II. EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi du mardi 17 novembre, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a tout d'abord procédé, sur le rapport de M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de l'emploi et de la solidarité : II.- santé et solidarité, ainsi que des articles 82 et 83 .

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , après avoir fait observer que les changements incessants de nomenclature rendaient difficile le suivi du budget de la santé et de la solidarité, a indiqué que celui-ci s'élèverait à 79,9 milliards de francs en 1999, en progression apparente de 9,2 % par rapport à 1998.

Il a indiqué que les dépenses ordinaires progresseraient de 9,7 %, pour atteindre 79,2 milliards de francs, tandis que les dépenses en capital diminueraient de 26,7 % en crédits de paiement, pour s'établir à 684,6 millions de francs. Il a précisé qu'il convenait de prendre en compte deux modifications de périmètre : d'une part, le transfert des crédits de la ville dans un fascicule distinct, pour un montant de 655 millions de francs, et d'autre part la prise en charge de l'allocation de parent isolé par le budget de l'Etat, pour un montant de 4,2 milliards de francs.

Le rapporteur spécial a indiqué qu'à structure constante l'augmentation du budget de la santé et de la solidarité pour 1999 était de 4,5 %, à comparer au taux de progression de 2,6 % enregistré en 1998 par rapport à 1997.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , après avoir évoqué succinctement les principales évolutions de crédits, a présenté les deux articles rattachés au budget de la santé et de la solidarité.

Il a indiqué que l'article 82 a pour objet la prise en charge par l'Etat du financement de l'allocation de parent isolé (API). Après avoir rappelé que l'API est une allocation différentielle versée sous conditions de ressources aux personnes seules qui assument la charge effective d'un ou plusieurs enfants, pendant douze mois ou jusqu'à ce que le plus jeune enfant ait atteint l'âge de trois ans, le rapporteur spécial a indiqué que le montant prévisionnel des dépenses d'API s'élevait à 4,233 milliards de francs pour 1999.

Il a précisé que l'article 82 faisait figurer parmi les ressources de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) une subvention de l'Etat correspondant aux sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé. Il a précisé que le budget de la santé et de la solidarité pour 1999 comportait en conséquence un nouveau chapitre 46-20 intitulé "Contribution de l'Etat au financement de l'allocation de parent isolé", doté de 4,233 milliards de francs.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , a estimé que la budgétisation de l'API est assez logique, car il s'agit d'une prestation différentielle garantissant un revenu minimum, qui peut relever de la solidarité nationale comme le revenu minimum d'insertion (RMI) ou l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Il a souligné que cette budgétisation s'inscrivait dans un ensemble plus vaste de mesures relatives à la famille : d'une part, la suppression, par l'article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, du plafond de ressources instauré l'an dernier pour les allocations familiales, et d'autre part, l'abaissement du plafond du quotient familial, par l'article 2 du projet de loi de finances. Il a précisé que le coût du déplafonnement des allocations familiales était estimé à 4,68 milliards de francs et que l'abaissement du plafond du quotient familial se traduirait par un alourdissement de l'impôt sur le revenu de 3,9 milliards de francs. Il a rappelé que cette dernière mesure n'apparaissait pas justifiée à la commission, qui l'a rejetée lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , a ensuite présenté l'article 83, qui limite à 60 ans l'attribution de l'AAH pour les allocataires relevant de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale.

Il a rappelé que l'AAH est une allocation différentielle financée par l'Etat et gérée par la CNAF, qui garantit à ses bénéficiaires un revenu minimum identique à celui du minimum vieillesse. Il a ajouté que le bénéficiaire doit justifier d'une incapacité permanente d'au moins 80 % en vertu de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, ou d'une incapacité permanente d'au moins 50 % lorsqu'il est reconnu dans l'impossibilité de se procurer un emploi, en vertu de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale.

Le rapporteur spécial a rappelé que le minimum vieillesse est attribué dès l'âge de 60 ans aux personnes reconnues inaptes au travail et que le versement de l'AAH se prolonge jusqu'à l'âge de 65 ans, sauf si une décision d'inaptitude intervient avant. Il a indiqué que l'article 83 a pour objet d'assurer une meilleure cohérence entre le bénéfice de l'AAH et les avantages de vieillesse, en instaurant une présomption d'inaptitude au travail des bénéficiaires de l'AAH dès l'âge de 60 ans. Il a précisé que le versement de l'AAH serait suspendu en conséquence à compter de 60 ans pour les personnes qui en bénéficient au titre de l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale.

Il a précisé que l'économie budgétaire attendue de cette mesure est estimée à 31 millions de francs pour 1999, et devrait atteindre 300 millions de francs à terme. Il a toutefois observé qu'il ne s'agit pas d'une économie nette, mais d'un simple transfert de charges de l'Etat vers le fonds de solidarité vieillesse (FSV) chargé de financer le minimum vieillesse. Il a remarqué que cette modification ne serait pas, dans tous les cas, parfaitement neutre pour les intéressés, car les plafonds de ressources de l'AAH et du minimum vieillesse, tout en étant identiques dans leurs montants, ne sont pas calculés de la même manière : le second pourrait donc, dans certains cas, se révéler moins favorable que le premier.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , a ensuite présenté ses observations sur le budget de la santé et de la solidarité pour 1999.

Première observation, il a estimé que la budgétisation de l'allocation de parent isolé devait s'accompagner d'un effort d'économie. Après avoir rappelé que la Cour des Comptes a dénoncé, dans son rapport au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1998, les abus liés à l'imprécision de la notion même d'isolement, il a estimé que la commission pouvait proposer une économie de 200 millions de francs, soit environ 5 % des crédits consacrés à l'allocation de parent isolé, en exigeant du Gouvernement l'adaptation des textes réglementaires souhaitée par la CNAF pour instaurer une présomption de non-isolement en cas d'habitation commune.

