CONCLUSION

. Première observation : l'incertitude des moyens financiers

La lutte contre la pollution en Méditerranée requiert certes un dispositif juridique adapté. Elle suppose aussi des moyens financiers renforcés.

La protection de l'environnement appelle la mise en oeuvre de technologies " propres " plus coûteuses que les outillages traditionnels. La question se complique dans une aire géographique comme la Méditerranée où les économies présentent de grands écarts de développement. Dès lors, il importe non seulement de dégager les ressources nécessaires mais d'en assurer une répartition adéquate.

Telles sont les données d'une question qui n'a trouvé pour l'heure que des réponses partielles.

Le financement du plan d'action pour la Méditerranée repose sur un fonds d'affectation spécial géré par le programme des Nations unies pour le développement. Le budget du PAM (5,3 millions d'euros en 1999), fixé tous les ans lors des réunions des parties contractantes de la convention de Barcelone, est alimenté par les pays du pourtour de la Méditerranée au prorata de leur PIB. Il est également abondé par les contributions volontaires de l'Union européenne et du Programme des Nations unies pour l'environnement. Ces crédits sont essentiellement dévolus au fonctionnement de l' organisation liée au PAM.

En revanche, le montant global représenté par les actions entreprises pour assurer la protection de la Méditerranée n'a pas fait l'objet d'une évaluation précise. Il réunit en effet des financements très divers, nationaux ou multilatéraux. A titre d'exemple, 10 à 15 % des ressources du programme de financement communautaire en faveur de la Méditerranée -le programme MEDA- sont consacrés à des interventions dans le domaine de l'environnement.

En France même, il n'existe pas de recoupement précis des crédits dévolus à la protection de la Méditerranée. Les financements conjuguent, pour les opérations conduites sur le territoire national, les interventions de l'Etat et celles des collectivités territoriales et, en matière de coopération, les dotations de plusieurs ministères, mais aussi des établissements publics, au premier rang desquels l'Agence française de développement. Parmi ces données dispersées, il faut noter que notre pays assure 38 % du budget du PAM -soit 1,8 million d'euros-. En outre, en 1999, le Fonds français pour l'environnement mondial participera à hauteur de 10 millions de francs au financement du programme d'actions stratégiques destiné à lutter contre la pollution tellurique dans les pays méditerranéens -dont le budget sur trois ans s'élève à 60 millions de francs.

Une évaluation précise de l'effort national s'impose aujourd'hui, ne serait-ce que pour favoriser la coordination entre bailleurs de fonds. Les éléments chiffrés disponibles permettent toutefois d'estimer que les moyens ne sont absolument pas à la mesure des besoins encore considérables en matière de lutte contre la pollution.

. Deuxième observation : le statut particulier des activités liées à la défense nationale.

La France a réitéré, à l'occasion de la conclusion des amendements aux protocoles relatifs à la protection de la Méditerranée 2( * ) , la déclaration au terme de laquelle elle n'appliquerait pas les dispositions contenues dans ces textes dans le cas où elles feraient obstacle aux activités liées à la défense nationale. La France tiendra toutefois compte " dans toute la mesure du possible ", dans l'exercice de ces activités, des " objectifs de la convention et des protocoles qui lui sont attachés ".

L'intérêt de notre défense peut justifier des dérogations aux principes fixés par les protocoles. A titre d'exemple, les mouvements de notre flotte ne sauraient être entravés dans une aire spécialement protégée d'intérêt méditerranéen si des considérations de sécurité le justifient. Le principe même de la déclaration jointe aux protocoles ne souffre donc pas la contestation. Comme le rappelle le texte même de la déclaration, ce régime d'exception ne doit pas cependant exonérer la défense, , quand les intérêts essentiels de notre sécurité ne sont pas en cause, d'entreprendre les efforts nécessaires pour respecter les objectifs fixés par les protocoles.

Des activités de notre défense, génératrice de pollution pourraient être supprimées. A la faveur de la ratification de ces protocoles, une clarification apparaîtrait sans doute opportune. Votre rapporteur pense en particulier au choix d'immerger des munitions tenues pour obsolètes plutôt que de procéder à leur destruction sur terre. Dans ce cas précis, la recherche de techniques d'élimination plus adaptées devrait constituer, à coup sûr, une priorité pour les pouvoirs publics.

. Troisième observation : la mise en oeuvre difficile de normes contraignantes.

L'efficacité commande la mise en place de normes précises et de mesures de contrôle, mais aussi l'adhésion d'une large majorité d'Etats puisqu'il s'agit avant tout de défendre un bien commun. Cette double exigence revêt un caractère contradictoire car un système trop contraignant a peu de chance de rallier un grand nombre d'Etats.

Le " système de Barcelone " cherche avant tout à obtenir l'adhésion de tous les Etats riverains de la Méditerranée. Cet objectif apparaît largement atteint : un Etat comme la Libye, régulièrement tenu à l'écart du système international, est ainsi partie à la convention de Barcelone. De même, la Palestine a le statut de membre-associé aux travaux du Plan d'action pour la Méditerranée.

Pour atteindre ce but, le dispositif revêt une grande souplesse. L'accord cadre fixe des objectifs très généraux. Les protocoles paraissent plus précis. Ils renvoient cependant la mise en oeuvre de dispositions véritablement contraignantes aux programmes d'actions. L'efficacité de la lutte contre la pollution passe donc par l'organisation de tels programmes. La France, pour sa part, s'emploie à favoriser ce type d'initiatives. Compte tenu de son poids politique et économique dans la région, elle doit toutefois agir avec circonspection si elle veut éviter d'apparaître comme une puissance hégémonique aux yeux de ses partenaires. Notre pays bénéficierait d'une capacité de persuasion plus forte s'il s'appuyait sur une politique de coopération dotée des moyens nécessaires. Au-delà même de la politique gouvernementale, la protection de la Méditerranée intéresse aussi les acteurs de la société civile et, en particulier, nos entreprises. En effet, la mise en place d'un cadre contraignant -au regard des rejets d'eaux usées par exemple- peut conduire certaines industries à s'établir dans des pays dotés de législations moins rigoureuses. Ce risque de " dumping écologique " ne peut être écarté que par un effort très large de sensibilisation qui doit encore être poursuivi et amplifié.

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Le dispositif mis en place à Barcelone a marqué un véritable progrès dans la prise de conscience des risques auxquels la Méditerranée -" Mare nostrum " comme disaient les latins- se trouve confrontée. A défaut de fixer des normes véritablement contraignantes, du moins définit-il des objectifs et des principes d'action commun. Il fait montre d'un certain pragmatisme qui, compte tenu de la disparité des niveaux de développement entre les pays méditerranéens, s'avère sans doute plus pertinent qu'un cadre trop rigoureux. Les modifications introduites par les nouveaux protocoles permettent notamment d'étendre les objectifs fixés en matière de protection de la Méditerranée à l'élimination -et non plus seulement à la prévention ou à la réduction- des sources de pollution.

Au regard de ces avancées indéniables, votre commission vous invite à approuver les quatre présents projets de loi.

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