CHAPITRE II
LIBRE PRESTATION DE SERVICES DE L'ACTIVITÉ
DE VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES
AUX ENCHÈRES PUBLIQUES PAR LES RESSORTISSANTS
DES ETATS MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
ET DES ÉTATS PARTIES À L'ACCORD
SUR L'ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN

Ce chapitre a pour objet d'ouvrir le marché des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à la concurrence européenne en application du principe de la libre prestation de services . Un ressortissant européen exerçant à titre permanent l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans son Etat d'origine pourra ainsi exercer cette activité en France à titre occasionnel, dans les conditions prévues aux articles 21 à 25. Il lui sera également possible de s'installer en France pour pratiquer cette activité à titre permanent, en application du principe de libre établissement , mais il devra alors, comme un ressortissant français, constituer une société de ventes volontaires remplissant l'ensemble des conditions prévues au chapitre Ier.

Il est par ailleurs à noter qu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne pourra pas bénéficier des dispositions du chapitre II pour exercer à titre occasionnel l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France.

Article 21
Déclaration de la prestation de services
au conseil des ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques

Cet article ouvre aux ressortissants européens qui exercent à titre permanent l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans leur Etat d'origine, la possibilité d'accomplir cette activité professionnelle en France à titre occasionnel, sous la condition d'une déclaration préalable au conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Il répond ainsi à l'exigence de mise en conformité du droit français avec le droit communautaire au regard du principe de la libre prestation de services posé par les articles 59 et 60 du traité instituant la Communauté européenne.

*

Sans revenir sur les différentes étapes de la procédure engagée par la commission européenne à l'encontre de la France sur ce dossier 44( * ) , on rappellera seulement à cet égard que la Commission, saisie d'une plainte de la société Sotheby's confrontée au refus des autorités françaises de l'autoriser à procéder à des ventes aux enchères sur le territoire français, a estimé dans une lettre de mise en demeure au Gouvernement français datée du 10 mars 1995, puis dans un avis motivé du 10 août 1998 45( * ) , que la République française avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 59 du traité de Rome tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de justice européenne.

Selon cette jurisprudence (cf. notamment les arrêts " Guides touristiques d'Espagne " du 22 mars 1994 et " Gebhard " du 30 novembre 1995), les règles relatives à la libre prestation de services visent la situation de celui qui se déplace d'un Etat membre dans un autre, non pour s'y établir, mais pour exercer son activité à titre temporaire. Lorsque l'accès à une activité spécifique, ou l'exercice de celle-ci, est subordonné dans l'Etat membre d'accueil à certaines conditions, le ressortissant d'un autre Etat membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre. Ces conditions peuvent notamment consister en l'obligation de posséder certains diplômes, d'adhérer à un organisme professionnel, de se soumettre à certaines règles professionnelles ou de se plier à une réglementation relative à l'utilisation des titres professionnels. Encore faut-il, aux termes de l'arrêt Gebhard, que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité remplissent quatre conditions, à savoir : application non discriminatoire, justification par des raisons impérieuses d'intérêt général, caractère propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et limitation à ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif.

Suivant l'avis motivé de la Commission européenne en date du 10 août 1998, la réglementation française ne peut imposer pour la prestation de services les mêmes obligations que pour l'établissement sans violer ce principe de proportionnalité, et une simple déclaration préalable aux autorités compétentes (comme par exemple celle de la directive 93/16 relative aux médecins) est une mesure suffisante pour permettre de contrôler le respect des règles déontologiques par le prestataire.

*

L'article 21 du projet de loi tend à assurer la mise en conformité du droit français avec les exigences résultant de la jurisprudence communautaire. A cette fin, il pose le principe du droit d'un ressortissant communautaire 46( * ) à accomplir en France, " à titre occasionnel " , l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques lorsqu'il exerce cette activité professionnelle à titre permanent dans son Etat d'origine.

La formulation retenue pour ce principe s'inspire de la rédaction du texte en vigueur concernant la libre prestation de services des avocats (cf. article 200 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat).

