B. UNE COMPARAISON DE L'IMPACT DES PROPOSITIONS EN DISCUSSION

Votre commission des Lois a comparé les conséquences des propositions du Gouvernement et de l'Assemblée nationale à celles adoptées par le Sénat en première lecture, qui sont récapitulées en annexe au présent rapport.

1. Les parts respectives des communes dans les collèges électoraux

En ce qui concerne la représentation des communes dans les collèges électoraux , celle des communes de moins de 3.500 habitants demeurerait dans tous les cas renforcée par rapport à leur population (34 % de la population et 49,3 % de délégués actuellement), mais pas dans les mêmes proportions (43 % des délégués dans le projet initial et dans le texte du Sénat, mais 39,5 % dans celui de l'Assemblée nationale).

La représentation des communes entre 3.500 et 9.000 habitants ne resterait renforcée par rapport à la population (15 % de la population et 17,8 % de délégués actuellement) que si le texte du Sénat était adopté (près de 16 % au lieu de 13,5  % dans le projet initial et de 14,2 % dans celui adopté par les députés. Dans ces communes, la représentation deviendrait inférieure à la population, sauf dans les propositions du Sénat .

Il en serait de même pour les communes entre 9.000 et 20.000 habitants (12 % de la population et 12,8 % de délégués), avec 13,3 % de délégués selon le Sénat contre approximativement 11 % selon les propositions du Gouvernement et de l'Assemblée nationale, qui provoqueraient donc aussi, contrairement à celles du Sénat, une sous représentation de ces communes.

La sous représentation des villes comprises entre 20 . 000 et 30.000 habitants (7 % de la population et 4 % de délégués) serait atténuée de manière comparable dans toutes les hypothèses (6 % environ de délégués).

Les villes de 30.000 à 100.000 habitants (16 % de la population et 8,5 % de délégués), seraient plus avantagées par les propositions de l'Assemblée nationale (14,5 %) et du Gouvernement (13,6 %) que dans celles du Sénat (12,2 %).

Tel serait aussi le cas des villes de plus de 100.000 habitants (15 % de la population et 7,2 % de délégués), avec respectivement 9,2 %, 13 % et 13,8 % d'après les propositions du Sénat, du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.

On retiendra de ces chiffres que les communes de moins de 3.500 habitants seraient mieux représentées selon les propositions du Sénat en première lecture, que, dans celles entre 3.500 et 20.000 habitants, le pourcentage des délégués deviendrait, selon le Gouvernement et l'Assemblée nationale, inférieur à celui de la population, contrairement à la situation actuelle et aux propositions du Sénat et que les villes de plus de 30.000 habitants seraient plus avantagées par les textes du Gouvernement et de l'Assemblée nationale que par celui du Sénat.

Indépendamment des questions de principe précédemment évoquées, on pourra certes faire valoir qu'en définitive la représentation des différentes communes ne varierait pas de manière très sensible selon les propositions, l'écart le plus important concernant toutefois les communes de moins de 3.500 habitants (39,53 % de délégués selon le texte de l'Assemblée nationale et 43,48 % selon les propositions du Sénat en première lecture, soit une différence de 3,95 %).

2. La structure des collèges électoraux

En revanche, la variation de la structure des collèges électoraux serait assez sensible selon les hypothèses.

Le nombre total des délégués des communes (près de 138.000), pratiquement inchangé avec le projet de loi initial (qui opérerait plutôt une redistribution entre les tranches de population des communes), progresserait d'une façon raisonnable selon le texte du Sénat (156.345, soit + 13 %), mais d'une manière beaucoup plus forte si le projet de loi était adopté dans sa rédaction de l'Assemblée nationale (213.694, soit + 55 %).

On peut se poser la question de la responsabilité réelle des sénateurs ainsi élus par un corps électoral composé de près de 30 % d'électeurs non conseillers municipaux et devant lesquels ils n'auraient que peu de risques d'avoir des comptes à rendre, leur longévité de représentation étant inférieure à celle du mandat lui-même ?


Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, le nombre de délégués doublerait en Ile-de-France et triplerait à Paris.

Dans l'hypothèse où les conseillers municipaux seraient élus délégués par priorité dans tous les cas, ils constitueraient 79 % du collège (projet initial), 81 % (texte du Sénat) ou 70 % seulement (texte de l'Assemblée nationale), une plus forte progression du nombre de délégués dans les grandes villes impliquant, dans celles-ci un accroissement correspondant des grands électeurs dépourvus de mandats électifs.

Actuellement la proportion des conseillers municipaux parmi les délégués s'établit à 92 % 9( * ) .

Dans les communes de moins de 30.000 habitants, les délégués sont tous conseillers municipaux, ce seuil étant abaissé à 9.000 habitants dans le texte du Sénat et à 8.700 habitants dans celui de l'Assemblée nationale. Avec le texte initial, les communes jusqu'à 16.500 habitants ne seraient représentées dans le collège électoral que par des élus municipaux.

Toutefois, à mesure que la population progresse, la proportion des conseillers dans ce collège décroîtrait d'autant plus que la tranche démographique retenue serait réduite, ce qui explique, qu'au total, le texte adopté par l'Assemblée nationale entraînerait une plus faible participation des conseillers municipaux dans les collèges électoraux.

Actuellement dans les villes de 30.000 à 100.000 habitants, les délégués sont conseillers municipaux dans 71 % des cas, chiffre réduit à 45 % par le projet de loi initial et 44 % dans la rédaction retenue par le Sénat, pour tomber à 27 % avec le texte adopté par les députés.

