EFFETS SUR L'EMPLOI RISQUENT D'ÊTRE MODESTES

S'il convient de se réjouir d'une mesure qui met fin à l'un des reproches traditionnellement adressés à la taxe professionnelle 119( * ) , le dispositif proposé par le gouvernement prévoit toutefois plusieurs dispositions destinées à en limiter le coût pour l'Etat qui devraient se traduire, dans un premier temps, par un alourdissement du prélèvement fiscal d'un certain nombre d'entreprises et par des transferts de charge importants sur certains secteurs de l'économie.

Par ailleurs, si la suppression de la part des salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle peut s'apparenter à une baisse uniforme des cotisations sociales employeurs, cette mesure est toutefois moins efficace en termes de création d'emplois que des allégements de charges ciblés sur les bas salaires.

A. UNE RÉFORME DISCRIMINATOIRE

1. Une réforme qui accentue le hiatus entre les petites entreprises et les grandes sociétés


La présente réforme est fondée sur le postulat selon lequel ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent des emplois et non les grandes. Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale indique ainsi que les entreprises de moins de 200 salariés ont créé 1 300 000 emplois depuis 1981 alors que les entreprises de plus de 200 salariés en ont supprimé plus d'un million.

En conséquence, le gouvernement a privilégié le principe d'abattements sur la part salariale de la taxe professionnelle plutôt que celui d'une réduction proportionnelle et progressive de cette base sur cinq ans qui aurait mis toutes les entreprises sur un pied d'égalité.

Ainsi, l'abattement de 100 000 F prévu en 1999 sur la fraction imposable des salaires correspond à une masse salariale de 555 000 F en valeur absolue (100 000 x 18 %), soit la masse salariale d'une PME de six personnes payées au SMIC.

La deuxième année, l'abattement de 300 000 F correspond à une masse salariale de 1,6 million de francs, soit la masse salariale d'une PME de 20 personnes payées au SMIC.

La troisième année, l'abattement de 1 000 000 F correspond à une masse salariale de 5,5 millions de francs, soit la masse salariale d'une PME de 68 personnes payées au SMIC.

Enfin, la quatrième année, l'abattement de 6 millions de francs correspond à une masse salariale de 33,3 millions de francs soit la masse salariale d'une PME de 408 personnes payées au SMIC.

Au total, la baisse de l'impôt sera en moyenne de 40 % dans les entreprises de moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et seulement de 25 % dans celles de plus de 500 millions de francs.

Toutefois, s'il se fonde sur un postulat que nul ne peut remettre en cause, le gouvernement omet de s'interroger sur les raisons qui conduisent les grandes entreprises à débaucher. Votre rapporteur estime pour sa part qu'une telle tendance n'est pas sans lien avec les contraintes sociales et fiscales qui lestent les grandes entreprises dans la compétition internationale.

Selon les statistiques de l'INSEE, 52 % des exportations sont en effet réalisées par les 1 960 entreprises de plus de 500 salariés qui représentent 10 % des salariés. Or, loin d'alléger leurs charges sociales et fiscales pour accroître leur compétitivité, le gouvernement cible sur ces entreprises un certain nombre des mesures destinées à financer la réforme de la taxe professionnelle.

Rappelons ainsi que la cotisation minimale de taxe professionnelle ne touche que les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et que cette taxe devrait tripler en 1999 pour atteindre un rendement estimé à 860 millions de francs (sans compter le supplément d'impôt que devrait engendrer la modification du mode de calcul de la valeur ajoutée). La cotisation devrait être multipliée par 4,3 d'ici 2001.

Le rapport du gouvernement remis au Parlement en application de l'article 98 de la loi de finances pour 1997 montre ainsi que le relèvement du taux de la cotisation minimale de 0,35 à 1,5 % de la valeur ajoutée aurait pour conséquence un triplement du nombre d'entreprises concernées (1 576) et un relèvement de leurs contributions de 50,2 millions de francs aujourd'hui à 525,7 millions de francs, soit une cotisation de 397 000 francs par entreprise. (contre 121 000 F au taux de cotisation actuel).

Les entreprises de plus de 500 millions de francs de chiffre d'affaires seraient les plus pénalisées puisque leur cotisation moyenne passerait de 508 000 francs à 2,42 millions de francs. Elles seraient 118 de plus à acquitter la taxe.

Le tableau ci-après retrace la simulation du gouvernement.



Votre rapporteur considère que de tels ressauts de taxes sont excessifs alors même qu'en l'absence de simulations sur le nouveau mode de calcul de la valeur ajoutée, ils sous-estiment probablement l'impact réel d'une telle réforme. Il vous proposera en conséquence un amendement tendant à rendre plus progressive l'augmentation de la cotisation minimale de taxe professionnelle .

En outre, si l'augmentation de la cotisation minimale n'est pas illégitime en soi dans la mesure où près de la moitié des entreprises acquittent une cotisation de plus de 3,5 % de leur valeur ajoutée, il faut cependant observer que les secteurs sur lesquels elle pèse (banques et assurances notamment) supportent d'autres charges (contribution des institutions financières, taxe sur les salaires) et qu'il serait en conséquence logique de les en dispenser.

On observera enfin qu'à partir de 2000, la baisse des cotisations de taxe professionnelle se traduira par une augmentation de l'impôt sur les sociétés puisqu'en application de l'article 39 du CGI, la taxe professionnelle est déductible du bénéfice imposable. Un tiers des cotisations allégées devrait donc être récupéré par le biais de cet impôt. Or, là encore, ce sont les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires qui seront sollicitées en priorité puisqu'elles sont assujetties à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun alors que les entreprises de moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires acquittent l'impôt sur les sociétés au taux de 19 %.

2. Des transferts de charge entre secteurs d'activité

Le tableau ci-après retrace l'impact de la réforme de la taxe professionnelle par secteur d'activité.

Baisse de la taxe professionnelle à l'issue de la réforme, par secteur d'activité

(En %)

Services et organismes d'intérêt public

55,2

Assurances et organismes financiers

50,2

Bâtiment, génie civil et agricole

49,3

Autres services

48,4

Commerce

43,2

Activités immobilières 37,5

37,5

Industries et biens de consommation courante

33,8

Industrie et biens d'équipement

30,3

Agriculture

25,8

Transport et communications

25,5

Industries alimentaires et agricoles

24

Industries et biens intermédiaires

23

Production et distribution d'énergie

13,6

Divers

38,2

(Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie)

On constate que le bénéfice de la réforme sera inégalement partagé entre secteurs puisque le secteur de la production et de la distribution d'énergie bénéficiera d'un allégement de taxe professionnelle de 13,6 % seulement contre près de 50 % pour d'autres secteurs tels les services et les organismes d'intérêt public, les assurances et les organismes financiers, le bâtiment ou le génie civil et agricole.

En outre, ce tableau ne prend pas en compte les hausses de cotisation qui résulteront des mesures de financement de la présente réforme (suppression de la réduction pour embauche et investissement et hausse de la cotisation minimale notamment) qui toucheront inégalement les entreprises.

Ainsi, les institutions financières (sociétés d'assurance et banques) devraient subir de plein fouet d'une part, l'augmentation de la cotisation minimale de taxe professionnelle et, d'autre part, par le relèvement de la valeur ajoutée sur laquelle est assise cette cotisation résultant de l'intégration des loyers.

Par ailleurs, les entreprises fortement capitalistiques seront pénalisées par la suppression de la réduction pour embauche et investissement.

Enfin, les entreprises qui recourent largement à la location pour un certain nombre de leurs biens devraient pâtir de l'intégration des loyers dans leur valeur ajoutée.

Au total, selon les informations transmises à votre rapporteur par le service des études du Sénat, le dispositif devrait se traduire par :

- un gain significatif pour les petites entreprises ;

- un gain plus réduit pour certaines entreprises moyennes ou grandes dans les secteurs les plus intensifs en emploi ;

- une perte légère pour les entreprises hautement capitalistiques en expansion ;

- une perte significative pour les banques et les assurances.

3. Une réforme en trompe l'oeil

Les quelques exemples ci-après illustrent l'impact de la réforme de la taxe professionnelle et de ses mesures de financement sur trois entreprises. Ils montrent ainsi, dans les trois cas de figures étudiés, que la réforme se traduira par une augmentation de la cotisation de taxe professionnelle finalement payée par les entreprises , soit par le biais de la hausse de la cotisation minimale de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée, soit par le biais de l'accroissement de la valeur ajoutée prise en compte pour le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.

La principale conséquence de la réforme serait donc d'accroître la part des entreprises qui acquittent leur taxe professionnelle sur une assiette valeur ajoutée.

Les simulations ont été effectuées à taux d'imposition constants.

Cas d'une société de services dans laquelle les salaires représentent 60 % de l'assiette de la taxe professionnelle et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs .

Son seul établissement emploie plus de 100 salariés pour une masse salariale totale de 25 millions de francs, soit une assiette salaire de 4,5 millions de francs.

Sa cotisation de taxe professionnelle s'élève à 1,2 million de francs avant la réforme (pour un taux d'imposition de 16 %) et sa valeur ajoutée s'établit à 53 millions de francs.

Le taux global d'imposition constaté dans la commune où elle est implantée étant inférieur au taux global national, cette société est soumise à la cotisation de péréquation.

La croissance annuelle moyenne des bases de cette société est de l'ordre de 4 %. Sa valeur ajoutée croît de 5 % par an.

1 ère année de la réforme (1999) :

L'abattement sur les salaires procure un allégement d'impôt de :

100 000 x 16 % = 16 000 F

La société est touchée par la suppression de la REI et la majoration de la cotisation de péréquation.

En effet, sa base brute étant en hausse de 300 000 F (7,8 MF contre 7,5 MF en 1998) la diminution de la REI à 25 % de l'augmentation des bases, induit une perte de 12 000 F sur les calculs réalisés par la société.

La majoration de la cotisation de péréquation s'élève à 37 000 F.

Charge fiscale supplémentaire :

Cotisation de péréquation + 37 000 F

Réduction de la REI + 12 000 F

Abattement salaire - 16 000 F

Solde  + 33 000 F

(soit + 2,64 % par rapport à la cotisation normalement exigible en 1999).

2ème année (2000) :

Charge fiscale supplémentaire :

Cotisation de péréquation + 38 000 F

Suppression totale de la REI + 25 000 F

Abattement salaire - 48 000 F

Solde  + 15 000 F

(soit + 1,11 % par rapport à la cotisation normalement exigible en 2000)

3 ème année (2001):

Allégement de charge :

Cotisation de péréquation + 53 000 F

Suppression totale de la REI + 9 600 F

Abattement salaire - 160 000 F

Solde  - 94 400 F

(soit un allégement de 7 % par rapport à la cotisation normalement exigible en 2001)

Toutefois, la société est susceptible d'être soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle. Dans l'hypothèse où sa valeur ajoutée croît de 5 % par an, elle s'élèvera à 92 millions de francs en 2001 et la cotisation minimale de TP s'établira à 1,39 millions de francs (au taux de 1,5 %), ce qui représente un supplément de cotisation de 3 % par rapport à la cotisation normalement due.

4 ème année (2002) :

Allégement de charge :

Cotisation de péréquation + 24 000 F

Abattement salaire - 842 000 F

Solde  - 818 000 F

(soit un allégement de 58 % par rapport à la cotisation normalement exigible).

Cotisation minimale de taxe professionnelle 1,46 MF

Bilan : supplément de cotisation de 4 %

5 ème année (2003) :

Allégement de charge :

Cotisation de péréquation + 27 200 F

Abattement salaire - 1 880 000 F

Solde  - 1 852 800 F

(soit un allégement de 76 % par rapport à la cotisation normalement exigible)

Cotisation minimale de taxe professionnelle 1,53 MF

Bilan : supplément de cotisation de 5 %

Cas d'une société de services de 13 salariés dont les salaires représentent 56 % de l'assiette imposable et qui réalise un chiffre d'affaires de 45 millions de francs.


Masse salariale : 2,9 millions de francs soit une assiette salaires de 522 000 F

Taux moyen d'imposition : 21 %

Valeur ajoutée : 40 millions de francs

Cotisation de taxe professionnelle 1998 : 195 750 F

1999 : Allégement de cotisation de 21 000 F soit - 10 % par rapport à 1998

2000 : Allégement de cotisation de 42 000 F soit - 26 % par rapport à 1998

A partir de 2001 , la société n'est plus imposable sur ses salaires. Sa cotisation est de : 410 000 F (assiette immobilisations) x 21 % = 86 100 F

(soit une réduction de 56 % par rapport à 1998).

Mais si son chiffre d'affaires progresse au delà de 50 millions de francs, la société sera soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle soit un supplément d'impôt de 393 900 F en 2000 (avec un taux de 1,2 % de la valeur ajoutée), soit un total de 480 000 F d'impôt.

Bilan : supplément d'impôt de + 457 %.

Cas d'une entreprise industrielle de 160 salariés dont les salaires représentent 22 % de l'assiette imposable de TP et qui bénéficie du plafonnement de sa cotisation de taxe professionnelle en fonction de sa valeur ajoutée.

Progression des bases brutes de 8 % par an

Progression de la valeur ajoutée de 5 % par an

Montant des loyers payés à des tiers : 6,5 millions de francs

Taux moyen d'imposition : 19 %

Cotisation de taxe professionnelle 1998 : 8,35 millions de F (plafonnée à 3,8 % de la valeur ajoutée).

1999 : Charge fiscale théorique supplémentaire

Cotisation de péréquation + 224 000 F

Réduction de la REI + 247 000 F

Abattement salaire - 57 000 F

Solde  + 414 000 F

Mais dans la mesure où la cotisation de cette société est plafonnée à 3,8 % de la valeur ajoutée produite, l'allégement de la part salariale de la TP et ses mesures de financement n'ont pas d'incidence.

Cependant, l'intégration des loyers dans la valeur ajoutée de la société conduit à une majoration de cette valeur ajoutée de 6,5 millions de francs et donc à une majoration de sa cotisation de taxe professionnelle de :

6 500 000 x 3,8 % = 247 000 F

Bilan : supplément d'impôt de 3 %.

La situation est identique pour les années suivantes.

4. Une réforme qui oublie les professions libérales

En vertu de l'article 1467 du CGI, les titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) employant moins de cinq salariés, soit la très grande majorité des professionnels libéraux, sont soumis à la taxe professionnelle sur une base comprenant, d'une part, la valeur locative des seules immobilisations passibles des taxes foncières dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle, et, d'autre part, 10 % des recettes.

Dans la mesure où leur taxe professionnelle n'est pas assise sur les salaires, ils ne bénéficieront pas de la suppression progressive de cette part de l'assiette de la taxe professionnelle alors même qu'ils seront mis à contribution pour financer une telle mesure par l'intermédiaire de la suppression de la REI ou du doublement de la cotisation de péréquation.

On peut s'étonner d'une telle exclusion au regard de l'équité fiscale.

Votre commission vous proposera donc un amendement tendant à leur faire bénéficier de la réforme par le biais d'un abattement sur la fraction des recettes prise en compte dans leurs bases de taxe professionnelle.

B. LA PRÉSENTE RÉFORME PÉNALISE LES INVESTISSEMENTS ET N'EST PAS L'INSTRUMENT LE PLUS EFFICACE POUR PROMOUVOIR L'EMPLOI

1. Les investissements sont pénalisés


La présente réforme vise à promouvoir l'emploi. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a opté pour une réduction progressive de la part salariale de la taxe professionnelle plutôt que pour une réduction de la part investissements.

Or, la part de la masse salariale dans les bases de taxe professionnelle a constamment diminué depuis 1984 comme l'indique l'excellent rapport de notre collègue Joël Bourdin sur les finances des collectivités locales en 1998. Elle est ainsi passée de 45 % en 1984 à 38,1 % en 1996 puis à 33,9 % en 1996.

Le tableau ci-après montre à l'inverse la croissance de la part " valeur locative des matériels et outillages " dans l'assiette de cette taxe depuis 1991.



L'évolution du stock de valeur locative est en effet plus inerte que celle de la masse salariale en période de crise.

Les investissements réalisés par les entreprises resteront donc pénalisés.

En outre, le gouvernement propose de supprimer la réduction pour embauche et investissement dans un délai de deux ans, ce qui dissuadera encore plus les entreprises d'investir.

On notera d'ailleurs que cette réforme est rétroactive puisqu'elle portera en 1999 sur des investissements réalisés en 1997 et en 2000 sur des investissements réalisés en 1998. En effet, compte tenu du décalage de deux ans pour l'imposition à la taxe professionnelle, une entreprise qui aurait investi en 1997 et en 1998 dans l'espoir de bénéficier de la REI à 50 % ne disposera en 1999 que de la moitié de l'avantage qu'elle avait pris en compte dans ses calculs de rentabilité et d'aucune réduction en 2000.

Votre commission vous proposera de pérenniser la réduction pour embauche et investissement à un taux de 25 %.

2. La réduction de la taxe professionnelle n'est pas l'outil le plus efficace pour réduire le coût du travail


Comme le souligne le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale 120( * ) , le Conseil des impôts estime que la réduction de la taxe professionnelle n'est pas le vecteur le plus efficace pour réduire le coût du travail dans la mesure où, lorsque le travail doit supporter 100 francs de charge fiscale et sociale, à peine 2 francs relèvent de la taxe professionnelle. Le Conseil considère en conséquence que la réduction de la part salariale de la base d'imposition à la taxe professionnelle ne constitue pas un instrument efficace de la politique de l'emploi.

Au total, la présente réforme apparaît plutôt favorable à un enrichissement du contenu en emplois de la croissance, mais dans une proportion modeste au regard des effets potentiels d'un allégement des cotisations salariales en partie compensé par une hausse des prélèvements sur les entreprises, comme la cotisation valeur ajoutée ou l'impôt sur les sociétés.

III. LES CONSÉQUENCES DE LA SUPPRESSION DE LA PART SALAIRE SUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

A. LES MODALITÉS DE LA COMPENSATION PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT


Le C de l'article 29 du projet de loi de finances pour 1999 met en place un dispositif destiné " à compenser (...) la perte de recette résultant de la suppression progressive (...) de la part des salaires et rémunérations (...) comprise dans la base d'imposition à la taxe professionnelle ."

La perte de recette en 1999 pour les collectivités locales est estimée à 11,8 milliards de francs par le projet de loi de finances.

1. La création d'un nouveau prélèvement sur recettes

Les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales prennent soit la forme de subventions budgétaires inscrites au budget du ministère de l'intérieur, soit de prélèvements sur recettes.

Le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités locales créé par le présent article est le dixième. Son montant proposé pour 1999 est de 11,8 milliards de francs, soit 6,7 % du total.

Les prélèvements sur recettes de l'Etat au profit des collectivités locales
dans le PLF 99

- DGF

- Produit des amendes de police

- Dotation spéciale pour le logement des instituteurs

- FNPTP

- DCTP

- FCTVA

- Compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale

- Dotation élu local

- Collectivité territoriale et département de Corse

- Compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle

Total

109.788

2.000

2.601

3.381

13.587

20.500

11.990

273

100

11.800

176.023

2. Le calcul de la compensation

Le II du C de l'article 29 distingue la compensation pendant la période transitoire, s'étalant de 1999 à 2003, de la compensation définitive, qui entrera en vigueur en 2003, lorsque la part salaire aura été totalement supprimée.

a) La compensation entre 1999 et 2003

Pour la période s'étalant de 1999 à 2003, le montant de la compensation sera obtenu en multipliant la perte de base de l'année par les taux applicables en 1998.

L'article 29 gèle les bases salaires à leur niveau de 1999, si bien que la perte de base prise en compte dans le calcul de la compensation est la différence entre les bases nettes imposables en 1999 et les bases de cette même année 1999 après application de l'abattement prévu par le b du I du A du présent article 29.

Par conséquent, le dispositif proposé par le gouvernement ne permet une compensation au franc le franc des pertes de recettes des collectivités locales que pour l'année 1999 .

Entre 2000 et 2003, les taux applicables resteront ceux de 1998 et les bases de référence celles de 1999. Le montant de la compensation obtenu sera néanmoins revalorisé : il sera indexé sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement entre 1999 et l'année de versement.

b) La compensation à partir de 2004

Le dernier alinéa du II du C évoque les modalités de la compensation à compter de 2004 en indiquant que " cette compensation est intégrée à la dotation globale de fonctionnement et évolue comme cette dernière ".

Cette rédaction est imprécise . En effet, il n'est pas précisé comment le montant qui sera intégré à la DGF en 2004 (celui de 2003 actualisé en tenant compte de l'indice de la DGF) sera réparti entre les collectivités.

Pendant la période transitoire, la compensation dont bénéficient les collectivités locales n'est pas une compensation au franc le franc, mais elle est tout de même "personnalisée" : le montant versé à une collectivité est obtenu à partir des bases imposables de cette collectivité en 1999.

En revanche, lorsque la compensation sera intégrée à la DGF, on peut penser qu'elle sera fondue dans la masse des crédits de cette dotation et répartie selon les critères péréquateurs qui la régissent . Si tel était le cas, la compensation reçue par chaque collectivité serait donc, d'une part, indirecte car effectuée par le truchement de la DGF et, d'autre part, entièrement déconnectée de ses bases imposables, même périmées.

Un tel cas de figure serait d'autant plus gênant que les régions ne perçoivent pas de dotation globale de fonctionnement 121( * ) . Il faudrait alors mettre en place un dispositif de compensation spécifique pour cette catégorie de collectivité.

3. Les bénéficiaires de la compensation

L'article 29 prévoit que la compensation ainsi définie bénéficie " à chaque collectivité locale, groupement de communes doté d'une fiscalité propre ou fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle ".

Le II du C prévoit également deux dispositions spécifiques aux structures intercommunales, destinées à remédier à certaines difficultés liées au gel des taux à leur niveau de 1998 :

- pour les communes qui, en 1998, appartenaient à un groupement sans fiscalité propre, le taux voté par la commune est majoré du taux appliqué au profit du groupement pour 1998 ;

- pour les groupements qui perçoivent une taxe professionnelle pour la première fois en 1999 (en lieu et place des communes), la compensation est calculée en retenant le taux moyen pondéré des communes membres du groupement constaté en 1998 et éventuellement majoré pour prendre en compte les taux précédemment appliqués dans chaque commune au profit du groupement.

4. Les dispositions de conséquence

- Le 1 du I du B du présent article dispose que la diminution des bases d'imposition des redevables de la taxe professionnelle liée à la suppression de la part salaire ne leur permet pas, contrairement aux autres diminutions de bases d'imposition, de bénéficier, sur leur demande, d'un dégrèvement correspondant à la différence entre les bases de l'avant dernière année et celles de la dernière année précédant l'année d'imposition.

- Le 2 du I du B dispose que la suppression de la part salaire de l'assiette de la taxe professionnelle ne constitue pas un motif d'éligibilité à la première part et à la part résiduelle de la seconde fraction du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).

La première part de la seconde fraction du FNPTP organise une compensation " aux communes qui enregistrent d'une année sur l'autre une perte importante de bases d'imposition à la taxe professionnelle ". La part résiduelle de la seconde fraction du FNPTP est versée " aux communes qui connaissent des difficultés financières graves en raison d'une baisse, sur une ou plusieurs années, de leurs bases d'imposition à la taxe professionnelle ".

- Le II du B dispose que le produit de la majoration de la cotisation de péréquation , prévue au IX du A, est reversé au budget général via le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).

L'article 1646 A bis du code général des impôts stipule en effet que le produit de la cotisation de péréquation est une ressource du FNPTP. Toutefois, si le produit attendu de la majoration de cette cotisation, estimé à 900 millions de francs, devait être maintenu dans le FNPTP, qui fait partie de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui est la variable d'ajustement de l'enveloppe normée, en serait réduit d'autant 122( * ) .

Une telle configuration n'est pas souhaitable car, d'une part, la DCTP subit déjà une réduction importante de son montant et, d'autre part, cette dotation bénéficie à l'ensemble des collectivités qui perçoivent une taxe professionnelle, tandis que le fonds de péréquation de la taxe professionnelle est réservé aux seules communes répondant aux critères d'éligibilité.

- Le VI du A modifie l'article 1636 B octies du code général des impôts, qui organise la répartition des produits des taxes spéciales d'équipement perçues par certains établissement publics 123( * ) entre les taxes foncières, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procuré l'année précédente à l'ensemble des communes et de leurs groupements situés dans le ressort de ces établissements.

Le 1 du VI du A précise que les recettes de chacun des impôts locaux précités s'entendent non seulement des recettes figurant dans les rôles généraux, mais également de la compensation versée aux collectivités locales en application des dispositions du présent article 29.

Le 2 du VI du A indique que, dans les communes concernées, le produit fiscal à recouvrer au profit d'un syndicat de communes est prélevé sur le produit de chacune des impositions locales, mais également sur la compensation versée en raison de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle.

B. LES LIMITES DU DISPOSITIF PROPOSÉ

La suppression de la part salaire de l'assiette de la taxe professionnelle constitue un allégement des charges pesant sur les entreprises. Sous ce seul angle, elle n'est pas critiquable.

La suppression de la part - environ 35% - des salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle s'apparente en effet à une baisse uniforme des cotisations sociales employeurs. Il s'agit donc d'une mesure favorable à l'emploi. Toutefois, des allégements de charges ciblés sur les bas salaires auraient sans doute été plus efficaces en termes de création d'emploi.

Au total, l'impact effectif du dispositif sur l'emploi dépendra toutefois largement de son impact psychologique sur les entrepreneurs :

- d'un côté, la réforme réduirait un impôt complexe et fortement critiqué, ce qui serait plutôt de nature à nourrir des anticipations favorables ;

- de l'autre, la réforme est elle-même peu lisible, ce qui paraît peu propice à engager un redéploiement du tissu productif favorable à l'emploi. En outre, la taxe professionnelle serait désormais assise sur les seules immobilisations des entreprises, c'est-à-dire les investissements, ce qui constitue un signal peu favorable aux investissements étrangers. Enfin, la réforme serait peu incitative aux créations d'emplois , en raison de la suppression de la réduction pour embauche, d'une part ; de ce que les nouveaux établissements bénéficient déjà le plus souvent d'exonérations de taxe professionnelle, d'autre part.

Le caractère incertain des conséquences de la réforme sur le niveau de l'emploi conduit à s'interroger sur la pertinence des contraintes imposées par la réforme aux collectivités locales :

1. La transformation d'un impôt local en subvention budgétaire n'est pas une bonne chose

La suppression de la part salaire de la taxe professionnelle conduit à retirer aux collectivité locales leur pouvoir fiscal sur le tiers d'un impôt dont le produit représente la moitié des ressources fiscales des collectivités locales, donc sur un sixième de leur pouvoir fiscal .

Cette évolution est regrettable car :

L'autonomie fiscale des collectivités locales est remise en cause

L'article 34 de la Constitution dispose que c'est la loi qui détermine les principes fondamentaux de " la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ". Dès lors, il appartient au Parlement, et au Sénat, " maison des collectivités locales ", en particulier, de veiller à ce que la loi permette aux collectivités locales de s'administrer librement, en s'assurant que leurs ressources leur permettent d'exercer librement leurs compétences.

Le Conseil constitutionnel 124( * ) a souligné l'importance du pouvoir fiscal des collectivités locales au regard du principe de libre administration en précisant que " les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour conséquence de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ", prévue à l'article 72 de la Constitution.

Dès lors, il appartient à chacun de juger si la suppression d'un sixième de leur pouvoir fiscal par les dispositions du présent article 29 constitue une atteinte à l'autonomie des collectivités locales.

Le graphique ci-dessous, établi par l'OCDE en 1997, alimente utilement la réflexion sur ce point. Il témoigne du degré de décentralisation relativement faible de notre pays et montre que la part des dépenses locales dans les dépenses publiques de la France est supérieure à la part du produit de la fiscalité locale dans les recettes fiscales totales. La suppression de la part salaire de la taxe professionnelle ne devrait pas contribuer à résorber ce déséquilibre.

Les ratios financiers de la décentralisation dans les pays de l'OCDE (1995)

0,80-

0,70-

0,60-

0,50-

0,40-

0,30-

0,20-

0,10-

Décentralisation des impôts

 
 
 
 
 

Décentralisation des dépenses : dépenses des gouvernements locaux/dépenses de l'Etat et des gouvernements locaux

Japon

Suède

Canada



All.

EUA

Suisse

Décentralisation des impôts : impôts locaux/Impôts nationaux et locaux (hors sécurité sociale

Aust


Finl.

Autri.

Norvège

Islande Espa.

Danemark

La distance d'un point à la droite équidistante reflète le déséquilibre entre le montant de dépenses locales et le montant de recettes fiscales locales.

UK

Port.

Grèce

France

Italie

Pays-B.

Irlande

Plus cette distance est importante plus les transferts de l'Etat central dans les ressources locales sont importants.

0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70

Décentralisation des dépenses

Source : OCDE

La dépendance financière n'incite pas au dynamisme économique

La réforme de la taxe professionnelle va accroître la part des concours de l'Etat dans les ressources totales des collectivités, qui, en ajoutant les compensations et dégrèvements versés par l'Etat aux dotations traditionnelles, représente déjà, avant la réforme, environ 55% des ressources des collectivités locales.

La tendance au remplacement des impôts locaux par des concours budgétaire, plusieurs fois constatée dans le projet de loi de finances pour 1999, est regrettable, notamment dans le cas de la taxe professionnelle. En effet, il est nécessaire qu'un lien fiscal fort unisse les collectivités locales à leur tissu économique . Ainsi, les collectivités qui se livrent à des investissements coûteux pour attirer les entreprises doivent pouvoir être récompensées par un produit fiscal accru.