A la différence de ce dernier texte, l'article 21 du projet de loi soumet toutefois le droit à la libre prestation de services, en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, à une déclaration préalable auprès du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Cette déclaration permettra au conseil des ventes de vérifier que le ressortissant européen intéressé (qui pourra être aussi bien une personne morale qu'une personne physique) remplit l'ensemble des conditions prévues à l'article 23, à savoir l'exigence de qualification prévue à l'article 7 pour les ressortissants nationaux, ainsi que la justification d'un établissement dans son pays d'origine et de garanties relatives à sa moralité professionnelle et personnelle.

Elle devra avoir lieu au moins trois mois avant la première vente réalisée en France et être suivie d'une information complémentaire du conseil adressée au moins un mois avant chacune des autres ventes ultérieurement organisées en France.

Cette information complémentaire est destinée à permettre au conseil des ventes de veiller au respect de l'ensemble des règles posées par la réglementation française lors de chaque vente organisée sur le territoire français, conformément aux dispositions de l'article 24.

En cas de non-respect de cette réglementation, le conseil des ventes pourra en effet exercer à l'égard des ressortissants européens le pouvoir disciplinaire qui lui est reconnu par les articles 19 et 24.

S'il y a lieu, il pourra également s'opposer, par décision motivée, à la tenue d'une vente, ainsi que le prévoit l'article 16. Cette disposition trouve cependant mieux sa place dans le cadre de l'article 21 : votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à l'insérer à la fin de cet article.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 21 sous réserve de cet amendement, ainsi que d'un amendement rédactionnel.

Article 22
Usage de leur qualité par les prestataires de services

Cet article apporte des précisions quant à la qualité dont devront se prévaloir les ressortissants européens exerçant en France une activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques au titre de la libre prestation de services.

Il précise que ces personnes -qui conformément à l'article 21 exercent cette activité professionnelle à titre permanent dans leur Etat d'origine- devront faire usage, pour l'exercer à titre occasionnel en France, " de leur qualité exprimée dans la ou l'une des langues de l'Etat où elles sont établies, accompagnée d'une traduction en français, ainsi que du nom de l'organisme professionnel dont elles relèvent " .

Ces dispositions sont destinées à permettre une information complète du consommateur sur l'identité des prestataires de services. Leur rédaction est calquée sur celle des dispositions analogues prévues pour les avocats par l'article 201 du décret du 27 novembre 1991 précité.

Cependant, les personnes exerçant l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans un autre pays européen ne relèvent pas nécessairement d'un organisme professionnel. Tel est le cas notamment des grandes maisons de ventes anglo-saxonnes comme Sotheby's ou Christie's. La mention de l'organisme professionnel ne peut donc être exigée systématiquement mais seulement " s'il y a lieu ".

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à apporter cette précision. Elle vous propose d'adopter l'article 22 du projet de loi ainsi modifié .

Article 23
Conditions exigées des prestataires de services

Cet article précise les conditions qui seront requises des ressortissants européens pour pouvoir exercer l'activité de ventes aux enchères publiques en France de manière occasionnelle, au titre de la libre prestation de services.

Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sera chargé de vérifier que ces conditions sont bien remplies lors de l'enregistrement de la déclaration préalable prévue à l'article 21.

Il s'agit tout d'abord d'une condition de qualification qui sera appréciée dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 7 en matière de libre établissement, conformément à la jurisprudence communautaire. La Cour de justice européenne considère en effet qu'en ce qui concerne tant l'accès au droit d'établissement que l'accès à la libre prestation de services, s'agissant d'une profession réglementée dans l'Etat membre d'accueil, cet Etat doit prendre en compte les qualifications professionnelles et l'expérience professionnelle acquises dans un autre Etat membre (cf. arrêts " Vlassopoulou " du 7 mai 1991 et " Guides touristiques d'Espagne " du 22 mars 1994).

