II. L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES ET LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE NATIONAL

L'État ne peut pas rester inerte face à une fuite de notre patrimoine artistique. S'il n'est pas possible de laisser faire, il ne peut - à supposer qu'il le doive - tout acheter car l'État ne peut se substituer à tous les propriétaires privés qui, particuliers ou marchands, sont naturellement tentés de se tourner vers le marché international sur lequel les prix sont plus élevés.

Votre commission des finances estime que, plutôt que de chercher à augmenter des crédits budgétaires nécessairement insuffisants, il convient de mettre en place les mécanismes correcteurs de nature à éviter que le libre jeu des forces du marché n'aboutisse à vider la France de son patrimoine .

Les deux propositions de loi soumises à l'examen de la commission des finances, s'inspirent de tels principes. Il s'agit

- d'une part, de mettre en place des incitations fiscales aux dons d'oeuvres à l'État et de renforcer encore l'efficacité de la dation en paiement ;

- d'autre part, de développer la demande en octroyant des avantages fiscaux aux oeuvres classées et en assouplissant le régime des achats d'oeuvres d'art par les entreprises.

Tout l'esprit de ces propositions est moins d'encourager une politique d'achat systématique que de trouver des mécanismes de nature à prévenir l'exode des trésors nationaux par une action " en amont " de nature à fixer les oeuvres majeures sur le territoire national.

A. FAVORISER L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS PUBLIQUES

Sans méconnaître l'apport des mécènes dans l'enrichissement des collections publiques, il faut bien constater qu'ils jouent un rôle sensiblement plus faible que dans d'autres pays aussi différents que les Etats-Unis ou l'Italie. C'est sans doute une question de culture mais aussi de régime fiscal.

Aussi, votre commission a-t-elle voulu donner suite à certaines idées exprimées notamment dans le rapport de M. Maurice Aicardi pour stimuler comme on le fait dans d'autres domaines la générosité publique.

Votre rapporteur reprend ainsi le projet de crédit d'impôt contenu dans la proposition de loi n° 469 en lui adjoignant deux mesures complémentaires dont l'une a déjà été soumise au Sénat à l'occasion de l'examen en première lecture de la proposition de loi relative aux trésors nationaux.

En l'occurrence, il est proposé :

1 - d'octroyer un crédit d'impôt aux personnes faisant don d'oeuvres d'art à l'État, comme le préconise le rapport susmentionné : " l'acquéreur devrait bénéficier d'un crédit d'impôt (sur le revenu, sur la fortune, sur les sociétés, droits de mutation) égal selon les cas à la totalité, si la donation est pure et simple, ou à une fraction du prix d'acquisition, s'il se réserve un usufruit limité dans le temps " ; cette mesure contenue dans la proposition n°469 n'a jamais été soumise au vote du Sénat ;

2 - d'accorder, sur la lancée de la rationalisation par la dernière loi de finances de l'article 200 du code général des impôts, une possibilité de déduction du revenu imposable des dons d'oeuvres d'art agréés dans les limites et suivant le régime prévu pour les dons aux associations d'intérêt général, ce qui constitue en l'occurrence une mesure entièrement nouvelle, qui n'a encore jamais été présentée ni dans la proposition de loi n° 469 ni sous forme d'amendement ;

3 - de donner accès à l'agrément au titre de la dation en paiement aux oeuvres reconnues comme trésors nationaux. Il s'agit également tenir compte de la volonté que pourrait manifester un particulier d'anticiper sur le règlement de sa succession en achetant un bien dont il aura la certitude qu'il sera accepté en dation par l'État.

Concrètement, cela signifie qu'un bien ayant fait l'objet d'un refus de certificat de la loi du 31 décembre 1992 et pour lequel son propriétaire ou un acquéreur demande le classement est accepté en dation si les héritiers ou donataires proposent le bien au prix payé par le défunt ou le donateur, dès lors que ce prix serait égal à celui fixé par les experts dans les conditions prévues à l'article 9-1 de la loi modifiée de 1992 et qu'il n'a pas été refusé par l'autorité administrative.