Plus généralement, il est nécessaire de développer les interactions entre les collectivités locales et les entreprises installées sur leur territoire, car elles ont des intérêts communs : les collectivités bénéficient des emplois créés et les entreprises des services qui leur sont fournis.

En somme, la transformation d'une ressource fiscale locale en concours budgétaire témoigne d'une conception contre-productive du rôle des collectivités locales en tant qu'acteurs économiques , qu'il est intéressant d'analyser à la lumière des considérations suivantes, tirées d'un document de l'OCDE 125( * ) :


" La responsabilisation des collectivités locales - Dans un contexte décentralisé, les niveaux d'administration locaux doivent financer leurs actions par des ressources locales, et essentiellement fiscales. L'obligation de maintenir ou d'augmenter la base fiscale est une forme d'incitation à la mobilisation locale en faveur du développement économique. Des attitudes malthusiennes des collectivités locales face au développement d'activités économiques, comme par exemple un faible intérêt pour l'aménagement de zones d'activités et une préférence pour une activité résidentielle, cèdent le pas à de véritables stratégies de croissance économique. Un élu local dont les ressources se composent essentiellement de subventions centrales se trouve placé dans la position d'un quémandeur ; un élu local responsable des rentrées fiscales devient un acteur du développement. "

La réforme porte en germe la " démolition programmée " du principal impôt local

Lorsque la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle sera intervenue, et compte tenu des dégrèvements et compensations, l'Etat acquittera environ 60% de la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales . Dès lors, même si la taxe professionnelle est un impôt légitime en raison des services rendus à leurs redevables par les collectivités qui le perçoivent, la fraction marginale de l'assiette de l'impôt pesant sur les entreprises sera contestée et deviendra, selon l'expression employée par le président Christian Poncelet devant l'Assemblée des présidents de conseils généraux " un impôt discriminatoire sur l'investissement ".

A cet égard, il est révélateur de constater qu'aucun des grands pays de l'Union européenne ne retient les seules immobilisations comme assiette de l'impôt local pesant sur les entreprises :

Eléments retenus dans l'assiette de l'impôt local
sur les activités économiques selon les pays

 

Bénéfices

Masse salariale

Nombre de personnes employées

Immobilisations

Autres

Allemagne

oui

non

non

oui

non

Belgique

impôt sur la force motrice

impôt sur le personnel occupé

non

non

non

non

non

oui

non

non

moteurs

Espagne

non

non

oui

non

surface, secteur d'activité, puis-sance électrique

France

non

oui

non

oui

non

Italie

oui

non

non

non

secteur d'acti-vité, superficie

Luxembourg

oui

non

non

non (1)

non

Portugal

oui

non

non

non

non

(1) Depuis le 1er janvier 1997

Notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, a considéré que la réforme proposée portait en germe une " démolition programmée " de la taxe professionnelle. Ce risque est bel et bien réel, et il est inquiétant.

2. Le système de la compensation menace les ressources des collectivités locales

Selon un chiffrage d'origine gouvernementale, le produit de la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales entre 1992 et 1997 est inférieur à ce qu'auraient été leurs ressources si la réforme de la taxe professionnelle proposée par le présent article 29 s'était appliquée au cours de cette période.

En effet, tandis que les bases "salaires" de taxe professionnelle ont augmenté de 10,6% entre 1992 et 1997, une compensation versée par l'Etat au titre de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle aurait augmenté de 12,1%.

Votre rapporteur général, en dépit de son insistance auprès du ministère de l'économie et des finances, n'a pas eu accès au détail de ce calcul. Il le considère donc comme sujet à caution.

S'agissant de la période à venir, les inquiétudes sont grandes. En effet, le gouvernement propose de geler les taux à leur niveau de 1998 et les bases à leur niveau de 1999. Ce dispositif pénalise, individuellement, les collectivités qui ont procédé à des investissements pour attirer les entreprises et qui ne pourront pas pleinement profiter de l'augmentation future de leurs bases de taxe professionnelle.

Plus généralement, ce dispositif pénalise l'ensemble des collectivités locales puisqu'il prévoit d'indexer la compensation aux collectivités locales sur l' "indice de la DGF", qui s'établit pour 1999 à 2,75%. En revanche, le taux de progression de la masse salariale retenu par le gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est de 4,3%. Le manque à gagner est donc inéluctable.

Enfin, le gel des bases à leur niveau de 1999 est présenté par le gouvernement comme favorable aux collectivités locales en difficulté , puisqu'il protégera le niveau de leurs ressources d'une éventuelle réduction de leurs bases. Cet argument est recevable à court terme. Mais la garantie de ressource est susceptible de conduire certaines de ces collectivités à repousser les ajustements nécessaires à un retour à la croissance des bases de taxe professionnelle sur leur territoire.

La péréquation en faveur des collectivités les plus défavorisées ne doit pas, au risque de mettre en péril la croissance de l'économie du pays, passer par la pénalisation des plus dynamiques, mais par des dispositifs tels que le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP), dont les crédits sont, entre autres, destinés à venir en aide " aux communes qui connaissent des difficultés financières graves en raison d'une baisse, sur une ou plusieurs années, de leurs bases d'imposition à la taxe professionnelle ".

Après 2004 , la perte de recette pour chaque collectivité locale n'est pas possible à évaluer puisque la compensation sera intégrée à la dotation globale de fonctionnement. L'application des critères de répartition de la DGF à la répartition des sommes censées compenser la suppression de la part salaire de l'assiette de la taxe professionnelle sera source de transferts financiers importants entre collectivités .

3. Un dispositif aux effets pervers non maîtrisables

La suppression de la part salaire de l'assiette de la taxe professionnelle aura des conséquences sur les potentiels fiscaux des collectivités locales. Sans qu'il soit possible d'en chiffrer les effets avec précision, votre rapporteur général rappelle que le potentiel fiscal d'une collectivité est l'un des critères pris en compte pour l'éligibilité d'une collectivité au bénéfice de certaines dotations, ainsi que pour la détermination du montant attribué. Il convient donc de manier cet indicateur avec la plus grande prudence.

Si la modification des potentiels fiscaux est un effet pervers potentiel de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle, les conséquences de celle-ci sur les ressources des communes "écrêtées" sont en revanche certaines.

L'article 1648 A du code général des impôts prévoit que " lorsque dans une commune les bases d'imposition d'un établissement, divisées par le nombre d'habitants, excèdent deux fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant constatée au niveau national, il est perçu directement, au profit d'un fonds départemental de la taxe professionnelle, un prélèvement égal au produit du montant des bases excédentaires par le taux en vigueur dans la commune ".

Il résulte de cet article que ce sont les communes qui sont écrêtées et non les entreprises. Les communes écrêtées sont celles dans lesquelles un ou plusieurs établissements ont des bases par habitant supérieures à deux fois la moyenne nationale.

La suppression de la part salaire va entraîner une réduction des ressources des communes écrêtées dans lesquelles les entreprises dont les bases sont deux fois supérieures à la moyenne nationale ont une assiette de taxe professionnelle fortement capitalistique.

En effet, après la réforme, les bases par tête des entreprises fortement capitalistiques, les centrales nucléaires par exemple, vont rester pratiquement inchangées alors que la moyenne nationale va baisser en raison de la réduction de l'assiette. Par conséquent , le seuil d'écrêtement va baisser : les communes seront donc écrêtées plus tôt 126( * ) .

Les montant écrêtés, qui seront plus élevés, iront alimenter les fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDPTP). Ces derniers bénéficieront par ailleurs de la compensation de la suppression de la part salaire dans les mêmes conditions que les collectivités locales et les groupements.

En somme, paradoxalement, les communes connaîtront une perte de recettes non compensée et les fonds départementaux, qui sont compensés, bénéficieront de recettes accrues.

Les conséquences de cet effet pervers de la réforme vont s'accentuer année après année, puisque la suppression de la part salaire sera progressive jusqu'en 2003. A partir de 2003, le seuil d'écrêtement va arrêter de baisser, et les ressources des communes concernées vont se stabiliser à un niveau plus faible que celui de 1999.

Plusieurs pistes sont envisageables pour résoudre ce problème. En premier lieu, il peut être envisagé de geler l'assiette dans sa composition de 1998 . Ainsi, l'écrêtement ne jouerait que lorsque des entreprises auraient des bases deux fois supérieure à la moyenne nationale de 1998.

En second lieu, il est concevable de jouer sur la compensation . Dans un tel système, la compensation de la suppression de la part salaire dont bénéficieraient les fonds départementaux pourrait en partie être reversée aux communes dont les bases, du fait de l'abaissement du seuil d'écrêtement, contribueraient à accroître les ressources des FDPTP.

Une dernière solution est envisageable. Elle permettrait d'ailleurs de résoudre une grande partie des problèmes posés par la réforme de la taxe professionnelle dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture du présent projet de loi de finances pour 1999. Il s'agit du remplacement du système de la compensation des pertes de recette liées à la suppression de la part salaire par un dégrèvement .

Dans le système du dégrèvement, les bases salaires ne disparaissent pas. Par conséquent, le seuil d'écrêtement ne baisse pas, préservant ainsi les ressources des communes écrêtées.

C. LA SOLUTION PROPOSÉE : LE DÉGRÈVEMENT

Le gouvernement avait le choix entre deux méthodes pour compenser la perte de recette des collectivités locales :

- le dégrèvement , qui consiste à maintenir les salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle et les déclarations fiscales des entreprises, cette part de l'assiette de la TP étant prise en charge par l'Etat et non plus par les entreprises. Cette solution permet aux collectivités locales de continuer à voter des taux et à percevoir le produit correspondant.

- la compensation , dont la base de calcul est déconnectée de l'évolution des taux votés par les collectivités.

La solution de la compensation a été retenue, le gouvernement estimant, en réponse à une question de votre rapporteur général, qu'un " système de dégrèvement n'est pas compatible avec l'esprit de la réforme de la taxe professionnelle :

- il ne serait que transitoire . A compter de 2003, la part des salaires et des rémunérations utilisées dans le calcul de la taxe professionnelle ne sera plus exigée du contribuable. Or, dès lors que cette part salaire n'apparaît plus dans l'assiette de la taxe professionnelle, il serait contraire au souci de simplification administrative de continuer à exiger de la part des entreprises une déclaration des salaires uniquement pour calculer la compensation aux collectivités locales .

- il serait coûteux et déresponsabilisant , car il reviendrait à faire payer par le contribuable national les conséquences de la dynamique des bases et des taux des impôts locaux, sans que le contribuable local ne soit en aucune manière concerné par les décisions fiscales de leurs élus locaux.

Cela étant le Gouvernement a décidé de calculer la compensation la première année en retenant les pertes effectives de bases telles qu'elles sont calculées en 1999. Ainsi, dans l'hypothèse où les collectivités locales mèneraient une politique d'augmentation des taux raisonnable , le coût pour l'Etat d'un dégrèvement serait quasiment identique à celui de la compensation retenue par le gouvernement
."

Ces arguments témoignent du manque de confiance du gouvernement envers les collectivités locales et d'une mauvaise appréhension de leur capacité à être des acteurs du développement économique.

1. Il est indispensable de mettre en place un suivi de l'évolution de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle

Il est erroné de considérer que le maintien d'une déclaration par les entreprises de leur base salaires, quand bien même les salaires ne feraient plus partie de l'assiette de l'impôt, serait source de complication administrative. Cette obligation conduirait simplement les entreprises à continuer à remplir leur déclaration comme elles l'ont toujours fait.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture du présent projet de loi de finances, avec avis favorable du gouvernement, un amendement selon lequel " avant le premier octobre 1999, le gouvernement remettra au Parlement un rapport évaluant les premiers résultats pour l'emploi de la réforme de la taxe professionnelle prévue par le présent article et fournissant des simulations sur les conséquences de celle-ci pour les entreprises, les collectivités locales et l'Etat au titre de chacune des années 2000 à 2003 ."

Il semble que, si le gouvernement veut vraiment analyser les effets de la réforme sur l'emploi et ses conséquences pour les collectivités locales, il lui sera nécessaire de connaître l'évolution des bases salaires. Si celles-ci augmentent, cela signifiera que l'impact de la réforme sur l'emploi est positif. Cela signifiera aussi que le manque à gagner pour les collectivités locales sera plus important.

Votre rapporteur général s'étonne que l'Assemblée nationale ait limité à 1999 l'obligation du gouvernement de remettre ce rapport. La réforme aura alors moins d'un an, et ses effets ne devraient pas être très significatifs.

Il apparaît, par ailleurs, nécessaire que les entreprises continuent à remplir une déclaration sur leur base "salaires" pour évaluer, à tout moment, l'écart entre la compensation versée et l'évolution des bases salaires. Cette information serait utile pour éviter à la compensation de la suppression de la base "salaires" de connaître le sort d'autres dotations qui, à leur création, compensaient des pertes de recettes, mais dont les critères de répartition ont évolué progressivement vers la péréquation, déconnectant ainsi les montants versés aux collectivités des pertes de recettes à l'origine de la mise en place de la compensation.

Cette tendance à la dilution des compensations sera renforcée lorsque, dans l'hypothèse où la solution du dégrèvement ne serait finalement pas retenue par le gouvernement, la compensation de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle sera fondue dans la DGF. Or, une telle évolution ne va pas dans le bon sens car elle conduit à placer les collectivités locales à la merci du gouvernement, qui transforme les ressources fiscales directes des collectivités en concours budgétaire dont il est libre de modifier à sa guise les critères d'attribution.

2. Seul le dégrèvement permet une vraie responsabilisation des collectivités locales

Le gouvernement soupçonne les collectivités locales de ne pas mener une politique de taux " responsable ". Cet argument repose sur une méconnaissance de l'évolution des taux au cours des années récentes . Le graphique ci-dessous, issu du rapport présenté par notre collègue Joël Bourdin au nom de l'Observatoire des finances locales en juillet 1998, témoigne de la modération de l'évolution des taux sur la période récente.

Le procès en irresponsabilité des collectivités locales, qui voteraient des taux élevés au motif que le gouvernement acquitterait une partie de la charge, oublie que les entreprises continueront de payer la part investissement de la taxe professionnelle . Les redevables de taxe professionnelle resteront donc libres de déterminer le choix de leurs implantations en fonction du niveau des taux fixés par les collectivités locales. Au demeurant, les dispositions complexes existant en matière de liaison des taux des différents impôts locaux viennent encadrer de façon rigoureuse la liberté de décision des collectivités.

Par ailleurs, l'argumentaire du gouvernement fait fi de l'aversion croissante des élus locaux pour l'augmentation de la pression fiscale sur les entreprises et les particuliers installés sur leur territoire. En réalité, c'est le système de la compensation et non celui du dégrèvement qui pourrait être source d'alourdissement de la fiscalité locale. Afin de compenser les pertes de recettes liées au choix du gouvernement en faveur de la compensation, certaines collectivités pourraient être conduites à augmenter le taux des impôts locaux pesant sur les ménages, et celui frappant les bases restantes de la taxe professionnelle.

Enfin, il apparaît que seul le système de dégrèvement est source de responsabilisation des collectivités locales . En faisant reposer le produit de la taxe professionnelle qu'elles perçoivent entièrement sur les taux qu'elles votent, il conduit ceux qui votent les taux à assumer pleinement les conséquences de leurs choix, à être sanctionnés par le suffrage universel quand ils sont mauvais et à bénéficier de rentrées fiscales supplémentaires lorsqu'ils sont attractifs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 30

Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

Commentaire : le présent article prévoit d'instituer, à compter du 1 er janvier 1999, au profit du budget de l'Etat, une taxe générale sur les activités polluantes qui se substituerait aux taxes affectées à l'ADEME et qui préfigurerait la future écotaxe communautaire.

I - LA SITUATION ACTUELLE

A. LA FISCALITÉ DE L'ENVIRONNEMENT

1. Contexte général


De nombreuses études récentes 127( * ) montrent que l'introduction des mécanismes de marché dans la politique de l'environnement, notamment par l'institution de taxes environnementales, ou écotaxes , constitue un levier plus efficace que des réglementations contraignantes.

Les écotaxes, en modifiant les prix relatifs, obligent les producteurs et les consommateurs à prendre en compte (à " internaliser ") le coût de la pollution ou de certaines autres externalités dans leurs décisions économiques.

Selon un rapport de l'OCDE 128( * ) , il existe deux grandes approches des écotaxes selon les pays :

1- la première consiste en l'introduction de nouvelles taxes au coup par coup pour faire face aux problèmes d'environnement nouvellement identifiés ou pour remplacer ou compléter les réglementations existantes ;

2- la seconde repose sur une restructuration globale du système fiscal dans ce domaine.

2. La fiscalité de l'environnement en France

La France relève aujourd'hui de la première catégorie. Cependant le présent article amorce une refonte de son système fiscal environnemental.

Pendant longtemps, la France a privilégié la réglementation sur la taxation. Toutefois, la fiscalité de l'environnement y a connu un essor particulier depuis une dizaine d'années, avec la création des nombreuses taxes visant à limiter certaines émissions polluantes ou à financer des politiques de dépollution.

Le dispositif comporte actuellement environ 75 taxes relativement hétérogènes. Mme Nicole Bricq, dans l'introduction de son rapport sur la fiscalité de l'environnement souligne que " les réformes qui sont intervenues récemment se sont trop souvent traduites par des mesures ponctuelles, sans cohérence d'ensemble " 129( * ) .

B. LES TAXES AFFECTÉES À L'ADEME

Les taxes fiscales et parafiscales affectées à l'ADEME constituent une partie de la fiscalité environnementale en France.

Il existe en effet aujourd'hui cinq taxes affectées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et dont l'objet est de taxer les émissions polluantes :

1- la taxe sur le stockage des déchets ménagers et assimilés, instituée par l'article 7 de la loi du 13 février 1992 relative à l'élimination des déchets, possède un caractère fiscal. Elle est acquittée par les exploitants de décharges de déchets ménagers et assimilés et son produit est destiné à soutenir le développement de techniques de traitement innovantes, à financer des investissements et à aider les communes d'accueil des nouvelles installations ;

2- la taxe sur les déchets industriels spéciaux, instituée par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, a également un caractère fiscal. Elle est acquittée par les exploitants des installations de traitement ou de stockage de déchets industriels spéciaux et son produit est destiné à financer le traitement et la réhabilitation des sites pollués " orphelins " 130( * ) ;

3- la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, instituée par le décret n° 85-582 du 7 juin 1985, est acquittée par les exploitants d'installations émettant certains rejets dans l'atmosphère ; le produit de la taxe est affecté à la surveillance de la qualité de l'air et au financement de projets de lutte contre la pollution atmosphérique ;

4- la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires, instituée par la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, a un caractère fiscal. Elle est acquittée par les compagnies aériennes utilisant les grands aérodromes et son produit est destiné à aider les riverains de ces aéroports à réaliser des travaux d'isolation acoustique ;

5- la taxe parafiscale sur les huiles de base, instituée en 1986 et réformée par le décret du 31 août 1989 puis par celui du 31 août 1994, est acquittée par les personnes mettant sur le marché des huiles neuves ou régénérées. Son produit est affecté au financement de l'élimination ou de la régénération des huiles usagées, à des actions de communication et à des investissements pour la mise en place de points de collecte.

On peut donc distinguer :

1- trois taxes de nature fiscale : taxes sur l'élimination et le stockage des déchets et taxe d'atténuation des nuisances sonores aéroportuaires,

2- et deux taxes parafiscales : taxe sur la pollution de l'air et taxe sur les huiles de base.

Produit des taxes affectées à l'ADEME : (en millions de francs)

Taxe

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Taxe sur le traitement et le stockage des déchets ménagers

395

420

690

770

875

1 337

Taxe sur le traitement et le stockage des déchets industriels spéciaux

--

--

85

93

101

165

Taxe sur la pollution atmosphérique

187

160

134

187

194

222

Taxe sur les nuisances sonores

30

30

32

38

40

89

Taxe sur les huiles de base

21

107

114

114

111

121

TOTAL

633

717

1 055

1 202

1 322

1 935

C. LE PRODUIT DE CES TAXES FINANCE l'ACTION DE l'ADEME

1. Présentation de l'ADEME


L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la triple tutelle des ministères de l'Environnement, de l'Industrie et de la Recherche. Elle a été créée en 1990 par la fusion de trois organismes existant.

L'activité de l'ADEME vise à la maîtrise conjointe des consommations d'énergie, de matières premières et des pollutions.

2. Financement de l'ADEME

Le financement de l'ADEME est assuré :

- à plus de 70 % par les taxes fiscales et parafiscales dont l'Agence assure le recouvrement ainsi que la gestion ;

- et à moins de 30 % par des crédits d'origine budgétaire .

ð Depuis plusieurs années, une tendance à la débudgétisation de l'ADEME était apparue, la part des crédits budgétaires dans le financement de l'Agence se réduisant au profit de celle des taxes affectées.

1- Budget d'intervention : Les taxes affectées à l'ADEME entrent pour une part croissante dans le budget d'intervention de l'Agence, comme le montre le tableau ci-après :

Taxes et crédits budgétaires dans le budget d'intervention de l'ADEME : (en millions de francs)

 

Taxes (1)

Crédits budgétaires (2)

(1) + (2)

Part des taxes dans (1) + (2)

1993

286

826

1112

26 %

1994

594

386

980

61 %

1995

676

379

1055

64 %

1996

984

356

1340

73 %

1997

1116

411

1527

73 %

2- Budget de fonctionnement : Le coût global de fonctionnement de l'ADEME s'élève à environ 300 millions de francs, couverts à 62 % par des crédits budgétaires versés par chaque ministère de tutelle, à 30 % par une part du produit des taxes affectées et à 8 % par des ressources propres.

Taxes et crédits budgétaires dans le budget de fonctionnement de l'ADEME : (en millions de francs)

 

Taxes (1)

Crédits budgétaires (2)

(1) + (2)

Part des taxes dans (1) + (2)

1993

31.5

230.6

262.1

12 %

1994

39.2

224.7

263.9

15 %

1995

41.2

227.4

268.5

15 %

1996

71.2

210.5

281.7

25 %

1997

85.7

201.2

287.0

30 %

II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Le présent article prévoit d'instituer, à compter du 1 er janvier 1999, au profit du budget de l'Etat, une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui se substituerait aux cinq taxes actuellement affectées à l'ADEME. La création de la TGAP constitue la mesure phare de la politique fiscale de l'environnement que souhaite engager le Gouvernement.

A. INSTAURATION D'UNE TAXE UNIQUE : LA TGAP

1. Les objectifs poursuivis


Deux raisons principales ont conduit le Gouvernement à proposer la création de la TGAP :

1- d'une part, moderniser, unifier et simplifier la fiscalité pesant sur les activités polluantes , considérant notamment que l'existence des taxes multiples dans le domaine de la protection de l'environnement ne favorise pas la lisibilité de la politique fiscale de lutte contre les pollutions et occasionne souvent des difficultés de gestion,

2- et d'autre part, mettre en oeuvre de façon plus efficace le principe " pollueur-payeur " . En effet, jusqu'à présent, le rendement des taxes était largement déterminé par le coût des réparations des pollutions ; désormais, la TGAP devrait permettre de dissuader les pratiques polluantes et d'inciter à des comportements plus respectueux de l'environnement 131( * ) .

2. La création de la TGAP

En conséquence, le présent article prévoit de substituer une taxe unique, la TGAP , à l'ensemble des cinq taxes existantes présentées ci-dessus.

La TGAP ne serait donc pas un impôt supplémentaire et cette substitution se ferait à prélèvements globaux constants. Contrairement à ces cinq taxes dont le produit est affecté à l'ADEME, la TGAP serait un impôt d'Etat dont le produit alimenterait le budget de l'Etat et qui relèverait donc de la compétence législative.

Le paragraphe I du présent article propose l'insertion de six nouveaux articles dans le code des douanes (articles 266 sexies à undecies du code général des douanes) :

1- l'article 266 sexies (nouveau) institue la TGAP et établit la liste des redevables ;

2- l'article 266 septies (nouveau) précise le fait générateur de la taxe ;

3- l'article 266 octies (nouveau) précise les éléments sur lesquels la taxe est assise ;

4- l'article 266 nonies (nouveau) fixe le montant de la taxe ;

5- l'article 266 decies (nouveau) prévoit que certains assujettis à la taxe sur les huiles de base ou à celle sur la pollution atmosphérique peuvent obtenir le remboursement des sommes versées ou une diminution des montants exigibles ;

6- l'article 266 undecies (nouveau) précise que la taxe est " déclarée, contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties et sanctions prévues en matière de douanes ".

Le tableau ci-après présente les principales caractéristiques de la TGAP prévues dans ces nouveaux articles.

TGAP

Redevables
(Art. 266 sexies)

Fait générateur
(Art. 266 septies)

Eléments sur lesquels la taxe est assise
(Art. 266 octies)

Montant (F/Tonne)
(Art. 266 nonies)

Déchets ménagers ou assimilés

Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés.

Réception de déchets par les exploitants mentionnés.

Poids des déchets reçus par les exploitants mentionnés.

1- déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés : 60 F/tonne,

2- déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de provenance extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets dans lequel est située l'installation de stockage : 90 F/tonne.

Le montant minimal annuel de la taxe relative aux déchets est de 3.000 F par installation.

Déchets industriels spéciaux

Tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération co-incinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisée pour les déchets que l'entreprise produit, à l'exception des installations d'élimination de déchets industriels spéciaux exclusivement affectées à la valorisation comme matière.

Réception de déchets par les exploitants mentionnés.

Poids des déchets reçus par les exploitants mentionnés.

1- déchets réceptionnés dans une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux : 60 F/tonne,

2- déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux : 120 F/tonne.

Le montant minimal annuel de la taxe relative aux déchets est de 3.000 F par installation.

Pollution atmosphérique

Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation au titre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit d'installations d'incinération d'ordures ménagères, ou le poids des substances mentionnées au 2 de l'article 266 septies émises en une année lorsque l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépassent certains seuils.

Emission dans l'atmosphère par les installations mentionnées :

- d'oxydes de soufre et autres composés soufrés,

- d'oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote,

- d'acide chlorhydrique,

- d'hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils.

Poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations mentionnées.

- oxydes de soufre et autres composés soufrés : 180 F/tonne,

- acide chlorhydrique : 180 F/tonne,

- oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote : 250 F/tonne,

- hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils : 250 F/tonne.

Nuisances sonores aéroportuaires

Tout exploitant d'aéronefs ou, à défaut, leur propriétaire, à l'exception des aéronefs de masse maximale au décollage inférieure à deux tonnes et des aéronefs appartenant à l'Etat ou participant à des missions de protection civile ou de lutte contre l'incendie.

Décollage d'aéronefs sur les aérodromes recevant du trafic public pour lesquels le nombre annuel des mouvements d'aéronefs de masse maximale au décollage supérieure ou égale à 20 tonnes est supérieur à 20.000.

Logarithme décimal de la masse maximale au décollage des aéronefs mentionnés. Des coefficients de modulation prennent en compte dans un rapport de un à cinquante, l'heure du décollage et les caractéristiques acoustiques de l'appareil.

- aérodromes du groupe 1: 68 F/tonne

- aérodromes du groupe 2: 25 F/tonne

- aérodromes du groupe 3: 5 F/tonne.

Huiles de base

Toute personne qui effectue une première livraison après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition intra-communautaire ou qui met à la consommation des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées, ainsi que tout utilisateur d'huiles et préparations lubrifiantes, autres que celles visées ci-dessus produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit.

Première livraison après fabrication nationale, livraison sur le marché intérieur en cas d'acquisition intra-communautaire ou mise à la consommation des lubrifiants mentionnés, utilisation des huiles et préparations lubrifiantes mentionnées.

Poids net des lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes mentionnés.

- lubrifiants huiles et préparations lubrifiantes : 200 F/tonne.

La substitution de la TGAP aux taxes affectées à l'ADEME est l'occasion pour le Gouvernement de proposer plusieurs modifications de l'état du droit. Notamment,

1- la taxe sur les déchets, qui était provisoire, serait désormais pérenne ;

2- le taux des taxes sur le stockage des déchets augmenterait de 50 % : celle sur les déchets ménagers passerait de 40 à 60 francs par tonne et celle relative aux déchets industriels spéciaux de 80 à 120 francs par tonne. Cette augmentation devrait permettre de dégager des financements supplémentaires (613,1 millions de francs) dont 500 millions de francs seraient affectés à l'ADEME en vue de financer des actions de maîtrise de l'énergie ;

3- les seuils à partir desquels les exploitants d'installations classées soumises à autorisation sont assujettis à la taxe sur la pollution atmosphérique ne seraient plus inscrits dans la loi ; en outre, il ne serait plus fait référence aux " poussières " dont le taux est toujours resté fixé à zéro ;

4- l'assiette de la taxe sur les huiles de base, qui était contestée, serait redéfinie : seraient désormais concernées les personnes qui livrent ou mettent à la consommation " des lubrifiants susceptibles de produire des huiles usagées " ainsi que les personnes qui utilisent des huiles et des préparations lubrifiantes " produisant des huiles usagées dont le rejet dans le milieu naturel est interdit ".

• Le paragraphe II du présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de ces articles 266 sexies à 266 undecies du code général des douanes.

B. CONSÉQUENCES POUR L'ADEME

1. Conséquences budgétaires


a) La compensation budgétaire

Le paragraphe IV prévoit de mettre fin aux taxes sur les déchets et à celle sur les nuisances sonores, qui, en tant que taxes de nature fiscale, avaient une base législative 132( * ) . Les deux autres taxes sur la pollution atmosphérique et les huiles de base, étant de nature parafiscale, seront supprimées par décret.

ð La suppression de ces taxes affectées est synonyme pour l'ADEME de perte d'autonomie financière.

