III. L'ARTICLE 65 DU PROJET DE LOI DE FINANCES RATTACHÉ AU BUDGET DE L'ÉDUCATION NATIONALE
A. LA MESURE PROPOSÉE : L'INTÉGRATION DANS L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DE PERSONNELS EN FONCTION DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES GÉRÉS PAR L'ASSOCIATION DIWAN
1. Une mesure qui s'inscrit dans le prolongement de la signature en 1999 de la charte européenne des langues régionales et minoritaires
a) La charte européenne des langues des langues régionales et minoritaires
Le 7 mai
1999, le gouvernement a signé la
Charte européennes des
langues régionales et minoritaires
proposée en 1992 par le
Conseil de l'Europe, dont les
dispositions générales
prévoient notamment :
-
la reconnaissance des langues régionales ou minoritaires en tant
qu'expression de la richesse culturelle ;
- le respect de l'aire géographique de chaque langue régionale ou
minoritaire, en faisant en sorte que les divisions administratives existant
déjà ou nouvelles ne constituent pas un obstacle à la
promotion de cette langue régionale ou minoritaire ;
- la nécessité d'une action résolue de promotion des
langues régionales ou minoritaires, afin de les sauvegarder ;
- la facilitation et/ou l'encouragement de
l'usage
oral et écrit
des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la
vie privée ;
- le maintien et le développement de relations, dans les domaines
couverts par la présente Charte, entre les groupes pratiquant une langue
régionale ou minoritaire et d'autres groupes du même Etat parlant
une langue pratiquée sous une forme identique ou proche, ainsi que
l'établissement de relations culturelles avec d'autres groupes de l'Etat
pratiquant des langues différentes ;
- la mise à disposition de formes et de moyens adéquats
d'enseignement
et d'étude des langues régionales ou
minoritaires à tous les stades appropriés, ainsi que la mise
à disposition de moyens permettant aux non-locuteurs d'une langue
régionale ou minoritaire habitant l'aire où cette langue est
pratiquée de l'apprendre s'ils le souhaitent.
On peut rappeler que les Etats signataires de cette Charte
s'engagent
:
- d'une part, à appliquer ces dispositions générales
(prévues par le préambule et par les deux premières
parties de la Charte) à
toutes
les langues régionales ou
minoritaires pratiquées sur leur territoire ;
- d'autre part, à appliquer aux langues régionales ou
minoritaires
expressément indiquées
au moment de la
ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la Charte, un minimum de
trente-cinq mesures
choisies parmi celles énumérées
dans la troisième partie de la Charte, dont au moins trois choisies dans
chacun des articles 8 et 12 (relatifs respectivement à l'enseignement et
à la culture) et un dans chacun des articles 9, 10, 11 et 13 (relatifs
respectivement à la justice, à l'administration, aux
médias et à la vie économique et sociale).
b) Les engagements du gouvernement lors de la signature de la charte
S'agissant des
mesures proposées par l'article 8 de
la
charte, relatif
à
l'enseignement
, le gouvernement
français s'est ainsi engagé :
-
à prévoir une
éducation préscolaire
assurée dans les langues régionales ou minoritaires
concernées
ou
à prévoir qu'une partie substantielle
de l'éducation préscolaire soit assurée dans les langues
régionales ou minoritaires concernées, pour les
élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est
jugé suffisant ;
- à prévoir que
l'enseignement primaire, secondaire et
technique ou professionnel
soit en tout ou partie assuré dans les
langues régionales ou minoritaires concernées
ou
que
l'enseignement des langues régionales ou minoritaires concernées
fasse partie intégrante du curriculum, pour les élèves
dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant ;
- à assurer la
formation
initiale et permanente des
enseignants
nécessaire à la mise en oeuvre des paragraphes
précédents ;
-
à créer un ou plusieurs organe(s) de contrôle
chargé(s) de suivre les mesures prises et les progrès
réalisés dans l'établissement ou le développement
de l'enseignement des langues régionales ou minoritaires, et à
établir sur ces points des rapports périodiques qui seront rendus
publics.
c) Les réserves d'interprétation du gouvernement français
Le
gouvernement français avait assorti sa signature de
déclarations
interprétatives précisant notamment :
- que l'emploi du terme de «
groupes
» de locuteurs
ne confère pas de droits collectifs pour les locuteurs des langues
régionales ou minoritaires ;
- que les dispositions de la Charte «
ne vont pas à
l'encontre de l'article 2 de la Constitution selon lequel l'usage du
français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes
de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi
qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services
publics
».