Il s'agit également d'une façon d'assurer la cohérence de l'autorité administrative avec elle-même. On note que cette articulation, qui peut être critiquée au nom de l'indépendance des procédures, pourrait tout à fait être remplacée par une jurisprudence constante de la commission des dations aboutissant au même résultat. Un engagement du gouvernement en ce sens aboutirait au même résultat.

Une fois encore, on ne fait que proposer de systématiser une pratique tentée avec plus ou moins de bonheur par certaines personnes privées et que la définition d'un cadre juridique serait susceptible de développer.

B. DÉVELOPPER LA DEMANDE NATIONALE D'oeUVRES D'ART

Votre commission des finances vous propose, à la suite des deux propositions de loi, de prévoir un dispositif concernant à la fois les particuliers et les entreprises.

Pour les particuliers, il est prévu de leur accorder comme cela avait été préconisé par le rapport Aicardi une exonération de droits de mutation à titre gratuit pour les oeuvres classées. Il s'agit en l'occurrence de s'efforcer de compenser le préjudice résultant du classement qui empêche les propriétaires des oeuvres de bénéficier des prix a priori plus élevés en vigueur sur le marché mondial par une exonération totale pour la première mutation et égale à 50 % lors des transmissions suivantes.

Il faut souligner que cette défiscalisation fait jouer des mécanismes économiques. La création d'un marché pour des actifs partiellement défiscalisés tend à augmenter la demande interne pour les oeuvres d'art et donc leurs prix, diminuant d'autant la pénalisation résultant de l'interdiction d'exportation consécutive au classement.

Le bénéfice de la défiscalisation - applicable aux seules oeuvres classées à compter du 1 er janvier 2001 - est limitée aux oeuvres classées avec le consentement de leur propriétaire, de façon à éviter que l'un d'entre eux puisse éventuellement cumuler l'indemnisation contentieuse au titre de la loi de 1913 et l'avantage fiscal.

On note qu'une telle mesure se trouvait déjà dans un avant projet de loi déjà ancien, tendant à améliorer la protection des objets et ensembles mobiliers présentant un intérêt artistique ou historique, que l'on trouve en annexe du second rapport d'avril 1998 de M. André Chandernagor sur les conditions du développement du marché de l'art en France.

Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit, on ne voit pas pourquoi une telle mesure pourrait venir entraver l'efficacité de la procédure de dation en paiement, sauf dans le cas très particulier de successions constituées entièrement d'oeuvres d'art et pour lesquelles l'État aurait eu l'imprudence de classer systématiquement toutes les oeuvres importantes. Il y a complémentarité et non concurrence entre la mesure de défiscalisation proposée et la dation en paiement.

L'argument selon lequel un tel dispositif susciterait un afflux de demandes de classement générateur de dépenses incontrôlées pour l'État méconnaît la nature même du classement qui est une décision discrétionnaire des pouvoirs publics. L'éventuelle multiplication des demandes de classement n'entraîne a priori en aucune façon la multiplication des classements . Bien au contraire, il est clair qu'un certain nombre d'oeuvres classées auraient été vendues et que l'État aurait été obligé d'en acquérir un certain nombre.

L'autre volet de cette politique de stimulation de la demande consiste à développer le mécénat des entreprises en assouplissant les conditions dans lesquelles elles peuvent acquérir des oeuvres d'art et participer à deux tâches d'intérêt national ; la sauvegarde du patrimoine national et la revitalisation du marché de l'art contemporain.

On note que pour l'art ancien, on ne fait que calquer le nouveau régime sur celui déjà applicable à l'art contemporain ce afin d'inciter les entreprises qui le souhaiteraient à imiter les banques italiennes, qui ont constitué des collections importantes - on pense à celle du Monte Paschi di Siena mais aussi à de nombreuses caisses d'épargnes locales - allégeant d'autant les achats publics d'oeuvres d'art. Grâce aux achats des entreprises, l'Italie défend ces dernières années son patrimoine de façon très efficace avec des crédits d'acquisition publics relativement modestes.

Les dispositifs existants procèdent de la loi du 23 juillet 1987. Les précautions tatillonnes dont on avait assorti les possibilités d'achats et, notamment, les exigences en matière d'exposition au public, sont, avec une conjoncture moins propice, largement à l'origine du peu d'effet de ces dispositifs.

