CHAPITRE III

LA LENTE AMÉLIORATION DES RETRAITES AGRICOLES

I. LA SITUATION CRITIQUE DES RETRAITÉS AGRICOLES

Les revenus des retraités agricoles se caractérisent par leur faiblesse . Cette situation s'explique principalement par la constitution tardive d'un régime d'assurance vieillesse obligatoire (en 1952) ainsi que par la modicité des cotisations. Seuls 2 % des exploitants agricoles perçoivent une retraite supérieure à 75 % du SMIC. En outre il faut considérer que 41 % des retraités agricoles anciens chefs d'exploitation sont polypensionnés et ne reçoivent en moyenne pas plus de 30 % de leur retraite en provenance du régime agricole (30 % régime général et 40 % autres régimes) 16( * ) .

Depuis 1994, des mesures significatives ont été prises en faveur des retraités. Elles ont privilégié les personnes aux revenus les plus faibles et ayant exercé l'essentiel de leur vie active dans le secteur agricole.

On pourra toutefois regretter la stratification et la complexité des différentes mesures de revalorisation qui se sont succédées depuis 1994.

II. LE PLAN DE REVALORISATION DU GOUVERNEMENT

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PLAN GOUVERNEMENTAL

L'objectif du Gouvernement, qui poursuit un plan entamé par la précédente majorité, est d'atteindre pour des carrières complètes le minimum vieillesse avant la fin de la législature (3.471 francs par mois 17( * ) ).

Votre rapporteur spécial se réjouit de l'effort continu engagé par tous les gouvernements depuis 1994 pour relever, par étapes, le niveau des plus petites retraites agricoles. Cet effort a été constant quelque soit le gouvernement et se traduit par des mesures de l'ordre d'un milliard de francs supplémentaires chaque année. Le plan de l'actuel gouvernement est déjà bien entamé puisqu'en deux ans, 5,5 milliards de francs ont déjà été prévus. Votre rapporteur spécial souhaite souligner que le contexte financier actuellement favorable était bien l'occasion d'intensifier cet effort en faveur des retraités agricoles.

Les mesures votées en loi de finances pour 1999
(loi n°98-1266 du 30 décembre 1998)

La loi de finances pour 1999 a prévu une nouvelle mesure de revalorisation des petites retraites agricoles pour un coût de 1,2 milliard de francs en 1999 (et 1,6 milliard de francs en année pleine à partir de 2000). Un effort tout particulier a porté sur les veufs, veuves et les personnes seules, qui ont bénéficié de plus de 50 % du total du relèvement des retraites et un dispositif d'harmonisation des carrières mixtes d'aide familial et de chef d'exploitation a été instauré.

Les mesures votées en loi d'orientation agricole
(loi n°99-574 du 9 juillet 1998)

L'article 3 de la loi prévoit un rapport du gouvernement au Parlement décrivant l'évolution qu'il compte imprimer aux retraites agricoles sur la période juin 1997 - juin 2002 avec un effort plus marqué au début pour relever les pensions les plus faibles. Dans le cadre de ce plan pluriannuel , un nouveau dispositif de revalorisation des retraites proportionnelles est instauré (article 30). L'article 31 de la même loi fixe un montant minimum de retraite de réversion. En outre, l'article 28 de la loi instaure un nouveau statut, celui de " conjoint-collaborateur " qui garantit des droits en assurance vieillesse plus étendus que l'actuel statut de conjoint participant aux travaux (l'amélioration de la pension de retraite globale est estimée par les services du ministère de l'agriculture et de la pêche à environ 70 %).

B. LES MESURES PRÉVUES POUR 2000

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté quatre articles additionnels rattachés au budget de l'agriculture et de la pêche de revalorisation des petites retraites agricoles.

1. L'article 64 A (nouveau)

L'article 64 A (nouveau) prévoit pour l'année 2000 la mise en oeuvre de la 3 ème étape du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites. La mesure relève, pour une carrière pleine, de 200 francs par mois, les montants minimums de pension des chefs d'exploitation, veuves, conjoints et aides familiaux, pour un coût en année pleine de 1,6 milliard de francs.

Montant des pensions minimales de vieillesse après une carrière complète
dans le régime des exploitants agricoles en 1999 et en 2000
(en tenant compte de la mesure prévue pour 2000)

Catégorie

1999

2000

Chefs d'exploitation

3.000

3.200

Veufs et veuves

2.800

3.000

Aides familiaux et ceux ayant une carrière dite " mixte ", seuls

2.500

2.700

Conjoints et ceux ayant une carrière dite " mixte ", mariés

2.200

2.400

Source : Ministère de l'agriculture et de la pêche

Cette mesure concernera 776.000 retraités dont 36.000 unipensionnés à carrière non salariée agricole comprise entre 32,5 et 27,5 ans qui avaient jusqu'ici été exclus des autres revalorisations en raison d'une durée de carrière insuffisante.