En compensation de la suppression des cinq taxes parafiscales qui lui étaient affectées, l'ADEME bénéficierait d'une subvention annuelle d'un montant égal au produit attendu de la TGAP. Cette subvention serait inscrite au budget du ministère de l'Environnement (et accessoirement, au budget de l'Industrie).

En particulier, pour 1999, l'ADEME recevrait au titre de cette compensation 1 935 millions de francs , correspondant au produit des cinq taxes en 1999, inscrits :

1- pour 1 768 millions de francs, au budget de l'Environnement,

2- et pour 167 millions de francs, au budget de l'Industrie (au titre de sa participation à la politique de relance de la maîtrise de l'énergie).

L'augmentation de 46 % du produit par rapport aux taxes existantes, principalement dû à la hausse du taux de la taxe sur les déchets, devrait permettre de dégager des ressources supplémentaires de l'ordre de 615 millions de francs. Sur cette augmentation, 500 millions de francs seraient affectés à l'ADEME afin de relancer ses actions dans le domaine de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables 133( * ) .

b) Une contractualisation pluriannuelle

ð Afin de donner à l'ADEME une garantie pluriannuelle sur la pérennité et le niveau de ses ressources, la définition de la subvention annuelle se ferait dans le cadre de contrats pluriannuels conclus avec l'Etat . Le premier d'entre eux devrait couvrir la période 1999-2002.

2. Mesures transitoires

• Le paragraphe III du présent article prévoit de confier à l'ADEME le contrôle et le recouvrement de la part de la TGAP assise,

- sur les déchets,

- sur la pollution atmosphérique,

- et sur les nuisances sonores aéroportuaires.

Il s'agit en fait des parts de la TGAP qui correspondent aux quatre taxes que l'ADEME contrôle et recouvre actuellement 134( * ) .

Or, à partir du 1 er janvier 1999, il ne s'agira plus de taxes affectées à un établissement public, mais des composantes d'un impôt d'Etat . Cette situation, où un EPIC contrôlerait et recouvrirait un impôt d'Etat pour le compte de ce dernier, est apparemment inédite et semble peu orthodoxe. Cette dévolution de compétences 135( * ) à l'ADEME trouverait sa justification, selon le Gouvernement, dans la continuité des pratiques et sa garantie dans la tutelle étatique à laquelle est soumise l'ADEME.

Les modalités pratiques de ces missions de contrôle et de recouvrement devraient être précisées par le décret en Conseil d'Etat prévu au paragraphe II sus-mentionné.

On peut se demander si ce dispositif est bien conforme à l'article 34 de la Constitution qui prévoit que " La loi fixe les règles concernant (...) les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ".

ð Il est toutefois prévu que la direction générale des douanes se substitue progressivement à l'ADEME pour les fonctions de gestion (assiette, réception des déclarations), de recouvrement et de contrôle des différentes parts de la TGAP.

L'ADEME ne devrait contrôler et recouvrer ces taxes que pendant une période transitoire. D'après les renseignements fournis à votre rapporteur le passage de relais entre l'ADEME et la direction générale des douanes devrait s'opérer avant le 1 er janvier 2000.

Le paragraphe V prévoit, afin d'éviter tout contentieux, que l'ADEME pourra continuer de gérer les réserves liées aux anciennes taxes de nature fiscale. En ce qui concerne les taxes parafiscales, les dispositions nécessaires interviendront par décret.

Le paragraphe VI prévoit que l'ADEME reversera au Trésor le produit des taxes de nature fiscale se rapportant à l'exercice 1998, exigibles en 1999 et reçues à partir du 1 er janvier 1999. En effet, dans le cas contraire, elle aurait bénéficié en 1999 à la fois du produit des taxes et des subventions budgétaires compensatrices. En ce qui concerne les taxes parafiscales, les dispositions nécessaires interviendront par décret.

C. CONSÉQUENCES POUR LE MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT : UNE MONTÉE EN PUISSANCE

Cette opération de budgétisation du financement de l'ADEME devrait renforcer le rôle du ministère de l'environnement.

- Au plan budgétaire , pour 1999, ses crédits augmentent de plus de 100 % par rapport à 1998, en raison principalement de la subvention nouvelle de 1.935 millions de francs versée à l'ADEME au titre de la TGAP et à comparer avec un budget pour 1998 qui s'établissait à moins de 1.900 millions de francs.

Impact de la TGAP sur le budget du ministère de l'environnement (crédits de paiement) (en millions de francs)

 

1998

1999

1999/1998

Hors TGAP

1.899,5

2.179,8

280,3 (+ 15 %)

Y compris TGAP

1.899,5

3.947,8

2.048,3 (+ 108 %)

- En ce qui concerne l'orientation des actions de l'ADEME , le ministère aura également un rôle renforcé.

Jusqu'à présent, l'Etat a inscrit ses perspectives et ses programmes d'action dans le cadre du contrat d'objectifs 1995-1998 conclu avec l'ADEME. Celui-ci fixe de manière précise les objectifs assignés à l'agence par les pouvoirs publics et définit treize " grands programmes " autour desquels celle-ci doit concentrer ses moyens d'action.

Avec la création de la TGAP qui marquera la perte d'autonomie financière de l'ADEME, le pouvoir d'orientation du ministère sur cet établissement public s'accroîtra. L'ADEME apparaîtra désormais comme un instrument du ministère de l'Environnement.

D. LE PROJET GOUVERNEMENTAL DE TGAP, UNE TAXE ÉVOLUTIVE À VOCATION UNIVERSELLE

1. La TGAP et les taxes environnementales existantes


La TGAP a vocation à se substituer progressivement à l'ensemble des prélèvements fiscaux et parafiscaux actuellement en vigueur dans le domaine de l'environnement et dont l'assiette est constituée par des activités polluantes, l'émission, la production ou le rejet de produits polluants.

Elle regrouperait, au sein d'un même instrument, les prélèvements liés à la production de déchets, à la pollution de l'air, de l'eau et aux nuisances sonores. En particulier, elle aurait vocation à intégrer les redevances relatives à la pollution de l'eau en l'an 2000 en tant que prélèvements assis sur des activités perturbatrices des milieux aquatiques. Cette perspective soulève une tout autre problématique : elle porte en effet directement atteinte à l'organisation décentralisée du financement de la politique de l'eau en France . A cet égard, il convient de présenter les arguments avancés par le Gouvernement sur ce sujet (voir extrait ci-après).

Extrait d'un document du Ministère de l'environnement concernant l'extension de la TGAP au domaine de l'eau :

La TGAP a une vocation universelle. Elle a donc vocation à s'appliquer au domaine de l'eau. Les raisons en sont nombreuses :

• tout d'abord, les usages et activités polluantes, perturbatrices de la ressources aquatique, rentrent incontestablement dans le champ de la TGAP ;

• ensuite, malgré le travail considérable accompli par les agences de l'eau depuis trente ans et reconnu comme tel au plan international, le principe " pollueur-payeur " n'est pas encore d'application parfaite ;

• enfin, la TGAP donnera une base légale aux accises.

La TGAP intégrera donc l'eau dès l'an 2000 . L'année précédant cette évolution est mise à profit pour organiser les plus larges consultations sur les modalités de mise en oeuvre.

Cette extension de la TGAP au domaine de l'eau ne modifiera pas les missions des agences de l'eau et celles de leurs collaborateurs, ni les principes originaux qui les régissent.

Ainsi, la gestion par bassin versant et la pérennité du financement public de la politique de l'eau seront garanties tout en permettant une meilleure péréquation entre bassins pour les missions d'intérêt national et de solidarité.

De même, le caractère pluriannuel des programmes d'intervention des agences de l'eau est confirmé. Il sera validé par le Parlement dans une loi de programmation à partir du VIIIème programme.

(...) En ce qui concerne les agences de l'eau, leurs ressources vont bénéficier d'une triple garantie :

• vote, par le Parlement, d'une loi de programmation définissant les programmes d'intervention quinquennaux des agences, en recettes comme en dépenses, conformément aux termes de la communication du 20 mai 1998 ;

• mise en place d'un compte spécial du Trésor (un compte d'affectation spéciale) encaissant les produits de la TGAP 136( * ) ;

• conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectif avec chacune des agences, garantissant la pérennité du financement et le niveau de ce financement.

2. La TGAP et les futures taxes environnementales

Si de nouvelles taxes environnementales devaient être créées, elles auraient également vocation à être regroupées au sein de la TGAP . En particulier,

- la future taxe sur les gaz à effet de serre,

- la future redevance de modification du régime des eaux (MRE),

- une taxe sur l'utilisation des engrais et produits phytosanitaires en agriculture.

Un rapport du Conseil d'analyse économique 137( * ) estime qu'il existe un " gisement d'écotaxes " en France dont le montant pourrait être compris à terme entre 50 et 125 milliards de francs.

En outre, cette évolution prépare la future " écotaxe " européenne sur le carbone et l'énergie , actuellement en négociation sur le plan communautaire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LES TAXES AFFECTÉES NE SONT PAS TOTALEMENT SATISFAISANTES


Le principe de la TGAP semble répondre, a priori, à certaines critiques qui visent le système actuel de fiscalité écologique, notamment concernant les taxes affectées à l'ADEME.

1. Un contrôle réduit du Parlement

Les taxes parafiscales n'entrent pas dans la catégorie des " impositions de toutes natures " qui relèvent, aux termes de l'article 34, de la compétence du législateur. Elles se distinguent des impôts par trois caractéristiques :

1- le caractère spécialisé de leur finalité (intérêt économique ou social) ;

2- la nature de leur bénéficiaire (une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs) ;

3- leur nature juridique : Elles peuvent être instituées par décret 138( * ) . Toutefois, le Parlement doit, tous les ans en loi de finances, autoriser leur maintien 139( * ) . La compétence réglementaire en matière de taxes parafiscales constitue donc une dérogation importante au principe de la légalité fiscale .

Depuis une vingtaine d'années, la tendance est à la diminution du nombre de taxes parafiscales (77 en 1981 ; 47 en 1999).

Au contraire, le régime des impôts relève entièrement du législateur en vertu de l'article 34 : l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement relèvent de la compétence législative et l'autorisation de percevoir les impôts existants est donnée chaque année en loi de finances 140( * ) .

ð La création d'un impôt d'Etat en lieu et place des taxes affectées existantes raffermirait le contrôle parlementaire.

2. Une application peu efficace du principe payeur-polleur ?

Le système actuel, caractérisé par l'affectation des taxes et l'utilisation de leur produit à des subventions en faveur de la dépollution, ne semble pas permettre une application efficace du principe " pollueur-payeur " pour trois raisons principales :

1- Le système en vigueur conduirait à dégager les ressources suffisantes pour réparer les dommages causés par chaque activité polluante ; mais il n'aurait pas pour objectif réel d'éviter l'apparition de ces dommages.

2- En outre, le niveau des dépenses engagées par l'ADEME dépendrait, pour chaque action, du niveau des ressources de la taxe concernée et non d'une analyse fine des besoins réels.

3- Enfin, dans un tel système, les pollueurs achèteraient un " droit à polluer " en payant leur taxe et récupérer in fine leur mise par le biais des subventions à la dépollution.

ð Une taxe générale ne prévoyant pas d'affectation rigide des produits aux emplois aurait donc comme objectif d'améliorer l'application du principe " payeur-pollueur ".

3. Une gestion rigide des crédits

Votre commission des finances faisait remarquer l'an dernier que " le produit des taxes est parfois loin d'être entièrement engagé, notamment en ce qui concerne les déchets ménagers et les déchets industriels spéciaux. L'agence place ainsi cet " excédent ", ce qui engendre d'importants produits financiers " 141( * ) .

Réserves de l'ADEME au titre des taxes :

CP, en MF

DMA

DIS

TANS

TPPA

TPHB

Total

Disponibilités au 31/12/98

1 812

209

110

445

2

2 578

Crédits affectés non engagés

1 186

182

30

396

2

1 797

Trésorerie nette (crédits réellement disponibles)

626

27

80

48

1

780

AP, en millions de francs

DMA

DIS

TANS

TPPA

TPHB

Total

Ressources totales, dont :

1 522

219

147

257

123

2 269

- produits de la taxe

835

96

46

185

118

1 280

- reports 1996 sur 1997

616

120

99

31

5

871

- autres

71

4

2

40

0

117

Engagements

559

75

47

125

110

916

Reports

964

144

100

132

14

1 353

Source : Direction du Budget

DMA : taxe sur les déchets ménagers et assimilés ; DIS : taxe sur les déchets industriels spéciaux ; TANS : taxe d'atténuation des nuisances sonores ; TPPA : taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique ; TPHB : taxe parafiscale sur les huiles de base.

Avec la création d'une taxe générale permettant la globalisation des ressources, le poids relatif des différentes actions, qui dépend aujourd'hui du poids respectif des produits des taxes, pourrait être modifié dans le sens d'une plus grande efficacité. L'équilibre entre recettes et dépenses n'ayant plus à être réalisé au niveau de chaque type de pollution comme aujourd'hui, le dispositif proposé serait susceptible de remédier à ces rigidités.

B. LA TGAP EST-ELLE LA BONNE SOLUTION ?

Quels que peuvent être les avantages reconnus à l'instauration d'une taxe générale, votre commission s'inquiète cependant des risques et des incertitudes qui entourent l'actuel projet de TGAP.

1. Un risque de perte de ressources globales pour l'environnement

a) Une " absorption " des crédits de l'Environnement par le budget de l'Etat

L'affectation actuelle des taxes de l'ADEME permet de garantir la pérennité de l'action menée dans un domaine considéré, en particulier l'environnement. Or, en vertu de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, une recette fiscale du budget de l'Etat ne peut être affectée, même partiellement, à une politique particulière.

En 1999, les dotations prévues pour chaque type d'actions de l'ADEME ne seront que peu modifiées par rapport à 1998, mais rien ne permet d'assurer que les hausses futures du produit de la TGAP correspondront à des engagements du Gouvernement en matière environnementale.

ð Le risque d'une banalisation de la TGAP comme recette fiscale ordinaire ne doit pas être négligé : il n'existerait donc plus de garantie que les ressources de l'environnement bénéficient à l'environnement .

b) Les crédits de l'ADEME soumis à la régulation budgétaire

Il faut également souligner que la budgétisation du financement de l'ADEME suppose que ses crédits pourront faire l'objet de régulations budgétaires en cours d'année, en dépit des engagements pluriannuels que pourrait prendre l'Etat quant à la pérennité et le niveau des ressources de l'Agence.

c) La fin de l'approche contractuelle en matière environnementale

La suppression des taxes affectées mettra fin aux activités des comités de gestion dans lesquels sont présents les industriels - " payeurs " , et qui affectent, décident et examinent les projets.

L'ADEME devrait cependant mettre en place de nouvelles instances de concertation afin d'associer, par secteur d'activité, les représentants des secteurs concernés à la mise en oeuvre de ses actions.

Il demeure que l'implication des " payeurs " dans la gestion du système sera moins forte . Or, les industriels avaient été incités à accentuer leur effort en faveur de la dépollution par le corollaire du " pollueur - payeur " qu'était le " dépollueur - bénéfiaire d'aides ". Ce lien ne va pas disparaître, mais la déconnection entre le produit de la TGAP et les ressources de l'ADEME pour subventionner les investissements de dépollution risque de supprimer la notion de " juste retour " qui avait incité l'industrie à se conformer aux règles environnementales et, bien souvent, à aller au-delà du strict respect de la réglementation. Il faut rappeler que l'attribution de l'aide produit un effet de levier : les investissements réalisés grâce à elle sont d'un montant en général 4 fois supérieur à l'aide initiale et dépassent souvent les prescriptions réglementaires.

2. La TGAP : le risque d'une " machine à taxer "

L'instauration de la TGAP risque de faciliter la multiplication et l'alourdissement des impôts sur les activités polluantes.

1- En effet, une décision de hausse de la TGAP, impôt " écologique ", serait favorablement perçue par l'opinion publique, alors que l'objectif de cette augmentation des taux ne serait pas forcément l'amélioration de l'environnement mais l'augmentation des recettes de l'Etat.

2- Le même risque pèse en matière d'élargissement de l'assiette de cette taxe générale . En outre, la notion d' " activités polluantes " semble pouvoir être étendue à volonté.

Enfin, il ne faut pas oublier que la TGAP risque de se traduire par une augmentation des charges (hausse de la taxe, diminution des subvention aux investissements) pour certains secteurs, et notamment les industries lourdes très capitalistiques.

3. L'opposition de principe à l'intégration des redevances de l'eau

Enfin, votre commission tient à rappeler son opposition de principe à toute intégration des redevances des agences de l'eau dans une taxe générale.

Tout d'abord il lui paraît indispensable de préserver l'originalité du système des agences et des comités de bassin , dont l'efficacité et la légitimité sont reconnues au niveau européenne et international.

En outre, la perspective d'une intégration des redevances dans la TGAP porte directement atteinte à l'organisation décentralisée du financement de la politique de l'eau en France et fait peser le risque d'une recentralisation au détriment des compétences des collectivités locales.

Enfin, il convient de rappeler que l'intégration des redevances de l'eau portera sur un montant d'environ 10 milliards de francs 142( * ) , alors que l'intégration projetée des taxes affectées à l'ADEME ne représente " que " 1,9 milliard de francs.

L'Assemblée nationale a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels et deux amendements de précision.



Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 31

Amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant en bicarburation et des accumulateurs nécessaires à leur fonctionnement

Commentaire : le présent article propose d'étendre le régime d'amortissement exceptionnel sur douze mois à tous les véhicules fonctionnant en bicarburation et aux accumulateurs nécessaires à leur fonctionnement.

I - LA SITUATION ACTUELLE

A. LES RÉGIMES D'AMORTISSEMENT EXCEPTIONNEL


Afin d'encourager l'acquisition de " véhicules propres ", en particulier par les entreprises, certains véhicules et matériels bénéficient de dispositions fiscales incitatives, en particulier de régimes d'amortissement exceptionnel.

L'amortissement est l'opération qui consiste à mettre en réserve les fonds nécessaires pour compenser la dépréciation du capital. Cette dépréciation peut résulter de l'usure ou de l'obsolescence de ce capital. L'amortissement permet ainsi de fractionner la charge du renouvellement du matériel et de la répartir sur sa durée de vie, le montant de l'amortissement venant chaque année en déduction des bénéfices imposables .

Des amortissements exceptionnels peuvent être pratiqués en cas d'obsolescence très rapide, mais ils sont aussi utilisés, en raison de l'avantage fiscal qu'ils comportent, afin d'orienter le comportement des chefs d'entreprise.

Les véhicules font partie de l'actif de l'entreprise et leur durée moyenne d'amortissement est en général de 4 à 5 ans. La possibilité de pratiquer un amortissement exceptionnel sur douze mois pour certains véhicules constitue donc une mesure fiscale avantageuse, qui peut être à l'origine d'une décision d'achat.

B. LES DISPOSITIFS SUCCESSIFS

La loi de finances pour 1991 a autorisé les entreprises à amortir de façon exceptionnelle certains matériels destinés à économiser l'énergie.

Sur ce modèle, la loi de finances pour 1992 a autorisé l'amortissement exceptionnel sur douze mois de certains véhicules électriques, pour les exercices clos à compter du 1 er janvier 1991 et avant le 1 er janvier 1995.

La loi de finances pour 1995 a reconduit ces dispositions jusqu'à la fin de l'année 1999 et a également autorisé ce régime pour les accumulateurs nécessaires au fonctionnement de ces véhicules.

La loi sur l'air de 1996 143( * ) a étendu ce dispositif à d'autres catégories de véhicules peu polluants, ainsi qu'aux équipements nécessaires à leur fonctionnement.

C. L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT

Désormais, bénéficient du régime de l'amortissement exceptionnel sur douze mois :

1- les véhicules (et les cyclomoteurs) neufs fonctionnant exclusivement au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules (GNV) et du gaz de pétrole liquéfié (GPL) (article 39 AC du code général des impôts) ;

2- les accumulateurs nécessaires aux véhicules fonctionnant exclusivement au moyen de l'énergie électrique et les équipements spécifiques permettant l'utilisation de l'électricité, du GNV ou du GPL pour la propulsion des véhicules qui fonctionnent également au moyen d'autres sources d'énergie (article 39 AD du code général des impôts) ;

3- les matériels spécifiquement destinés au stockage, à la compression et à la distribution du GNV et GPL et aux installations de recharge des véhicules électriques (article 39 AE du code général des impôts).

Il s'agit d'un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de la date de la première mise en circulation pour les véhicules, et de la date de la première mise en service pour les équipements et matériels.

C'est un régime temporaire, reconduit et étendu à plusieurs reprises. Sa limite de validité actuelle est fixée au 31 décembre 1999.

Sont principalement concernés par ce régime, les véhicules propres fonctionnant exclusivement en monocarburation. Toutefois, cette condition de monocarburation limite la portée de ce dispositif qui, dans les faits, demeure assez peu utilisé.

D. LA SITUATION DES VÉHICULES BICARBURÉS

Les véhicules bicarburés , c'est à dire les véhicules fonctionnant soit alternativement, soit simultanément, au moyen d'une autre énergie traditionnelle, ne sont actuellement concernés par l'amortissement exceptionnel sur douze mois que pour leur équipement et matériels de stockage, compression et distribution. Leur exclusion du champ d'application général de l'amortissement exceptionnel s'expliquait en 1996 par l'existence d'autres mécanismes fiscaux permettant de prendre en compte le surcoût lié à ce type de véhicules.

Dans une instruction récente 144( * ) , l'administration prévoit toutefois que l'amortissement exceptionnel sur douze mois est applicable aux véhicules fonctionnant au GPL équipés pour la bicarburation, lorsque la capacité du réservoir d'essence auxiliaire n'excédait pas quinze litres.

Le récent rapport de Mme Nicole Bricq " Pour un développement durable : une fiscalité au service de l'environnement " 145( * ) préconise l'extension du régime de l'amortissement exceptionnel, prévu aux articles 39 AC à AF du code général des impôts, aux véhicules bicarburés afin de développer leur utilisation, notamment au sein des flottes des entreprises.

II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Le présent article prévoit d'étendre ce régime d'amortissement exceptionnel à tous les véhicules fonctionnant en bicarburation et aux accumulateurs nécessaires à leur fonctionnement.


Cette extension d'un régime exceptionnel à de nouveaux véhicules s'explique par la volonté d'encourager l'acquisition de véhicules " propres ", en particulier par les entreprises. En effet, l'achat de ces véhicules, et notamment de véhicules bicarburés, représente aujourd'hui un surcoût par rapport aux véhicules fonctionnant uniquement à l'essence.

A titre d'exemple, et selon les données du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la politique énergétique de la France 146( * ) , l'installation du second réservoir nécessaire à l'utilisation du GPL sur un véhicule essence entraîne un surcoût compris entre 12. 000 et 19. 000 francs. En outre, l'utilisation d'un moteur GPL accroît la consommation au kilomètre.

Le coût de cette mesure pour le budget de l'Etat est évalué à 100 millions de francs pour 1999, venant en diminution des recettes de l'impôt sur les sociétés.

D'autres avantages demeurent réservés à la monocarburation ; notamment ces véhicules sont exonérés de la taxe sur les véhicules de sociétés, alors que les véhicules GPL - essence ne bénéficient que d'un abattement de 25 %. Le rapport de Mme Nicole Bricq préconise l'extension de cette exonération aux véhicules bicarburés en GPL - essence 147( * ) .

III - LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Un amendement présenté par la Commission des finances de l'Assemblée nationale a été adopté en première lecture. Il vise à donner à l'article 39 AC du code général des impôts une rédaction plus synthétique.

En outre, cet amendement proroge la validité du régime d'amortissement exceptionnel sur douze mois, jusqu'au 1 er janvier 2003 . Il n'y a avait pas d'urgence car ce régime n'arrivait à échéance qu'à la fin de l'année 1999 mais cette nouvelle date-limite de validité permet ainsi d'harmoniser le dispositif du présent article avec les autres régimes d'amortissement destinés notamment à économiser l'énergie 148( * ) , dont la validité est également prorogée jusqu'au 1 er janvier 2003.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi amendé.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 32

Suppression de diverses taxes

Commentaire : le présent article, dans un souci de simplification de la législation et d'harmonisation communautaire, tend à supprimer trois taxes :

- le droit de fabrication applicable aux produits de parfumerie et de toilette, aux alcools à usage médicamenteux et aux alcools incorporés dans des produits alimentaires ;

- la taxe spéciale sur les sucres, glucoses, isoglucoses et sirops d'inuline servant à la fabrication d'apéritifs à base de vin ;

- et, la taxe sur les allumettes et les briquets.

I. LE DROIT DE FABRICATION SUR LES PRODUITS ALCOOLIQUES


Les articles 406 A à 406 F du code général des impôts définissent le droit de fabrication auquel sont soumis les produits alcooliques. Cette imposition ne doit pas être confondue avec le droit de consommation sur les alcools, qui constitue une accise harmonisée en application de la réglementation communautaire.

Le tarif du droit de fabrication est fixé par hectolitre d'alcool pur à :

- 790 francs pour les produits de parfumerie et de toilette ;

- 300 francs pour les produits à base d'alcool ayant un caractère exclusivement médicamenteux ou impropres à la consommation de bouche ;

- 405 francs pour les alcools, boissons alcooliques et produits à base d'alcool contenus dans des produits alimentaires ou impropres à la consommation en l'état et qui sont utilisés pour élaborer des produits destinés à l'alimentation humaine.

Les redevables du droit de fabrication sont les fabricants et les importateurs directs, à l'exclusion des marchands en gros revendeurs.

Ce droit de fabrication connaît une exonération, qui concerne les produits fabriqués et enlevés des chais des marchands en gros d'alcool à destination de l'étranger ou des DOM-TOM. Sa perception est suspendue sur les livraisons en vrac (c'est-à-dire avant conditionnement) de produits servant à la préparation du produit final, soumis au droit de fabrication, et de produits imposables entre les établissements d'un même fabricant.

En 1997, le produit de cette taxe s'est élevé à 322 millions de francs. Depuis le 1 er janvier 1994, son produit est affecté au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais il n'en représente qu'à peine 0,45 % des recettes. Cette perte fiscale ne sera pas compensée.

Le I du A du présent article propose d'abroger le droit de fabrication sur les alcools et, par conséquent, de supprimer les articles 406 A à 406 F du CGI.

La suppression proposée constitue la réponse de la France à la mise en demeure de la Commission des Communautés européennes. En effet, le droit de fabrication a fait l'objet d'observations de la Commission, dans le cadre d'une procédure précontentieuse engagée à l'encontre de la France, au motif que, pour être conforme à la réglementation communautaire, cette imposition indirecte additionnelle aux droits d'accises harmonisés doit poursuivre une finalité spécifique en respectant, aux termes de l'article 3 alinéa 2 de la directive 92/12/CEE modifiée du Conseil du 25 février 1992, " les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt ".

Or, la Commission n'a pas reconnu la finalité spécifique du droit de fabrication invoquée par les autorités françaises , notamment au regard d'objectifs de santé publique, et a estimé que " hormis l'objectif budgétaire, qui est commun à toutes les impositions à caractère fiscal, les autres objectifs indiqués par les autorités françaises ne sont pas identifiables ".

L'abrogation envisagée nécessite, dans un souci de coordination, de modifier un certain nombre de dispositions du CGI.



Trois articles doivent être purement et simplement abrogés :

- l'article 344 ter qui impose de souscrire une déclaration préalable à la fabrication de produits soumis au droit de fabrication sur les alcools ;

- l'article 462 ter qui prévoit que les titres de mouvement doivent mentionner " de façon très apparente " si le droit de fabrication a été ou non perçu ;

- l'article 1698-OA qui assimile, pour le paiement de l'impôt, le droit de fabrication visé à l'article 406 A aux contributions indirectes.

Neuf articles du CGI doivent ensuite faire l'objet d'un " toilettage " afin d' en faire disparaître la référence au droit de fabrication sur les alcools :

- le a du 10° de l'article 257 prévoit de soumettre à la TVA les achats, à des non - redevables de ladite taxe, de produits passibles d'un droit de fabrication ou de consommation ;

- l'article 302 B dispose que le droit de fabrication prévu par l'article 406 A constitue l'un des droits indirects entrant dans le champ d'application des dispositions relatives aux échanges intra-communautaires des alcools, boissons alcooliques et tabacs manufacturés ;

- l'article 348 établit une distinction obligatoire entre les locaux où sont fabriqués les médicaments à base d'alcool, visés à l'article 406 A, de ceux dans lesquels il est produit des alcools, fabriqué ou détenu des alcools dénaturés ou des produits à base d'alcool dénaturé ;

- l'article 403 fixe, en dehors de l'allocation en franchise de 10 litres d'alcool pur accordée aux bouilleurs de cru, le tarif par hectolitre d'alcool pur du droit de consommation sur les alcools à 9510 francs pour un certain nombre de produits ;

- l'article 406 quinquies rend le droit de fabrication applicable en Corse ;

- l'article 490 concerne le compte d'entrée et de sortie des redevables du droit de fabrication ;

- l'article 498 porte à deux mois au lieu d'un la durée, pour les redevables du droit de fabrication sur les alcools, du crédit d'enlèvement ;

- l'article 1698 prévoit que le droit de fabrication visé à l'article 406 A, lorsque la somme à payer s'élève à 250 francs au moins, peut être acquitté au moyen d'obligations cautionnées à quatre mois d'échéance (il s'agit d'un crédit de paiement permettant de reporter à quatre mois l'acquittement des droits exigibles) ;

- l'article 1928 dispose que les fabricants de produits médicamenteux et de parfumerie sont, en ce qui concerne les droits de fabrication notamment, subrogés au privilège conféré à l'administration pour le recouvrement des droits qu'ils ont payés pour le compte de leurs clients.