Pour l'art ancien, la procédure prévue à l'article 238 bis OA du code général des impôts, qui résulte de l'article 6 de la loi de juillet 1987, est un échec flagrant. Cet article permet à une entreprise d'acheter ou de s'engager à acheter une oeuvre présentant une "haute valeur artistique ou historique", dans le but, dix ans après au plus tard, de l'offrir à l'État, si celui-ci en accepte la proposition. Pendant toute cette période, l'entreprise est tenue d'exposer l'oeuvre au grand public.

Pour l'art contemporain, l'article 238 bis AB du code général des impôts, issu de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1987 prévoit que les entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants, peuvent déduire dans certaines conditions et limites, une somme égale au prix d'acquisition des oeuvres concernées.

Le rapporteur n'a pas souhaité changer radicalement de système en dépit du peu de succès des procédures actuelles. Il lui a semblé possible dans un esprit pragmatique de se contenter d'assouplir les régimes existants en proposant des aménagements limités.

Pour l'art ancien, il a paru souhaitable :

1.  de limiter le bénéfice du régime aux seuls biens classés - avec le consentement de leur propriétaire - ce qui simplifie la tâche des entreprises qui n'ont pas à demander un agrément et favorise le maintien sur le territoire français de biens de nature à constituer des " trésors nationaux "

2. de substituer au système de donation sous réserve d'usufruit, un régime d'acquisition en pleine propriété ;

3.  d'alléger la contrainte d'exposition au public pour la remplacer par une obligation de prêt limitée aux trois premières années suivant l'acquisition.

Pour l'art contemporain, on se contenterait de conserver le régime actuel en en assouplissant les modalités, comme pour l'achat d'oeuvres anciennes :

1.  la déduction serait encouragée par un raccourcissement de la durée de la période de déduction du résultat qui passerait ainsi de 10 à 5 ans,

2.  la contrainte d'exposition serait allégée en conséquence par simple obligation de prêt d'un an à compter de l'acquisition de l'oeuvre.

Il s'agit, par ces propositions, de relancer une demande des entreprises, qu'il n'est pas besoin d'enserrer dans des règles par trop contraignantes dans la mesure où le risque de voir ces articles être détournés de leur objet est limité, par les règles du droit commercial qui sanctionnent l'abus de bien social et l'acte anormal de gestion.

D'une façon générale, il convient, comme l'a d'ailleurs reconnu le rapporteur de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée Nationale sur la proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux au cours du débat de ce texte en commission, de prendre acte du fait que l'État n'ayant pas " les moyens d'acquérir la totalité des biens considérés comme trésors nationaux mis sur le marché, il faut donc donner à d'autres personnes la possibilité de les acquérir. "

Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer aux côtés de l'État en particulier pour le maintien sur le territoire national des oeuvres les plus chères, pour lesquelles le classement ne semble pas, indépendamment même de la jurisprudence Walter, une formule adaptée.

C. CLASSER EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE FINANCIÈRE

La jurisprudence " Walter " a rendu quasiment impossible la procédure de classement prévue par la loi de 1913 sur les monuments historiques. On peut rappeler qu'à la suite du refus d'autorisation d'exportation de juin 1982, le tableau de Vincent Van Gogh intitulé " Le jardin d'Auvers " a été classé d'office par un décret du 28 juillet 1989. Le propriétaire du tableau, M. Jacques Walter, a exercé un recours contre ce décret rejeté par l'arrêt du Conseil d'État du 31 juillet 1992.

M. Walter a ensuite demandé à l'État l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la décision de classement d'office. L'indemnité de 250 millions de francs qu'il réclamait était fondée sur l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913. Cet article 16, tel que modifié par la loi n° 70-1219 du 23 décembre 1970, prévoit en effet que " le classement pourra donner lieu au paiement d'une indemnité représentative du préjudice résultant, pour le propriétaire, de l'application de la servitude de classement d'office ".

L'État fut condamné à payer la somme de 422.187.683 francs en vertu d'une décision du tribunal de grande instance de Paris du 22 mars 1994. Cette indemnité fut réduite en appel à 145 millions de francs.

