2. La réforme de la coopération tardant encore à se mettre véritablement en place, plus que jamais les moyens de l'action de la France dans le monde se situent hors du budget des affaires étrangères

1°) Les instruments de la réforme ne sont pas encore complètement utilisés.

Le comité directeur du Fonds d'aide et de coopération n'a par exemple pas encore eu à connaître au 30 septembre 1999 d'aucun dossier de financement d'un projet dans la Zone de solidarité prioritaire.

Or les effets d'annonce ont été nombreux. Il n'est qu'à prendre celle à l'automne 1998 d'accorder 15 millions de francs à Cuba pour 1999. De plus, l'entrée dans la ZSP fut l'argument invoqué auprès des autorités des pays bénéficiaires pour justifier la fin des protocoles financiers du Trésor (par exemple au Liban et dans les Territoires autonomes palestiniens).

Il paraît évident qu'à la fin de 1999, même si certains projets sont acceptés lors des derniers comités directeurs du FAC (qui au 30 septembre 1999 n'aura décidé que 280 millions de francs de projets), aucun décaissement n'aura eu lieu dans le nouveaux pays du champ. Ceci est à mettre sur le compte des délais de formation des personnels locaux et sur les conséquences de la réforme de la comptabilité du ministère des affaires étrangères.

On ne sait si la situation s'améliorera rapidement puisque :

• les nouveaux pays de la ZSP n'ont pas été particulièrement favorisés dans le projet de loi de finances pour 2000 du point de vue des effectifs : seulement 4 créations d'emploi alors que les services de coopération et d'action culturelle auront à assumer des tâches nouvelles importantes ;

• la réforme comptable n'est pas encore effective dans les pays choisis pour l'expérimenter, qui se trouvent justement être des nouveaux entrants. Ainsi, des projets prêts pour le Nigeria ne peuvent être réalisés faute de mise en place des outils adéquats à la paierie.

2°) L'aide de la France au développement pour 2000 dépasse le cadre du budget des affaires étrangères.

Au 13 octobre, il n'est pas possible d'établir précisément les tableaux récapitulant l'aide française au développement. Celle-ci ne se réduit bien sûr pas au crédits de la structure " coopération " du ministère des affaires étrangères, qui ne représentaient, en 1998, que 10 % du total de l'effort fourni par la France (3,5 milliards pour un total de 34,7 milliards).

Cette situation n'est pas nouvelle, comme l'illustre le tableau suivant, retraçant la répartition ministérielle de l'APD française respectivement en 1990 et en 1998 :

(en millions de francs)

 

1990

1998

Charges communes

18 592

13 868

Ministère de la Coopération

5 592

3 499

Ministère des Affaires étrangères

3 278

3 019

Agence française de développement

3 580

2 343

Ministère de la Recherche

2 911

2 600

Ministère de l'Education nationale

830

2 036

Autres ministères

312

1 126

TOM

3 350

4 813

Coûts administratifs

733

1 420

TOTAL

39 178

34 724

en % du PIB

0,6

0,41

Si la France n'échappe pas au désengagement général des pays développés envers les pays les moins prospères, elle reste néanmoins l'un des pays les plus généreux dans le monde. En termes relatifs, la France est le pays du G7 qui consacre la plus importante part de sa richesse nationale à l'aide au développement. En termes bruts, nos dépenses d'aide publique au développement placent notre pays au deuxième rang mondial des grands pays industrialisés donateurs, après le Japon, mais devant les Etats-Unis et l'Allemagne.

A cela il faut ajouter la part de la France au financement du FED et les efforts très importants qu'elle va consacrer au traitement de la dette dans le cadre des initiatives du G7 et qui ne sont pas encore évalués avec précision.

*

Les crédits pour 2000 de la coopération sont donc globalement en diminution, principalement par le biais d'une réduction massive de l'assistance technique et des concours financiers. Il est permis de penser qu'à la fin de l'année 2000 cette réduction sera encore plus importante, le décalage croissant entre autorisations de programme et crédit de paiement pour le Fonds de solidarité prioritaire ouvrant des voies de plus en plus larges à des régulations budgétaires qui deviennent à ce point habituelles qu'elles fragilisent excessivement la nature et la portée de l'autorisation budgétaire, transformée de plus en plus en " affichage " sans lendemain.

Ces réductions de crédits sont en effet d'autant plus difficiles à déceler que, restant au sein d'un même ministère - les affaires étrangères - elles permettent à celui-ci d'afficher une hausse globale de ses dotations. Pour 2000, le budget du ministère des affaires étrangères apparaîtra certainement comme un bon budget alors que celui de la coopération serait apparu comme un très mauvais. Il s'agit d'un habile paradoxe.

En définitive, il est permis de se demander si la réforme de la coopération n'est pas devenu un subtil moyen de faire accepter par l'opinion publique, par les intervenants de l'aide au développement et par nos partenaires étrangers certaines évolutions de fond :

• les moyens consacrés par la France au développement sont appelés à diminuer, faisant les frais d'autres priorités gouvernementales. Il vaudrait mieux afficher plus clairement cette orientation ;

• l'aide française se fondra progressivement dans un cadre de plus en plus multilatéral, s'associant à d'autres bailleurs de fonds pour cofinancer des projets d'une importance croissante ;

• ces cofinancements s'effectueront en accord (sous la surveillance ?) avec les institutions de Bretton-Woods ;

• à l'inverse, le financement de projets adaptés à des attentes ponctuelles et précises de certains pays, définis par des " professionnels du développement ", est amené à disparaître ;

• les pays traditionnellement bénéficiaires doivent partager les sommes restantes avec de nouveaux pays où l'influence de la France est moins importante mais qui présentent des besoins équivalents ou bien une charge politique plus importante.

Pour 2000, ces évolutions sont à l'oeuvre dans le cadre du ministère des affaires étrangères. Elles constituent incontestablement des choix politiques des autorités chargées de conduire la politique extérieure de la France.

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