Pour les villes de plus de 100.000 habitants (hors Paris, Lyon et Marseille), la part des conseillers municipaux dans les collèges électoraux s'établirait à 20 % (texte du Sénat), 17 % (projet de loi initial) et 10 % selon la formule retenue par les députés (au lieu de 30 % actuellement).

Pour Paris, Lyon et Marseille, ces chiffres s'établiraient respectivement, selon les mêmes hypothèses, à 6,61 %, 5 %, et 3 % (au lieu de 9,34 % actuellement).

Certes, la représentation des grandes villes par des délégués extérieurs au conseil municipal, déjà instituée, est indispensable pour apporter un correctif démographique.

On pourrait cependant s'interroger sur la représentation d'une ville assurée par 73 % de délégués extérieurs au conseil, ce qui serait la situation moyenne d'une ville entre 30.000 et 100.000 habitants si le texte transmis de l'Assemblée nationale était adopté (au lieu de 56 %, selon le texte adopté par le Sénat en première lecture).

Le correctif démographique ne doit pas, en effet, remettre en cause le principe même de représentation des collectivités territoriales.

Un nombre excessif de délégués dépourvus de mandat local impliquerait, dans les faits, le risque d'une désignation d'une partie importante du collège par les partis politiques, changeant alors la nature du Sénat, constitutionnellement chargé de représenter les collectivités.

On peut aussi se demander si une composition massive du collège électoral par des délégués extérieurs ne transformerait pas, dans les faits, une élection au deuxième degré en élection au troisième degré (les conseillers élisant des délégués en-dehors du conseil qui éliraient ensuite les sénateurs).

Les communes resteraient-elles alors fidèlement représentées ou leur représentation ne serait-elle pas finalement remplacée par celle des partis politiques ? La distorsion par rapport à la population, mesurée aux seuls critères des identifications de majorité -changeantes - à l'Assemblée Nationale, n'en serait-elle pas encore aggravée ?

Bref, veut-on conserver une représentation des collectivités, de leurs difficultés et de leurs expériences, ou veut-on y substituer une représentation des habitants de ces collectivités, déformée au passage par une influence renforcée des partis politiques ?

Moins fondamentales que celle des collectivités territoriales qui sont déjà de plein exercice, l'absence de représentation spécifique des structures intercommunales pourrait aussi soulever certaines questions, compte tenu de l'importance prise par celles-ci au cours des années.

Toutefois, il apparaît préférable, avant toute décision éventuelle en la matière, de pouvoir préalablement dresser un bilan de l'application de la récente loi sur le développement de l'intercommunalité (loi du 12 Juillet 1999).

3. L'extension de la proportionnelle pour l'élection des délégués et des sénateurs

Les conséquences des propositions formulées concernant l'extension du champ du mode de scrutin proportionnel dans le régime électoral du Sénat sont aisément perceptibles.

a) L'élection des délégués

S'agissant de l'élection des délégués , le texte adopté par le Sénat en première lecture maintiendrait le régime actuel, partageant les deux modes de scrutin entre communes de plus et de moins de 9.000 habitants, entre lesquelles la population est également répartie.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale (hypothèse d'abaissement du seuil à 3.500 habitants) augmenterait de 15 % la population concernée par la représentation proportionnelle pour la porter à 66 %.

Si l'abaissement à 2.000 habitants du seuil d'application du mode de scrutin actuellement appliqué aux communes d'au moins 3.500 habitants, proposé par l'Assemblée nationale dans le projet de loi tendant à favoriser la parité était adopté, il en résulterait une élection des délégués selon le mode de scrutin proportionnel dans 5 % de communes supplémentaires, ce qui engloberait au total 75 % de la population.

La représentation proportionnelle pour l'élection des délégués concernerait donc les trois quarts de la population au lieu de la moitié.

b) L'élection des sénateurs

Pour ce qui est du mode de scrutin pour l'élection des sénateurs , la représentation proportionnelle concerne actuellement le tiers des sénateurs (110 sur 321) et 36,5 % de la population 10( * ) .

Le projet de loi initial, comme celui adopté par l'Assemblée nationale, en abaissant de cinq à trois le seuil d'application du mode de scrutin proportionnel, étendrait celui-ci à plus des deux tiers des sièges (224), représentant plus des trois quarts de la population.

Il s'agirait donc, ni plus ni moins, d'une interversion de la répartition des sièges entre les modes de scrutin.

La modification éventuelle du mode de scrutin municipal des communes de 2.000 à 3.500 habitants, proposée par l'Assemblée nationale dans le projet de loi sur la parité 11( * ) , concernerait 5,25 % des communes où vit 8,38 % de la population. Tout comme l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel pour l'élection des délégués de communes, elle aurait des répercussions sensibles sur la composition des collèges électoraux sénatoriaux, susceptibles de renforcer encore l'influence des partis politiques dans la désignation des grands électeurs, au détriment de celle des collectivités territoriales, et de distendre le lien entre l'élu et les électeurs.

La proposition du Sénat, en première lecture (représentation proportionnelle à partir de quatre sièges) conduirait, en revanche, à un équilibre en termes de sièges (146 au scrutin proportionnel et 175 au scrutin majoritaire) et plus encore en termes de population représentée (la moitié pour chaque mode de scrutin).

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