Cette réserve retranscrit en fait la
décision n°96-373 du
Conseil Constitutionnel du 9 avril 1996
relative à la loi organique
portant statut d'autonomie pour la Polynésie française ;
- que l'article 8 de la charte relatif à l'enseignement préserve
le caractère
facultatif
de l'enseignement et de l'étude
des langues régionales ou minoritaires, ainsi que de l'histoire et de la
culture dont elles sont l'expression, et que «
cet enseignement
n'a pas pour objet de soustraire les élèves scolarisés
dans les établissements du territoire aux droits et obligations
applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui
assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à
celui-ci
».
Cette réserve retranscrit en fait la
décision n°91-290 du
Conseil Constitutionnel du 9 mai 1991
relative à la loi portant
statut de la collectivité territoriale de Corse.
d) La décision du Conseil constitutionnel : les dispositions générales de la Charte ne sont pas conformes à la Constitution
Saisi
le 20 mai 1999 par le Président de la République, le Conseil
constitutionnel a décidé le 15 juin 1999
(DC n°99-412) :
- qu'il résulte des dispositions combinées de portée
générale de la charte, «
qu'elle porte atteinte aux
principes constitutionnels d'indivisibilité de la République,
d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple
français, en ce qu'elle confère des droits spécifiques
à des « groupes » de locuteurs de langues
régionales ou minoritaires, à l'intérieur de
« territoires » dans lesquels ces langues sont
pratiquées
;
- qu'en outre, «
ces dispositions sont contraires au premier
alinéa de l'article 2 de la Constitution en ce qu'elles tendent à
reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le
français non seulement dans la « vie privée »
mais également dans la « vie publique », à
laquelle la charte rattache la justice et les autorités administratives
et services publics
» ;
- qu'en revanche, «
n'est contraire à la Constitution, eu
égard à leur nature, aucun des autres engagements souscrits par
la France [dont ceux relatifs à l'enseignement] dont la plupart, au
demeurant, se bornent à reconnaître des pratiques
déjà mises en oeuvre par la France en faveur des langues
régionales
».
En conséquence, la Charte européenne des langues
régionales et minoritaires n'a pu être ratifiée.
2. Une mesure qui résulte du protocole d'accord signé le 28 mai 2001 entre le ministre de l'Education nationale et l'association Diwan
a) La signature de la charte européenne des langues régionales et minoritaires a été suivie de l'ouverture de négociations avec des mouvements d'enseignement associatifs
Dans le
prolongement de la signature de la charte européenne des langues
régionales et minoritaires, le Premier ministre a demandé au
ministre de l'Education nationale d'ouvrir des négociations avec les
associations gestionnaires d'écoles pratiquant l'immersion linguistique
en langue régionale (c'est à dire l'enseignement principalement
en
langue régionale) en vue de l'éventuelle
intégration
du réseau de leurs écoles,
collèges et lycées, dans l'enseignement public.
Les principales associations concernées étaient les associations
Diwan (pour le Breton), Seaska (pour le Basque), Calandretas (pour l'Occitan
langue-d'Oc), Bressolas (pour le Catalan) et A.B.C.M-Zweisprachigkeit ou
association de parents pour le bilinguisme en classe de maternelle (pour les
langues Alsaciennes).
b) A ce jour, seule l'association Diwan a signé un protocole avec le ministère de l'Education nationale
A ce
jour, seule l'association Diwan fédérant les
établissements d'enseignement privé « immersif en
langue bretonne » a été intéressée par
cette évolution.
Un
protocole d'accord
visant au passage sous statut public des
établissements de l'association Diwan a été signé
à Rennes le
28 mai 2001
entre le ministre de l'Education
nationale et le président de l'association.
Ce protocole couvre les domaines de la pédagogie, ainsi que du
recrutement, de la formation, de la gestion et du statut des personnels en
fonction.
On peut préciser que l'association Diwan, fondée en 1977, a
ouvert sa première école en 1980, son premier collège en
1987 et un lycée en 1994. Elle reçoit depuis 1983 des subventions
de l'Etat et bénéficie de contrats d'association depuis 1994.
