CHAPITRE II



LE PARADOXE DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE
EN MATIÈRE D'ARMEMENT

Rares sont en Europe les programmes d'armement importants qui pourront être conduits par un seul pays. Les successeurs du RAFALE ou du LECLERC seront issus de programmes menés en coopération.

Le rassemblement d'industriels européens, sur des programmes définis ou pour la totalité de leurs activités, devrait permettre l'émergence d'une industrie d'armement européenne sans laquelle nos armées risqueraient à terme de devenir les clients obligés d'entreprises américaines. Dans ce domaine, la coopération est pourtant une source de profondes difficultés, elle est semée d'innombrables embûches qui ont pour effet de retarder excessivement la définition puis l'industrialisation des équipements.

Au cours de l'année 1999 sont intervenus des évolutions et des événements qui illustrent parfaitement ce paradoxe : la coopération en matière d'armement progresse à grands pas ; les difficultés qu'elle suscite contrarient le bon équipement des forces.

A. LA COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ARMEMENT PROGRESSE À GRANDS PAS

Les rassemblements d'entreprises, le renforcement de la fonction de gestion des programmes indiquent clairement la voie qui doit être suivie.

- La création de la " société européenne d'aéronautique de défense et spatiale " (EADS) par fusion des sociétés Aérospatiale-Matra et Dasa devrait avoir des effets bénéfiques non seulement dans le domaine civil, mais également dans celui de l'armement. Elle devrait, notamment, permettre que des décisions concernant l'avion de transport futur soient prises plus rapidement.

- La fusion des activités missiles de Matra BAe Dynamics avec celles d'Alenia Marconi Systems va permettre la constitution d'un groupe qui arrivera au second rang mondial, derrière l'américain Raytheon.

- La même évolution est en cours pour l'espace avec la prochaine création de la Société Astrium qui regroupera, dans le domaine des satellites, les activités d'Aérospatiale-Matra, de Dasa et de Marconi Electronic Systems.

- La création le 12 novembre 1996 de l'" organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), la définition, depuis, de son statut et la mise en place progressive de ses moyens d'action devraient permettre de constituer une véritable agence européenne de l'armement.

Rassemblant la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, l'OCCAR devrait être progressivement rejointe par d'autres pays.

Cet organisme, qui aura la responsabilité de gérer directement les programmes menés en coopération, doit permettre d'éviter la plupart des écueils rencontrés auparavant notamment ceux qui concernaient les modes de passation des commandes, les régimes fiscaux et le principe du " juste retour ".

B. D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS CONTINUENT POURTANT D'ENTOURER LA COOPÉRATION EUROPÉENNE D'ARMEMENT

Elles concernent quelques programmes et certaines entreprises.

Les développements précédents ont montré que de nombreux programmes étaient concernés par les aléas de la coopération européenne. On rappellera les principaux :

- Le retrait du Royaume-Uni du projet de frégate HORIZON illustre parfaitement les difficultés qui peuvent résulter du déséquilibre entre les besoins des différents partenaires et de la tentation de retrait à laquelle est toujours tenté de succomber celui qui pèse du plus grand poids.

- Le programme du véhicule blindé de combat de l'infanterie montre bien que des états-majors, pour un besoin qui peut sembler commun a priori, peuvent avoir des analyses différentes aussi bien sur la définition du matériel que sur les délais de sa réalisation.

- Les rapprochements ou fusions de sociétés qui viennent d'être évoqués laissent de côté deux types de sociétés : celles des secteurs concernés qui n'arrivent pas à trouver rapidement leur place dans les restructurations et celles du domaine des armements terrestres et des constructions navales.

La place des sociétés Thomson-CSF et Dassault-Aviation dans les rapprochements en cours n'apparaît pas encore clairement mais il est souhaitable que les hésitations ne se prolongent pas trop longtemps. Il est vrai, que si Dassault-Aviation rejoint, au moins pour les avions de combat, le groupe EADS se posera immanquablement la question au sein, d'un même groupe, de la concurrence entre deux avions de même type et de même génération le RAFALE et l'EUROFIGHTER-TYPHOON.

- Plus délicate encore est la situation de GIAT-Industries et de la Direction des constructions navales.

L'avenir de GIAT-Industries, qui a bénéficié de 17,5 milliards de francs de recapitalisation, depuis 1996, paraît très lié aux perspectives d'exportation du char LECLERC. Pour le reste, sa place dans le programme européen VBCI reste ambiguë. Par ailleurs, les dernières déclarations de la société britannique VICKERS ne font plus mention de ses projets communs avec GIAT-Industries et mettent au contraire l'accent sur des projets de coopération avec d'autres sociétés étrangères non plus sur des chars lourds mais sur des blindés à roues.

- La transformation de la Direction des constructions navales en service à compétence nationale, la spécialisation plus poussée de ses établissements et la réduction de ses effectifs ne garantissent pas que sera surmontée la crise de cette direction. La charge de travail destinée à satisfaire les besoins de la marine est en réduction constante. Les activités de diversification ou et d'exportation de navires constituent surtout des sources de pertes financières. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, sans une réforme beaucoup plus profonde que celle qui vient d'être entreprise, sans un adossement à de véritables entreprises industrielles françaises ou étrangères, le risque est grand que la Direction des constructions navales évolue suivant le même scénario que GIAT-Industries.

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