Le ressortissant européen candidat à la libre prestation de services devra donc, s'il s'agit d'un professionnel indépendant, être titulaire d'un des titres, diplômes ou habilitations visés à l'article 7 et reconnus comme équivalents au diplôme de commissaire-priseur.

S'il s'agit d'une personne morale, elle devra, comme les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, comprendre parmi ses dirigeants, associés ou salariés un titulaire de l'un de ces titres, diplômes ou habilitations visés à l'article 7.

Hormis cette condition de diplôme, le ressortissant européen candidat à la libre prestation de services devra justifier d'un établissement dans son pays d'origine et " de garanties de moralité professionnelle et personnelle " .

On observera que les garanties ainsi exigées sont moins précises que celles prévues par l'article 4 pour les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui devront pour leur part " présenter des garanties suffisantes, notamment en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l'honorabilité et l'expérience de leurs dirigeants ainsi que les dispositions propres à assurer pour les clients la sécurité des opérations " .

Cette différence peut être justifiée par l'idée qu'au regard de la jurisprudence de la Cour de justice européenne un Etat membre ne peut subordonner l'exécution d'une prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions destinées à assurer la libre prestation de services.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de précision rédactionnelle.

Article 24
Respect de la réglementation française
par les prestataires de services

Cet article prévoit l'obligation pour les ressortissants européens de respecter les règles régissant l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France, sans préjudice des obligations non contraires qui leur incombent dans leur Etat d'origine.

Les ressortissants européens appelés à exercer de manière occasionnelle cette activité en France au titre de la libre prestation de services devront donc respecter à l'occasion de cet exercice l'ensemble des règles instituées par le projet de loi comme par exemple l'interdiction d'achat pour revendre, les dispositions relatives à la publicité, la réglementation des ventes de gré à gré après la vente aux enchères publiques ou encore les règles de responsabilité, d'assurance ou de garantie financière.

Il est par ailleurs à noter que le ressortissant communautaire prestataire de services pourra éventuellement se doter de l'infrastructure (locaux, salle des ventes) nécessaire aux fins de l'accomplissement de sa prestation, conformément au principe dégagé par l'arrêt Gebhard précité.

Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sera chargé de veiller au respect de la réglementation française par les ressortissants européens qui en cas de manquement à leurs obligations seront passibles de sanctions disciplinaires allant jusqu'à l'interdiction définitive d'accomplir l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France, ainsi que le prévoit l'article 25.

La rédaction de l'article 24 s'inspire des dispositions analogues prévues pour les avocats par les articles 202 et 203 du décret du 27 novembre 1991 précité.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement rédactionnel.

Article 25
Sanctions disciplinaires à l'égard
des prestataires de services

Cet article a pour objet de définir les sanctions disciplinaires applicables aux ressortissants européens en cas de manquement aux dispositions du chapitre II du projet de loi relatives à la libre prestation de services de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Le premier alinéa précise que ceux-ci seront passibles " des mesures et sanctions prévues à l'article 19 " ainsi que d'une interdiction définitive d'accomplir cette activité.

Dans un souci de clarification, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à modifier cette rédaction afin de prévoir que les ressortissants européens seront soumis à l'ensemble des dispositions de l'article 19 concernant le pouvoir disciplinaire du conseil des ventes et seront donc passibles des mêmes sanctions que celles qui sont applicables aux sociétés de ventes françaises, les sanctions de l'interdiction temporaire de l'exercice de l'activité et du retrait de l'agrément étant toutefois remplacées par les sanctions de l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer en France l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Bien entendu, les dispositions de l'article 19 relatives à la prescription, aux droits de la défense et aux mesures conservatoires susceptibles d'être décidées par le président du conseil des ventes en cas d'urgence seront applicables aux ressortissants européens.

Ainsi que le prévoit le deuxième alinéa de l'article 25, le conseil des ventes, lorsqu'il prononcera une sanction à l'égard d'un ressortissant européen, devra en aviser l'autorité compétente de l'Etat d'origine (qui pourra être par exemple un ministère ou une autorité indépendante comparable au conseil des ventes français).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de l' amendement présenté ci-dessus.

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