Les établissements
d'enseignement privé sous contrat
fédérés par les établissements Diwan scolarisaient
ainsi en 2000-2001 environ
1500 élèves
du primaire
(dans 25 écoles) et
900 élèves du secondaire
(dans
3 collèges et 1 lycée), répartis dans
cinq
départements
(Côtes d'Armor, Finistère, Ille-et
Vilaine, Loire atlantique et Morbihan).
c) Les aspects du protocole du 28 mai 2001 relatifs au statut des personnels en place
D'un
point de vue
administratif
, les principales dispositions du protocole
signé le 28 mai 2001 visent à
intégrer
dans
l'enseignement public les
établissements
et les personnels
actuellement gérés par l'association Diwan.
S'agissant des
personnels
, les principales modalités de ce
protocole sont les suivantes :
- l
es
instituteurs
, les
professeurs
des
écoles
et les
personnels
enseignants
du second
degré en contrat définitif ou provisoire pourront être
intégrés
dans les corps correspondants de l'enseignement
public. Il sera tenu compte du niveau de rémunération de ces
personnels lors de l'intégration ;
- l
es
enseignants
sur
contrat de droit public
précaire
(délégués auxiliaires et
délégués rectoraux) et les personnels exerçant dans
des classes
hors contrat
pourront être recrutés en
qualité de
non titulaires
(instituteurs suppléants). Ils
bénéficieront de formations spécifiques leur permettant de
se présenter dans des conditions favorables aux sessions 2002, 2003 et
2004 du concours spécial de recrutement des professeurs des
écoles chargés d'un enseignement de et en langue régionale
ou du CAPES de breton en vue de leur titularisation ;
-
les personnels intégrés dans un corps de titulaires
seront admis au bénéfice du régime spécial de
retraite
des fonctionnaires et ceux qui sont placés sur contrat
de droit public bénéficieront de la protection sociale des non
titulaires de l'Etat et cotiseront pour les différents risques à
l'IRCANTEC ;
- les personnels enseignants intégrés justifiant de 15
années en qualité de fonctionnaire cumuleront, lors de leur
cessation d'activité, une pension du régime spécial des
fonctionnaires, calculée à proportion de leurs années de
service public et une pension du régime général de la
sécurité sociale éventuellement accrue d'un régime
complémentaire pour les années effectuées dans
l'enseignement privé sous contrat ou dans d'autres activités
privées ;
- les personnels enseignants intégrés, qui à l'âge
de leur cessation d'activité ne bénéficieraient pas de 15
années en qualité de fonctionnaire, verront leurs cotisations
versées au titre du régime des fonctionnaires reversées au
régime général de la sécurité sociale
et seront affiliés à titre rétroactif au régime
général de la sécurité sociale et à
l'IRCANTEC pour cette période ;
-
les personnels non enseignants des établissements du premier
degré pourront être « contractualisés »
en qualité d'agent territorial
avec l'accord des
municipalités concernées ;
-
les personnels non enseignants du second degré seront
recrutés sur des contrats de droit public à durée
indéterminée et assimilés à une catégorie et
à un corps de fonctionnaires titulaire
, compte tenu de leurs titres,
diplômes et qualifications et selon la quotité de service
travaillée antérieurement à l'intégration des
établissements dans l'enseignement public ;
- enfin, les actuels
personnels de direction
des écoles
associatives seront intégrés dans les corps d'enseignant et
seront chargés de fonctions de direction.
d) Les dispositions du projet de loi de finances pour 2002 prévoyant l'intégration des personnels
Le
projet de loi de finances pour 2002 comporte
deux
types de
dispositions
visant à retranscrire ces modalités
d'intégration des personnels des établissements Diwan.
• En premier lieu, le budget de l'enseignement scolaire pour 2002
prévoit
la création
, à compter du 1
er
septembre 2002,
de 194 emplois
, au titre de l'intégration
sous statut public, des personnels exerçant dans les
établissements associatifs Diwan, dont 50 non titulaires, soit :
- 105 personnels enseignants du 1
er
degré ;
- 27 personnels enseignants du 2
nd
degré titulaires ;
- 38 personnels enseignants du 2
nd
degré non titulaires ;
- 5 personnels de direction ;
- 2 conseillers principaux d'éducation ;
- 5 ATOS ;
- 12 personnels de surveillance non titulaires.
Cette mesure s'accompagne, sur le chapitre 43-01 (Etablissements d'enseignement
privés-contrats des maîtres de l'enseignement privé) de la
suppression de 156 contrats
à compter du 1
er
septembre
2002.
Il convient de rappeler que l'inscription de ces créations d'emplois
dans le budget de l'enseignement scolaire était
indispensable
pour des raisons de fond comme de forme.