II. LA TAXE SUR LES SUCRES, GLUCOSES, ISOGLUCOSES ET SIROPS D'INULINE

La taxe sur les sucres, glucoses, isoglucoses et sirops d'inuline servant à la préparation d'apéritifs à base de vin et produits assimilables figure à l'article 563 du code général des impôts.

Cette taxe a été créée en 1925 afin de limiter l'adjonction de sucre dans les apéritifs à base de vin. Elle poursuivait donc un objectif de préservation de la qualité de ce type de boissons. La loi du 31 décembre 1945 a étendu l'application de la taxe à la fabrication de Vermouths ; les sirops d'inuline sont également taxés depuis le 1 er janvier 1995.

Son tarif est de 140 francs par 100 kilogrammes de sucre, glucose, isoglucose ou sirop d'inuline, lors de leur utilisation pour la préparation d'apéritifs à base de vin et de tous produits qui, par leurs modes de présentation, de consommation ou de mise en vente, sont assimilables à ces produits. Toutefois, les produits concernés sont dispensés de la taxe " dans les conditions arrêtées par l'administration pour la préparation d'apéritifs à base de vin ou de vermouths destinés à l'exportation " , l'exportation étant un fait traditionnellement exonératoire de droit en matière de fiscalité indirecte.

Le Gouvernement indique que " cette taxe n'a pas permis d'obtenir les effets escomptés et a un rendement très faible ". Certes, son rendement n'était que de 564.406 francs en 1997, mais il s'élevait à 5,036 millions de francs l'année précédente. L'effondrement des recettes fiscales engendrées par cette taxe s'explique par l'installation en Italie - où une telle taxe n'existe pas - du principal producteur d'apéritifs à base de vin, la société Martini SA : le nombre de redevables de cette taxe  est en effet très restreint.

Cette délocalisation révèle les effets pervers d'une telle imposition, qui pénalise les fabricants supportant la concurrence de leurs homologues d'autres Etats membres de la Communauté européenne.

En outre, la taxe sur les sucres, glucoses, isoglucoses et sirops d'inuline présente des inconvénients liés à la complexité de ses modalités de perception, qui sont codifiées aux articles 215 à 219 de l'annexe III du CGI. En effet, le fabriquant doit faire une déclaration, huit jours avant le début de ses opérations, indiquant la nature ainsi que la dénomination commerciale du produit à fabriquer et présentant la description du local dans lequel seront emmagasinés les produits. En outre, le fabricant doit tenir un compte entrées - sorties, et les agents du service des douanes possèdent des pouvoirs importants en matière de contrôle.

C'est cette taxe, et ses modalités de perception, que le B du présent article propose d'abroger. Dans un souci de coordination, il prévoit également d'en supprimer la référence à l'article 1698 du CGI relatif à la possibilité d'acquitter différentes contributions indirectes, lorsque la somme à payer est inférieure ou égale à 250 francs, au moyen d'obligations cautionnées à quatre mois d'échéance.

En revanche, subsisteront , d'une part, la taxe complémentaire sur les sucres utilisés pour l'enrichissement des vins figurant à l'article 422 du CGI, et , d'autre part, les cotisations à la production (reversées au budget communautaire au titre des ressources propres) prévues par l'article 28 du règlement n° 1785 du 30 juin 1981 du Conseil des ministres de la Communauté européenne, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre : sont soumis à une telle cotisation à la production les sucres (article 564 ter du CGI), l'isoglucose (article 564 quater ) et le sirop d'inuline (article 564 quater A).

III. LA TAXE SUR LES ALLUMETTES ET LES BRIQUETS

L'article 586 du code général des impôts (CGI) a créé ", à compter du 1 er février 1987, une taxe sur les allumettes et les briquets commercialisés en France continentale et en Corse. " Elle avait été introduite par voie d'amendement, l'exposé des motifs indiquant que son produit servirait à financer la lutte contre les incendies de forêt. Ce souhait constituait toutefois un simple affichage politique, les recettes ne pouvant être affectées aux dépenses.

Cette taxe est acquittée " par le fabriquant ou l'importateur ou la personne qui réalise une acquisition intra-communautaire. "

Ses taux sont très faibles :

- 2 centimes par boîte ou pochette de 100 allumettes au plus,

- et, 50 centimes par briquet à flamme ou recharge de briquets.

Les allumettes dites de ménage (240 allumettes) ainsi que les briquets à étincelle ou à résistance en sont exonérés.

Du reste, son rendement global est faible puisqu'il se situe entre 60 et 70 millions de francs chaque année. Depuis plusieurs années, il est stable.

En revanche, ses modalités de perception sont complexes. Le dernier alinéa de l'article 586 du CGI dispose qu' " un décret précise les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des fabricants et importateurs. " Ces conditions d'application ont été codifiées aux articles 222 à 228 de l'annexe III du CGI.

Elles consistent, pour l'essentiel, pour le fabricant ou l'importateur :

- à souscrire une déclaration préalable de profession auprès du service des douanes ;

- à obtenir un numéro d'identification ;

- à établir un relevé mensuel des quantités de produits imposables livrés sur le marché intérieur ;

- à tenir, dans chaque fabrique et lieu de stockage de produits imposables, une comptabilité-matières comportant des indications nombreuses et précises ;

- à déposer chaque année au service des douanes une déclaration récapitulative des quantités de produits concernés.

Le C du présent article propose de supprimer cette taxe pour des raisons tenant à une volonté de simplification administrative. En effet, les formalités liées à la perception de la taxe engendrent un coût de gestion trop lourd eu égard à son rendement.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à avancer la date d'application de la suppression de cette taxe à compter du 1 er octobre 1998, au motif que les fabricants et les importateurs de briquets sont confrontés à des reports d'achats de la part des grossistes, depuis l'annonce de cette mesure.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 33

Suppression de la taxe perçue au profit du budget annexe
des prestations sociales agricoles

Commentaire : le présent article propose d'abroger l'article 1603 du code général des impôts qui prévoyait la perception, au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), d'une taxe calculée sur la même base que la taxe foncière sur le non bâti (TFNB).

I. LA SITUATION ACTUELLE


La taxe additionnelle à la TFNB, dont la perception au profit du BAPSA est prévue par l'article 1603 du code général des impôts, a été instituée en 1959 " à titre provisoire ".

Son taux est fixé, depuis 1982 149( * ) , à 4,05 % du revenu imposable à la TFNB.

En sont redevables les personnes assujetties à la TFNB. Toutefois, une réforme de l'assiette de cette taxe additionnelle est intervenue en 1990 150( * ) : désormais, les parcelles à vocation agricole en sont exonérées. Elle a donc, à cette occasion, perdu le caractère " agricole " qui avait initialement justifié son affectation au BAPSA.

Le rendement de cette taxe, en particulier depuis la réforme de 1990, est relativement faible par rapport au total des ressources du BAPSA : 48 millions de francs pour 1998 soit 0,05 % des évaluations de recettes de cette même année (cf. tableau ci-après).

Recettes prévues en loi de finances initiale pour 1998 : (millions de francs)

Nature des recettes

LFI 1998

% du total

Contributions professionnelles

16 276

18,46 %

Cotisation additionnelle à la TFNB

48

0,05 %

Taxes affectées

26 126

29,63 %

Compensation démographique

32 467

36,82 %

Contribution de la CNAF

1 565

1,77 %

Subvention budgétaire + AAH

8 324

9,44 %

Versements FSV et FSI

3 374

3,83 %

Total (hors restitutions de TVA)

88 180

100 %

II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Trois raisons ont conduit le Gouvernement à proposer la suppression de cette taxe :

1- Le faible rendement de la taxe : La taxe additionnelle à la TFNB a le rendement le plus faible des taxes perçues au profit de ce budget annexe (0,18 % de l'ensemble de ces taxes en 1998, 48 millions de francs prévus) ;

2- La perte du caractère " agricole " de cette taxe : Avec la réforme de l'assiette de 1990, les agriculteurs étant exonérés de cette contribution additionnelle, la justification initiale de son affectation au BAPSA est devenue largement obsolète. On remarquera toutefois que toutes les taxes fiscales qui restent affectées au BAPSA (taxe sur les farines, taxe sur les tabacs, taxe sur les corps gras alimentaires, droits sur les alcools, cotisation assise sur les primes d'assurance automobile obligatoire, cotisation incluse dans la TVA) n'ont pas pour redevables principaux les agriculteurs.

3- Un souci de simplification de la législation fiscale : En effet, le Gouvernement a prévu d'abroger 58 articles législatifs du code général des impôts dont l'article 1603, au titre de la simplification de la législation fiscale.

La suppression de la taxe additionnelle à la TFNB à partir de 1999 ne met pas en danger l'équilibre du BAPSA : le projet de BASPA pour 1999 prend en compte cette suppression, qui crée un manque à gagner d'environ 50 millions de francs mais qui est largement compensée par la hausse prévue de différents postes de recettes (par rapport à 1998 : + 679 millions de francs de cotisations professionnelles ; + 1 460 millions de francs de taxes affectées ; + 1 534 millions de francs de versements au titre de la compensation démographique).

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 34

Suppression du prélèvement sur les bénéfices des entreprises exploitant des gisements d'hydrocarbures

Commentaire : le présent article propose l'abrogation de l'article 235 ter Z du code général des impôts qui prévoit un prélèvement sur les bénéfices des entreprises exploitant des gisements d'hydrocarbures en France.

I - LA SITUATION ACTUELLE


Le prélèvement sur les bénéfices des entreprises exploitant des gisements d'hydrocarbures est prévu par l'article 235 ter Z du code général des impôts. Il a été institué en 1985 151( * ) à titre " exceptionnel ", puis reconduit chaque année, avant d'être pérennisé en 1994 152( * ) .

En sont redevables les entreprises qui remplissent les deux conditions suivantes :

1- entreprise exploitant en France un ou plusieurs gisements d'hydrocarbures liquides ou gazeux ;

2- entreprise dont le chiffre d'affaires de l'année précédant celle de l'imposition est supérieur à 100 millions de francs.

En pratique, deux redevables supportent la charge de ce prélèvement, les compagnies pétrolières Elf Aquitaine et Esso 153( * ) .

Le taux du prélèvement est fixé à " 12 % du bénéfice net imposable réalisé au cours de l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition et provenant de la vente, en l'état ou après transformation, des produits marchands extraits de ces gisements ".

Toutefois, afin de favoriser la recherche pétrolière en France, une suppression progressive de ce prélèvement est intervenue : les gisements mis en exploitation à compter du 1 er janvier 1994 ont été exonérés.

Or, la production des gisements mis en exploitation avant cette date, qui sont désormais les seuls concernés par le prélèvement, diminue chaque année. En conséquence, le rendement de ce prélèvement est en constante diminution depuis plusieurs années, comme le montre le tableau ci-après.

Produit du prélèvement sur les bénéfices des entreprises pétrolières : (en millions de franc)

1985

1986

1987

1988

1989

908

1050

1050

354

210

1990

1991

1992

1993

1994

95

125

126

133

71

1995

1996

1997

1998

1999

38

47

43

45 *

--

* Prévisions Source : Service de la législation fiscale

L'article 235 ter Z fournit quelques précisions supplémentaires :

• Le prélèvement n'est pas déductible pour la détermination du bénéfice imposable.

• Il est établi, déclaré, liquidé et recouvré selon les mêmes modalités et sous les mêmes garanties et sanctions que la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers.

• Il est payé pour moitié le 15 mai et pour moitié le 15 octobre de chaque année.

II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Trois raisons principales ont conduit le Gouvernement à proposer la suppression de ce prélèvement :

1- Le faible rendement du prélèvement : Le tableau ci-dessus fait bien apparaître l'érosion progressive du produit annuel de ce prélèvement qui stagne, depuis 1995, aux alentours de 40-45 millions de francs.

2- Son extinction prévisible dans les prochaines années : En raison, de la fin prévisible de la production des gisements mis en exploitation avant le 1 er janvier 1994 qui sont les seuls concernés par cette taxation, le rendement de ce prélèvement est appelé à devenir nul dans quelques années.

3- Un souci de simplification de la législation fiscale : En effet, le Gouvernement a prévu d'abroger 58 articles législatifs du code général des impôts, dont cet article 235 ter Z, au titre de la simplification de la législation fiscale.

A ces trois raisons, il conviendrait d'ajouter :

1- que cette taxe correspondait au début des années 1980 à la taxation des surprofits des sociétés pétrolières françaises et qu'elle a aujourd'hui perdu son objet ;

2- que cette taxe constitue une distorsion peu justifiable dans l'imposition des gisements exploités en France et hors de France par les compagnies pétrolières françaises ; afin de ne pas accélérer le mouvement de désinvestissement des compagnies pétrolières en France (comme le montre le tableau ci-après) et de ne pas dissuader de nouveaux intervenants, notamment américains, de s'implanter en France, il semble en effet légitime d'abandonner ce prélèvement.

Diminution des investissements en France des compagnies pétrolières : (en millions de francs)

Compagnie

1990

1997

Evolution 97/90 (en %)

Elf Aquitaine

506

137

- 73 %

Esso

302

182

- 40 %

Source : Service de la législation fiscale

La suppression de ce prélèvement serait effective à compter du 1 er janvier 1999 . Le budget de l'Etat pour 1999 prend en compte cette suppression en prévoyant des moindres recettes de 46 millions de francs.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 35

Suppression de la taxe perçue pour toute demande d'autorisation administrative d'exploitation d'eau minérale naturelle

Commentaire : cet article a pour objet de supprimer une taxe sur les demandes d'autorisation d'exploitation d'eau minérale naturelle, qui a été créée en 1995 sans avoir jamais été effectivement perçue, et dont le rendement apparaitrait des plus modestes si elle devait l'être.

La loi n°93-5 du 4 janvier 1993, relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, a instauré une taxe perçue pour les demandes d'autorisation administrative d'exploitation d'eau minérale naturelle, d'industrie d'embouteillage ou d'établissement thermal, ainsi que pour toute demande d'expertise concernant des eaux ou des matériaux pouvant être à leur contact adressée aux services compétents de l'Etat.

Cette taxe était initialement affectée à l'Agence du médicament. Son taux devait être fixé par décret, dans la limite de 50.000 francs par dossier de demande d'autorisation ou d'expertise.

La loi n° 95-116 du 4 février 1995, portant diverses dispositions d'ordre social, a supprimé l'affectation de la taxe à l'Agence du médicament. Elle est depuis considérée comme une recette non fiscale du budget général.

Dans les faits, la taxe n'a jamais été recouvrée, jusqu'à la parution d'un décret d'application n° 97-978 du 20 octobre 1997.

Ce décret prévoit que le montant de la taxe est fixé à 32.000 francs si la demande d'autorisation administrative d'exploitation nécessite la réalisation d'anayse sur place, et à 27.000 dans le cas contraire. Ces montants sont respectivement réduits à 26.000 et 21.000 francs, lorsqu'un même dossier comporte plusieurs demandes conjointes.

Pour les demandes d'expertise, le tarif varie de 600 francs pour une simple analyse bactériologique, à 10.200 francs pour une analyse des caractéristiques physico-chimiques de l'eau.

Sur la base de ce tarif, le produit prévisionnel de la taxe est estimé à 2,5 millions de francs pour 1998. Eu égard à son faible rendement, le Gouvernement propose de la supprimer.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 35 bis (nouveau)

Création de la taxe de l'aviation civile

Commentaire : le présent article propose de créer une taxe d'aviation civile affectée pour partie au budget annexe de l'aviation civile et pour partie à un nouveau compte d'affectation spéciale.

L'article 35 bis (nouveau) porte création d'une nouvelle taxe intitulée "taxe de l'aviation civile". On en décrira les modalités puis l'affectation.

Pour bien comprendre cette création, il faut la restituer dans son contexte.

Cet exercice invite à son tour à des conclusions qui dépassent la taxe de l'aviation civile.

A titre liminaire, on doit indiquer que cet article, introduit par le gouvernement par voie d'amendement, a été voté sans modification par l'Assemblée nationale. Le montant du produit de la taxe de l'aviation civile s'élèverait à 1.435,3 millions de francs. Il convient tout d'abord de s'étonner qu'un dispositif aussi important n'ait pas été incorporé à la version initiale du projet de loi de finances.

I. LE DISPOSITIF PROJETÉ

La taxe de l'aviation civile, comme toute imposition, aurait une assiette, des redevables, un tarif et un mode d'administration. On examine ci-après ces différents éléments.

L'assiette de la taxe :

La taxe serait assise sur le nombre de passagers embarqués en France, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur. Toutefois, seraient "sortis" de l'assiette de la taxe :

- les personnels dont la présence à bord est "directement liée au vol considéré", le texte prenant le soin d'indiquer qu'il s'agit notamment des membres d'équipage assurant le vol mais aussi des agents de sûreté ou de police et des accompagnateurs de fret ;

- les enfants de moins de deux ans ;

- les passagers en transit direct, effectuant un arrêt momentané sur l'aéroport et repartant sur le même aéronef avec un numéro de vol au départ identique au numéro de vol de l'aéronef à bord duquel ils sont arrivés ;

- les passagers reprenant leur vol après un atterrissage forcé en raison d'incidents techniques ou de conditions atmosphériques défavorables.

Il est en outre précisé que si la taxe concerne les passagers des vols commerciaux ne doivent pas être considérés comme de tels vols :

- les évacuations sanitaires d'urgence et

- les vols locaux au sens du 2 de l'article premier du règlement CEE n° 2407.92 du 23 juillet 1992.

Le tarif de la taxe

Le tarif de la taxe, exprimé en francs par passage, est modulé en fonction de la destination du passager embarqué.

De 23 francs lorsque le passager est embarqué à destination de la France ou d'un autre Etat membre de la communauté européenne, il passe à 39 francs lorsque le passager est embarqué vers d'autres distinctions.

Le mode d'administration de la taxe

La taxe serait levée à partir du 1er janvier 1999 à partir d'un système déclaratif. Les entreprises de transport aérien désignées comme les redevables de la taxe devraient adresser mensuellement aux comptables du budget annexe de l'aviation civile une déclaration récapitulant le nombre de passagers embarqués le mois précédent assortie du paiement de la taxe due.

Les contrôles d'assiette seraient à la charge des services de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui pourraient examiner sur place les documents utiles.

Il incomberait au directeur général de l'aviation civile d'émettre les titres exécutoires nécessaires à la perception des "droits supplémentaires maintenus et des pénalités prévues à l'article 1729".

Un régime plus sévère prévaudrait en cas d'absence de déclaration dans les délais. Alors, il serait procédé à la taxation d'office sur la base du nombre total de sièges offerts pour les aéronefs utilisés pour l'ensemble des vols du mois.

L'entreprise de transport peut cependant régulariser sa situation dans les trente jours suivant la notification du titre exécutoire en déposant une déclaration. Cette régularisation vaut pour "les droits", mais pas pour les pénalités les assortissant, qui sont prévues par l'article 1728.

L'affectation du produit de la taxe

La taxe de l'aviation civile serait levée au profit du budget annexe de l'aviation civile (BAAC), mais aussi du "Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA) (v-infra).

L'article précise que les quotités du produit de la taxe respectivement affectées à l'un et à l'autre de ces supports budgétaires seraient déterminées par "la loi de finances".

Enfin, il est prévu qu'à compter du 1er janvier 1999 ces quotités s'établissent ainsi qu'il suit :

- 90 % du produit irait au budget annexe de l'aviation civile ;

- 10 % du produit seraient versés au FIATA.

II. LE CONTEXTE

La taxe de l'aviation civile se substituerait à la taxe de sécurité et de sûreté ainsi qu'à la taxe de péréquation des transports aériens. Mais son tarif serait plus élevé que celui de ces deux taxes de 2 francs pour les vols "domestiques" et de 3 francs pour les vols internationaux hors Union européenne.

Pour comprendre pourquoi cette substitution a été entreprise, il faut la situer dans son contexte qu'on peut, simplement, qualifier de contexte de crise du financement de certaines missions du transport aérien. Cette crise a provoqué le projet ici examiné qui fait partie d'un ensemble plus vaste.

A. UNE CRISE DU FINANCEMENT DE CERTAINES MISSIONS LIÉES AU TRANSPORT AÉRIEN

Par un arrêt du 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé divers arrêtés fixant le taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) perçue au profit du BAAC.

Le Conseil a constaté que le tarif de cette redevance était calculé en tenant compte du coût des missions de sécurité-incendie-sauvetage et de sûreté. Il a alors estimé que de telles missions entrant dans la catégorie des missions d'intérêt général ne sauraient être financées par le moyen de redevances mises à la charge des usagers. Les redevances ne sauraient en effet financer que des prestations de service rendues à des usagers dont elles sont la contrepartie directe et proportionnelle.

Les redevances ne pouvant être exigées en contrepartie de l'exercice d'une mission d'intérêt général, il fallait alors s'interroger sur le point de savoir si la situation observée à propos de la RSTCA ne risquait pas de se rencontrer dans d'autres occasions liées au transport aérien.

Cette interrogation conduisit à se pencher sur les modalités de financement des coûts de service de sécurité- incendie-sauvetage (SSIS) et d'exploitation des systèmes de sûreté dans les aérodromes. Il apparut alors que ces coûts étaient pour une partie sans doute importante, financés à partir des redevances aéroportuaires, réglementées ou non.

Il était alors à craindre que la décision rendue sur la RSTCA ne soit appliquée à ces redevances.

Le tableau ci-dessous donne un aperçu des enjeux financiers en cause à travers une estimation des coûts assumés pour l'exercice de certaines missions d'intérêt général par les exploitants d'aérodromes.

Evaluation de l'économie du système

Aéroport

Trafic départ 1999

Total sûreté en MF du 1.04 au 31.12

Total SSIS en MF du 1.04 au 31.12

Total SSIS et sûreté en F/pax

Proposition de taxe locale en F/pax

Besoin de subvention en MF

ADP 154( * )

32.012.468

307,8

120,1

17,8

18

0,00

Coûts classe 1

Pour une taxe locale comprise entre 16 et 20 F.

 

Nice

3.911.002

16,1

8,8

8,5

8,5

0,00

Marseille

2.903.448

14,2

13,0

12,5

12,5

0,00

Lyon

2.618.965

19,8

12,9

16,6

17

0,00

Toulouse

2.348.160

17,2

5,5

12,9

13

0,00

Coûts classe 2

Pour une taxe locale comprise entre 8 et 17 F.

 

Bordeaux

1.381.893

11,7

11,4

22,3

22,5

0,00

Strasbourg

1.111.042

14,2

4,9

23,0

23

0,00

Pointe-à-Pitre

1.003.159

7,5

3,5

14,6

17

0,00

Fort-de-France

926.665

2,4

9,5

17,0

17,5

0,00

Nantes

768.321

8,3

5,9

24,6

25

0,00

Montpellier

749.579

8,5

5,8

25,4

25,5

0,00

Saint-Denis

742.603

2,5

9,3

21,1

21,5

0,00

Ajaccio

443.952

1,4

8,0

28,1

28,5

0,00

Lille

437.586

2,5

2,8

16,1

17

0,00

Bastia

399.697

1,5

4,6

20,4

20,5

0,00

Toulon

341.335

1,6

5,4

27,5

27,5

0,00

Brest

325.709

1,8

2,1

15,8

17

0,00

Clermont

317.189

2,6

3,6

26,1

26,5

0,00

Biarritz

315.755

1,6

3,3

20,6

21

0,00

Pau

312.517

4,9

4,7

40,7

32

0,00

Tarbes

280.259

3,8

3,6

35,1

32

0,65

Perpignan

228.431

1,1

2,8

23,0

23

0,00

Coût classe 3

Pour une taxe locale comprise entre 17 et 32 F.

 

Cayenne

215.901

5,7

8,4

87,1

65

3,58

Rennes

158.873

1,1

1,7

23,8

32

0,00

Grenoble

144.416

1,1

3,7

44,0

44

0,00

Nîmes

140.813

1,1

4,8

55,8

56

0,00

Metz

132.402

1,1

2,3

34,1

34,5

0,00

Figari

116.953

0,9

3,5

50,6

51

0,00

Calvi

109.203

0,9

0,0

11,4

32

0,00

Lorient

104.905

1,0

1,2

28,2

32

0,00

Beauvais

110.960

1,8

0,7

30,5

32

0,00

Saint-Barthélémy

103.881

0,7

1,2

24,7

32

0,00

Quimper

84.163

1,8

1,2

47,7

48

0,00

Avignon

66.427

0,6

1,2

35,9

36

0,00

Limoges

63.765

0,6

1,0

33,6

34

0,00

Le Havre

58.817

0,6

0,6

27,1

32

0,00

Saint-Etienne

54.672

0,6

1,5

52,3

52,5

0,00

Rodez

42.871

0,6

1,5

64,8

65

0,00

Chambéry

41.268

0,6

1,5

68,9

65

0,12

Béziers

40.196

0,6

0,7

44,9

45

0,00

Lannion

38.221

0,6

0,9

51,3

51,5

0,00

Annecy

35.149

0,6

1,2

68,5

65

0,09

Caen

31.214

0,6

1,2

78,6

65

0,32

Coûts classe 4

Pour une taxe locale comprise entre 32 et 65 F.

 

Poitiers

27.357

0,6

1,2

90,9

91

0,00

La Rochelle

19.848

0,6

0,5

78,3

78,5

0,00

Rouen

19.153

0,0

0,4

25,2

65

0,00

Périgueux

19.069

0,6

0,5

75,7

76

0,00

Cherbourg

23.053

0,6

1,2

106,4

99

0,13

Brive

18.036

0,6

0,4

75,9

76

0,00

Dinard

17.347

0,0

0,7

56,3

65

0,00

Agen

13.008

0,6

0,5

109,5

99

0,10

Marie-Galante

12.161

0,0

0,7

80,3

80,5

0,00

Deauville

11.793

0,0

0,7

82,9

83

0,00

Dijon

11.357

0,0

0,3

32,4

65

0,00

Castres

10.087

0,6

0,3

116,7

99

0,13

Bergerac

9.190

0,6

0,3

138,7

99

0,27

Reims

8.322

0,0

0,0

3,6

65

0,00

Saint-Brieuc

8.118

0,0

0,2

40,2

65

0,00

Angoulême

8.077

0,0

0,3

44,5

65

0,00

Aurillac

7.282

0,6

0,7

247,2

99

0,81

Carcassonne

6.372

0,6

1,5

436,7

99

1,61

Tours

6.283

0,0

0,7

155,5

99

0,27

Epinal

6.092

0,6

0,4

221,9

99

0,56

Ouessant

5.293

0,0

0,7

184,5

99

0,34

Ile d'Yeu

5.268

0,0

0,2

61,9

65

0,00

Cannes

4.943

0,0

0,7

187,8

99

0,33

Le Mans

4.540

0,0

0,2

71,8

72

0,00

Roanne

4.512

0,6

0,2

254,7

99

0,53

Le Puy

4.066

0,6

0,2

282,7

99

0,56

Dôle

3.838

0,0

0,4

147,0

99

0,14

Lyon Bron

3.727

0,0

0,7

262,2

99

0,46

Nevers

3.299

0,0

0,0

8,0

65

0,00

La Mole

2.989

0,0

0,7

310,4

99

0,47

Le Touquet

2.927

0,0

0,2

111,2

99

0,03

Nancy

2.672

0,0

0,3

162,1

99

0,13

Saint-Nazaire

2.137

0,0

0,7

434,3

99

0,54

Auxerre

1.389

0,0

0,0

47,6

65

0,00

Valence

1.350

0,0

0,2

241,2

99

0,14

Châteauroux

2.450

0,0

0,2

106,4

99

0,01

Montluçon

1.151

0,0

0,3

306,7

99

0,18

Niort

1.053

0,0

0,0

40,8

65

0,00

Colmar

1.031

0,0

0,3

340,0

99

0,19

Cognac

949

0,0

0,2

343,1

99

0,17

Laval

726

0,0

0,2

448,9

99

0,19

Troyes

726

0,0

0,2

345,4

99

0,13

Valenciennes

698

0,0

0,1

103,9

99

0,00

Gap

613

0,0

0,2

531,2

99

0,20

Calais

598

0,0

0,2

436,0

99

0,15

Morlaix

529

0,0

0,2

616,1

99

0,20

Orléans

519

0,0

0,2

603,7

99

0,20

Coûts classe 5

Pour une taxe locale comprise entre 65 et 99 F.

 

Montants totaux en MF : pour un dispositif débutant au 1er avril


484


311

 
 


15,99

Produit attendu de la taxe d'aéroport sur 9 mois (MF) :

795

Face à cette situation la réaction du gouvernement fut double : il présenta en toute hâte un projet de validation législative destiné à le "dédouaner" pour le passé, mais il échafauda également un système supposé régler le problème pour l'avenir.

Notre collègue Yvon Collin a consacré, au nom de votre commission des finances, a consacré un rapport fouillé à la question des validations. On n'y reviendra donc pas ici. Mais, avant de détailler les différents éléments de l'échafaudage imaginé par le gouvernement, deux observations doivent être clairement faites.

Le gouvernement, les précédents comme celui-ci, aurait dû prévenir les contentieux et donc la crise. Tout d'abord, un premier arrêt du Conseil d'Etat du 10 février 1995 sur la redevance de contrôle technique avait rappelé les règles qui s'imposent en matière de redevances.

Ensuite, la commission des finances du Sénat, consciente de ces règles, avait demandé, avec l'appui du Sénat, au gouvernement de clarifier les conditions de financement du budget annexe de l'aviation civile en élaborant chaque année un rapport détaillé sur ce sujet. Enfin, le rapporteur spécial avait dénoncé explicitement les dérives au terme desquelles des redevances aéroportuaires étaient appelées à couvrir les coûts de missions d'intérêt général.

Seconde observation, le projet du gouvernement ne répond pas à un souci de rationaliser le financement des missions nécessaires au transport aérien ; il apporte des solutions partielles à un problème ponctuel.