2. L'article 64 B (nouveau)

L'article 64 B (nouveau) assouplit le dispositif de rachat de points de retraite proportionnelle pour les conjoints collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole, en supprimant une condition de délai.

Il est en effet prévu dans la loi d'orientation agricole que les conjoints ayant choisi le nouveau statut de " conjoint collaborateur " peuvent racheter des droits à la pension de retraite proportionnelle moyennant le versement de cotisations afférentes aux périodes antérieures au 1 er janvier 1999 pendant lesquelles les conjoints avaient cotisé et acquis des droits au régime d'assurance vieillesse des non salariés agricoles. Cette acquisition doit actuellement se faire dans le délai de deux ans suivant la publication de la loi d'orientation agricole. La suppression de la condition de délai rend le dispositif plus souple pour l'assuré comme pour la caisse gestionnaire.

3. L'article 64 C (nouveau)

L'article 64 C (nouveau) assouplit les conditions et les modalités d'attribution gratuite de points de retraite proportionnelle : désormais toutes les années donneront droit à distribution de points gratuits (sans plafond de nombre maximal de points) et elles seront comptabilisées en tenant compte de la carrière réelle de la personne concernée . En raison de la publication tardive de la loi d'orientation agricole qui a créé le statut de " conjoint collaborateur ", cet article permet également aux conjoints collaborateurs ayant opté pour ce statut avant le 1 er juillet 2000 de bénéficier des avantages qui y sont attachés de façon rétroactive au 1 er janvier 1999. En contrepartie, il est prévu qu'ils acquittent la cotisation prévue au titre de 1999 et 2000 18( * ) .

4. L'article 64 D (nouveau)

L'article 64 D (nouveau) vise à permettre l'attribution de points de retraite proportionnelle gratuits à certains chefs d'exploitation partis en retraite en 1997. Il s'agit d'une mesure d'équité destinée à éviter une pénalisation de cette catégorie particulière qui a trop de points pour bénéficier des revalorisations accordées aux conjoints, et pas assez d'années d'exercice pour prétendre à celles des chefs d'exploitation.

C. UN FINANCEMENT CONTESTABLE

Le financement de cette mesure proposé par le Gouvernement est le suivant : 1 milliard de francs de C3S et 200 millions de francs de recettes de TVA (issues d'une réévaluation des prévisions).

Comme cela avait été observé l'an dernier, on remarquera avec intérêt que l'on finance ici une mesure pérenne (1,6 milliard de francs en année pleine) avec une recette d'appoint , débloquée ponctuellement pour 2000 (1 milliard de C3S).

Il faut également souligner les tergiversations du Gouvernement quant à l'affectation de C3S au régime agricole. Alors qu'il était éligible à la répartition de la C3S, le BAPSA n'a rien reçu entre 1994 et 1998, le produit de la C3S étant prioritairement et intégralement réparti entre les régimes déficitaires. A partir de 1999, il a été décidé que le BAPSA ne bénéficierait plus de la répartition de C3S. Pourtant l'an dernier, pour financer une mesure de revalorisation des retraites, le BAPSA a reçu 1 milliard de francs de C3S en " solde de tout compte ". Et pour 2000 à nouveau, c'est un milliard de francs de C3S qui vient financer la poursuite du plan de revalorisation des petites retraites agricoles.

Votre rapporteur spécial s'étonne que les arbitrages relatifs à un plan, dit " pluriannuel ", soient rendus de manière si tardive chaque année. Pour 2000, il semble flagrant que les effets d'annonce (cette année lors de la " table ronde " consacrée à l'agriculture le 21 octobre dernier) ont été privilégiés sur la bonne information du Parlement et de l'opinion publique quant aux intentions du Gouvernement.

Enfin, on peut voir dans ce choix tardif la volonté de faire porter l'effort de financement sur une recette extérieure au budget de l'Etat ( in fine, c'est le fonds de réserve pour les retraites que l'on appauvrit 19( * ) ) et non directement sur le budget par une augmentation de la subvention d'équilibre.

C'est pourquoi, votre commission a préféré financer cette mesure de revalorisation des petites retraites agricoles par une augmentation du taux de la cotisation incluse dans les taux de la TVA à 0,73 % afin de donner à la revalorisation des petites retraites agricoles un financement pérenne, intégral et qui ne remette pas en cause le financement d'autres actions.

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