En effet,
dans sa décision n°85-203 du 28 décembre 1985
relative à la loi de finances rectificative pour 1985, le Conseil
constitutionnel avait déjà censuré pour vice de
procédure une première tentative d'intégration des
établissements Diwan
, en considérant que cette disposition
introduite dans la loi de finances rectificative pour 1985 était un
cavalier budgétaire, puisque cette loi ne prévoyait par ailleurs
ni création d'emplois, ni ouverture de crédits.
• En second lieu,
l'article 65 du projet de loi de finances pour
2002,
rattaché au budget de l'Education nationale,
retranscrit
les dispositions du protocole du 28 mai 2001 relatives
à l'intégration des personnels des établissements Diwan
dans l'enseignement public.
On peut rappeler à cet égard que ce type de disposition
législative n'est
a priori
pas nécessaire à
l'intégration dans l'enseignement public des personnels enseignants des
établissements privés sous contrat.
En effet, cette faculté est ouverte par les disposition de
la loi
Debré
du 31 décembre 1959, codifiées aux
l'article L. 442-4 et L. 914-2 du code de l'éducation, selon lesquelles
«
les établissements d'enseignement privés peuvent
demander à être intégrés dans l'enseignement
public
» et «
lorsque la demande
d'intégration des établissements d'enseignement privés
dans l'enseignement public est agréée, les maîtres en
fonction sont, soit titularisés et reclassés dans les cadres de
l'enseignement public, soit maintenus en qualité de
contractuels
».
Cependant, les dispositions du décret n°60-388 du 22 avril
1960 d'application de la loi Debré emportent pour l'intégration
des personnels enseignants comme titulaires des
conditions
de titre et
surtout d'ancienneté (cinq ans de services effectifs)
plus
restrictives
que celles du protocole du 28 mai 2001.
En outre, les dispositions de ce décret ne prévoient le
recrutement des personnels administratifs des établissements
d'enseignement secondaire que sur des contrats de cinq ans renouvelables (et
non pas sur des contrats à durée indéterminée).
On peut d'ailleurs remarquer que ce type de disposition législative
ad
hoc
n'est
pas sans précédent
, puisque la
plupart des opérations antérieures d'intégration
d'établissements privés (comme les établissements Michelin
en 1968, les écoles de la société des forges et
aciéries du Creusot en 1969, les établissements d'enseignement
technique de la SOLLAC et de SACILOR en 1978, le lycée d'enseignement
professionnel de la société nouvelle des aciéries de
Pompey et l'école hôtelière de la Martinique en 1983,
etc.), ont résulté de dispositions législatives
spécifiques.
Votre rapporteur s'interroge d'ailleurs dans ces conditions sur le maintien
d'un dispositif législatif et réglementaire obsolète et
regrette
que l'intégration du réseau des
établissements Diwan, qui présente une ampleur inédite,
puisque les opérations d'intégration précitées ne
concernaient qu'un nombre limité d'établissements répartis
sur une zone géographique restreinte,
n'ait pas donné lieu
à une refonte du dispositif législatif et réglementaire
relatif à l'intégration des établissements d'enseignement
privé, de manière à ce que les règles du jeu soient
à l'avenir plus transparentes.
e) La nécessité de délibérations des collectivités locales concernées
Il
convient enfin de préciser que les dispositions législatures
ci-dessus ne règlent que partiellement la situation des
personnels
, puisqu'elles ne concernent ni les personnels administratifs
des écoles primaires (susceptibles toutefois d'êtres
intégrés en tant qu'agent territorial par les
municipalités concernées), ni les personnes employées en
contrats emploi solidarité.
En outre, ces dispositions ne règlent nullement la situation des
établissements eux-mêmes, qui ressort des compétences des
collectivités locales.
Conformément à la loi Debré, à la demande des
préfets et en liaison avec les autorités académiques, les
collectivités locales
concernées (communes pour les
écoles, conseils généraux pour les collèges et
conseil régional pour le lycée) sont donc invitées
à instruire concomitamment les demandes d'intégration des
établissements (vérification des locaux, détermination du
cadre juridique de transfert des locaux et des biens d'équipement),
à prendre si elles le souhaitent les
délibérations
nécessaires et, le cas échéant, à
inscrire les
dépenses correspondantes dans leur budget pour 2002.
Ce processus d'intégration pourrait ainsi soulever à la fois des
problèmes de calendrier
et des
difficultés
financières
pour certaines communes.