B. LA RÉFORME INTRODUITE PAR LE GOUVERNEMENT

La réforme introduite par le gouvernement est destinée à parer pour l'avenir les conséquences des décisions du Conseil d'Etat, mais aussi -v. infra- du Conseil constitutionnel.

Outre la taxe de l'aviation civile, les aménagements introduits par le gouvernement par voie d'amendements au projet de loi de finances comportent deux autres éléments, les trois éléments s'imbriquant étroitement pour former un ensemble assez déconcertant.

1. La taxe d'aéroport

La perspective de voir annulées l'ensemble des décisions des exploitants d'aérodromes concernant les redevances aéroportuaires au motif qu'elles auraient été mobilisées pour financer les missions de SSIS et de sûreté a conduit le gouvernement à inventer un nouveau mécanisme pour financer ces missions. C'est la taxe d'aéroport qui a été votée par l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen en deuxième partie du projet de BAAC pour 1999.

Cette taxe serait levée au profit des exploitants d'aérodromes selon un dispositif assez complexe ménageant la compétence du Parlement et une large délégation laissée au pouvoir exécutif pour en déterminer précisément le taux aéroport par aéroport.

Le dispositif proposé qui s'appliquerait à compter du 1er avril 1999, consiste à classer les aéroports dont le trafic dépasse les 1.000 passagers embarqués ou débarqués en cinq grandes catégories en fonction du nombre de passagers traités. Le tarif de la taxe serait échelonné en fonction des cinq catégories d'aéroports ainsi définies. En outre, il serait fixé par référence à une fourchette.

Les classes d'aéroports et les limites de chacune des fourchettes seraient fixées comme suit :


Classe

1

2

3

4

5

Trafic de l'aérodrome ou du système aéroportuaire en total des passagers, embarqués ou débarqués

à partir de 10.000.001

de 4.000.001 à 10.000.000

de 400.001 à 4.000.000

de 50.001 à 400.000

de 1.001 à 50.000

Tarifs par passager

de 16 à 20 F

de 8 à 17 F

de 17 à 32 F

de 32 à 65 F

de 65 à 99 F

Le dispositif proposé s'articule autour d'une répartition des rôles entre le législateur et l'exécutif.

Le législateur est appelé à fixer les dispositions concernant l'assiette, le débiteur de la taxe, à préciser les règles de détermination de son taux et à aménager les responsabilités en matière de recouvrement. Mais, c'est l'exécutif qui est chargé de fixer, par arrêté, la liste des aéroports en fonction des catégories définies par le législateur et le tarif précis applicable pour chaque aéroport.

S'agissant de l'assiette , il est prévu que la taxe s'applique au nombre de passagers embarqués par un transporteur aérien sur l'aéroport à l'exception :

des "professionnels" embarqués ;

des enfants de moins de deux ans ;

des passagers en transit direct repartant sans changement d'avion avec le même numéro de vol qu'à leur arrivée ;

des passagers victimes d'un atterrissage forcé en raison "d'incidents techniques ou de conditions atmosphériques défavorables".

En outre, l'application de la taxe n'est exigible que pour les vols commerciaux. Ne sont pas considérés comme tels :

les évacuations sanitaires d'urgence,

les vols locaux au sens du 2 de l'article premier du règlement CEE n° 2407/92 du 23 juillet 1992.

S'agissant des règles concernant le débiteur et le recouvrement de la taxe, il est prévu que la taxe soit due par les entreprises de transport aérien public et qu'elle s'ajoute au prix acquitté par le passager.

Le recouvrement serait à la charge des comptables du budget annexe de l'aviation civile sauf pour les établissements publics nationaux dotés d'un comptable public. Dans ce cas, c'est à ce comptable qu'incomberait la charge du recouvrement. Chaque mois, les transporteurs adresseraient une déclaration mentionnant le nombre des passagers embarqués le mois précédent et accompagnée du paiement de la taxe due.

Les contrôles et les sanctions sont précisés, par référence pour les uns, au texte organisant la taxe d'aviation civile, et pour les autres à l'article 1729.

Le gouvernement aura la responsabilité de fixer le tarif de la taxe par aéroport . Cette compétence est doublement encadrée :

par les limites de la fourchette applicable à chaque catégorie d'aéroports qui sont fixées par le législateur ;

et par l'édiction de principes devant guider l'exécutif dans son choix final.

Il est ainsi précisé que le tarif est fonction du coût sur l'aérodrome des services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril aviaire et de sécurité, ainsi que des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux. Une importante précision supplémentaire est apportée, relative à la façon dont ce coût doit être apprécié. Il est indiqué qu'il l'est à partir des prestations assurées en application de la réglementation en vigueur et de l'évolution prévisible des coûts.

Le tarif de la taxe d'aéroport tel qu'il est proposé par le gouvernement est loin d'être calqué sur les coûts réels. Il ne dépasserait pas 99 francs par passager alors que le coût des missions que la taxe est appelée à financer peut dépasser 600 francs par passager. Le tarif de la taxe suppose donc une certaine péréquation, réalisée en l'espèce à travers les interventions du FIATA (v. infra) qui sera financé par une part du produit de la taxe de l'aviation civile..

Cependant le tarif est modulé en fonction de la fréquentation des aéroports si bien qu'un passager ne paierait pas la même somme quel que soit son point d'embarquement. Concrètement, un passager embarquant à Nice acquitterait une taxe de l'ordre de 8,5 francs alors qu'un passager embarquant à Cherbourg paierait 99 francs.

Que penser de cette taxe d'aéroport ?

L'on peut d'abord observer qu' en première analyse elle ne se traduirait, dans l'immédiat, par aucun changement notable si la taxe d'aéroport devait simplement prendre le relais du financement par redevances aéroportuaires jusqu'à présent mis en oeuvre. On peut même considérer que le nouveau dispositif serait plus favorable que l'ancien pour les " petits aéroports " puisque ceux-ci bénéficieraient désormais d'une intervention du FIATA.

L'on doit également souligner que l'échelonnement d'un tarif fiscal en fonction des coûts réels est conforme aux enseignements de la théorie économique et, en particulier, au souci de réunir les conditions d'une bonne allocation des ressources.

Enfin, rien ne permet d'affirmer que le tarif proposé serait de nature à provoquer des détournements de trafic aux dépens des aéroports où la taxe serait élevée. Si l'on fait l'hypothèse que la taxe prendrait le relais des redevances, une telle éventualité paraît même exclue. Il en irait autrement si la taxe se substituait également à des subventions ou si le tarif de la taxe devait, dans un souci de péréquation, s'éloigner, pour certains aéroports, du tarif actuel des redevances.

Cependant, à supposer cette équivalence vérifiée pour l'heure, la perspective, mise en évidence plus haut, d'une augmentation des dépenses de sûreté et de sécurité pourrait à l'avenir susciter une distorsion du tarif de la taxe plus importante qu'il n'est aujourd'hui proposé. On peut donc redouter que la logique du système ne revienne à alourdir très sensiblement dans un futur proche le tarif pour les " petits aéroports ". Cette évolution ne serait pas à proprement parler antiéconomique mais elle pourrait condamner certaines plates-formes. Il fallait le dire.

Ces difficultés concernent l'aménagement du territoire, mais l'essentiel est sans doute ailleurs.

La taxe d'aéroport suscite à l'évidence des problèmes juridiques sui ne sont d'ailleurs que le reflet des questions politiques qu'elle pose.

Le dispositif de la taxe en fait l'exact équivalent d'une redevance, même si en tant que taxe le prélèvement nouvellement institué obéira à un régime juridique différent de celui des redevances : elle devra ainsi en particulier faire l'objet d'un vote par le Parlement.

Mais, sur le fond, la taxe d'aéroport, imposition spécifique prélevée sur le passager aérien pour financer des missions d'intérêt général ne différerait pas des redevances . Formellement, la ressemblance avec les redevances serait assurée par un calcul du tarif de la taxe épousant au plus près possible les coûts aéroport par aéroport et, surtout, par une absence totale d'affectation budgétaire de son produit et donc d'imputation budgétaire des charges qu'il serait censé couvrir.

L'on peut d'abord se pencher sur cette dernière caractéristique et se poser la question de savoir si l'absence de rattachement budgétaire du produit de cette taxe est justifiable.

Cette question comporte deux dimensions, l'une juridique, l'autre politique.

Juridiquement, les artisans du projet s'appuient sur de nombreux précédents pour faire valoir que des taxes sont prélevées sans nul rattachement budgétaire. Pour donner une base juridique à cette argumentation, il est fait référence à l'article premier de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 qui dispose que " les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat... ". Il est alors précisé que la taxe d'aéroport n'étant pas perçue au profit de l'Etat et étant appelée à couvrir des charges supportées par les exploitants d'aérodromes, il ne serait pas nécessaire d'en retracer le produit dans un quelconque document budgétaire. En sens inverse, le même article disposant que " les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ", l'insertion en loi de finances des dispositions relatives à la taxe d'aéroport se trouve justifiée.

Cette dernière conclusion ne fait aucun doute. En revanche, la précédente pose de graves problèmes juridiques et politiques.

Sur le plan juridique, le défaut de rattachement budgétaire du produit de la taxe d'aéroport suppose qu'on admette que les missions ainsi financées échappent à la responsabilité de l'Etat. Or, comme l'a affirmé le Conseil d'Etat, tel n'est pas le cas. Celui-ci a en effet insisté dans son arrêt du 20 mai 1998 sur le fait que les missions en cause " correspondent à des missions d'intérêt général qui incombent, par nature, à l'Etat " 155( * ) .

En conséquence, il convient de retracer le produit de la taxe d'aéroport et les charges qu'elle est appelée à financer, dans un document budgétaire.

A supposer même que l'objection juridique sus-dénoncée ne soit pas consacrée, il appartient au législateur de juger en opportunité. Et de ce point de vue, il est loisible de préférer une solution sûre et transparente -le rattachement budgétaire- à une solution fragile et opaque- l'absence d'affectation budgétaire et comptable.

Avec la question du choix de la nature de l'imposition appelée à financer les coûts des missions d'intérêt général en cause, on aborde une autre difficulté, de fond.

Votre commission des finances s'est systématiquement opposée en la matière à des solutions où une redevance mise à la charge d'une catégorie spéciale d'usagers ou une taxe spécifique viendrait financer l' exercice normal de missions d'intérêt général.

Le dispositif proposé par le gouvernement n'est donc pas satisfaisant puisque les principes républicains d'ailleurs enracinés dans l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen veulent que les dépenses de sûreté soient financées à partir d'une contribution commune, générale.

Le choix d'une taxation spécifique ne saurait être sans distinction justifié par la spécificité des missions à financer : lesdites missions relèvent de l'intérêt général. Mais, sur ce point, une nuance peut probablement être faite entre les missions de sécurité qui sont destinées essentiellement à préserver l'intégrité physique des personnes embarquées et les missions de sûreté qui sont destinées à cela mais aussi à contribuer à la défense de la Nation contre des actes de malveillance susceptibles de l'atteindre .

On ne peut non plus se contenter de se référer aux spécificités du transport aérien. Cette justification à laquelle renvoient les propos du ministre devant l'Assemblée nationale s'inspire, semble-t-il, de deux considérations : le fait qu'une proportion réduite de la population se transporte par la voie des airs ; le fait qu'à l'étranger la taxation spécifique est de pratique répandue et qu'elle soit consacrée par l'OACI.

On sait ce qu'il faut penser du second de ces arguments du fait du décalage entre la logique des "règles" de l'OACI et la philosophie de notre droit public. On peut ajouter que la France a jusqu'à un récent passé offert l'exemple d'une implication normale des pouvoirs publics à travers en particulier l'intervention de la DICCILEC.

Quant au premier argument, on voit bien que sa généralisation pourrait déboucher sur une révolution fiscale susceptible d'anéantir l'idée même de contribution commune. Appliqué à l'ensemble des dépenses publiques, il pourrait déboucher sur un financement par voie de contributions spécifiques imposées aux seuls bénéficiaires des biens produits à l'aide de la dépense publique.

Ainsi, seuls les habitants des quartiers en difficulté seraient appelés à financer les mesures destinées à régler les problèmes qu'ils doivent affronter, seuls les clients de la SNCF devraient financer les forces de police mobilisées par le souci d'assurer la tranquillité du transport ferroviaire, etc. Une telle argumentation suppose des ajustements tels qu'elle ne peut sans débat sur ses conséquences et prolongements être produite à l'appui de la solution proposée par le gouvernement.

Néanmoins, là aussi, une nuance pourrait être introduite entre l'exercice normal des missions de sûreté et ce qui, dans l'exercice de ces missions, correspond à des exigences particulières liées au transport aérien, en particulier à l'impératif de célérité des contrôles nécessaires à la fluidité du trafic.

Ajoutons que le recours à une taxation spécifique pose des problèmes au regard du principe d'égalité.
Ainsi les choix du gouvernement en matière d'assiette des taxes d'aéroport et de l'aviation civile introduisent une rupture d'égalité devant les charges puisqu'elles conduisent à exonérer entièrement les entreprises de fret.

Au terme de ces distinctions, il faut souhaiter :

- que le produit de la taxe d'aéroport et les dépenses qu'elle est appelée à financer soient retracés dans un document budgétaire ;

- qu'une partie desdites dépenses soient financée par la taxation spécifique tandis qu'une autre partie soit couverte par le budget général.

Lors de la discussion du projet de loi relatif à certains services du transport aérien, le rapporteur spécial a demandé au ministre d'élaborer un système permettant de satisfaire trois exigences :

respecter l'aménagement du territoire ;

retracer le produit de la taxe d'aéroports et les charges financées par elle dans un un document budgétaire ;

faire une place à la contribution commune pour financer les charges normales liées à l'exercice de la mission de préservation de la sûreté publique.

Si le dispositif n'était pas modifié par le gouvernement en ce sens, la commission des finances devrait refuser de le voter.

2. La création du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA)

La création du FIATA constitue le troisième élément de l'édifice. De quoi s'agit-il et à quelles observations invite ce projet ?

Le dispositif

Le gouvernement propose une extension du compte d'affectation spéciale n° 902-25 intitulé "Fonds de péréquation des transports aériens" (FPTA).

Ce fonds, créé par l'article 46 de la loi de finances pour 1995 afin de financer les déficits d'exploitation de certaines lignes aériennes dites "d'aménagement du territoire" prendrait une autre dénomination et s'intitulerait désormais "Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA).

Le FIATA continuerait à assumer cette dernière charge mais il serait en outre appelé à financer :

a) les dépenses directes de l'Etat en fonctionnement et en capital concernant les services de sécurité-incendie-sauvetage et la sûreté, à l'exception des dépenses de personnel ;

b) les subventions aux gestionnaires d'aérodromes en matière de sécurite-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le péril aviaire et de mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux ;

c) les frais de gestion ;

d) les restitutions des sommes indûment perçues ;

e) les dépenses diverses ou accidentelles.

Le FIATA serait financé au moyen d'une part du produit de la taxe d'aviation civile (TAC) comme il a été dit plus haut.

En 1999, le FIATA présenterait le profil suivant :

(En millions de francs)

 

Dépenses

Recettes

Péréquation lignes aériennes

51

 

Financement aéroportuaire

97

 

dont dépenses en capital directes de l'Etat

50

 

dont péréquation petites plates-formes

15

 

dont Bâle-Mulhouse

10

 

dont TOM

22

 

Total

148

148

Observations :

Une analyse des charges du FIATA fait ressortir que :

- pour 34,5 % et 51 millions de francs, elles correspondraient aux charges théoriques du FPTA estimées à l'an dernier à 48,5 millions de francs et qui progresseraient donc de 5,15 % ;

- pour le reste, 65,5 % et 97 millions de francs au financement des aérodromes.

Cette dernière catégorie de dépenses se répartiraient en :

- 50 millions de francs au titre des dépenses en capital anciennement logées dans le BAAC et financées à travers les redevances ;

- 15 millions de francs au titre des subventions versées aux exploitants d'aérodromes pour lesquels le produit de la taxe d'aéroport ne suffirait pas à couvrir les coûts des missions que cette taxe nouvelle serait censée financer ;

- 32 millions de francs pour intervenir sur les aéroports de Bâle-Mulhouse et des territoires d'outre-mer qui, en l'état, seraient hors du champ de la taxe d'aéroport.

En bref, le FIATA subrogé dans les missions du FPTA servirait à :

- financer les dépenses des missions de sûreté dans les aéroports sans taxe d'aéroport (32 millions de francs soit 1/3 des interventions dans les aéroports) ;

- financer les seules dépenses de sûreté du BAAC auparavant financées via la RSTCA (50 millions de francs, 51,5 % des interventions aéroportuaires du FIATA mais seulement 15,7 % des dépenses de sûreté identifiables assumées par l'Etat et 6,2 % de l'ensemble des dépenses de sûreté aéroportuaire) ;

- et financer l'impasse de financement des aéroports en déficit de produit de taxe d'aéroport pour 15 millions de francs.

L'équilibre du compte est dépendant des observations qui suivent :

Une première question est de savoir si le FIATA doit intégrer les opérations du FPTA. Une réponse négative doit être apportée à cette question car l'on peut craindre d'une telle intégration qu'elle ne comporte un certain mélange des genres au terme duquel des arbitrages opaques défavoriseraient les interventions jusqu'alors mises à la charge du FPTA. Cela a des conséquences sur la rédaction de l'article 35 bis qui devrait laisser subsister le FPTA. La taxe de l'aviation civile verrait ses deux tarifs diminués de 1 franc. Quant à son affectation, elle serait partagée entre le FPTA, le FIATA et le BAAC.

Une seconde question est de savoir comment devrait être formaté le FIATA, et, partant, de savoir quel sort budgétaire réserver aux dépenses d'intérêt général dans les aéroports et quel mode de financement choisir pour couvrir ces dépenses.

Sur la première question, la jurisprudence du Conseil d'Etat invite à conclure que les financements des dépenses réalisées par les gestionnaires d'aéroport devraient être retracées par le budget de l'Etat, ce qui laisse le choix entre le budget général ou un compte spécial du Trésor. Il paraît en effet inopportun d'imputer de telles dépenses à un budget annexe, cette formule n'étant pas faite pour cela. Cette dernière observation conduit d'ailleurs à suggérer que les dépenses de même nature que celles envisagées ici qui, dans le schéma du gouvernement , resteraient assumées par le BAAC, soient transférées au budget général ou à un compte spécial.

Au total, au terme d'une telle opération, le montant des dépenses qui devraient faire l'objet du tel rattachement s'élèverait en 1999 à 1.215 millions de francs, soit :

- 322 millions de francs au titre des dépenses de sûreté assumées par le BAAC ;

- 811 millions de francs de dépenses de SSIS et de sûreté assumées par les aéroports mais financées par l'impôt, dont 484 millions de francs de dépenses de sûreté, 311 millions de francs de dépenses de SSIS ;

- 32 millions de francs au titre des dépenses d'intérêt général dans les aéroports des territoires d'outre-mer et de Bâle-Mulhouse ;

- 50 millions de francs au titre des dépenses directes de SSIS assumées par le BAAC.

Entre un rattachement au budget général et un rattachement à un compte d'affectation spéciale(CAS), la seconde option serait a priori la meilleure puisqu'elle permettrait d'isoler les moyens consacrés aux missions d'intérêt général dans les aéroports.

Mais il faut considérer une difficulté pratique de l'opération :

Le transfert de ces dépenses à un CAS poserait un problème particulier du fait de la règle posée à l'article 25 de l'ordonnance organique qui veut que les versements du budget général à un CAS n'excèdent pas 20 % des dépenses envisagées. Or, la partie des dépenses de sûreté correspondant aux sujétions normales qui incombent à l'Etat du fait de ses responsabilités propres doit être financée par l'impôt général.

Du fait de la contrainte passée par l'ordonnance organique, le versement de l'Etat au CAS ne pourrait excéder 20 % des dépenses mises à la charge de ce CAS, soit 243 millions de francs.

Il resterait à financer 972 millions de francs en 1999 à travers un autre outil.

La question, et on aborde alors le problème du dosage du financement par l'impôt général et par l'impôt spécifique, qui se pose est de savoir si un versement de 243 millions de francs en provenance du budget général suffirait à satisfaire l'exigence de voir celui-ci financer les missions normales de sûreté publique exercées dans le secteur du transport aérien.

Il faut, pour y répondre, indiquer qu'une telle somme correspondrait à un peu moins de 30 % des charges de sûreté publique dans les aéroports qui seraient réalisées en 1999 par les gestionnaires d'aéroports au par le BAAC. A ce stade de la réflexion, on peut considérer que les dépenses de sécurité en elle-même pourraient être financées par une taxation spécifique comme c'est le cas pour d'autres modes de transport.

Il est difficile de faire le départ entre les sujétions dont le financement doit rester à la charge de l'Etat du fait de l'exercice normal de ses responsabilités et celles qui, du fait des exigences particulières du transport aérien, pourraient être financées par les entreprises de transport aérien. Mais cette difficulté doit être résolue.

*

* *

Le gouvernement a été appelé à proposer des solutions à cet ensemble de difficultés.

La décision de votre commission dépendra des réponses apportées par le gouvernement aux exigences rappelées plus haut.

La commission aurait pu prendre l'initiative de modifier le système proposé. Mais, cela suppose un accord du gouvernement qui ne saurait être mieux matérialisé que dans les propositions qu'il pourrait nous soumettre.

La commission a tracé la voie à suivre et le gouvernement peut s'inspirer de ses travaux.

En l'état, un amendement de suppression d'un article au sort incertain s'impose.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

C. Mesures diverses
ARTICLE 36

Prélèvement exceptionnel sur les caisses d'épargne

Commentaire : le présent article a pour objet d'effectuer un prélèvement exceptionnel de cinq milliards de francs sur le fonds commun de réserve et de garantie (FCRG) et le fonds de solidarité et de modernisation (FSM) des caisses d'épargne, en contrepartie d'une dotation exceptionnelle versée au réseau des caisses d'épargne en 1984.

I. UN PRÉLÈVEMENT INOPPORTUN


Trois arguments conduisent votre commission des finances à s'opposer à un tel prélèvement :

• Sur le plan patrimonial, la dotation de 3 milliards de francs accordée au réseau des caisses d'épargne en février 1984 par le ministre de l'économie et des finances de l'époque, M. Jacques Delors, a été versée aux fonds centraux 156( * ) des caisses d'épargne à partir du fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne (FRGCE) institué par l'article 52 du code des caisses d'épargne. Une telle dotation ne faisait que mettre en pratique l'article 4 de la loi du 1 er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance 157( * ) .

Le FRGCE est géré par la Caisse des dépôts et alimenté par celle-ci au moyen des profits réalisés sur les emplois des sommes collectées par le livret A.

La dotation de 3 milliards de francs ne constitue donc pas une subvention de l'Etat mais un prélèvement sur des fonds constitués par prélèvement sur les résultats dégagés de l'activité commerciale des caisses d'épargne alors centralisée à la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, les fonds centraux sont classés dans les fonds propres du groupe , tant sur le plan comptable pour l'établissement des comptes consolidés certifiés, que sur le plan réglementaire, vis-à-vis de la commission bancaire.

• Sur le plan juridique, rien n'indique que la dotation accordée aux fonds centraux des caisses d'épargne, avait vocation à être remboursée. Au contraire, dans sa lettre du 9 février 1984, M. Delors écrit :

" Cette dotation, qui revêt un caractère tout à fait exceptionnel, est constituée une fois pour toute, par prélèvement sur le fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne. Il appartient désormais au réseau de la gérer et de mettre en place les moyens de son alimentation régulière. "

Le ministre ajoute que " le transfert des fonds (et non le prêt) sera réputé effectué en date de valeur du 1 er janvier 1984 ".

Au demeurant, plusieurs signes laissent à penser que l'argument de la dotation accordée en 1984 n'est qu'un prétexte pour légitimer un prélèvement que le gouvernement aurait réalisé quoi qu'il arrive et que rien ne l'empêche de réitérer.

Si le prélèvement sur les fonds propres des caisses d'épargne visait réellement à rembourser la dotation aux fonds centraux des caisses d'épargne accordée par le ministre de l'économie en 1984, le gouvernement aurait pu légitimement réclamer aux caisses le montant actualisé de cette somme. Raymond Douyère évalue cette somme à 8,5 milliards de francs dans son rapport sur les caisses d'épargne du 8 avril 1998.

Constatant que le gérant des fonds admettait en avoir placé la plus grande partie en OAT, ce qui portait à 12 ou 13 milliards de francs la valeur actualisée de la somme de 3 milliards de francs, M. Douyère estime en effet dans ce rapport qu' " une hypothèse moyenne de 8,5 milliards de francs semble plus vraisemblable une fois défalqués les 3,5 milliards de francs affectés à la modernisation du réseau et à la mise en oeuvre des garanties pour défaillances ".

Compte tenu de ces arguments, si le gouvernement se contente de revendiquer une somme de 5 milliards de francs, c'est qu'il ne se sent pas totalement fondé à réclamer le remboursement de la dotation de 1984.

Par ailleurs, l'exposé des motifs comme le texte du projet de loi indiquent qu'il est proposé " d'instituer un prélèvement exceptionnel ". L'emploi du terme " instituer " est contradictoire avec le caractère exceptionnel du prélèvement et laisse à penser que le Gouvernement ne se privera pas de recourir de nouveau à un prélèvement de ce type si les finances publiques le nécessitaient.

• Enfin, sur le plan économique, un tel prélèvement sur les fonds propres des caisses d'épargne risque de les déstabiliser à la veille du choc concurrentiel que risque de constituer la prochaine réforme de ces caisses et alors même que leur rentabilité est tout à fait insuffisante.

Le rapport Douyère souligne ainsi que les caisses d'épargne affichent le plus faible produit net bancaire (PNB) par agent et que le résultat brut d'exploitation par agent et le bénéfice net par agent restent sensiblement inférieurs à ceux des autres réseaux.

Rappelons enfin que le montant des fonds propres des caisses d'épargne (65,7 milliards de francs en décembre 1997) est nettement inférieur à celui du Crédit agricole (120 milliards de francs) et se situe à un niveau voisin de ceux de la BNP (65 milliards de francs) ou de la Société générale (62 milliards de francs). Il convient toutefois de noter qu'après le prélèvement de 15 milliards de francs destiné à consolider la Caisse de retraite (CGR), les fonds propres des caisses d'épargne devraient revenir aux alentours de 45 milliards de francs.

II. UN ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE À PRÉSERVER.

Bien que désapprouvant le prélèvement opéré par le présent article, votre commission est consciente de son importance dans la construction de l'équilibre budgétaire pour 1999. Cette importance confirme d'ailleurs que le gouvernement n'a pas agi comme il l'aurait dû sur les dépenses, car ce type de recettes n'est pas reproductible alors que la plupart des dépenses nouvelles du présent projet sont non seulement récurrentes, mais le plus souvent très difficiles à comprimer.

Pour éviter de nuire trop à l'équilibre du budget, votre commission vous propose de porter le prélèvement sur le fonds de réserve de l'épargne-logement de la caisse nationale d'épargne prévu par le présent projet de 0,5 à 2,5 milliards de francs. D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, ce prélèvement ne ferait pas descendre le ratio de cette réserve sur les encours au-dessous des 2 % considérés par votre commission comme étant la juste limite prudentielle.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 36 bis (nouveau)

Inclusion de la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ d'application de la redevance sur les concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative de M. Gérard Grignon, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, vise à assujettir les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux situées dans la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon à la redevance sur les hydrocarbures prévue par l'article 31 du code minier.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL


Les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux sont en principe assujettis à une redevance progressive 158( * ) dont le barème, défini à l'article 31 du code minier, est le suivant.

Huile brute :

Par tranche de production annuelle (en tonnes) :

inférieur à 50 000 8,0

de 50 000 à 100 000 14,6

de 100 000 à 300 000 17,9

supérieure à 300 000 20,12

Gaz :

Par tranche de production annuelle (en millions de mètres cubes) :

inférieur à 300 0,0

supérieure à 300 20,5

L'article 27 de la loi de finances pour 1994 a exonéré les gisements d'hydrocarbures en mer de cette redevance afin d'encourager la prospection qui nécessite de lourds investissements, ceci face à la perspective de l'épuisement des gisements terrestres en Aquitaine et dans le bassin parisien. Cette mesure n'a rien coûté à l'Etat puisqu'en 1993, aucune production de pétrole n'était exploitée dans les zones marines.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Le présent article, adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du député de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Gérard Grignon, a pour objet d'introduire une exception dans l'exception. Il s'agirait en effet de préciser qu'à l'inverse des autres gisements en mer, les gisements d'hydrocarbures qui sont situés dans la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon seraient soumis à la redevance sur les mines d'hydrocarbures de l'article 31 du code minier.

Pour comprendre l'intérêt d'un tel article, il convient de rappeler que par arrêté du 23 février 1998, le gouvernement français a accordé un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures à la société canadienne GULF CANADA RESSOURCES LIMITED pour une durée de trois ans dans une zone de 396 000 hectares. La société canadienne détient déjà des droits exclusifs d'exploration dans une zone adjacente de 2,6 millions d'hectares en eaux canadiennes.

Elle s'est vue accorder le permis en contrepartie de la réalisation d'un forage pour un engagement financier minimal de 60 millions de francs.

Or, les autorités de Saint-Pierre-et-Miquelon ont de fortes raisons de croire que la zone sur laquelle porte ce permis exclusif recèle d'importantes réserves de pétrole et de gaz, comme le rappelait M. Gérard Grignon en séance publique le 17 octobre 1998 159( * ) .