Il résulte de cette décision de justice que la procédure de classement d'office ne peut plus être utilisée sans faire courir le risque à l'État d'avoir à payer de fortes indemnités et ce, sans que le montant de celle-ci puisse être prévue de façon suffisamment précise pour que la procédure de classement soit engagée en toute connaissance de cause.

Votre rapporteur, soucieux de permettre aux services du ministère de la culture d'intervenir de la façon la plus efficace considère que s'il n'est pas possible de revenir sur le principe de l'indemnisation des servitudes de classement, ni même de l'aménager comme il avait songé à le faire dans sa proposition de loi, il convient de mettre en place un processus d'expertise parfaitement codifié sur le modèle de celui mis en place par la proposition de loi relative aux trésors nationaux .

La proposition de loi n° 469 préconisait de créer un régime intermédiaire d'inscription à l'inventaire supplémentaire pour les objets mobiliers appartenant à des personnes privées. A côté du classement qui, par sa durée indéfinie, justifiait une indemnité, on aurait instauré un nouveau statut, qui par son caractère temporaire, - l'inscription n'aurait été décidée que pour vingt cinq ans non renouvelables -, n'aurait justifié qu'un avantage fiscal et non une indemnisation directe. En fait, une telle idée, qui consistait à créer une sorte de " purgatoire ", avant l'accès au " paradis " des objets classés, est trop éloignée de notre tradition juridique pour pouvoir s'insérer dans la réglementation en cours. Notre droit public est trop imprégné de l'idée d'universalité, d'intangibilité et d'une certaine façon d'irréversibilité pour que l'on puisse adopter une solution qui correspondrait à abolir dans un domaine connexe l'inaliénabilité des objets appartenant aux collections publiques.

Aussi votre rapporteur a-t-il cherché à aménager le régime actuel en prévoyant simplement que le classement définitif n'interviendrait par décret en Conseil d'État qu'à l'issue d'un processus d'expertise contradictoire sur le montant du préjudice, calculé en fonction de la différence entre le prix mondial et celui de l'objet assorti d'une servitude de non exportation constaté sur le seul marché français.

Toutes ces mesures en elles-mêmes insuffisantes doivent être combinées si l'on veut leur donner leur pleine efficacité : le classement qu'il soit assorti d'un avantage fiscal ou d'une indemnité même maîtrisée ne constitue pas une réponse adéquate dès lors qu'il existe un écrit trop fort entre prix national et international.

Augmenter la demande interne d'oeuvres d'art afin de diminuer l'écart de prix entre prix du marché national et du marché national est donc une nécessité .

Si l'écart est trop important, aucune procédure d'indemnisation, aucune incitation fiscale ne fonctionnera de façon véritablement efficace : comme dans le cas du " Jardin à Auvers ", la compensation sera toujours insuffisante pour celui qui la reçoit et exorbitante pour l'État qui doit la supporter, surtout lorsqu'elle ne s'accompagne pas de l'accès à l'oeuvre.

L'ensemble de ces mesures ne constituent en aucune façon des avantages cumulatifs mais une panoplie d'instruments permettant aux détenteurs d'oeuvres d'art et d'objets de collection celui qui est le mieux adapté à sa situation ou à ses intentions.

En tout état de cause, le principe commun à toutes ce propositions consiste à essayer de combiner initiative privée et publique pour faire jouer un effet de levier en faveur de la politique de l'État de préservation du patrimoine national.

*

* *

La plupart de ces mesures consistent en des avantages fiscaux. La proposition de loi a donc un coût que votre rapporteur ne cherche pas à nier mais qui lui paraît maîtrisable et gage de moindres dépenses publiques pour l'avenir. Elle a le mérite d'ouvrir le " débat sur la défiscalisation de l'achat d'oeuvres d'art par les Français ", souhaité sur de nombreux bancs, et de permettre de prendre date pour des discussions ultérieures que votre rapporteur espère proches, en proposant des mesures, qui pour la plupart se trouvent des rapports d'experts déjà remis au présent gouvernement ou à celui qui l'a précédé.