B. LE DISPOSITIF D'ACCOMPAGNEMENT PÉDAGOGIQUE
1. De nouvelles orientations en faveur de l'enseignement des langues régionales
a) Les langues régionales sont déjà reconnues dans l'éducation nationale
Comme le
relevait le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 juin
1999 (DC n°99-412), l'enseignement
des
langues régionales
est aujourd'hui largement reconnu et pratiqué en France.
On peut ainsi rappeler que
la loi Deixonne
n°51-46 du
11 janvier 1951
, codifiée dans les articles L. 312-10
et L. 312-11 du code de l'éducation disposait déjà
«
qu'un enseignement de langues et cultures régionales peut
être dispensé tout au long de la scolarité
»
et que «
les maîtres sont autorisés à recourir
aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles
chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment
pour l'étude de la langue française
».
En outre,
la loi Jospin
n°89-487 du
10 juillet 1989
d'orientation sur l'éducation, codifiée notamment dans les
articles L 121-1 et L. 121-3 du code de l'éducation précise
que la formation dispensée dans les établissements scolaires
«
peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux,
de
langues et cultures régionales
» et que
«
la langue de l'enseignement, des examens et des concours, ainsi
que des thèses et mémoires dans les établissements publics
et privés est le français, sauf exceptions justifiées par
les nécessités de l'enseignement
des
langues et
cultures régionales et étrangères...
»
Enfin, la
circulaire Bayrou
n°95-806 du 7 avril 1995 a
opéré un saut qualitatif en reconnaissant que l'enseignement des
langues régionales pouvait emprunter deux modalités :
- l'initiation aux langues régionales, c'est à dire
l'enseignement
des
langues régionales proprement
dit ;
- l'enseignement bilingue, c'est à dire un enseignement partiellement
en
langue régionale.
Cette
reconnaissance
s'accompagne d'une
pratique
croissante.
En 2000-2001, plus de
152.000 élèves
ont ainsi reçu
un enseignement
de
langues et cultures régionales dans les
écoles, collèges et lycées publics ou privés sous
contrat, l'Occitan langue-d'oc (près de 71.912. élèves),
devançant le Corse (27.785), le Breton (20.697), le Basque (8.969), le
Catalan (8.907), les langues régionales D'Alsace (7.453), les langues
régionales des pays mosellans (5.823) et le Gallo (921).
Parmi ces élèves,
29.000
(soit 19 %) suivaient un
enseignement
bilingue
, dont 25.200 à l'école,
près de 3.400 au collège et près de 800 au lycée,
cet enseignement bilingue concernant principalement le
Breton
(2.165
dans le public, 1.455 dans le privé confessionnel et 2.347 dans les
établissements Diwan) et le
Basque
(2.921 élèves
dans le public, 1.295 élèves dans le privé confessionnel
et 1881 dans le privé associatif).
b) Le ministre de l'Education nationale a annoncé en avril 2001 de nouvelles mesures en faveur de l'enseignement des langues régionales
Le
ministre de l'Education nationale a annoncé le 25 avril 2001 de
nouvelles orientations en faveur des langues régionales, qui consistent
notamment à retranscrire et à
généraliser les
dispositions relatives à l'organisation pédagogique
prévues dans le protocole d'accord signé avec l'association
Diwan.
Ces orientations se sont d'ores et déjà traduites par les
mesures
suivantes :
- la création par le
décret
n°2001-733 du 31 juillet
2001 d'une instance consultative :
le conseil académique des langues
régionales
. Ce conseil doit participer à la réflexion
sur la définition des orientations de la politique académique des
langues régionales et veiller à la cohérence des
enseignements de langue régionale, notamment des enseignements bilingues
mis en place dans l'académie. Il donne son avis sur l'attribution ou le
retrait de la qualité d'établissement labellisé
« langues régionales » dispensant un enseignement
bilingue par la méthode dite de l'immersion.
Composé de représentants des collectivités territoriales,
des mouvements associatifs travaillant à la promotion des langues
régionales, des syndicats enseignants, des associations de parents
d'élèves, ce conseil doit selon le ministère
«
constituer un lieu d'expression privilégié du
partenariat qu'il souhaite développer dans ce domaine avec les
collectivités territoriales, à l'image de celui
déjà engagé avec l'Alsace, le Pays Basque, la Corse et la
Bretagne
» ;
- la parution d'un
arrêté
en date du 31 juillet 2001 qui
définit le cadre général de l'enseignement des langues
et cultures régionales
, en clarifie les objectifs et annonce la mise
en oeuvre d'un
plan pluriannuel de développement
, publié
officiellement dans l'académie et objet d'une évaluation à
mi parcours de sa réalisation.
