CHAPITRE III :

LE COMPTE N° 902-24
D'AFFECTATION DES PRODUITS DE CESSIONS
DE TITRES, PARTS ET DROITS DES SOCIÉTÉS :
UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE

En 1997, les opérations de ce compte ont connu un fort gonflement et ont atteint 60.957,9 millions de francs en dépenses et 59.308,3 millions de francs en recettes, soit un quasi-triplement de leur volume par rapport aux flux annuels des années précédentes.

Variation pluriannuelle des recettes et des dépenses
imputées sur les comptes de privatisation

(En millions de francs)

 

Recettes

Dépenses

 

1994

1995

1996

1997

1994

1995

1996

1997

902-24

11.787,00

14.500,00

13.184,15

59.308,32

12.194,60

14.853,40

12.232,86

60.957,89

902-27

0,00

6.597,71

0,00

 

0,00

6.597,71

0,00

 

904-09

13.558,31

14.423,78

20.096,80

 

13.232,61

17.247,33

18.530,46

 

Virement 902-24 / 904-09

-11.594,00

-13.995,92

-11.840,76

 

-11.594,00

-13.995,92

-11.840,76

 

Total hors double compte

13.751,31

21.525,57

21.440,19

59.308,32

13.833,21

24.702,52

18.922,56

60.957,89

Source : Cour des comptes. Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997

La répartition des dotations versées entre 1993 et 1997 est indiquée dans le tableau ci-après :

Dotations en capital versées depuis 1993

(En millions de francs)

 

Dotations versées en 1993

Dotations versées en 1994

Dotations versées en 1995

Dotations versées en 1996

Dotations versées en 1997

I - Audiovisuel et communication

FR2

294

255

 
 
 

FR3

209

5

 
 
 

TSFE

 

83

 
 
 

SEPT

735

5

 
 
 

SFP

465

200

250

350

 

SOFIRAD

 
 
 
 

80

Total

1.702

548

250

350

80

II - Institutions financières

BDPME

 
 
 
 
 

CEPME - BPBME

500

 
 

278

178

SOFARIS

 

190

130

400

850

GAN

 
 
 
 

9.174

Compagnie financière Hervet

600

750

 
 
 

Société Marseillaise de Crédit

715

326

1.060

858

 

SPBI SNC

3.500

 

10

 
 

FIN BNP

151

 
 
 
 

Eustache

 

600

 
 
 

EPRD

 
 

4.907

1.340

3.440

EPFR

 
 

2.838

1.162

3.440

Capital risque CDC

 
 
 
 
 

CFD

 
 
 
 

1.000

Total

5.446

1.866

8.945

4.038

28.142

III - Industrie

CGMF

800

1.200

150

1.775

375

Aérospatiale

2.000

 
 
 
 

Air France

1.500

6.680

6.820

5.000

 

EMC

500

 

250

250

250

CEA

1.340

 

356

250

350

CADEC

 
 

6

44

11

CFNR

 
 

10

 
 

Charbonnages de France

351

 

81

 

2.605

GIAT Industries

 
 
 

3.753 (a)

8.000

SODERAG

 
 

99

76

64

SNECMA

750

 
 
 
 

SNCF

1.800

 
 
 
 

SNPE

300

 
 
 
 

Thomson

 
 
 
 

11.000

Bull

4.500

2.500

600

 

243

Usinor Sacilor

278

400

20

 
 

Réseau Ferré de France

 
 
 
 

8.000

Total

14.119

10.780

8.392

11.148

30.898

Divers

7

34

14

73

31

Total Général

21.294 (b)

13.228 (c)

17.601 (d)

15.609

59.151

(a) Dont 3.716 millions de francs à partir du chapitre 54-90 du budget des charges communes et 38 millions de francs à partir du compte n° 902-24. (b) Dont 2.488 millions de francs à partir du compte de commerce n° 904-09. (c) Dont 1.617 millions de francs à partir du compte n° 904-09. (d) Dont 3.521 millions de francs à partir du compte n° 904-09. (d) Dont 52 millions de francs à partir du compte n° 904-09. . Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

La très forte augmentation des crédits consacrés au secteur public observée en 1997 doit être soulignée. Elle ne s'est pas démentie en 1998, et s'est accompagnée d'une concentration de leur utilisation. Ainsi, en 1997, sept établissements ont mobilisé à eux seuls plus des 3/4 des crédits.

Dans tous les cas, l'intervention publique a poursuivi un objectif et un seul, celui de combler les passifs accumulés.

Il est évidemment très regrettable que cette orientation ait eu pour effet d'évincer des usages alternatifs des recettes tirées des cessions de titres publics : le désendettement public ou la " musculation " financière des entreprises publiques aux fins de soutenir les programmes d'investissements nécessaires à leur compétitivité.