En effet, des réserves importantes d'hydrocarbures ont été découvertes à 300 kilomètres à l'ouest (gisement de Sable Island) et à 700 kilomètres à l'Est (gisement d'Hibernia - Terra Nova) de la zone exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les analyses de la campagne sismique menée par Gulf Canada à l'été 1998 (elle s'est achevée il y a quinze jours) devraient être disponibles à la fin de ce mois. Une autre campagne est programmée pour l'été prochain.

Compte tenu de ces éléments, les autorités de Saint-Pierre-et-Miquelon souhaitent que la société canadienne puisse être assujettie à la taxe sur les hydrocarbures le jour où elle mettra en exploitation les gisements qu'elle aura éventuellement découverts.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. UNE MESURE JUSTIFIÉE

Compte tenu du marasme économique que traverse l'archipel
depuis 1992, dont les raisons sont relatées dans l'excellent rapport d'information de notre collègue M. Jacques-Richard Delong de juin 1998 sur le système éducatif de Saint-Pierre-et-Miquelon 160( * ) , votre rapporteur général ne peut que souscrire à la volonté des élus de Saint-Pierre-et-Miquelon de toucher les dividendes de l'exploitation de leurs fonds sous-marins.

Il serait en effet anormal que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ne touche aucune recette fiscale issue de cette exploitation alors que les exploitations d'hydrocarbures situées en eaux canadiennes sont soumises à redevance (à des taux échelonnés entre 30 et 85 % selon M. Gérard Grignon).

En outre, selon les informations recueillies par votre rapporteur, la société Gulf Canada semble tout à fait disposée à acquitter une redevance sur les gisements qu'elle aura découverts dès lors qu'elle en connaîtra le montant, les modalités de calcul et de règlement et le bénéficiaire. Cette information rend caduc l'argument du gouvernement selon lequel l'assujettissement de la société canadienne à une redevance minière risque de la dissuader de poursuivre ses recherches avant même d'avoir découvert le moindre gisement.

Au demeurant, les élus de l'archipel sont bien conscients de ce risque et de la nécessité de fixer les taux de cette redevance à un niveau attractif par rapport à ceux qui sont pratiqués au Canada.

Le gouvernement fait valoir par ailleurs que la modification du code minier n'est pas urgente dans la mesure où la société Gulf Canada ne réalisera son premier forage qu'en 2000, ce qui conduirait, dans le cas d'une découverte significative d'hydrocarbures, à une production, au plus tôt à l'horizon 2004-2005.

Votre rapporteur considère pour sa part que la moindre des corrections est de prévenir la société Gulf Canada par avance des contraintes fiscales qui seront les siennes le jour où elle découvrira des gisements.

Il renouvelle à cet égard son opposition ferme à la rétroactivité de la loi fiscale qui accroît l'insécurité juridique et économique des contribuables et les dissuade de faire des prévisions et des investissements à long terme.

B.  DES AMBIGUÏTÉS JURIDIQUES À LEVER

1. Des ambiguïtés sur le bénéficiaire de la redevance


L'article 31 du code minier que modifie le présent article dispose clairement que la redevance sur les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures est versée au profit de l'Etat.

Sont en revanche versées aux communes et aux départements respectivement les redevances prévues aux articles 1519 et 1587 du code général des impôts, dont ont été également exonérés les gisements en mer en vertu de l'article 71 de la loi de finances pour 1995.

Or, le présent article modifie l'article 31 du code minier tout en précisant que c'est la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon qui est compétente sur la zone économique exclusive faisant l'objet de l'exception.

Il suggère ainsi, comme le souhaitent les auteurs de l'article, qu'elle sera la bénéficiaire de la redevance sur les gisements d'hydrocarbures et éventuellement qu'elle pourra en fixer les taux. Toutefois, la suggestion ne fait pas le droit et la rédaction proposée est ambiguë sur ces deux points.

On pourrait en effet interpréter l'article 31 du code minier modifié par le présent article aussi bien comme permettant à l'Etat français d'assujettir les concessions situées dans la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon à la redevance dont les taux sont fixés à l'article 31 du code minier que comme permettant à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon de déterminer sa propre redevance.

Cette faculté lui est ouverte depuis que l'article 21 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon a attribué au conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon les compétences en matière fiscale et douanière ainsi que dans le domaine de l'urbanisme et du logement, " que détenait le Conseil général du territoire des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon avant l'entrée en vigueur de la loi n° 76-664 du 9 juillet 1976 relative à l'organisation de Saint-Pierre-et-Miquelon " .

Aussi, la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon serait-elle tout à fait légitime à prélever une redevance dans le cadre fixé par l'article 31 du code minier.

2. Des ambiguïtés sur l'autorité compétente en matière d'exploration et d'exploitation des ressources sous-marines

L'article 27 de la même loi, modifié par l'article 49 de la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993 161( * ) dispose que :

" L'Etat exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime ou aérien. Sous réserve des engagements internationaux et des dispositions prises pour leur application, l'Etat concède à la collectivité territoriale dans les conditions prévues par un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat pris après avis du conseil général l'exercice des compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles, biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes . "

Or, le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article 27 censé approuver le cahier des charges n'a jamais vu le jour, ce qui laisse planer une ambiguïté sur l'autorité compétente en matière d'exploration et d'exploitation des ressources sous-marines.

Au regard de cet article, on peut d'ailleurs se demander si le gouvernement était compétent pour prendre l'arrêté du 23 février 1998 par lequel il a accordé un permis de recherche exclusif à la société Gulf Canada Ressources Limited .

Votre rapporteur général ne peut que déplorer un tel retard dans l'application d'une loi vieille de presque six ans.

Au total, la rédaction du présent article additionnel présente des ambiguïtés qu'il convient de lever.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

II - RESSOURCES AFFECTÉES
ARTICLE 37

Dispositions relatives aux affectations

Commentaire : le présent article confirme, pour l'année 1999, les affectations résultant des budgets annexes et des comptes spéciaux.

L'article 18 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 dispose que, par exception au principe d'universalité, certaines recettes peuvent être affectées à certaines dépenses par le biais de budgets annexes et de comptes spéciaux du Trésor. L'affectation à un compte spécial est de droit pour les opérations de prêts et d'avances. Au sein même du budget général ou d'un budget annexe, des procédures comptables particulières d'affectation peuvent être décidées par voie réglementaire (fonds de concours ou rétablissements de crédits).

Le présent article propose de confirmer les affectations en vigueur pour l'année 1998, sous réserve des dispositions du présent projet créant de nouvelles affectations ou modifiant les règles de certaines d'entre elles.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 38

Actualisation des taux de la taxe sur
les huiles perçue au profit du BAPSA

Commentaire : le présent article propose d'actualiser les taux de la taxe sur les huiles perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), pour tenir compte de l'évolution des prix.

I - LA SITUATION ACTUELLE


La taxe sur les huiles a été instituée par la loi de finances pour 1963. Son régime est fixé par l'article 1609 vicies du code général des impôts. Cette " taxe spéciale sur les huiles végétales, fluides ou concrètes, effectivement destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits alimentaires, à l'alimentation humaine ", est due sur les huiles fabriquées en France continentale et en Corse, importées ou qui font l'objet d'une acquisition intra-communautaire.

Le produit de cette taxe figure à la ligne 70-46 " Taxe sur les corps gras alimentaires " du BAPSA dont elle constitue une des recettes.

Les taux indiqués au paragraphe II du même article sont fixés, pour chaque catégorie de produits, par la loi : l'absence de mécanisme d'indexation conduit en effet à demander périodiquement au Parlement de procéder à la révision des taux, pour tenir compte de l'évolution des prix.

II - LE PROJET DU GOUVERNEMENT

Le présent article propose, comme pour les années précédentes, d'actualiser les taux de la taxe par kilogramme et par litre. Pour 1999, les taux sont réévalués en fonction de l'indice prévisionnel des prix (+1,2 % 162( * ) ).

Comparaison des taux 1998 et 1999 : (francs par kilogramme et francs par litre)

Catégories d'huiles

F/Kg (1998)

F/Kg (1999)

F/l (1998)

F/l (1999)

Huile d'olive

0,960

0,972

0,865

0,875

Huiles d'arachide et de maïs

0,865

0,875

0,788

0,797

Huiles de colza et de pépins de raisin

0,444

0,449

0,403

0,408

Autres huiles végétales fluides et huiles d'animaux marins 163( * )

0,755

0,764

0,658

0,666

Huiles de coprah et de palmiste

0,576

0,583

0,576

-

Huile de palme

0,528

0,534

0,528

-

Autres huiles d'animaux marins 164( * )

0,960

0,972

0,960

-

A cette évolution des prix de 1,2 %, s'ajouterait un " effet - volume " de l'ordre de + 1 %. Ainsi, selon les prévisions pour 1999, le rendement attendu de cette taxe s'élèverait à 659 millions de francs, soit 0,7 % des recettes du BAPSA en 1999, en hausse de + 2,2 % par rapport aux recettes constatées prévisionnelles pour 1998 (645 millions de francs).

Produits de la taxe sur les huiles prévus en LFI 1998 et 1999 : (millions de francs)

 

LFI 1998

% Total

LFI 1999

% Total

Evolution 99/98

Taxes affectées

26 126

29,6 %

27 586

30,9 %

+ 5,59 %

dont taxe sur les huiles

621

7,0 %

659

7,4 %

+ 6,12 %

TOTAL BAPSA 165( * )

88 180

100,0 %

89 162

100,0 %

+ 1,11 %

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 39

Versement d'une contribution des organismes collecteurs
du 1% logement

Commentaire : le présent article fixe les modalités de versement d'une contribution à l'Etat, par les organismes collecteurs de la participation des employeurs à l'effort de construction. Dans le cadre de la convention passée par l'Etat avec l'Union d'économie sociale du logement (UESL) le 3 août dernier, cette contribution sera fixée en 1999 à 42,6% d'une assiette constituée par la collecte et les remboursements de prêts à plus de trois ans de l'année précédente. Elle sera plafonnée à 6,4 milliards de francs.

I. - LA CONVENTION SIGNÉE LE 3 AOÛT 1998 ENTRE L'ÉTAT ET L'UNION D'ÉCONOMIE SOCIALE DU LOGEMENT

A. UN RAPPEL HISTORIQUE : LA MISE A CONTRIBUTION DE LA PARTICIPATION DES EMPLOYEURS A L'EFFORT DE CONSTRUCTION


L'article L 313-1 du code de la construction et de l'habitation dispose que toutes les entreprises de plus de dix salariés doivent acquitter chaque année une contribution égale à 0,45 % de leur masse salariale de l'année n-1.

Avec plus de sept milliards de francs de collecte et autant de remboursements de prêts, la participation des employeurs à l'effort de construction, communément appelée "le 1 % logement", représente donc un volume de 14 milliards de francs par an de crédits disponibles pour la construction, l'acquisition ou la rénovation de logements.

Cependant, ce dispositif efficace est depuis de nombreuses années mis à contribution.

La diminution constante du taux de prélèvement sur la masse salariale (réduit à 0,9% en 1978, il a été diminué à 0,77% en 1986, 0,72% en 1988, 0,65% en 1989, 0,55% en 1991 et 0,45% en 1992) a conduit à réduire l'effort des entreprises en faveur des aides à la pierre au profit des aides personnelles, par l'intermédiaire de versements au fonds national d'aide au logement (FNAL).

A cette diminution tendancielle du taux s'est ajoutée, depuis 1995, une série de prélèvements sur la trésorerie des organismes collecteurs du 1 % logement. Ces prélèvements étaient destinés au financement des dispositifs d'accession à la propriété, et notamment, dès sa mise en place, au financement du prêt à taux zéro.

L'article 7 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n°95-885 du 4 août 1995) a ainsi instauré une contribution exceptionnelle des organismes collecteurs du 1 % logement, de 16 % des sommes reçues au titre de l'année précédente, soit 1 milliard de francs.

Le budget pour 1996 a été complété par le versement de 900 millions de francs provenant du 1 % logement. La création du compte d'affectation spéciale (fonds pour l'accession à la propriété) a alors, conformément aux inquiétudes exprimées par le Sénat, permis de prévoir une contribution annuelle des organismes collecteurs.

La convention du 17 septembre 1996 signée entre l'Etat et les partenaires sociaux a toutefois marqué la première mise en oeuvre d'un dispositif contractuel.

En effet, aux termes de cette convention, l'Etat s'engageait à ne pas effectuer de prélèvement supplémentaire (au delà des 14 milliards de francs prévus par la convention), à maintenir le niveau de collecte à 0,45 % de la masse salariale et à supprimer le prélèvement annuel sur les CIL.

De plus, était déposé simultanément un projet de loi créant un organe central, l'Union d'économie sociale du logement, se substituant à l'Union nationale interprofessionnelle du logement (UNIL) ayant la possibilité d'émettre des emprunts, regroupant toutes les associations agréées pour la collecte du 1 % logement et bénéficiant de l'opposabilité des conventions conclues avec l'Etat à tous ses associés collecteurs.

La convention du 17 novembre 1996 aux termes de laquelle les collecteurs du 1 % logement finançaient une partie du prêt à taux zéro à hauteur de 7 milliards de francs en 1997 et 1998 arrivait toutefois à expiration le 31 décembre 1998, sans qu'aucune solution ne soit prévue pour le financement du prêt à taux zéro.

B. LA SIGNATURE DE LA CONVENTION DU 3 AOÛT 1998

Des négociations ont été engagées entre le gouvernement et les collecteurs du 1 % logement pour trouver une solution de sortie du dispositif de prélèvements sur le 1% logement, sans mettre en péril le prêt à taux zéro.

Deux solutions s'opposaient :

- la première, soutenue par le ministère de l'économie et des finances, consistait à fiscaliser la collecte du 1 % logement, c'est-à-dire que la contribution des entreprises au logement de leurs salariés devenait une taxe et que le paritarisme était abandonné ;

- la seconde solution était une convention entre l'Etat et les collecteurs du 1 % pour trouver une solution de financement du prêt à taux zéro pour les cinq années à venir.

Conformément aux voeux de la commission des finances, la deuxième solution l'a emporté et une convention a été signée le 3 août dernier entre l'Etat et l'UESL.

La convention rejoint les grandes préoccupations exprimées par la commission des finances depuis plusieurs années
, à savoir :

- privilégier la démarche contractuelle et disposer d'une vision de long terme (la convention est signée pour 5 ans),

- mettre fin au démantèlement progressif du 1% logement : le taux de collecte sera maintenu à 0,45% pendant toute la durée de la convention, et la lourde charge de financement du prêt à taux zéro ira en diminuant : la convention donne le montant exact des prélèvements sur le 1% logement et ces prélèvements seront dégressifs jusqu'à s'éteindre dans 5 ans.

- reconnaître le rôle du 1% logement et le pérenniser : la convention réaffirme les missions traditionnelles du 1% logement (notamment dans le secteur locatif social), mais lui donne également des missions entièrement nouvelles (aides à l'emménagement, garanties, appoint pour la création d'un secteur privé conventionné) dont certaines étaient préconisées depuis longtemps par la commission (dispositif de sécurisation des prêts).

- moderniser le fonctionnement du 1% logement : tout comme la création de l'UESL avait été favorablement accueillie, la transformation des comités interprofessionnels du logement (CIL) en unions d'économie sociale (UES), avec un contrôle de leur gestion par la Cour des comptes, ne peut qu'être approuvée, ainsi que les efforts pour réduire les coûts de gestion des organismes collecteurs.

II. - LE VERSEMENT DE LA CONTRIBUTION DU 1% LOGEMENT EN 1999

A. LES DISPOSITIONS ISSUES DE LA CONVENTION DU 3 AOÛT 1998


Aux termes de la convention, L'UESL versera les montants suivants :

- 6,4 milliards de francs en 1999

- 5 milliards de francs en 2000

- 3,4 milliards de francs en 2001

- 1,8 milliards de francs en 2002.

La contribution s'éteindra en 2003 . En contrepartie, l'Etat s'engage à maintenir le taux de participation à 0,45% des salaires et à n'effectuer aucun autre prélèvement.

B. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le présent article prévoit que la fraction des ressources stables servant au calcul du prélèvement est fixée à 42,6% en 1999. Ces ressources sont constituées de deux flux :

la collecte prélevée sur les entreprises, à savoir la participation des employeurs à l'effort de construction proprement dite (0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés) ;

les remboursements de prêts de plus de trois ans.

Le taux choisi procède d'une estimation des ressources de 1998 sur la base des résultats provisoires de 1997, soit 15 milliards de francs, et doit donc permettre d'obtenir le prélèvement prévu par la convention sur les associés membres de l'UESL, soit 6.400 millions de francs (15*42,6% = 6,39 milliards).

Il n'existe pas de risque que la contribution soit supérieure au montant prévu car le présent article prévoit un plafonnement de la contribution à 6,4 milliards de francs. 166( * )

En revanche, la contribution des associés non membres de l'UESL n'est pas plafonnée, mais elle devrait s'élever à 193 millions de francs.

Comme pour les prélèvements précédents, l'UESL sera habilitée à se substituer à ses associés collecteurs pour effectuer le versement.

C. UNE REBUDGÉTISATION PROGRAMMÉE DU PRÊT A TAUX ZÉRO

Dès 1999, la diminution progressive de la contribution du 1% logement sera prise en compte par une réintégration des crédits destinés au prêt à taux zéro dans le budget de l'Etat.


En effet, en 1999, l'accession à la propriété bénéficiera de deux sources de crédits :

- 3,13 milliards de francs de crédits de paiement sur le compte d'affectation spéciale 902-30. Ce compte recevra en recettes 6,6 milliards de francs, correspondant exactement au montant des versements du 1% logement (versement de 6,4 milliards de francs par l'UESL et 193 millions de francs par les associés non membres)

- 3,33 milliards de francs de crédits de paiement sur le budget urbanisme et logement dont 3,13 milliards de francs au titre des prêts sans intérêt et 0,3 milliard de francs de contribution de l'Etat pour la garantie des prêts à l'accession sociale.

Au total, l'accession à la propriété bénéficiera de 6,26 milliards de francs de crédits de paiement en 1999 contre 6,63 milliards de francs en 1998.

Cette dotation devrait permettre de financer 110.000 prêts à taux zéro, comme en 1998.

De plus, 6,26 milliards de francs sont inscrits en autorisations de programme sur le budget du logement, ce qui permettra une "rebudgétisation" complète des prêts dès l'an 2000.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de ces dispositions, qui ne pourront toutefois être confirmées dans les années à venir que si l'Etat parvient à dégager les crédits nécessaires sur la période quinquennale de la convention pour financer le prêt à taux zéro.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 40

Enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités territoriales

Commentaire : le présent article définit les modalités d'évolution de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, dans le cadre du " contrat de croissance et de solidarité " que le gouvernement propose en remplacement du " pacte de stabilité " qui prend fin en 1998.

Les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales étaient régies ces trois dernières années par un " pacte de stabilité ", issu de la loi de finances pour 1996. Ce dernier arrivant à échéance, le gouvernement propose de lui substituer un " contrat de croissance et de solidarité ".

Le contenu du contrat est fixé par les article 40, 40 bis et 41 du présent projet de loi de finances. Toutefois, c'est l'article 40 qui est au coeur du dispositif puisqu'il fixe le mode d'évolution de l'" enveloppe normée ", composée des dotations indexées de l'Etat aux collectivités locales pour les années 1999, 2000 et 2001. Le principe d'une programmation pluriannuelle de l'évolution des concours aux collectivités locales est l'un des principaux acquis du pacte.

En 1999, les crédits compris dans l'enveloppe normée représenteront 51% du total des transferts financiers de l'Etat aux collectivités locales et 58% des transferts hors " fiscalité transférée " 167( * ) .

Concours financiers de l'Etat aux collectivités locales

 

1998

1999

Enveloppe normée

157.713

163.872

Compensation de la réforme fiscale (TP et DMTO)

-

20.400

Dotations hors enveloppe

96.017

95.193

Fiscalité transférée

44.122

42.503

TOTAL

297.852

321.968

I. UN CONTRAT DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITÉ DANS LA CONTINUITÉ DU PACTE

Le contrat de croissance et de solidarité proposé par le gouvernement reprend l'architecture du pacte de solidarité élaboré par son prédecesseur.

A. LE PRINCIPE DE L'ENVELOPPE NORMÉE EST MAINTENU

L'enveloppe normée des concours financiers aux collectivités locales est un " ensemble ", selon le terme retenu par l'article 40, qui comprend treize dotations différentes.

Le fonctionnement interne de l'enveloppe normée repose sur deux éléments :

- les différentes dotations évoluent selon des modalités qui leur sont propres ;

- afin que la somme des crédits alloués à chacune des dotations corresponde au montant total de l'enveloppe normée, l'une des treize dotations joue le rôle de variable d'ajustement.

1. L'évolution des dotations composant l'enveloppe normée

Les dotations composant l'enveloppe normée et leur mode d'indexation


Indexation selon
l'indice de la DGF

Indexation sur l'évolution des recettes fiscales de l'Etat

Indexation sur l'évolution de la
FBCF des administrations publiques

Variable d'ajustement

- la dotation globale de fonctionnement ;

- la dotation spéciale pour le logement des instituteurs ;

- la dotation générale de décentralisation ;

- la dotation générale de décentralisation de Corse ;

- la dotation générale de décentralisation pour la formation professionnelle ;

- la dotation élu local.

- le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ;

- le fonds national de péréquation.

- la dotation globale d'équipement des dépar-tements ;

- la dotation globale d'équipement des com-munes ;

- la dotation régionale d'équipement scolaire ;

- la dotation départemen-tale d'équipement des collèges.

- la dotation de compensation de la taxe professionnelle

Il existe donc trois modes d'indexation pour les dotations composant la DGF. Les taux d'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat et de la formation brute de capital fixe des administrations publiques retenus pour l'indexation sont des taux prévisionnels.

L'" indice de la DGF " est le mode de calcul de la progression de la dotation globale de fonctionnement. Le montant de la DGF en année n+1 est obtenu en appliquant à son montant de l'année n un indice prenant en compte l'évolution prévisionnelle des prix en année n+1 et 50% du taux de croissance de l'économie prévu pour l'année n.

2. L'évolution de la variable d'ajustement

Le contrat de croissance reconduit la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) dans son rôle de variable d'ajustement, qu'elle jouait déjà pendant les trois années du pacte de stabilité
.

Le III de l'article 40 prévoit que " pour chacune des années 1999, 2000 et 2001, le taux d'évolution [de la DCTP] est celui qui permet de respecter la norme d'évolution [de l'enveloppe normée], compte tenu de l'évolution des autres dotations [composant l'enveloppe normée] ".

Les mouvements à l'intérieur de l'enveloppe normée constituent un jeu à somme nulle. Par exemple, si l'ensemble des dotations progresse plus vite que l'enveloppe normée, le montant de la variable d'ajustement baisse.

Le montant de la DCTP étant tributaire de celui des autres dotations, le II de l'article 40 précise que le montant de la DGF retenu pour figurer dans l'enveloppe normée au titre d'une année n'est pas celui de l'année précédente indexé mais celui de l'année précédente "recalé", puis indexé.

Le " recalage " de la DGF, " qui ressort du 1° de l'article L.1613-1 du code général des collectivités territoriales ", est effectué chaque année lors du calcul du montant de la DGF à inscrire dans le projet de loi de finances. Cette opération consiste à recalculer le montant de la DGF de l'année en cours en tenant compte des derniers indicateurs économiques connus . Ainsi, le montant de la DGF inscrit au titre de l'année n dans le projet de loi de finances pour l'année n+1 n'est pas le même que celui de l'année n dans projet de loi de finances de l'année n 168( * ) .

Par conséquent, selon que le recalage de la DGF se fait à la hausse ou à la baisse, son impact sur le montant de la DCTP est négatif ou positif 169( * ) .

B. LA NOUVEAUTÉ : LA PRISE EN COMPTE DE LA CROISSANCE DANS LE CALCUL DE L'ENVELOPPE NORMÉE

Le gouvernement a accepté de conserver le principe de l'enveloppe normée, son périmètre et les modes d'indexation des dotations qui la composent.

Il s'est également rallié à une revendication des collectivité locales, selon laquelle l'enveloppe normée ne devait plus, comme durant les trois dernières années, être indexée seulement sur l'évolution des prix à la consommation. En effet, en raison de l'amélioration de l'environnement économique depuis 1995, il était jugé opportun de mettre en place pour l'enveloppe normée un indice comparable à celui de la DGF, conjuguant évolution des prix et prise en compte de la croissance de l'économie .

Ainsi, le I du présent article 40 prévoit que l'évolution de l'enveloppe normée, " à structure constante, de loi de finances initiale à loi de finances initiale, est égale à la somme du taux prévisionnel d'évolution des prix à la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de versement et d'une fraction du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année précédente associés au projet de loi de finances de l'année de versement. "

La fraction du produit intérieur brut incorporée dans l'indice de progression de l'enveloppe normée n'est pas la même que celle retenue pour le calcul de la DGF, qui s'établit à 50%. Elle était fixée dans le projet de loi de finances pour 1999 à 15% pour l'année 1999, 25% pour 2000 et 33% pour 2001.

En première lecture, l'Assemblée nationale a porté le taux pris en compte en 1999 à 20% 170( * ) . Toutefois, cette opération est en réalité blanche pour les collectivités locales puisque le gouvernement n'y a consenti qu'en échange d'une diminution d'un montant équivalent de la compensation versée aux collectivités locales dans le cadre de la réforme des droits de mutation à titre onéreux organisée par l'article 27 du présent projet de loi de finances, soit environ 240 millions de francs.

C. LA VARIABLE D'AJUSTEMENT DEVIENT UN INSTRUMENT DE PÉRÉQUATION

1. La mise en place d'un mécanisme de modulation de la baisse de la DCTP pour les collectivités défavorisées


Depuis que la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) est devenue la variable d'ajustement de l'enveloppe normée, l'évolution de son montant est déconnecté de celui des exonérations de taxe professionnelle qu'elle est censée compenser, en application des dispositions de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 171( * ) .

Pendant la durée du pacte de stabilité, le montant de la DCTP correspondait à la différence entre le montant total des crédits de l'enveloppe normée et la somme des montants des dotations composant l'enveloppe normée. Mais comme les différentes dotations augmentent généralement plus vite que l'enveloppe totale, le gouvernement de l'époque avait souhaité limiter la baisse de la DCTP. En conséquence, la DCTP bénéficiait chaque année d'un abondement de 300 millions de francs " hors pacte ".

Le gouvernement actuel a également choisi de ne pas laisser le simple jeu de l'ajustement déterminer le montant de la DCTP versées aux communes qui en bénéficient. Mais plutôt que d'augmenter le montant total de cette dotation, il a choisi de moduler l'ampleur de sa baisse en fonction de la richesse des collectivités bénéficiaires .

C'est pourquoi le III du présent article 40 dispose que, pour les années 1999, 2000 et 2001, " toute diminution [de la DCTP] par rapport au montant de l'année précédente est modulée de telle sorte que [certaines collectivités] supportent une diminution égale à la moitié 172( * ) de la diminution moyenne ".

Les collectivités qui bénéficieront de la limitation de la baisse de leur DCTP sont les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU), les bourgs-centres bénéficiaires de la première fraction de la dotation de solidarité rurale (" DSR 1 ") 173( * ) , les départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale (DFM) et les régions bénéficiaires du fonds de correction des déséquilibres régionaux.

En réalité, l'intention du gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale était d'exonérer totalement de baisse de DCTP les communes éligibles à la DSU et les bourgs-centres bénéficiaires de la DSR. La réalisation de cet objectif fait l'objet de l'article 40 bis (nouveau) du présent projet de loi de finances.

Par ailleurs, le gouvernement a confirmé devant l'Assemblée nationale que les communes d'outre-mer bénéficieraient du système de limitation de la baisse de la DCTP car elles sont assimilées aux communes éligibles à la DSU 174( * ) .

2. La DCTP a-t-elle vocation à être péréquatrice ?

Le mécanisme de modulation de la baisse en fonction de la richesse des collectivités achève de détourner la DCTP de son objet d'origine . En effet, sa transformation en variable d'ajustement avait eu pour effet de déconnecter le montant des compensations versées aux communes de l'évolution réelle des bases de taxe professionnelle sur leur territoire.

Au départ la DCTP a été créée pour compenser les pertes de recettes fiscales des communes résultant des mesures d'allégement adoptés par le législateur (compensation du plafonnement des taux communaux de la taxe professionnelle, de la réduction de la fraction imposable des salaires et de l'abattement général de 16% sur les bases de taxe professionnelle) 175( * ) .

Aujourd'hui, avec la mise en oeuvre de la modulation de la baisse, le montant de la DCTP que percevront les communes bénéficiaires ne sera plus du tout proportionnel à l'ampleur de la perte subie.

L'instauration du mécanisme de modulation de la baisse se traduira en outre par une diminution plus forte de la DCTP des collectivités qui ne sont éligibles à aucun des fonds ou dotations visés par l'article 40 . Ainsi, rien n'est prévu pour les communes non éligibles à la DSU mais dont le produit de taxe professionnelle est néanmoins faible.

On peut aujourd'hui se demander si l'intitulé de la variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, la dotation de compensation de la taxe professionnelle , n'est pas devenu abusif.

II. UN CONTRAT QUI NE PREND PAS ASSEZ EN COMPTE LA CROISSANCE 176( * )

Le projet de loi de finances envisage un dispositif en trois ans prenant en compte 20% du taux de croissance du PIB en 1999, 25% en 2000 et 33% en 2001.

Ces taux sont insuffisants pour permettre aux collectivités locales de jouer pleinement leur rôle de soutien de la croissance car :

- les facteurs du redressement de la situation financière des collectivités locales tendent à s'essoufler ;

- ils ne compensent pas le tassement des recettes directes des collectivités locales, mettant ainsi en péril la reprise de l'investissement local.