Cet arrêté confère pour la première fois une
reconnaissance réglementaire à l'enseignement bilingue en langue
régionale
(qui n'était auparavant prévu que par des
circulaires) ;
- la parution de
trois circulaires
en date du 5 septembre 2001 relatives
respectivement à l'enseignement des langues et cultures
régionales ; aux modalités de mise en oeuvre de
l'enseignement bilingue à parité horaire Français-Langue
régionale ; et à l'enseignement bilingue dispensé
selon la méthode pédagogique dite de l'immersion dans les
établissements labellisés « langues
régionales » issus du mouvement associatif, comme les
établissements Diwan ;
- enfin, la mise en place d'un
concours spécial de recrutement
de
professeurs des écoles
chargés d'un enseignement
de
et en
langues régionales. Ce concours est destiné
à pourvoir, en personnels compétents, en priorité les
enseignements bilingues dans les langues suivantes : Basque, Corse, Breton,
Catalan, Créole, Occitan-langue d'oc, langues régionales
d'Alsace, langues régionales des pays mosellans. Dès la
rentrée 2001, les directeurs d'IUFM des académies
concernées ont été invités à mettre en place
les préparations correspondantes à ces concours dont la
première session doit se dérouler en 2002.
La politique de développement des langues régionales concerne
également les DOM-TOM qui bénéficient, en application de
l'article 34 de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000
d'orientation pour l'outre-mer, des dispositions de la loi n°51-46 du 11
Janvier 1951 dite « loi Deixonne ». Elles s'appliquent aux
langues régionales en usage dans les quatre académies d'outre-mer
et auront des conséquences sensibles sur l'organisation de ces
enseignements et examens les sanctionnant.
Ainsi, l'insertion du
Créole
parmi les langues régionales
figurant dans la section langues régionales du concours externe et
interne du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second
degré devrait permettre de réaliser un meilleur accompagnement de
son développement dans les collèges et les lycées des
académies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et de
la Guyane.
Enfin, s'agissant de la
Guyane
, le ministère a entrepris une
réflexion visant à permettre aux langues amérindiennes
présentes dans l'académie de bénéficier
ultérieurement d'un traitement -et d'une reconnaissance- égal
à celui qui est accordé au Créole.
2. Les questions soulevées par la reconnaissance de l'enseignement en immersion
a) L'intégration des établissements Diwan est neutre d'un point de vue budgétaire pour l'Etat
Les
dispositions proposées dans l'article 65 du projet de loi de finances
pour 2002 sont, à court terme, pratiquement
neutres
pour l'Etat
d'un point de vue budgétaire.
En effet, les créations d'emplois budgétaires associées
à l'intégration des personnels des établissements Diwan
sont gagées à due proportion par la diminution des crédits
du chapitre 43-01 (rémunération des enseignants des
établissement d'enseignement privé sous contrat).
En revanche, l'intégration des établissements Diwan ne sera
évidemment pas neutre pour les collectivités locales qui
l'accepteraient.
b) L'intégration des établissements Diwan consacre toutefois la reconnaissance accordée à l'enseignement par immersion en langue régionale
En revanche, les dispositions portant intégration des établissements Diwan constituent de facto , sinon un écran législatif vis à vis de certains recours susceptibles d'être formulés par des organisations syndicales et des associations, du moins une reconnaissance de la méthode pédagogique d'enseignement des langues régionales par immersion et un soutien financier apporté à la diffusion de ce type d'enseignement.
c) L'avis du Conseil supérieur de l'Education
Le
second alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation issu
de la loi Jospin du 10 juillet 1989 prévoit que le Conseil
supérieur de l'éducation, composé notamment de
représentants des personnels et des parents d'élèves, est
«
consulté, conformément aux attributions qui lui
sont conférées par l'article L. 231-1 sur les moyens de favoriser
l'étude des langues et cultures régionales dans les
régions où ces langues sont en usage
».
Or le Conseil supérieur de l'Education a émis le 3 mai 2001
des avis défavorables à l'ensemble des projets de textes relatifs
au développement des langues régionales
, en raison pour
l'essentiel de la reconnaissance par ces textes de l'enseignement par immersion
en langue régionale et des statuts dérogatoires accordées
aux établissements pratiquant ce type de pédagogie.