En 1998, le projet de loi de finances initiale comprenait 28 milliards de francs d'opérations budgétées à quoi la loi de finances rectificative avait ajouté 15 milliards de francs de crédits. Pour 1999, le montant des ressources a été fixé à 17,5 milliards de francs cette tendance se ce qui correspond à un repli des recettes attendues. Pour 2000, cette tendance se poursuit puisque le montant des recettes est évalué à 16,945 milliards de francs.

L'on doit souligner qu'il n'est pas possible de faire entièrement fond sur les données transmises, soit que la gestion du compte dépasse dans la réalité les limites de l'annualité budgétaire, soit que les prévisions initiales soient entachées d'imprécisions, soit que les règles propres à la gestion des comptes d'affectation spéciale conduisent à altérer l'information du Parlement sur l'exécution budgétaire de ce compte.

L'application de l'article 25 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 au compte n° 902-24, une confiscation des prérogatives du Parlement

Le Parlement a pour vocation d'autoriser pour une année donnée la perception des recettes et l'exécution des dépenses.

Cette responsabilité est très sérieusement atténuée par le cadre juridique des comptes d'affectation spéciale.

Celui-ci autorise en effet le ministre des finances à ouvrir par simple arrêté des crédits supplémentaires dans un compte d'affectation spéciale si les recettes de celui-ci apparaissent supérieures aux évaluations.

Ces arrêtés, dits de majoration, permettent pour les comptes d'affectation spéciale de modifier les dispositions de la loi de finances de l'année, ce que seule une loi de finances rectificative peut faire normalement, exception faite de la procédure décrets d'avances.

Mais, contrairement à ces derniers, les arrêtés de majoration de crédits échappent à la procédure de ratification par les lois de finances rectificatives ou par la loi de règlement.

Ils ne sont pas retracés en tant que tels. Leur traduction budgétaire intervient, en général, sous forme d'une ouverture de crédits en loi de règlement. Les conditions dans lesquelles ces ouvertures sont présentées dans ce dernier document marginalisent l'intervention du Parlement. L'examen des lois de règlement est tardif ; les ouvertures de crédits y sont parfois agrégées dans l'article qui les concerne ; les annexes à la loi de règlement ne distinguent pas selon les comptes d'affectation spéciale, se contentant d'une récapitulation par ministère gestionnaire.

L'ampleur du problème est toute particulière s'agissant du compte n° 902-24.

On peut l'illustrer à partir des opérations du compte en 1998. Les évaluations de recettes de 28 milliards de francs ayant été majorées en exécution de 25,5 milliards de francs, les crédits ouverts ont été majorés à due proportion. Sur cette somme, 15 milliards de francs ont été ouverts dans la loi de finances rectificative pour 1998. Le solde, soit plus de 10 milliards de francs, devrait être ouvert par la loi de règlement du budget 1998 qui n'a été déposée que fin septembre 1999.

I. DESCRIPTION DES OPÉRATIONS

A. BREF RETOUR SUR 1997

L'essentiel des recettes de 1997 est venu des opérations relatives à Elf (10 milliards de francs), France Télécom (43 milliards de francs) et Usinor (2 milliards de francs).

Une décomposition des dépenses permet d'observer qu'une part importante d'entre elles a bénéficié aux structures de défaisance, l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR) et l'Etablissement public de restructuration et de défaisance (EPRD).

Principales dépenses

(En milliards de francs)

GIAT

8

Thomson Multimédia

11

Réseau Ferré de France

8

Charbonnages de France

2,5

GAN

9,2

EPRD

3,4

EPFR

13,5

Autres

5,3

Les observations de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 1997 rappellent que la dotation en faveur de l'EPFR a été particulièrement importante en 1997 et qu'entre 1995 et 1997, l'EPFR a reçu 17,5 milliards de francs. Toutefois, elles mettent en évidence l'écart entre les intérêts dus au Crédit lyonnais au cours de cette période (25,1 milliards de francs) et les charges acquittées, de 16,6 milliards de francs, écart qui s'est traduit par des pénalités de retard pour un montant de 720 millions de francs en 1997.

La Cour relève une incohérence entre cette situation et la surestimation des dotations accordées à l'EPRD qui, bénéficiaire d'un versement du CAS de 3,4 milliards de francs, n'a dû en 1997 supporter qu'une charge de 648 millions de francs.

Au terme de cette surestimation, l'EPRD a pu bénéficier d'une trésorerie de 4,2 milliards de francs qui aurait été mieux employée à honorer les obligations de l'EPFR.

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