A. LES FACTEURS DU REDRESSEMENT DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES TENDENT À S'ESSOUFFLER

Dans son état des lieux des finances des collectivités locales, présenté le 8 juillet 1998 au nom l'Observatoire des finances locales, notre collègue Joël Bourdin insiste sur la volonté du secteur local de se reconstituer une marge de manoeuvre financière dans un contexte de progression limitée des recettes (due notamment, autre preuve de bonne gestion, à une évolution modérée des taux de la fiscalité directe locale).

M. Bourdin note particulièrement une progression ralentie des dépenses de gestion courante et un mouvement prononcé de désendettement, attribué à la baisse des taux d'intérêt mais également à une politique de gestion active de la dette. Ces évolutions sont de nature à favoriser l'autofinancement des investissements des collectivités locales.

Toutefois, ces facteurs positifs sont en train d'atteindre leurs limites . La baisse des taux d'intérêt ne pourra plus jouer un rôle aussi important que par le passé. Les efforts de rationalisation des dépenses de fonctionnement sont, quand à eux, remis en cause par un alourdissement des charges imposées aux collectivités locales.

B. LE TASSEMENT DES RECETTES SE PRODUIT DANS UN CONTEXTE D'ALOURDISSEMENT DES CHARGES

Les recettes de fonctionnement des collectivités locales sont composées, d'une part, du produit de la fiscalité directe et indirecte et, d'autre part, des concours de l'Etat. Si la politique de modération des taux menée par les collectivités 177( * ) , qui coïncide avec un contexte de faible progression des bases, n'est pas soutenue par un dynamisme des concours de l'Etat, les collectivités courent le risque ne pouvoir faire face à l'ensemble des charges qu'elles devront supporter dans les années à venir :

- les collectivités vont devoir prendre en charge les conséquences pour la fonction publique territoriale du protocole salarial du 10 février 1998 . Devant le comité des finances locales du 8 septembre 1998, le ministre de l'intérieur par intérim a estimé le coût de ces mesures à 2,2 milliards de francs pour 1998.

En 1999, la charge supplémentaire est estimée à 4,1 milliards de francs et à 3,2 en 2000. Ainsi, les rémunérations engloutiront en 1999 la fraction de l'augmentation de l'enveloppe normée attribuable à la prise en compte de la croissance, qui s'élève à 4,1 milliard de francs 178( * ) .

- parallèlement aux effets du protocole salarial, les collectivités locales doivent également se préparer à absorber le coût total des emplois-jeunes , aujourd'hui subventionnés, car, ainsi que le soulignait notre collègue Michel Mercier dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 1998, " il leur sera difficile de résister à l'intégration d'une partie, au moins, de ces " employés " dans les cadres de la fonction publique territoriale. " Au 30 juin 1998, aux termes des conventions signées entre l'Etat et les collectivités locales, les établissements publics et les associations, 50.130 emplois avaient été créé et 29.090 recrutements réalisés, dont 36% au sein des collectivités locales.

- l'accroissement des dépenses de personnel, incompressibles, dans un contexte de faible dynamisme des recettes pourrait se traduire par une éviction de certaines dépenses d'investissement . D'un point de vue patrimonial, il n'est jamais souhaitable que des dépenses de fonctionnement prennent le pas sur l'effort d'investissement.

S'agissant de la situation actuelle des collectivités locales, une telle éventualité serait véritablement préoccupante. En effet, la reprise de l'investissement des collectivités locales, réelle depuis 1997, est due en partie à la nécessité de mettre certaines infrastructures en conformité avec de nouvelles normes, nationales ou européennes, dans des domaines tels que l'eau, l'assainissement et le traitement des ordures ménagères.

Il serait dommage que les efforts consentis par les collectivités locales pour améliorer leur épargne ne leur permettent pas de d'autofinancer au moins une partie de leurs nouveaux investissements.

C. LA REPRISE DE L'INVESTISSEMENT PUBLIC LOCAL EST UNE CONDITION NÉCESSAIRE D'UNE CROISSANCE SOUTENUE

Au final, la réduction programmée de l'épargne des collectivités locales pourrait ralentir le redémarrage des investissements amorcé depuis un an, avec les conséquences sur le taux de croissance de l'économie nationale que l'on peut imaginer compte tenu de l'influence de la dépense publique locale sur le taux de croissance de l'économie nationale.

Dans une étude intitulée Les collectivités locales et l'économie nationale 179( * ) , Jacques Méraud souligne en effet que " dans le cas des administrations locales, ce sont les variations de l'investissement qui influent le plus sur la croissance nationale, et cela dans un sens positif : " plus l'investissement public local augmente, plus le PIB est stimulé ". " 180( * ) .

En somme, plutôt que d'en appeler à un emprunt européen pour financer des infrastructures dont la réalisation, au vu des tentatives précédentes, reste hypothétique, c'est l'investissement des collectivités locales, aux effets plus certains sur le taux de croissance de l'économie nationale, que le gouvernement doit, sinon encourager, au moins ne pas décourager.

III. REMETTRE LES COLLECTIVITÉS LOCALES AU COEUR DE LA CROISSANCE

Pour permettre aux collectivités locales de faire à leurs nouvelles charges de fonctionnement sans mettre en péril la reprise de l'investissement, et pour qu'elles puissent pleinement jouer leur rôle de stimulateur de la croissance de l'économie nationale, notre Assemblée ne peut s'en tenir aux modalités de progression de l'enveloppe normée figurant dans la rédaction actuelle du présent article 40.

Il faut aller plus loin. Votre rapporteur général préconise de porter la fraction du taux de croissance du produit intérieur brut prise en compte dans l'indice de progression de l'enveloppe normée à 33% en 1999 et 50% les deux années suivantes .

Le passage à 50%, qui aligne la progression de l'enveloppe normée sur celle de la DGF dès l'an 2000, permettra en outre de limiter la baisse de la DCTP pour les communes non éligibles à la dotation de solidarité urbaine ou à la dotation de solidarité rurale.

Impacts respectifs, sur l'enveloppe normée et la variable d'ajustement, de la prise en compte de 20% et de 33% du taux de croissance du PIB dans le mode de calcul de l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales en 1999

 

LFI 1998 révisée

PLF 1999* (prise en compte de 20%)

Proposition de la commission (33%)

Evolution 1998/99 en %(prise en compte de 20%)

Evolution 1998/commis-sion en % (33%)

DCTP

13.543

12.281

12.913

- 9,31

- 4,60

Enveloppe normée

157.713

164.115

164.747

+ 4,05

+ 4,46

* Après la première lecture à l'Assemblée nationale, qui a majoré les deux montants de 243 millions de francs

Le passage de 20 à 33 % se traduira par un coût supplémentaire pour le budget de l'Etat d'environ 630 millions de francs en 1999.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 40 bis (nouveau)

Compensation intégrale des pertes de DCTP aux communes les moins favorisées

Commentaire : le présent article tend à créer une deuxième part à la seconde fraction du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle dans le but, pour les années 1999, 2000 et 2001, de compenser intégralement aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et à la première fraction de la dotation de solidarité rurale la réduction des versements dont elles bénéficient au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. La DCTP diminue en effet structurellement, car elle sert de variable d'ajustement de l'enveloppe normée, composée de dotations qui augmentent toutes plus vite qu'elle, à l'exception de la DCTP.

Le présent article 40 bis résulte d'un amendement présenté par le gouvernement, et adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion sur l'article 40 du projet de loi de finances.

Il complète le mécanisme de modulation de la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) versée aux communes les moins favorisées mis en place par l'article 40 précité, de manière à ce que les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et les bourgs-centres bénéficiaires de la première fraction de la dotation de solidarité rurale soient compensés intégralement.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA COMPENSATION INTÉGRALE DES COMMUNES LES MOINS FAVORISÉES ...


Le dispositif de l'article 40 bis s'applique :

- aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) au titre de l'année précédente 181( * ) ;

- aux communes bénéficiaires de la première fraction de la dotation de solidarité rurale . La " DSR 1 ", aussi appelée fraction " bourgs-centres ", est réservée aux communes de moins de 10.000 habitants et à certains chefs-lieux d'arrondissement de 10.000 à 20.000 habitants. Le nombre de communes bénéficiaires oscille, selon les années, entre 4.000 et 4.200.

L'article 40 bis prévoit que ces deux groupes de communes recevront, pendant la durée du contrat de croissance et de solidarité, une subvention d'un montant égal " à la baisse enregistrée par chaque commune, entre 1998 et 1999, de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances " pour 1987.

La dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 est la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) qui, à sa création, servait à compenser aux communes des allégements de taxe professionnelle mais qui, aujourd'hui, sert de variable d'ajustement à l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.

Le gouvernement a souhaité faire un effort supplémentaire en faveur des communes défavorisées et ne pas se limiter au régime déjà favorable de l'article 40.

C'est pourquoi le dispositif mis en place par l'article 40 bis organise le versement aux communes visées d'une subvention d'un montant égal aux pertes de DCTP qu'elles subiront . Elles seront donc compensées intégralement.

Le secrétaire d'Etat au budget a estimé devant l'Assemblée nationale que le montant total de ces transferts en 1999 s'établirait à 380 millions de francs . Toutefois, cette mesure ne dégrade pas le solde budgétaire pour 1999 car le transfert est organisé dans le cadre d'une enveloppe au montant défini, celle allouée au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).

B. ... PAR LE BIAIS DU FONDS NATIONAL DE PÉRÉQUATION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

1. Qu'est-ce que le FNPTP ?


Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP), qui fait l'objet de l'article 1648 A bis du code général des impôts, est alimenté par la cotisation de péréquation 182( * ) et par une dotation budgétaire, comprise dans l'enveloppe normée, dont le montant, qui ne peut excéder le double du produit de la cotisation de péréquation, évolue chaque année comme les recettes fiscales de l'Etat. 183( * )

Le FNPTP est géré par le comité des finances locales. Il comprend deux fractions :

- une fraction " dotation de développement rural " , qui bénéficie à certains groupements de communes à fiscalité propre, faiblement peuplés, exerçant une compétence en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique, à certaines communes de moins de 10.000 habitants et aux communes de moins de 20.000 habitants des départements d'outre mer ;

- une seconde fraction, le " surplus ", est répartie entre les communes qui enregistrent d'une année sur l'autre une perte importante de bases d'imposition de la taxe professionnelle (27% du surplus au plus) et les communes qui connaissent des difficultés financières graves (5% au plus).

Le solde de la seconde fraction est versé au fonds national de péréquation .

2. Une nouvelle mission pour le FNPTP

Le versement prévu par l'article 40 bis vient grever les crédits de la seconde fraction du FNPTP et conduira à réduire le montant des crédits transférés au fonds national de péréquation.


Désormais, les crédits disponibles au titre de la seconde fraction du FNPTP seront répartis de la manière suivante :

- d'abord la première fraction (au plus égale à 27% des crédits disponibles) ;

- ensuite, la nouvelle " deuxième part " instituée par le présent article 40 bis ;

- puis, la " part résiduelle (au plus égale à 5% des crédits disponibles) ;

- enfin, le solde reste versé au fonds national de péréquation 184( * ) .

Toutefois, la création d'une nouvelle part au sein de la seconde fraction du FNPTP ne se traduira pas nécessairement, à partir de l'an 2000, par une réduction des crédits disponibles au titre de la part résiduelle et du versement au FNP. En effet, l'article 29 du présent projet de loi de finances majore fortement les taux de la cotisation de péréquation, et donc par conséquent les recettes du FNPTP 185( * ) .

II. POURQUOI DEUX ARTICLES DE LA LOI DE FINANCES SONT-ILS NÉCESSAIRES POUR ORGANISER LE MAINTIEN DU MONTANT DE LA DCTP VERSÉE AUX COMMUNES LES PLUS DÉFAVORISÉES ?


Le projet de loi de finances prévoyait que la baisse de la DCTP des communes éligibles à la DSU, des départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale (DFM) et des régions éligibles au fonds de correction des déséquilibres régionaux (FCDR) serait limitée aux deux tiers de la baisse moyenne supportée par les communes.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement élargissant le bénéfice de la baisse modulée aux bourgs-centres, et limitant le montant de la baisse à la moitié de la baisse moyenne 186( * ) . Elle a également manifesté sa volonté de voir les communes éligibles à la DSU et les bourgs-centres totalement exonérés de baisse de la DCTP.

Dès lors, l'article 40 aurait pu être à nouveau modifié en ce sens. Cette solution n'a pas été retenue et le gouvernement a déposé l'amendement devenu le présent article 40 bis . L 'exonération de baisse de DCTP pour les communes défavorisées passe donc par deux canaux, celui d'une baisse modulée organisée par l'article 40, et une compensation par le FNPTP prévue par l'article 40 bis .

La raison du choix en faveur de ce dispositif complexe réside dans le fait que les mouvements au sein de la DCTP constituent un jeu à somme nulle . Ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres.

Ainsi, exonérer totalement de baisse les communes éligibles à la DSU et les bourgs-centres aurait conduit à amputer de 380 millions de francs supplémentaire la DCTP des communes non éligibles à la DSU ou à la DSR .

Or, parmi ces communes, certaines ont des bases de taxe professionnelle réduites et la DCTP occupe une place non négligeable au sein de leurs ressources. Il convenait donc de ne pas trop les pénaliser.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 41

Majoration exceptionnelle de la dotation de solidarité urbaine

Commentaire : le présent article autorise un abondement exceptionnel de la DSU de 500 millions de francs en 1999, reconductible en 2000 et 2001. Cette majoration ne s'effectue pas au détriment des autres dotations de l'Etat aux collectivités locales car les crédits ne sont pas compris dans le périmètre de l'" enveloppe normée " des concours de l'Etat au collectivités locales.

Le relevé de décisions du comité interministériel des villes et du développement social urbain du 30 juin 1998 rapporte que " dans le cadre des discussions que le gouvernement développe avec les élus locaux, relatives à la sortie du " pacte de stabilité ", il propose d'augmenter fortement dès 1999 la dotation de solidarité urbaine tout en veillant à ce que l'évolution de l'ensemble des dotations versées aux communes défavorisées soit protégée . "

L'article 41 respecte la lettre de cet engagement gouvernemental :

- l'augmentation est forte : la majoration de 500 millions correspond à 22% de la DSU répartie en 1998 ;

- le dispositif du gouvernement protège les autres dotations car la majoration se situe en dehors de l'enveloppe normée des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

I. QUI BÉNÉFICIE DE LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE ?

A. LA MÉCANIQUE DE LA DSU


La dotation de solidarité urbaine (DSU) a été créée en 1991 mais ses critères d'éligibilité ont été revus une première fois en 1993. La loi du 31 décembre 1993 a substitué aux seuils d'éligibilité un indice synthétique des ressources et des charges s'appuyant sur quatre critères : le potentiel fiscal, la part des logements sociaux dans le total des logements de la commune, la proportion de bénéficiaires d'aides au logement dans le total des logements de la commune, et le revenu moyen par habitant .

Le contenu des critères a été revu dans la loi du 26 mars 1996. En réponse à une question de notre collègue député M. Philippe Decaudin 187( * ) , le ministre de l'intérieur retrace l'historique de cette réforme : " Le critère du logement social tel qu'il était défini antérieurement (...) était insatisfaisant, notamment du fait des grandes difficultés de recensement qu'il engendrait. Prenant acte de ces difficultés et se conformant aux conclusions d'un rapport de l'inspection générale des finances, de l'inspection générale de l'administration et du conseil général des ponts et chaussées remis au gouvernement en 1994, un groupe de travail a été constitué au sein du comité des finances locales afin d'étudier les voies de réforme de la DSU parmi lesquelles, notamment, une nouvelle définition du logement social. "

La loi de 1996 a modifié non seulement la définition du logement social 188( * ) , mais également la pondération de chacun des quatre critères dans le total de l'indice . La part respective des quatre critères dans l'indice est la suivante : 45% pour le potentiel fiscal, 15% pour la part des logements sociaux dans le total des logements de la commune, 30% pour la proportion de bénéficiaires d'aides au logement dans le total des logements de la commune et 10% le revenu moyen par habitant.

La réduction de 20 à 15% de l'importance accordée au logement social a eu pour contrepartie un accroissement du poids du critère des bénéficiaires d'aides au logement social, ainsi qu'une redéfinition de ce critère. Désormais, celui-ci prend en compte non seulement les allocataires des aides mais également les personnes les abritant sous leur toit. Par conséquent, depuis 1996, le critère accorde moins d'importance à la pierre et plus aux individus.

Après calcul de l'indice, les communes éligibles à la DSU sont celles classées dans les trois premiers quarts. Une fois désignées les communes éligibles, leur dotation est calculée en multipliant le nombre d'habitants de la commune par l'effort fiscal dans la limite de 1,3 189( * ) . Les communes qui perdent le bénéfice de la DSU reçoivent une attribution non renouvelable équivalente à 50 % de la dernière dotation perçue.

B. MOINS DE MILLE BÉNÉFICIAIRES, MAIS UNE GRANDE DIVERSITÉ EN LEUR SEIN

En 1998, 679 communes de plus de 10.000 habitants et 101 communes de 5.000 à 9.999 habitants ont bénéficié de la DSU . Ces chiffres sont relativement stables année après année car le nombre de communes n'augmente pas et les évolutions démographiques sont lentes.

Le panel des communes se caractérise par une grande hétérogénéité. A la lumière du tableau ci-dessous 190( * ) , il est permis de se demander si les critères, et notamment la réduction du poids de la part des logements sociaux dans l'indice, n'ont pas conduit à une trop grande dispersion dans l'attribution de la DSU .

Données 1998

PF/habitant

Part de logements sociaux

Bénéficiaires d'allocations

Revenu/habitant

Première commune éligible

723,89 FF

85,06%

73,37%

24.272,03 FF

Dernière commune éligible

3.201,47 FF

3,70%

51,53%

49.208,52 FF

Moyenne

4.032,52 FF

23,43%

62,82%

48.910,99 FF

Source : Etat récapitulatif de l'effort en faveur de la politique de la ville et du développement social urbain pour 1999

Les montants des dotations par habitant confirment la dispersion des bénéficiaires de la DSU :


Dotation moyenne par habitant

95,22 FF

Dotation la plus élevée

385,62 FF

Dotation la plus faible

17,21 FF

II. LA DSU, L'ENVELOPPE NORMÉE ET LE CONTRAT DE CROISSANCE

A. LE MODE DE CALCUL DE LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE


Le montant de l'enveloppe financière à répartir entre les communes éligibles est intégré au périmètre de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales 191( * ) . En effet, la DSU est une subdivision de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

La dotation globale de fonctionnement est divisée en deux fractions, la dotation forfaitaire et la dotation d'aménagement. La dotation forfaitaire progresse chaque année de la moitié du taux d'évolution total de la DGF. Par conséquent, le montant de la dotation d'aménagement est équivalent à la différence entre le montant total de la DGF et celui de la dotation forfaitaire.

La dotation d'aménagement est répartie par le comité des finances locales entre la dotation globale de fonctionnement des groupements, la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine. La DGF des groupements est prélevée en premier. Depuis la loi du 26 mars 1996, la DSU perçoit 57 % du solde.

Le partage entre DSU et DSR a été gelé en 1997 à son niveau de 1996 et le comité des finances locales ne peut plus se prononcer que sur la répartition de l'accroissement des sommes disponibles par rapport à l'année précédente. Son pouvoir d'arbitrage est encadré : il ne peut pas accorder plus de 55 % du surplus à l'une des deux dotations .

En 1998, le comité a décider d'accorder 55 % à la DSU.

B. LES SOMMES EN JEU

Les crédits de la DSU ont doublé depuis 1993. Ils ont bénéficié de l'effet conjugué de :

- l'augmentation limitée mais constante de la DGF ;

- de la fixation à 57% de la part de la DSU, gelée par la suite, dans le solde de la dotation d'aménagement ;

- d'un biais favorable dans les décisions du comité des finances locales, qui lui attribue 55% du surcroît de recettes ;

- depuis de 1995, d'un abondement de 40 millions de francs en contrepartie de la suppression de la DGF de la région Ile-de-France. En effet, l'article 73 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 prévoit la mise en extinction progressive de la DGF perçue par la région Ile-de-France 192( * ) . Celle-ci décroît chaque année de 120 millions de francs. Cette somme est répartie entre la DSU, la dotation de solidarité rurale et la dotation de fonctionnement minimale des départements, qui en reçoivent un tiers chacune 193( * ) .

Les crédits de la DSU

(en milliards de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1,11

1,26

1,42

2,12

2,16

2,27

En 1998, les sommes consacrées à la DSU ont représenté 2 % de la dotation globale de fonctionnement (montant révisé).

C. LES PERSPECTIVES POUR 1999 : UNE FORTE AUGMENTATION QUI NE PÉNALISERA PAS LES AUTRES DOTATIONS

Lorsque, au début de l'été, le gouvernement a annoncé une majoration de 500 millions de francs de la dotation de solidarité urbaine, beaucoup d'élus ont cru que cette majoration serait effectuée en modifiant les critères d'éligibilité ou les critères de répartition internes de la dotation globale de fonctionnement 194( * ) , et que les gains des communes urbaines défavorisées seraient les pertes des autres.

C'est pourquoi le gouvernement s'est empressé de préciser que la majoration, reconductible en 2000 et en 2001, résultait d'une volonté d'améliorer la péréquation entre collectivités mais que, si elle s'intégrait dans la logique du "contrat de croissance et de solidarité", elle ne serait pas pour autant comprise dans le périmètre de l'enveloppe normée . Elle prendra la forme d'un concours budgétaire classique.

Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale précise dans son rapport 195( * ) que la majoration de la DSU sera financée grâce à une économie induite par la réduction des bases d'imposition de la taxe professionnelle.

En tout état de cause, l'année 1999 sera particulièrement bonne pour la dotation de solidarité urbaine . L'abondement de 500 millions de francs, s'il constitue à lui seul la plus forte augmentation en volume de la DSU depuis 1993, n'est en effet pas la seule source d'augmentation de cette dotation en 1999.

Il faut également prendre en compte le taux d'évolution plus favorable de la DGF (+ 2,78 %). Au total, l'état récapitulatif de l'effort financier en faveur de la politique de la ville et du développement social urbain annexé au projet de loi de finances pour 1999, le " jaune ", envisage une augmentation de presque un milliard de francs. Selon ce document, le montant de la DSU qui résultera des arbitrages du comité des finances locales pourrait s'établir à 3,2 milliards de francs en 1999 .

III. LA DSU ET LES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L'effort financier de l'Etat en faveur de la politique de la ville est censé être retracé dans le " jaune " budgétaire consacré à la politique de la ville. Ce document présente de nombreuses faiblesses, la moindre n'étant pas l'absence de tableau récapitulant le montant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement consacrés à la ville dans le projet de loi de finances. Un tel tableau permettrait en effet de connaître le montant total des crédits consacrés à la politique de la ville que les administrations de l'Etat seront autorisées à dépenser en 1999.

En outre, le "jaune" ne précise pas quels sont les chapitres des fascicules budgétaires des différents ministères qui sont pris en compte, si bien que votre rapporteur général n'est pas en mesure de calculer lui même quelle est la proportion du budget de l'Etat pour 1999 qui sera consacrée à la politique de la ville.

Le seul document disponible est un tableau agrégeant dépenses ordinaires et autorisations de programme. En faisant l'hypothèse que la plupart des crédits consacrés à la politique de la ville sont des dépenses ordinaires, on peut considérer que ce tableau fournit un ordre de grandeur crédible de l'effort de l'Etat en faveur de la politique de la ville au cours d'une année.

Pour l'exercice 1999, il ressort que les crédits de la dotation de solidarité urbaine comptent pour environ 10 % de l'effort de l'Etat en faveur de la politique de la ville.

Crédits de l'Etat en faveur de la politique de la ville

(AP et DO)

 

LFI 97

LFI 98

PLF 99

% du total en 1999

Crédits spécifiques ville

1.368,42

1.389,16

1.660,13

5,3

Crédits contractualisés relevant de divers ministères

1.514,10

1.131,62

1.108,62

3,5

Crédits autres ministères inscrits au programme d'action des contrats de ville

948,00

1.067,00

993,00

3,1

Crédits relevant de divers ministères concourant à la politique de la ville

4.846,32

7.102,35

9.913,30

31,7

Dépenses fiscales et compensations

1830,10

2.559,13

2.612,60

8,3

Solidarité urbaine (loi du 13 mai 1991), dont :

- Dotation de solidarité urbaine

- Fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France

2.822,20

2.165,00

657,00

2.991,14

2.274,84

716,30

3.900,00

3.200,00

700,00

12,4

10,2

2,2

TOTAL

13.929,14

16.240,40

20.187,65

100

Source : Etat récapitulatif de l'effort financier en faveur de la ville et du développement social urbain

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 41 bis (nouveau)

Elargissement des critères d'éligibilité au FCTVA

Commentaire : le présent article étend le bénéfice du FCTVA à certains investissements réalisés par les collectivités locales sur des biens dont elles n'ont pas la propriété.

I. LA SATISFACTION D'UNE REVENDICATION ANCIENNE

A. UNE REVENDICATION ANCIENNE


Le fonds de compensation pour la taxe à la valeur ajoutée (FCTVA) a pour objet le remboursement par l'Etat aux collectivités locales, à leurs groupements ou à leurs services, de la TVA acquitté sur leurs investissements.

Toutefois, l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que " les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe à la valeur ajoutée ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds ".

Cet article traduit un principe situé au coeur des règles d'éligibilité au FCTVA, le principe de patrimonialité .

Il est apparu que ce principe, fondé, faisait néanmoins obstacle à l'attribution de ce fonds dans un certain nombre de cas où les collectivités agissaient dans le cadre d'opérations d'intérêt général . En effet, les collectivités locales sont parfois amenées à agir soit en raison de risques pour une menace pour la sécurité publique, soit en raison de la défaillance des propriétaires, personnes privées ou publiques.

Dès lors, il semblait légitime que l'Etat participe à cet effort d'investissement afin de ne pas laisser les collectivités locales assumer seules le coût de telles opérations , en particulier lorsque l'inaction de l'Etat ou des particuliers est susceptible d'être à l'origine de dommages pour la collectivité et ses habitants. Ainsi, dans le régime actuel, les dépenses liées à l'entretien des cours d'eau non domaniaux sont exclues du FCTVA

Pour remédier à cette difficulté, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1998, le Sénat a adopté un amendement 196( * ) tendant à rendre éligible au FCTVA les investissements réalisés par les collectivités locales sur des biens dont elles n'ont pas la propriété lorsqu'ils suppléent à la défaillance du propriétaire et que ces dépenses sont engagées soit dans le cadre d'une action de prévention ou de traitement d'un risque naturel , soit dans le cadre de travaux d'intérêt général entrepris sur le domaine public ou, le cas échéant, sur des terrains privés riverains.

L'amendement adopté prévoyait en outre les travaux d'intérêt général réalisés sur le domaine de l'Etat n'étaient éligibles au FCTVA que dans les cas où ils faisaient l'objet d'une convention passée avec l'Etat selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat .

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'amendement adopté par le Sénat l'année dernière a recueilli un avis négatif du gouvernement, le secrétaire d'Etat au budget déclarant : " Il ne me paraît pas possible de déroger à la règle fondamentale de patrimonialité . "

Pourtant, lors de la première lecture par l'Assemblée nationale du présent projet de loi de finances pour 1999, le même secrétaire d'Etat au budget, se prononçant sur un amendement présenté par le rapporteur général de la commission des finances et très largement inspiré par celui adopté l'année précédente au Sénat, a déclaré que " les travaux présentant un caractère d'urgence ou d'intérêt général méritent un égard particulier " et s'est déclaré favorable au dispositif.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale, devenu le présent article 41 bis , diffère légèrement du dispositif adopté par le Sénat. Notre Assemblée retenait une formule générique pour définir l'extension des critères d'éligibilité au FCTVA (" soit dans le cadre d'une action de prévention ou de traitement d'un risque naturel, soit dans le cadre de travaux d'intérêt général ").

L'Assemblée nationale a préféré élaborer une liste limitative des actions entraînant le bénéfice du FCTVA : " travaux de lutte contre les avalanches, glissements de terrains, inondations, ainsi que des travaux de défense contre la mer, présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence. "

II. UNE AMBIGUÏTÉ RÉDACTIONNELLE QU'IL FAUT LEVER

L'introduction de la notion d' " urgence " dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est positive.
En effet, elle n'apparaissait qu'implicitement dans le texte du Sénat.

Toutefois, les députés n'ont pas tiré toutes les conséquences de la distinction qu'ils ont opérée entre travaux présentant un caractère d'intérêt général et travaux présentant un caractère d'urgence.

En effet, la deuxième phrase de l'article 41 bis dispose que, " s'agissant des travaux effectués sur le domaine public de l'Etat, seules ouvrent droit aux attributions du fonds, les dépenses d'investissement réalisées par les collectivités territoriales ou leurs groupements ayant conclu une convention avec l'Etat ".

Or, si la nécessité d'une convention avec l'Etat est incontestable s'agissant des travaux d'intérêt général réalisés sur le domaine public de l'Etat, elle peut se révéler contradictoire avec les travaux urgents, ces derniers étant, par définition, imprévus.

Il conviendrait donc de préciser que la convention avec l'Etat n'est nécessaire que s'agissant des " travaux présentant un caractère d'intérêt général effectués sur le domaine public de l'Etat ". Ainsi, l'intervention d'urgence des collectivités locales au titre d'une action de prévention ou de traitement d'un risque naturel pourra se passer de cette procédure, dans l'intérêt de la sécurité publique. Votre rapporteur général entend déposer un amendement en ce sens.

Il regrette également que texte de l'Assemblée ne précise pas que l'intervention des collectivités résulte de la défaillance du propriétaire.