Le projet de circulaire relative aux modalités de mise en oeuvre de
l'enseignement par immersion fut ainsi repoussé à
l'unanimité
.
d) Les dispositions du protocole signé avec l'association Diwan
Il
est vrai que l'intégration dans l'enseignement public de l'enseignement
bilingue par la méthode dite de l'immersion, actuellement
pratiqué par environ 6500 élèves au total (dont plus d'un
tiers dans les établissements Diwan) et qui se caractérise par
l'utilisation
principale de la langue régionale, non exclusive du
françai
s
comme langue d'enseignement, et comme langue de
communication au sein de l'établissement, constitue une novation dont
les extraits reproduits ci-après du protocole signé avec
l'association Diwan permettent de prendre la mesure
.
En effet, ce protocole dispose en matière
pédagogique
:
- «
pour des raisons pédagogiques inhérentes
à l'immersion,
le breton est la langue de vie, de travail et de
communication de tous les élèves et de tous les personnels de
l'établissement
selon les modalités définies par
l'arrêté relatif à la mise en place d'un enseignement
bilingue en langue régionale.
Ceci implique que toutes les classes de
l'établissement fonctionnent selon le système immersif
. Le
Breton est la langue principale, mais non exclusive, d'enseignement...
- l'école maternelle correspond à la phase la plus intensive
d'acquisition du Breton.
Ceci justifie une pratique de l'ensemble des
activités scolaires et de leur accompagnement en
intégralité en breton
...
-
le Français est introduit dans l'enseignement
élémentaire au cours du cycle 2
[en CE1] en tenant compte de
la spécificité de la pédagogie en immersion.
L'apprentissage de la lecture et de l'écriture se fait d'abord en
Breton.
Le volume horaire réservé aux autres disciplines
figurant au cursus de l'école élémentaire est identique
à celui qui est appliqué dans les classes correspondantes de
l'enseignement monolingue.
L'introduction du Français se fait d'une
façon progressive
, les horaires étant modulés
librement à chaque niveau ;
- comme en primaire,
l'enseignement est dispensé principalement en
Breton [dans l'enseignement secondaire],
mais il inclut aussi deux
disciplines enseignées en Français ainsi que l'utilisation d'une
langue vivante étrangère selon les mêmes dispositions que
celles qui sont en vigueur dans les sections européennes
».
Par ailleurs, le protocole prévoit des
dispositions
fortement
dérogatoires
en matière de
recrutement
et de
gestion des personnels, comme celles-ci :
- « ...
l'enseignement immersif en langue régionale se
définit par l'utilisation de la langue régionale dans l'ensemble
des activités conduites au sein de l'établissement.
Cela
suppose que l'ensemble des personnels (enseignants, ATOSS, agents
territoriaux), utilisent la langue régionale comme langue de travail et
de communication
selon les modalités définies dans
l'arrêté relatif à la mise en place d'un enseignement
bilingue en langues régionales. Les compétences en langue
régionale du personnel seront prises en compte dans les
opérations du mouvement...
- le
taux d'encadrement
est fixé selon des critères
établis au niveau académique. Ces critères prennent en
compte les contraintes de fonctionnement d'un établissement
immersif ;
- la nomination des
personnels de direction
tiendra compte de la
compétence en langue régionale, de la spécificité
pédagogique de l'enseignement immersif, ainsi que de l'expérience
acquise dans ce domaine
».
Enfin, partant de l'idée selon laquelle «
le passage sous
statut public des établissements pratiquant l'enseignement immersif en
langue régionale ne pourra être réussi sans prendre appui
sur l'expérience accumulée par les associations ayant
porté cet enseignement ces dernières
années
», le protocole accorde un
droit de regard
particulier à l'association Diwan sur le fonctionnement des futurs
établissements publics, ce qui ne fut pas le cas lors des
précédentes opérations d'intégration dans
l'enseignement public. En effet, le protocole prévoit notamment que
:
- «
l'association Diwan pourra être
représentée dans les conseils d'administration des E.P.L.E. et
dans les conseils d'école ;
- dans le cadre du Conseil académique des langues régionales,
Diwan participe au suivi et à l'évaluation du passage sous statut
public ainsi qu'au développement futur de cette filière
d'enseignement
;
-
Diwan pourra être associé à la formation initiale et
continue des enseignants en tant qu'intervenant extérieur ; les
associations représentatives de l'enseignement en langue
régionale (Div Yezh, Diwan et UGB) seront associées à la
réflexion pour la mise en oeuvre de cette formation et l'association
Diwan pourra être agréée comme association
complémentaire de l'enseignement public au niveau des académies
de Nantes et de Rennes après avis des CAACEP de ces académies...