Deuxième observation, le rapporteur spécial a constaté que les augmentations des crédits les plus importantes en volume du budget de la santé et de la solidarité résulteraient en 1999, comme les années précédentes, de la croissance non maîtrisée de dépenses sociales obligatoires.

Il a observé que les crédits consacrés à l'AAH augmenteraient à un rythme toujours rapide, de 5 %, pour atteindre un montant de 24,6 milliards de francs, tandis que les crédits consacrés au RMI augmenteraient de 4,2 %, pour atteindre un montant de 26,4 milliards de francs. Il a estimé que cette dernière augmentation était d'autant plus étonnante que l'évolution des dépenses de RMI est étroitement corrélée à celle du chômage non indemnisé, et que la situation de l'emploi est supposée s'améliorer en 1999 comme en 1998.

Après avoir rappelé que la Cour des Comptes, dans son rapport public de 1995, avait estimé que la charge supplémentaire liée à l'insuffisance du contrôle initial et trimestriel des ressources des bénéficiaires représentait 3 à 5 % des dépenses de RMI, il a proposé à la commission une réduction de 1,3 milliard de francs des crédits consacrés à l'allocation de RMI pour 1999, soit 5 % de leur montant. Il a souligné que cette économie pouvait résulter, sans réduction des droits ouverts aux bénéficiaires, de la systématisation des contrôles préconisés par la Cour des Comptes.

Troisième observation, M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , a estimé que l'évolution des dotations budgétaires aux différents instruments de régulation des dépenses d'assurance maladie n'était pas satisfaisante.

Il a observé que la dotation de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) serait simplement reconduite en 1999 au niveau de 37,3 millions de francs. Il a précisé que le retard pris dans la mise en place de l'ANAES s'était traduit par des reports importants de crédits, qui atteignent près de 90 millions de francs au titre de 1997 et 1998.

Il a observé que les autorisations de programme prévues pour le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) s'élevaient à 250 millions de francs seulement pour 1999, alors qu'elles étaient de 503 millions de francs en 1998, tandis que les crédits de paiement afférents étaient simplement reconduits au niveau de 150 millions de francs. Il a estimé que ce fonds était pourtant essentiel, puisqu'il a pour mission d'accompagner financièrement les opérations de restructuration hospitalière.

Il a observé que la participation budgétaire de l'Etat à l'informatisation de l'assurance maladie était des plus modestes, puisqu'elle se limiterait à 1,4 million de francs de crédits, en 1999 comme en 1998, consacrés aux frais de fonctionnement du groupement d'intérêt public (GIP) "carte professionnelle de santé". Il a précisé que, dans son dernier rapport au Parlement sur la sécurité sociale, la Cour des Comptes avait estimé à 7 milliards de francs les dépenses d'informatique nécessaires à moyen terme, pour la seule généralisation de la carte de santé Vitale 2.

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis sur les crédits de la solidarité , a déclaré partager les inquiétudes du rapporteur spécial quant à l'augmentation continue des dépenses sociales obligatoires, et notamment de l'AAH et du RMI, et considéré urgent le contrôle de leur utilisation. Il a annoncé qu'il présenterait, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement tendant à rendre opposable un taux directeur aux gestionnaires des institutions médico-sociales financées par les départements. Il a précisé que, compte tenu des obligations découlant des nouvelles normes techniques et des accords salariaux, les dépenses de ces institutions progressaient à un rythme minimum de 2 à 3 % par an.

Mme Marie-Claude Beaudeau a souhaité savoir si les dotations prévues pour les trois instituts de veille sanitaire nouvellement créés correspondaient à des crédits supplémentaires ou à des redéploiements. Elle s'est inquiétée de l'extinction du Centre international de l'enfance et de la famille.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est demandé si le Gouvernement manifestait une volonté de remettre en ordre le RMI, dont la dérive lui apparaissait préoccupante.

M. André Vallet s'est inquiété des conséquences, pour les plus petits hôpitaux, de la réduction des dépenses d'équipement sanitaire, et s'est déclaré favorable à un renforcement des contrôles sur le RMI.

M. Roland du Luart, après avoir déclaré partager l'analyse du rapporteur spécial sur l'AAH et le RMI, s'est inquiété de l'impact du passage aux 35 heures dans les établissements médico-sociaux financés par les départements. Il a estimé indispensable que la réduction du temps de travail se fasse à budget constant dans ces établissements, qui disposent déjà de conventions collectives généreuses.

En réponse aux intervenants précédents, M. Jacques Oudin, rapporteur spécial , a indiqué que les dotations des instituts de veille sanitaire correspondaient essentiellement à des transferts de crédits, en provenance de l'ex-agence du médicament et du réseau national de santé publique.

Il a estimé qu'il n'existait pas de volonté gouvernementale de réformer le RMI, qui apparaît comme un système désormais pérennisé, et a précisé que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoyait d'encourager l'insertion des allocataires du RMI en leur permettant de cumuler, pendant une certaine période, leur allocation et un revenu d'activité.

Il a estimé qu'il n'était pas raisonnable de vouloir maintenir tous les hôpitaux existants, et qu'il convenait de choisir entre une préoccupation de proximité et un souci d'efficacité pour adapter l'offre hospitalière aux besoins de la population.

Il s'est déclaré tout à fait favorable au principe du passage des établissements médico-sociaux aux 35 heures à budget constant, estimant que cette contrainte serait un instant de vérité pour leur gestion.

La commission a ensuite adopté les articles rattachés 82 et 83.

Puis, sur proposition du rapporteur spécial, M. Jacques Oudin, la commission a adopté deux amendements réduisant les crédits des titres III et IV et les crédits de la santé et de la solidarité ainsi modifiés .

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