En revanche, il approuve que le texte adopté par l'Assemblée nationale apporte des précisions quant au contenu de la convention. Celle-ci devra préciser " notamment les équipements à réaliser, le programme technique des travaux et les engagements financiers des parties ".

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 42

Evaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat
au titre de la participation de la France au
budget des Communautés européennes

Commentaire : le présent article vise à préciser l'évaluation de la contribution française au budget des Communautés européennes, fixée à 95 milliards de francs.

Le prélèvement sur recettes représentatif de la contribution française au budget européen est évalué à 95 milliards de francs en 1999. Il s'accroîtrait de près de 3,8 % par rapport au prélèvement pour 1998.

L'analyse détaillée de cette contribution fait l'objet du fascicule 2 du présent tome II du rapport général, intitulé :" Participation de la France au budget des Communautés européennes (article 42 du projet de loi de finances) ". Ce rapport est établi par M. Denis Badré , rapporteur spécial.

Décision de la commission : sous le bénéfice des observations de son rapporteur spécial, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES
ARTICLE 43

Equilibre général du budget

Commentaire : le présent article fixe l'équilibre général du budget en évaluant d'abord les recettes en fonction de leur évolution spontanée et des aménagements de droits proposés, en fixant ensuite un plafond de dépenses autorisées, en déduisant enfin le solde budgétaire. Tout en ayant voté des modifications à la première partie, l'Assemblée nationale a maintenu le déficit à son niveau initialement proposé de 236,55 milliards de francs.

I. L'ÉQUILIBRE RÉSULTANT DES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE PARTIE


L'équilibre proposé par le gouvernement fait l'objet du tome I du présent rapport. Comme à l'accoutumée, il a été modifié par l'Assemblée nationale, de façon limitée en masses toutefois.

L'effet des mesures adoptées par l'Assemblée nationale en première partie sur le solde budgétaire est quasiment nul :

- les ressources nettes du budget général sont accrues de 7 millions de francs, mais les dépenses ordinaires civiles sont rehaussées du même montant,

- les comptes d'affectation spéciale sont accrus en recettes comme en dépenses de 97 millions de francs,

- les opérations des budgets annexes (par définition équilibrées) sont réévaluées à la hausse de 400 millions de francs en recettes et dépenses.

Le tableau ci-après résume les modifications apportées par l'Assemblée nationale (les amendements subsistant après la deuxième délibération figurent en gras).

(en milliards de francs)

Article

Amendement

Objet

Gain/Coût

Après art 2

1 (CF ) c/ gvt

maintien au niveau actuel de la ½ part de quotient familial pour les veufs, célibataires et divorcés ayant eu au moins un enfant à charge

- 0,300

Après art 2

2 (CF) c/gvt

maintien au niveau actuel de la ½ part de quotient familial pour les invalides et anciens combattants

 

Après art 2

1 (gvt)

neutralisation des effets de la réduction du plafonnement pour les invalides, les anciens combattants et les personnes seules ayant des enfants majeurs de moins de 27 ans

-0.100

Après art 4

542 (CF) accord

Relèvement de 50 à 60% du taux de prélèvement libératoire de l'IR applicable aux bons anonymes

+ 0,250

Après art 6

12 (CF)

suppression du délai d'un mois pour déclarer aux services fiscaux la reprise d'une exploitation suite à un décès

n.c

Après art 8

13 (CF) c/ gvt

taxation forfaitaire des oeuvres d'art (3% de la valeur de l'actif net) sauf oeuvres exposées au public et oeuvres d'artistes vivants

+ 0,280

Art 14

14 rect (CF)/ sagesse gvt

sanction en cas de non-déclaration de succession en Corse (arrêtés Miot)

n.c

Après art 14

33 (CF) rect par gvt

Relèvement à 400.00 F en 1999 et 500.000F en l'an 2000 de l'abattement sur droits de succession bénéficiant au conjoint survivant

-0,200

Art 18

19 et 20 (CF) accord gvt

162 rect (CF) accord gvt

Réduction fiscalité sur GPL et GNV

Compensation augmentation TIPP gazole pour autobus au GPL

 

Après art 18

23 rect (CF) accord gvt

24 (CF) accord gvt

exonération de TIPP pour la part d'eau que contient l'aquazole

relèvement de 6000 à 9000 litres/an du volume GPL exonéré de TIPP pour chauffeurs de taxis

- 0,033

Art 19

25 (CF) c/ gvt

extension taux réduit de TVA aux réseaux de chaleur

-0,200

Après art 19

334 (Jegou - CF) c/ gvt

taux réduit de TVA pour réseaux distribution énergie calorifique (bois)

-0,050

Article

Amendement

Objet

Gain/Coût

Après art 19

446 (CF) c/ gvt

taux réduit de TVA pour le matériel réservé à des handicapés tétraplégiques et paraplégiques

-0,001

Art 21

27 rect (CF) accord gvt

taux réduit pour opérations de traitement sur matériaux ayant fait l'objet de collecte séparative

-0,100

Après art 22

546 (CF) - accord gvt

doublement du plafond de crédit d'impôt pour dépenses d'entretien de l'habitation principale

- 0,200

Après art 22

554 (CF) accord gvt

assujettissement à TVA des prestations fournies par des établissements touristiques

-0,100

Art 23

32 (CF) c/gvt

Suppression, jusqu'au 31 déc 1999, de la limite d'âge pour bénéficier de l'abattement de 50% pour transmission anticipée du patrimoine

n.c

Art 24

539 rect (CF) accord gvt

Prélèvement de 20% sur sommes reçues au delà de 1 million de francs par chaque bénéficiaire d'une assurance-vie au décès de l'assuré pour contrats souscrits à partir du 13/10/1998 et pour primes versées à partir de cette date lorsque contrats sont antérieurs

Prélèvement exceptionnel de 0,2% à la charge des entreprises d'assurance-vie sur primes et cotisations émises en 1998

- 0,500

+ 0,500

Art 27

559 (gvt)

compensation de la réduction des droits de mutation à titre onéreux modulable en fonction du niveau des droits par habitant encaissés par chaque région

réduit plafond dépenses Etat de 0,240

Après art 27

194 rect (CF) accord gvt

Exonération de TVA pour achats de terrains réalisés par des particuliers pour faire construire leur habitation

-0,710

Après art 28

39 (CF) accord gvt

Pour les sociétés d'assurances mutuelles, assimilation à des apports des droits d'adhésion versés par nouveaux sociétaires

-0,100

Après art 28

193 (CF) accord gvt

Réintégration d'une fraction forfaitaire des charges afférentes aux produits de participation perçus par une société mère, précédemment exonérées

+1,550

Art 31

49 (CF) accord gvt

Prorogation du régime d'amortissement exceptionnel pour les véhicules à bicarburation jusqu'au 1er janvier 2003

pas impact en 1999

Après art 31

50 (CF) c/gvt

Exonération pour moitié de la taxe sur les véhicules de sociétés pour les véhicules à bicarburation

-0,050

Article

Amendement

Objet

Gain/Coût

Art 32

51 (CF) accord gvt

avancée au 1er octobre 1998 de la suppression de la taxe sur les briquets et allumettes

pas impact en 1999

Après art 35

488 (gvt)

création d'une "taxe d'aéroport" se substituant aux financements sur redevances ayant fait l'objet d'une annulation par le Conseil d'Etat

-majoration de 0,097 du CST en recettes et dépenses

Après art 36

96 (CF) c/gvt

rétablissement d'une redevance sur les gisements d'hydrocarbures en mer

n.c

Art 40

560 et 561 (gvt)

relèvement de 15 à 20% du taux pour la prise en compte de la croissance de l'enveloppe aux collectivités locales

inclusion des bourgs-centres dans la modulation de la DCTP

0,240

0,010

Après art 40

562 (gvt)

-

-

Après art 41

495 rect (CF) accord gvt

investissements réalisés par les CL sur des biens appartenant à l'Etat ou à des particuliers lorsqu'ils sont motivés par l'intérêt général ou l'urgence éligibles au FCTVA

-0.010

total (après seconde délibération)

 
 

+0.007

II - L'ÉQUILIBRE PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION

Les amendements proposés par votre commission aux articles précédents de la première partie devraient dégrader le niveau des recettes du budget général d'une douzaine de milliards de francs. Le compte d'affectation spéciale "fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France" serait touché par l'amendement proposé par votre commission (article 26). Il en est de même du nouveau "fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien" (article 35 bis).

La suppression de la taxe générale sur les activités polluantes (article30) se traduirait, par coordination, par le maintien en vigueur des taxes fiscales et parafiscales qui financent actuellement l'ADEME, et, par voie de conséquence, par la suppression des nouvelles subventions figurant aux crédits de l'environnement et de l'industrie.

Compte tenu de son objectif de réduction du déficit budgétaire proposé d'environ 14 milliards de francs, votre commission est ainsi amenée à proposer une réduction du plafond des dépenses ordinaires civiles autorisées de 26 milliards de francs. Le déficit budgétaire serait ainsi réduit à 222,5 milliards de francs.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article et l'état A qui lui est annexé compte tenu des modifications qu'elle a apportées aux articles de la première partie du présent projet de loi et de l'amendement qu'elle vous soumet.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 12 novembre 1998 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé, sur le rapport d e M. Philippe Marini, rapporteur général , à l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 .

La commission a tout d'abord adopté sans modification l' article 1 er , relatif à l'autorisation de percevoir les impôts existants.

A l' article 2, relatif au barème de l'impôt sur le revenu, la commission a adopté deux amendements tendant, pour le premier, à rejeter la réduction du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial et, pour le second, à supprimer le régime spécifique de prise en compte des frais professionnels des journalistes, le rapporteur général ayant indiqué qu'il proposerait, en deuxième partie de la loi de finances, le rétablissement de la réforme de l'impôt sur le revenu que le précédent gouvernement avait fait voter pour qu'elle prenne effet en 2000, en même temps que la suppression progressive du régime des abattements professionnels.

A l' article 2 bis (nouveau) concernant la réduction d'impôt au bénéfice de certains titulaires de demi-parts additionnelles de quotient familial, la commission a adopté un amendement de suppression par coordination.

Puis, elle a adopté, sans modification, l' article 3 sur l'extension de la réduction d'impôt relative aux dons pour les personnes physiques qui participent au financement d'entreprises, l' article 4 concernant les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise et le report d'impositions des plus-values de cession de titres dont le produit est investi dans les fonds propres des PME, puis l' article 4 bis (nouveau), relatif à l'alourdissement de la fiscalité applicable aux contrats de capitalisation anonymes.

A l' article 5 relatif à l'extension du régime fiscal des micro-entreprises, M. Philippe Marini , rapporteur général , s'est déclaré globalement favorable à une mesure visant à alléger les charges fiscales, comptables et déclaratives des contribuables, mais a attiré l'attention sur la complexité de la mise en oeuvre du nouveau système et a fait part de ses inquiétudes quant aux risques fiscaux que pourraient courir les entreprises soumises automatiquement à ce régime. Il a ensuite retiré l'amendement de suppression qu'il avait initialement présenté. M. Bernard Angels s'est inquiété de ce que cet article ne prenne qu'insuffisamment en considération les risques de travail clandestin. La commission a alors décidé de réserver son vote sur cet article.

Elle a ensuite adopté, sans modification, l' article 6, relatif à l'aménagement du régime simplifié d'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l' article 6 bis (nouveau), relatif à la continuité du régime fiscal de TVA en cas de décès d'un exploitant agricole, et l' article 7 concernant le relèvement des seuils de mise en recouvrement ou de perception.

A l' article 8, relatif à l'augmentation du barème de l'imposition de solidarité sur la fortune (ISF), la commission a adopté un amendement tendant à actualiser le barème de l'ISF comme celui de l'impôt sur le revenu, tout en acceptant la création de la nouvelle tranche d'imposition à 1,8 %.

A l' article 9, relatif à la limitation de l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels de l'activité de loueur en meublé, la commission a examiné un amendement de suppression, considérant comme inéquitable de pénaliser des foyers fiscaux dont l'un des membres tire des revenus d'une autre activité par rapport à ceux pour lesquels il s'agit de l'activité principale.

M. Alain Lambert, président, a regretté que de nombreuses dispositions fiscales tendent à s'immiscer dans la vie privée des contribuables alors que des procédures idoines de lutte contre la fraude fiscale existent déjà. La commission a alors supprimé cet article.

A l' article 10, relatif à l'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune des biens ou droits dont la propriété est démembrée, la commission a adopté un amendement de suppression, au motif notamment que ce dispositif a une portée rétroactive et semble d'une constitutionnalité douteuse.

M. Michel Charasse , après avoir jugé inconstitutionnelles les dispositions de cet article, a proposé que la commission examine un amendement ultérieur visant à le rendre conforme aux normes constitutionnelles.

M. Alain Lambert, président, a estimé très difficile l'analyse de l'ensemble des motifs de démembrement de propriété et que, par conséquent, l'article proposé par le Gouvernement risquait d'avoir des effets pervers.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a ajouté que l'administration fiscale disposait déjà de moyens de procédure qu'elle pouvait utiliser pour lutter contre la fraude engendrée par un démembrement illicite de propriété.

A l' article 11, relatif à l'aménagement des règles du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune, la commission a adopté un amendement visant à revenir au régime de plafonnement instauré par la loi de finances initiale pour 1991 qui consistait à éviter qu'un contribuable n'acquitte plus de 85 % de son revenu au titre du cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, le rétablissement de ce dispositif d'équité étant en outre de nature à éviter des délocalisations de patrimoine.

Puis elle a adopté, sans modification, l' article 12, relatif aux modalités d'évaluation de la résidence principale en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit.

A l' article 13, qui renforce les obligations déclaratives sur les dettes déduites de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, la commission a adopté un amendement supprimant la nouvelle procédure de demande d'éclaircissement de la part de l'administration fiscale, cette procédure, non contradictoire, étant redondante avec l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

M. Michel Charasse a souhaité savoir si les éléments ainsi recueillis par l'administration fiscale pouvaient être éventuellement utilisés pour un examen de la situation fiscale ultérieure.

A l' article 14, relatif à la modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit, la commission a examiné un amendement visant à ne pas soumettre au nouveau régime les étrangers ayant résidé en France pour une courte période en raison d'impératifs professionnels.

M. Alain Lambert, président, a estimé que des règles fiscales de plus en plus maladroites incitaient les contribuables à dissimuler ou à délocaliser leur patrimoine, ce qui allait à l'encontre de l'objectif poursuivi par ces mêmes règles.

M. Yann Gaillard a observé que l'amendement proposé ne visait qu'une partie des cas concernés par cet article.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a reconnu que cet article pouvait avoir des conséquences difficiles à apprécier, mais qu'il était difficile de refuser une mesure dont l'ambition était de lutter contre la délocalisation du patrimoine ; le rejet d'une telle disposition constituerait un signal négatif à l'égard de la lutte nécessaire contre la fraude fiscale.

La commission a alors adopté l'amendement présenté par son rapporteur général.

Puis elle a adopté sans modification l' article 14 bis (nouveau), relevant l'abattement pour la perception des droits de mutation à titre gratuit sur la part du conjoint survivant.

A l' article 14 ter (nouveau) qui rétablit les sanctions en cas de défaut de déclaration des successions en Corse, la commission a adopté un amendement reportant l'entrée en vigueur de ce rétablissement jusqu'à l'expiration du régime fiscal transitoire qui exonère de droits les partages successoraux en Corse, soit jusqu'au 31 décembre 2000.

Puis elle a examiné un amendement portant article additionnel après l'article 14 ter (nouveau) qui vise a réactiver la commission mixte prévue par la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, afin qu'elle présente, dans les six mois, les conclusions qu'elle était, depuis longtemps, censée élaborer en matière fiscale et sur la sortie des indivisions.

M. Michel Charasse a rappelé que cette commission n'avait pas rendu le rapport qui lui avait été demandé, afin d'éviter à la Corse de rentrer dans le droit commun des régimes de mutation. Il a dès lors proposé que le rapport demandé par l'amendement portant article additionnel soit rédigé par le Conseil d'Etat en cas d'inertie de la commission mixte.

M. Louis Ferdinand de Rocca Serra a précisé que cette commission ne s'était pas réunie depuis 1992, mais que l'Assemblée de Corse avait prévu de relancer ses travaux.

M. Alain Lambert, président, a indiqué que, si la commission mixte ne rendait pas le rapport susmentionné, la commission des finances devrait elle-même envisager de mener des investigations sur le sujet.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le problème des droits de succession en Corse prenait place dans un contexte beaucoup plus général, et que cette question devait être réglée dans un ensemble de mesures proposées en faveur du développement économique de la Corse.

La commission a alors adopté l'amendement portant article additionnel après l' article 14 ter (nouveau) .

Puis elle a adopté, sans modification, l' article 15, relatif au régime des titres ou droits de personnes morales ou organismes détenant directement ou par personnes interposées des immeubles ou droits immobiliers sis en France.

A l' article 16 concernant l'imposition des plus-values constatées et des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France, la commission a examiné un amendement tendant à remplacer l'imposition de ces plus-values sur les " participations substantielles " par une imposition sur les plus-values latentes portant sur des droits sociaux d'une valeur supérieure à dix millions de francs, de manière à n'imposer que les patrimoines les plus importants, en évitant de pénaliser les créateurs de jeunes entreprises.

M. Jacques Oudin a jugé tout à fait positive l'intention présidant aux aménagements fiscaux en faveur de la création d'entreprises, mais a estimé que leur mise en oeuvre était parfois très contestable : il a cité l'exemple du crédit d'impôt-recherche dont les entreprises bénéficiaires étaient quasi-systématiquement soumises à un contrôle fiscal sévère. La commission a adopté l'amendement proposé par le rapporteur général.

Elle a ensuite adopté, sans modification, l' article 17, relatif à la gratuité de la délivrance des cartes nationales d'identité et du droit d'examen pour l'obtention du permis de conduire.

A l' article 18, relatif à la modification des tarifs des taxes intérieures de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) et sur le gaz naturel et à la mise en oeuvre d'un remboursement de TIPP aux transporteurs routiers, la commission a adopté un amendement tendant à accroître la TIPP sur le gazole de un centime par litre et à réduire celle sur le supercarburant sans plomb de deux centimes ; ainsi l'écart de taxation entre ces deux carburants serait réduit non plus de sept mais de dix centimes, ce qui permettait un alignement sur la moyenne communautaire en cinq ans au lieu de sept.

Elle a ensuite adopté sans modification l' article 18 bis (nouveau) modifiant le régime fiscal de l'aquazole, l' article 18 ter (nouveau), relatif à l'augmentation du volume de gaz de pétrole liquéfié (GPL) défiscalisé pour les taxis, l' article 19 concernant l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux abonnements souscrits pour la fourniture de gaz et d'électricité, ainsi que l' article 20 appliquant ce taux réduit de TVA aux appareillages destinés aux diabétiques et à certains handicapés.

Puis, à l' article 21, appliquant le taux réduit de TVA aux opérations de collecte et de tri sélectifs des ordures ménagères, la commission a examiné un amendement précisant que les traitements de déchets sous forme de valorisation énergétique étaient bien compris dans le champ d'application de la mesure.

Après que M. Philippe Marini, rapporteur général , eut répondu à M. Bernard Angels que cette disposition était compatible avec les directives européennes, la commission a adopté l'amendement qui lui était proposé.

A l' article 22 , relatif à l'application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée aux travaux subventionnés par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, la commission a adopté un amendement de précision.

Puis, la commission a adopté l' article 22 bis (nouveau) , relatif à la majoration du crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien afférentes à l'habitation principale.

A l' article 22 ter, relatif à l'assujettissement de la TVA des "villages résidentiels de tourisme", la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l' article 23 , relatif à l'augmentation des taux de réduction de droits de mutation sur les donations, la commission a adopté un amendement visant à étendre temporairement le taux de réduction de 30 % des droits de mutation à toutes les donations, quel que soit l'âge du donateur.

M. Yann Gaillard a exprimé sa réserve vis-à-vis de mesures fiscales enfermées dans des délais, estimant que la détermination de la durée de ces derniers était par nature arbitraire et qu'elle pouvait entraîner des effets pervers.

M. Alain Lambert, président , a soutenu la position du rapporteur général en soulignant le caractère incitatif du délai, qui, dans le cas présent, pousse le détenteur d'une entreprise à transmettre son patrimoine.

A l' article 24 , relatif à la moralisation des avantages liés à la transmission des patrimoines par le biais de l'assurance-vie, M. Philippe Marini, rapporteur général , a rappelé que cet article avait soulevé de nombreux débats à l'Assemblée nationale. Il a déclaré que la rédaction proposée par cette dernière était meilleure que le projet d'article du Gouvernement, même si elle était encore perfectible. Toutefois, il a estimé nécessaire de ne pas modifier l'article afin d'éviter une remise en cause du compromis obtenu. En revanche, par souci d'équité, il a présenté un amendement visant à exonérer du prélèvement de 20 % les primes afférentes à des contrats d'assurance en cas de décès, lorsque ces contrats garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant handicapé.

M. Alain Lambert, président , a partagé le souci du rapporteur général d'adopter conforme le présent article, sans exclure la possibilité de transformer l'amendement proposé en article additionnel.

M. René Ballayer s'est interrogé sur la définition exacte de personnes handicapées.

M. Philippe Marini, rapporteur général , lui a répondu que le 2 e de l'article 199 septies du code général des impôts en donnait une définition précise. Il a alors retiré son amendement et la commission des finances a adopté, à l'unanimité, l'article 24.

Puis, la commission des finances a adopté l' article 25 , relatif à la réduction de l'écart entre les minimas de perception du droit de consommation sur les tabacs.

A l' article 26 , relatif à l'aménagement de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France, M. Philippe Marini, rapporteur général , a présenté un amendement visant à refuser l'extension de l'assiette de cette taxe aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage, considérant cette réforme très pénalisante pour les différents secteurs d'activité concernés, contradictoire avec l'allégement de la taxe professionnelle et susceptible d'encourager des délocalisations d'activités.

M. Denis Badré s'est déclaré opposé à l'extension de l'assiette de cette taxe et a manifesté sa préférence pour la suppression complète de l'article.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a justifié l'amendement proposé en déclarant que la définition de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, proposée par le présent article, était plus précise que dans sa rédaction antérieure.

M. Paul Loridant a insisté sur les risques de délocalisation des entrepôts vers les départements limitrophes à ceux de l'Ile-de-France.

M. Bernard Angels s'est inquiété des conséquences financières de l'adoption de l'amendement proposé par le rapporteur général sur le volume des crédits du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) disponibles pour l'Etat au titre des investissements en Ile-de-France.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé à 376 millions de francs le coût de cet amendement et a souligné que la région Ile-de-France serait sans doute en mesure de pallier, en opérant les redéploiements nécessaires, une progression moindre du produit de la taxe alimentant le FARIF. En outre, il a déclaré que les conséquences de la suppression de l'extension de l'assiette de la taxe sur les locaux en Ile-de-France devaient être gérées par la région et l'Etat. La commission a alors adopté l'amendement.

A l' article 27 , relatif à la suppression de la taxe régionale sur les cessions d'immeubles et à l'unification du régime d'imposition des cessions de locaux professionnels, la commission a d'abord adopté un amendement rappelant que les droits de mutation perçus par les départements constituaient une fiscalité transférée dans le cadre des lois de décentralisation. Puis elle a adopté un amendement suspendant les sanctions pour les immeubles qui devaient être revendus entre le 1 er janvier 1999 et le 30 juin 1999. Elle a ensuite adopté trois amendements visant à supprimer la taxe de 1 % plafonnée à 20.000 francs pour les cessions de parts de sociétés non cotées, à exclure les sociétés par actions cotées en bourse de la nouvelle taxe de 4,80 %, et à modifier la définition de la prépondérance immobilière. Elle a également adopté, à l'unanimité, un amendement visant à rétablir la compensation intégrale de la perte de recettes résultant, pour les régions, de la suppression de la taxe additionnelle régionale sur les mutations à titre onéreux.

La commission a ensuite réservé l' article 27 bis (nouveau) , relatif à l'exonération de TVA pour les achats de terrains à bâtir par des particuliers qui souhaitent y construire un immeuble réservé à leur usage privatif dont elle approuve la finalité mais qui suscite de multiples difficultés d'application.

A l' article 28 , relatif à la réduction du taux de l'avoir fiscal, la commission a adopté un article de précision visant à tirer les conséquences de la réduction de l'avoir fiscal sur le précompte dû par les entreprises qui n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux normal.

Puis, la commission a adopté l' article 28 bis (nouveau) , visant à assimiler à des apports les droits d'adhésion perçus par les sociétés d'assurance mutuelle.

A l' article 28 ter (nouveau) , relatif à la réintégration d'une quote-part des frais et charges afférents aux dividendes versés par une société fille à sa société mère, la commission a adopté un amendement de suppression de l'article pour éviter la double taxation des dividendes versés par une filiale à sa société mère.

A l' article 29 , relatif à la taxe professionnelle, la commission a adopté cinq amendements visant à remplacer le système de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle aux collectivités locales par un dégrèvement, à étendre le bénéfice de la réduction de taxe professionnelle aux professions libérales, à pérenniser la réduction pour embauche et investissement à 25 % de son montant, à étendre sur cinq ans au lieu de trois la progression de la cotisation minimale de taxe professionnelle et à limiter la progression de la cotisation de péréquation à 75 % en cinq ans contre 100 % dans le texte proposé par le Gouvernement. Puis elle a adopté, à l'unanimité, un amendement demandant au Gouvernement de remettre, chaque année, un rapport sur l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur l'emploi, les entreprises, les collectivités locales et les finances de l'Etat.

A l' article 30 , relatif à la taxe générale sur les activités polluantes, M. Philippe Marini, rapporteur général , a présenté un amendement de suppression, estimant que l'instauration de cette nouvelle taxe entraînait plus d'inconvénients que d'avantages.

M. Joël Bourdin s'est félicité de cet amendement et a déclaré que le dispositif proposé par le Gouvernement constituait une tentative de recentralisation alors même que la nécessité d'une plus grande décentralisation est reconnue par tous.

M. Jacques Oudin a fait remarquer que le premier avantage souligné par le Gouvernement était d'augmenter le budget du ministère de l'environnement et non de pouvoir mener une politique plus efficace. Il s'est opposé à ce que, par l'adoption de cet article, l'ensemble du dispositif relatif à l'ADEME soit remis en cause. En outre, il s'est inquiété de ce que l'argent collecté à travers cette taxe ne soit pas affecté à la lutte contre les activités polluantes.

M. Michel Charasse a jugé inconstitutionnel le paragraphe III du présent article qui dispose que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est habilitée à contrôler et à recouvrer la taxe générale sur les activités polluantes.

La commission a alors adopté l'amendement de suppression.

Puis, elle a adopté l' article 31 relatif à l'amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant en bicarburation et des accumulateurs nécessaires à leur fonctionnement, l' article 32 relatif à la suppression de diverses taxes, l' article 33 relatif à la suppression de la taxe perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, l' article 34 relatif à la suppression du prélèvement sur les bénéfices des entreprises exploitant des gisements d'hydrocarbures et l' article 35 relatif à la suppression de la taxe perçue pour toute demande d'autorisation administrative d'exploitation d'eau minérale et naturelle.

A l' article 35 bis (nouveau) relatif à la création d'une taxe de l'aviation civile au profit du budget annexe de l'aviation civile et du compte d'affectation spéciale "fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien", la commission a adopté un amendement de suppression de l'article, estimant que ladite taxe ne répondait pas à l'exigence posée par le Conseil d'Etat de voir financer la sûreté des aéroports par le contribuable national. En outre, elle a critiqué l'ensemble de la réforme du financement des aéroports proposée par le Gouvernement.

A l' article 36 , relatif au prélèvement exceptionnel sur les caisses d'épargne, la commission a adopté un amendement visant à substituer au prélèvement proposé par le Gouvernement sur les fonds propres des caisses d'épargne, un prélèvement additionnel de 2 milliards de francs sur les réserves de trésorerie de l'épargne-logement de la caisse nationale d'épargne gérée par la Caisse des dépôts et consignations.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la nécessité de contrôler la politique du Gouvernement de prélèvement sur divers organismes et a approuvé la suppression du prélèvement sur les fonds propres des caisses d'épargne.

Puis, la commission a adopté l' article 36 bis (nouveau) , relatif à l'inclusion de la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ d'application de la redevance sur la concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, l' article 37 relatif aux dispositions concernant les affectations, l' article 38, relatif à l'actualisation et taux de la taxe sur les huiles perçue au profit du BAPSA et l' article 39 relatif au versement d'une contribution des organismes collecteurs du 1 % logement.

A l' article 40 , relatif à l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités territoriales, la commission a adopté un amendement visant à porter la fraction du taux de croissance du produit intérieur brut prise en compte dans le calcul du mode de progression de l'enveloppe normée à 33 % en 1999, puis à 50 % au titre des deux années suivantes.

Puis, elle a adopté l' article 41 , relatif à la majoration exceptionnelle de la dotation de solidarité urbaine.

A l' article 41 bis (nouveau) , relatif à l'élargissement des critères d'éligibilité au FCTVA, la commission a adopté à l'unanimité un amendement visant à distinguer les travaux d'intérêt général effectués sur le domaine public de l'Etat, qui nécessitent une convention, des travaux d'urgence effectués sur le domaine public de l'Etat pour lesquels la convention n'est pas nécessaire.

A l' article 43 , relatif à l'équilibre général du budget, la commission a adopté un amendement réduisant le plafond des dépenses civiles autorisées de 26 milliards de francs, de façon à réduire le déficit budgétaire proposé de 14 milliards de francs, compte-tenu d'une réduction des recettes prévisionnelle de 12 milliards de francs.

Sous le bénéfice des articles réservés , la commission a enfin adopté l'ensemble des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page