À ce titre, l'association Diwan pourra bénéficier de
subventions et de personnels mis à disposition ;
- une convention pluriannuelle sera signée entre Diwan et l'Education
nationale précisant la participation de l'association aux
côtés de l'enseignement public des langues régionales en
immersion. La participation de Diwan portera notamment sur : la
création et l'expérimentation de matériel
pédagogique ; l'appui à la formation initiale et continue
des personnels enseignants et non-enseignants ; l'aide aux
élèves en difficulté ; la réflexion sur
l'évaluation de la filière immersive et sur son évolution
pédagogique ; le conseil linguistique ; la recherche
pédagogique sur les techniques de l'immersion ; la promotion de la
filière d'enseignement de langue régionale en immersion ;
-
enfin, un comité de suivi sera constitué afin de faire un
point régulier sur la mise en oeuvre du présent protocole
d'accord. Il sera composé pour moitié de représentants du
Ministère de l'Education nationale et pour moitié de
représentants de l'association Diwan. Il se réunira au moins deux
fois par an
».
Le protocole précise toutefois que «
l'enseignement par
immersion doit permettre aux élèves, à l'issue de
l'école primaire, de posséder une égale compétence
en langue régionale et en langue française, ainsi qu'une
compétence en Français identique à celle des
élèves scolarisés dans l'enseignement
monolingue
».
En outre, le protocole prévoit quelques
gardes-fous
:
- «
un suivi de cohorte des élèves inscrits dans les
établissements « langues régionales » sera
assuré par la direction de la programmation et du développement
[du ministère de l' Education nationale] ;
- un suivi des résultats de ce type d'enseignement sera
réalisé par le groupe technique sur l'immersion du Conseil
académique des langues régionales qui sera composé de six
membres désignés par le Recteur d'Académie, dont deux
seront désignés sur proposition de l'association Diwan et deux
seront issus des équipes pédagogiques et de direction des
établissements concernés désignés sur proposition
de l'Inspecteur d'Académie
;
-
la vérification des acquis dans les domaines de la formation
dispensée à l'école sera effectuée à
l'entrée en 6ème dans le cadre des évaluations existantes.
... Dans le cas où les résultats de cette évaluation
feraient apparaître pour l'ensemble des écoles de cette
filière des écarts notoires par rapport aux résultats
attendus en Breton ou aux résultats des évaluations du
Français et des mathématiques pratiquées à ce
même niveau pour les élèves des écoles publiques et
privées sous contrat, le Conseil académique des langues
régionales sera saisi. Si ces écarts portaient sur les
compétences exigibles en français, l'horaire consacré au
Français serait renforcé dans le cadre du volume horaire
hebdomadaire prévu par la réglementation
»
Enfin, les premiers résultats des lycéens des
établissements Diwan sont excellents, malgré des conditions
matérielles parfois difficiles (notamment l'absence de manuels),
mais ceux-ci sont aussi souvent issus de milieux socio-économiques
favorisés et bénéficient parfois de taux d'encadrement
très élevés. On peut d'ailleurs s'interroger sur les
débouchés, à part l'enseignement, offerts à ce type
de compétences.
e) Conclusions
On peut
regretter que le débat de fond relatif à l'enseignement par
immersion s'effectue dans le cadre peu adapté que constitue l'examen
d'un
article de circonstance
introduit dans une loi de finances.
En outre, on peut s'inquiéter des
risques de
ségrégation
induits par l'enseignement par immersion, puisque
les personnels enseignants et non enseignants et les élèves
francophones sont
de facto
, sinon
de jure
, exclus des
établissements concernés.
Enfin,
on peut s'interroger sur la constitutionnalité d'un dispositif
favorisant l'utilisation dans des établissements scolaires publics d'une
langue régionale comme langue d'enseignement à titre principal et
comme langue de vie à titre quasiment exclusif
.
On peut en effet rappeler que le Conseil à décidé dans ses
deux décisions du 9 mai 1991 (DC n°91-290) et du 9 avril 1996 (DC
n°96-373) qu'un enseignement de langue régionale «
n'était pas contraire au principe d'égalité...
dès lors qu'il n'a pas ... pour objet de soustraire les
élèves scolarisés... aux droits et obligations applicables
à l'ensemble [des autres élèves]
» et que
«
la reconnaissance de la possibilité d'utiliser les
langues tahitiennes et polynésiennes ne saurait aller contre le principe
inscrit dans la Constitution selon lequel la langue de la
République est le Français »
.