En tout état de cause, comme le rappelle le rapport de M. Maurice Aicardi " c'est une évidence que de la dire mais on peut la rappeler : toute grande oeuvre détenue par un résident français reste dans le patrimoine national et son maintien ne nécessite pas de la part de l'État une intervention toujours onéreuse pour les finances publiques. On peut ajouter que la détention privée d'une oeuvre plutôt que publique, décharge l'État du soin d'assurer son entretien et sa surveillance et la transfère au propriétaire qui participe ainsi à la politique de maintien du patrimoine. "

Ceci est vrai pour les oeuvres qui se trouvent accessibles au public dans des lieux ouverts au public et qui méritent une attention toute particulière de la part de l'État du fait de la contribution à la vie locale qu'apportent les monuments historiques.

Mais, il faut affirmer que plus généralement que, tôt ou tard, une bonne partie des oeuvres dont on favorise ainsi le maintien ou l'entrée dans le patrimoine des particuliers finiront par le jeu normal des donations ou de la dation dans les collections publiques.

Les dépenses fiscales qu'il est proposé au Sénat d'adopter, constituent donc une sorte d'investissement de façon à desserrer la contrainte pesant sur les musées dont on peut avoir le sentiment qu'ils mènent une politique d'acquisition constamment sous pression.

On s'attend à trouver ça et là, comme on a pu le constater dans le rapport de la commission des affaires culturelles et sociales sur la proposition de loi relative aux trésors nationaux, des remarques sur l'absence de chiffrages des dépenses résultant de la présente proposition.

En fait, des contacts officieux avec les services compétents du ministère des finances, comme la consultation du fascicule " voies et moyens " de la loi de finances confirment que de telles mesures ne sont pas facilement chiffrables en l'état actuel des informations statistiques disponibles, notamment en ce qui concerne les conséquences de l'exonération fiscale des objets mobiliers classés en mains privées lors de leur première mutation.

Ce qui est certain en revanche, c'est que, sauf pour ce qui est de l'actualisation du seuil d'application de la taxe forfaitaire et de l'aménagement du régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les entreprises, il ne s'agit pas de dépenses mécaniques ou " à guichet ouvert " mais d'avantages fiscaux contrôlés parce que subordonnés à une décision administrative préalable voire à un agrément fiscal exprès.

Tel est le cas en particulier de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit conférée aux objets mobiliers classés. Dans le rapport de M. Jean Rouger établi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée Nationale sur la proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux, on trouve, outre un certain nombre d'arguments qui méritent par leur singularité qu'il en soit fait mention 1( * ) , développée l'idée que ce dispositif pourrait remettre en cause par une sorte d'effet pervers le mécanisme de dation en paiement. Il y est indiqué que " la dation en paiement est bien souvent pour les héritiers d'une collection le seul moyen de s'acquitter des droits de succession y afférents. Si la taxe à payer est réduite de moitié, le don d'une ou plusieurs oeuvres à l'État pourra, dans certains cas, ne plus être nécessaire pour se libérer de la dette fiscale. Les biens demeureront donc dans les collections privées et ne seront pas accessibles au public, alors que l'État aura néanmoins " perdu " la moitié des droits de mutation correspondants. "

Une telle formulation laisse perplexe. L'attitude de votre rapporteur est tout autre : il n'est pas question pas d'obliger systématiquement les détenteurs d'oeuvres d'art à les vendre et l'État à les acheter. Ce qu'il faut, c'est inciter les collectionneurs à conserver les oeuvres qu'ils possèdent pour ne pas mettre les pouvoirs publics d'avoir à choisir entre les acquérir et les laisser sortir . Bref, il faut laisser le temps faire son oeuvre pour l'enrichissement des collections publiques par le jeu naturel des donations et des dations.

Certes, comme beaucoup d'avantages fiscaux ceux qui vous sont proposés ici, ne sont susceptibles d'agir qu'auprès des personnes relativement imposées mais c'est sans doute le prix à payer pour la sauvegarde du patrimoine dans un monde ouvert où la défense du patrimoine longtemps assurée par des méthodes régaliennes non dénuées d'arbitraire, doit aujourd'hui être payée à son juste prix.

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