D. L'INTRODUCTION DE CONCEPTS ISSUS DE LA COMPTABILITÉ PRIVÉE

1. Le rapprochement de la comptabilité publique et de la comptabilité privée

La comptabilité privée constitue un système d'information offrant des données chiffrées sur une entreprise, des informations portant sur son actif et son passif, le résultat d'une période, la formation des coûts et des prix. Elle s'est constamment modernisée pour devenir un vrai outil d'information, de gestion et de prévision.

Les objectifs de la comptabilité publique sont traditionnellement plus limités, puisqu'elle privilégie la régularité plutôt que l'appréciation de la performance. Elle fixe les règles de présentation des comptes publics (modalités d'enregistrement des opérations et de description du patrimoine, calcul du résultat, méthodes de contrôle et forme des documents) ainsi que les règles d'organisation et de fonctionnement des comptables publics ; enfin, elle définit les obligations et responsabilités des ordonnateurs et des comptables publics.

La comptabilité publique vise donc à assurer le respect des lois et des règlements, à veiller au respect des budgets, et à éviter les abus . Elle ignore, en revanche, le prix de revient ou le rendement des services, comme si le fait qu'ils soient financés par l'impôt ou par l'emprunt apaisait tout scrupule.

Malgré ces différences d'objectifs, s'opère cependant un rapprochement croissant des comptabilités publiques vers la comptabilité privée . La comptabilité publique doit désormais répondre aux mêmes exigences d'exhaustivité, et d'image fidèle de la situation financière de l'Etat. Elle doit en même temps offrir une aide à la gestion efficace de l'argent public, notamment en permettant une meilleure connaissance des coûts des différentes fonctions exercées au sein de l'administration. Il est urgent que la comptabilité publique évolue désormais dans le sens d'une modernisation de la gestion financière de l'Etat, afin de lui offrir une information plus complète lui permettant de prendre de meilleures décisions. Elle doit devenir une comptabilité décisionnelle .

La réforme comptable en Nouvelle-Zélande

L'expérience néo-zélandaise d'alignement de la comptabilité de l'Etat sur la comptabilité des entreprises est la plus poussée, même si d'autres pays, comme la Grande-Bretagne, l'Australie, l'Islande et les Pays-Bas ont mené des expériences voisines.

La Nouvelle-Zélande gère son budget comme une entreprise. L'approche patrimoniale est identique, puisque chaque ministère présente un bilan et un compte d'exploitation, et se voit assigner une obligation de dégager un excédent ou de limiter son déficit. Ces modalités de gestion rompent avec le principe d'unité de caisse de l'Etat, qui constitue pourtant un élément important de notre comptabilité publique. Les règles de la comptabilité analytique sont également en vigueur dans le secteur public.

Le coût d'utilisation du capital est facturé à chaque ministère à un taux de l'ordre de 10 %, et les crédits sont alloués par projet. Le raisonnement ne se fonde donc plus sur une logique de flux, mais sur une logique de stocks, avec une comptabilité patrimoniale complète, indiquant la valeur des biens possédés par l'Etat, le montant de ses dettes ou une évaluation, sous la forme de provisions, des risques qu'il court.

La privatisation des techniques comptables et de la gestion budgétaire aurait permis à la Nouvelle-Zélande de passer d'un déficit budgétaire de 9 % du PIB à un excédent de 1 % du PIB en dix ans, de 1984 à 1994. La dette publique est passée quant à elle de plus de 70 % du PIB en 1984 à 30 % du PIB, après une amputation des dépenses publiques de 10 points de PIB en cinq ans.

En 1997, l'instruction comptable M 14 a aligné la comptabilité des communes de plus de 3.500 habitants sur le plan comptable général de 1982. En particulier, l'instruction M 14 introduit les possibilités d'amortissement prévues par le plan comptable général, afin d'établir une image fidèle du patrimoine et du résultat des communes. Elle a écarté cependant les bâtiments et les infrastructures de l'obligation d'amortissement, compte tenu de l'importance du travail de recensement et d'évaluation que cela aurait impliqué, et des charges considérables qu'une telle mesure aurait créé pour les budgets communaux. La règle de prudence, exigeant des provisions, a également été introduite pour les garanties d'emprunts accordées par la commune à des tiers, et pour les dettes financières faisant l'objet d'un différé de remboursement. L'introduction de ces mesures souligne la tendance à l'assimilation par la comptabilité publique des concepts issus de la comptabilité privée. Enfin, les règles de rattachement des produits et des charges à un exercice ont été durcies : toute dépense communale doit être obligatoirement retracée dans les comptes dès l'existence juridique de son fait générateur, afin que soient strictement respectées les règles de l'annualité budgétaire et de l'indépendance des exercices.

Face à ces modernisations successives du système comptable des établissements publics et des collectivités territoriales, la prise de conscience de la nécessité d'une réforme de la comptabilité de l'Etat est devenue forte et générale. Ainsi, le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances pour 1999 indique que " la mise en évidence, de plus en plus fréquente ces dernières années, de différences existant entre comptabilités commerciales et comptabilité de l'Etat a conduit le plus souvent à la formulation d'observations ou de critiques à l'encontre des spécificités, voire des insuffisances, du système public, notamment en matière de description du patrimoine et de suivi des coûts.

Même si le système comptable public continuera de poursuivre des objectifs partiellement différents d'un système privé, il est apparu nécessaire de rechercher leur harmonisation . La démarche entreprise en 1999 se place d'ailleurs dans le prolongement de réformes antérieures engagées en 1970 et en 1988 lorsque l'Etat avait déjà rapproché son dispositif du PCG applicable aux entreprises conformément à l'article 133 du Règlement Général qui prévoit que les comptes de l'Etat sont tenus selon un plan comptable qui " s'inspire du plan comptable général ". ".

Le rapporteur général du budget de la commission des finances de l'Assemblée nationale propose de préciser dans la loi organique que le plan comptable de l'Etat ne doit s'écarter que de manière exceptionnelle du plan comptable général . A l'article 43 de sa proposition de loi organique, il inscrit en effet que les décrets " définissent également le plan comptable de l'Etat, qui ne se distingue du plan comptable général qu'à raison des spécificités de l'action de l'Etat. Il doit respecter, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves, les principes généraux définis par le plan comptable général ". Votre commission s'accorde avec l'esprit de cette disposition. Elle considère en effet que l'Etat ne doit pouvoir s'écarter du droit commun qu'en vertu de spécificités résultant exclusivement de sa nature même.

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