C - Le problème des relations économiques internationales

L'irruption sur le marché des biotechnologies agricoles s'est faite au moment où le libéralisme en matière d'échanges commerciaux internationaux est devenu, à la suite notamment des accords de Marrakech de 1992, le modèle extrêmement dominant des relations internationales. Cette évolution a été symbolisée par le remplacement du G.A.T.T. hérité des années d'après-guerre par l'Organisation mondiale du commerce (O.M.C.). Il faut noter que le libre échange est devenu le système régnant quasiment sans partage. On peut en effet observer que se rallie à lui un nombre croissant de pays, que ce soit ceux de l'est de l'Europe ou ceux, de plus en plus nombreux, qui se lient par des pactes régionaux de libre échange, comme le MERCOSUR en Amérique latine ou l'ALENA entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.

L'autre trait caractéristique de la situation est, c'est bien connu, le développement de la mondialisation et la globalisation de l'économie. Sans conteste, les coûts des programmes de recherche et leur durée exercent une influence puissante et croissante dans ce sens. En effet il devient absolument indispensable de pouvoir vendre les produits finaux sur la plus grande échelle possible pour rentabiliser les investissements.

Il se trouve que les groupes américains, comme Monsanto ou Du Pont, et internationaux comme Novartis, ont commencé dans les toutes dernières années à recueillir les fruits des investissements effectués pour certains d'entre eux voilà plus de quinze ans dans les biotechnologies agricoles et dans la réalisation de plantes transgéniques. Comme on l'a vu précédemment, ces plantes sont maintenant cultivées à grande échelle et les premières sont arrivées en Europe par bateaux entiers à la fin de l'année 1996 et au début de 1997, déclenchant les problèmes que l'on connaît.

Au niveau global, la mise en place de nouvelles règles du jeu, en particulier à travers l'Organisation mondiale du commerce, dessine le nouveau cadre dans lequel va se situer l'agriculture internationale. Au sein de cette nouvelle organisation, les objectifs sont de libérer le commerce des produits et de surmonter les obstacles au protectionnisme en matière de produits agricoles.

Il est indéniable que l'entrée des produits issus de plantes transgéniques entraîne un certain nombre de difficultés commerciales. Celles-ci ne sont pas liées à un désir de la part d'un certain nombre d'Etats européens, dont la France, de se protéger derrière des barrières non tarifaires, prohibées par l'O.M.C. Il s'agit en effet d'une approche différente de l'appréciation du risque éventuel présenté par des produits nouveaux, au moins dans leur processus d'élaboration.

Certes les consommateurs américains ont accepté la mise sur le marché des aliments issus de plantes transgéniques, mais il n'en est pas de même de la part des consommateurs d'un certain nombre de pays européens.

Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser des interrogations suscitées par ces plantes transgéniques mais il est de la responsabilité d'un homme politique de tenir compte des réticences envers ces produits. Cette affaire peut être, à mon sens, rapprochée du contentieux également existant entre l'Europe et les Etats-Unis concernant la viande de bovins ayant fait l'objet d'injections d'hormones de croissance ou de la réticence des Américains à acheter des fromages au lait cru. Les mêmes mécanismes ont produit et produisent dans ces deux affaires les mêmes réactions.

Il faut rappeler que, juridiquement, la surveillance des produits est fondée sur des réglementations nationales, sur des directives européennes et sur le code de l'Organisation mondiale du commerce; tous ces textes devant naturellement concourir à assurer la sécurité des consommateurs.

L'Organisation mondiale du commerce a choisi de se référer aux textes établis par le Codex alimentarius , organisme commun à la Food and Agriculture Organization (F.A.O.) et à l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.). Le Codex alimentarius a longtemps édicté des recommandations en matière de sécurité alimentaire que les pays dépourvus de législation propre pouvaient reprendre à leur compte. Depuis la création de l'O.M.C., le Comité conjoint pour l'hygiène des aliments du Codex alimentarius , situé à Washington et très influencé par les Etats-Unis, est en fait devenu le lieu de débats scientifiques sous-tendus par les questions de rapports de force commerciaux.

En fait la création de l'O.M.C. a considérablement modifié la situation.

En effet, vouée à la défense de la liberté du commerce, cette organisation combat toutes les limitations d'importations ou de vente des produits. Elle s'appuie sur le système en vigueur aux Etats-Unis selon lequel s'il n'est pas démontré qu'il existe des risques de toxicité pour des produits, ceux-ci sont réputé sûrs pour les consommateurs. La philosophie explicite de ce système est que les fabricants de denrées alimentaires sont responsables devant les consommateurs et que la sanction du marché et la concurrence sont des enjeux suffisants pour imposer de ce fait un niveau de qualité élevé. Les pouvoirs publics ne doivent donc pas, dans ce schéma, intervenir sinon en cas de problème avéré, mais a posteriori . Ce système a été transposé au niveau de l'O.M.C. Cela implique donc que si un pays veut prendre une mesure de limitation d'importation ou de vente d'un produit, il devra, s'il ne veut pas risquer d'être sanctionné pour " protectionnisme ", prouver que celui-ci est constitutif d'une réelle menace pour la santé publique.

Cette situation illustre le fait que les Américains donnent la priorité aux mesures correctives a posteriori alors que la plupart des pays européens sont plutôt en faveur de mesures préventives. La récente crise de la " vache folle " a conforté le tenants de cette position. C'est cette différence d'approche qui fait que l'attitude européenne n'est guère comprise outre Atlantique. Cette situation engendre naturellement des conflits.

Concernant cette affaire il faut reconnaître que l'O.M.C. ne s'occupe que de litiges. Il serait très hautement souhaitable que des mécanismes de discussion préalables soient mis en place afin de favoriser une entente entre les membres de l'O.M.C. sur un certain nombre de points, et, notamment tous les produits nouveaux à venir qui peuvent poser des problèmes comme les plantes transgéniques. Des scientifiques pourraient d'ailleurs être réunis au niveau mondial et être consultés sur tous ces problèmes de produits nouveaux. C'est la proposition qui a été retenue lors de la rencontre entre M. Lionel Jospin et M. Bill Clinton le 18 juin 1998.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page