B. ... SONT, EN PRATIQUE, SÉRIEUSEMENT MIS EN QUESTION

Les dispositions législatives portant détermination des crédits publics doivent, naturellement, être respectées par l'exécutif. Sans doute, des souplesses lui sont utiles, mais leur usage ne doit pas être abusif, et, si elles doivent porter une atteinte excessive à l'autorité des lois de finances, il faut les encadrer soigneusement !

Une chose est de faire respecter l'autorisation parlementaire des crédits, une autre est de s'assurer que le champ de cette autorisation est suffisamment exhaustif. Un bilan des pratiques conduit inévitablement à conclure qu'un meilleur respect de la spécialité et de l'annualité budgétaires et de l'universalité des lois de finances s'impose.

Dans son article 2, l'ordonnance organique pose le principe que seules les lois de finances rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année. Comme celle-ci prévoit et autorise l'ensemble des charges de l'Etat, on en est amené à conclure que seul le Parlement est en mesure, une fois les dépenses de l'année déterminées par lui, d'en modifier le montant et la nature. Cette conclusion est toutefois erronée puisque, par plusieurs dispositifs, l'ordonnance confie à l'exécutif une délégation pour ajuster les crédits ouverts par l'autorisation parlementaire.

D'ailleurs, l'usage fait de ces facultés conduit à des modifications de crédits décidées par voie réglementaire qui, le plus souvent, excèdent celles issues de la loi.

Budget de l'Etat : modification au montant des crédits bruts

Modifications opérées par voie législative (a)

Solde des modifications opérées par voie réglementaire (b)

Total des modifications

Année

En milliards de francs

En % des crédits initiaux

En milliards de francs

En % des crédits initiaux

En % des crédits votés

En milliards de francs

En % des crédits initiaux

1981

+ 77,27 (c)

8,51

+ 68,92

7,59

7,00

+ 146,19

16,10

1982

+ 30,30 (d)

2,65

+ 54,74

4,79

4,66

+ 85,04

7,44

1983

+ 22,31

1,73

+ 48,65

3,79

3,72

+ 70,96

5,52

1984

+ 48,05

3,45

+ 67,96

4,88

4,72

+ 116,01

8,33

1985

+ 28,10

1,86

+ 95,29

6,31

6,20

+ 123,39

8,17

1986

+ 61,99 (d)

3,91

+ 88,49

5,58

5,38

+ 150,48

9,49

1987

+ 31,30

1,91

+ 132,25

8,07

7,92

+ 163,55

9,98

1988

+ 52,57

3,09

+ 104,98

6,17

5,98

+ 157,55

9,26

1989

+ 46,79

2,65

+ 108,84

6,17

6,01

+ 155,63

8,82

1990

+ 53,36

2,81

+ 125,43

6,60

6,42

+ 178,79

9,41

1991

+ 33,62

1,84

+ 119,56

6,55

6,43

+ 153,18

8,39

1992

+ 56,76

2,97

+ 124,45

6,51

6,32

+ 181,21

9,48

1993

+ 141,30 (d)

7,01

+ 80,18

3,98

3,72

+ 221,48

11,00

1994

+ 46,32

2,19

+ 125,53

5,96

5,83

+ 171,85

8,15

1995

+ 126,95 (d)

5,84

+ 84,63

3,89

3,68

+ 211,58

9,73

1996

+ 47,86

2,09

+ 130,84

5,72

5,60

+ 178,70

7,81

1997

+ 64,44

2,75

+ 134,24

5,72

5,57

+ 198,68

8,47

1998

+ 77,78

3,21

+ 134,77

5,57

5,39

+ 212,37

8,78

(a) Ouverture de crédits dans la quasi-totalité des cas.

(b) Y compris les rétablissements de crédits (15,44 milliards de francs en 1998) et les annulations associées aux lois de finances rectificatives.

(c) 4 lois de finances rectificatives.

(d) 2 lois de finances rectificatives.

1. Les crédits évaluatifs et provisionnels

Dans les hypothèses définies aux articles 9 et 10 de l'ordonnance, qui concernent les crédits évaluatifs et les crédits provisionnels, les dépenses effectives peuvent dépasser les crédits ouverts. Ces exceptions au caractère limitatif des crédits portent une réelle atteinte au principe de l'autorisation de la dépense par le Parlement. Elles ont, en outre, pour effet de minorer, en affichage, certains crédits pour un montant global non négligeable.

Ventilation des dépassements de crédits évaluatifs

(budget général)

(en millions de francs)

Nature des dépenses

1996

1997

1998

Evolution

1998/1997

(en %)

Titre I

Dette publique

Garanties diverses

Dépenses en atténuation de recettes

2.419,73

0,00

15.690,99

1.692,30

4.974,59

2.186,04

2.107,06

101,28

11.206,63

24,51

- 97,96

412,65

Titre III

Pensions civiles et anciens combattants

Frais de justice et réparations civiles

Cotisations et prestations sociales

454,72

341,24

2.337,91

652,31

429,68

964,02

233,53

220,71

867,94

- 64,20

- 48,63

- 9,97

Titre IV

Bonifications d'intérêts

Fonds national de chômage

Dations en paiement

Divers

489,57

1.511,17

0,00

2,61

2.738,45

883,22

149,51

0

0

514,32

40,30

0

- 100,00

- 41,77

- 73,04

0

TOTAL

23.247,95

14.670,11

15.291,77

4,24

Ventilation des dépassements de crédits

(budgets annexes)

(en millions de francs)

1995

1996

1997

1998

1998 :

dépassements rapportés au total net des crédits (en %)

Aviation civile

349,98

114,89

198,80

397,61

4,42

Journaux officiels

19,79

36,97

35,14

24,58

2,19

Légion d'honneur

2,89

3,09

4,66

2,04

1,31

Monnaies et médailles

11,75

9,07

22,03

38,25

2,64

Ordre de la Libération

0,75

0,70

0,57

0,37

8,78

BAPSA

938,82

1.194,35

512,48

1.388,57

1,49

TOTAL

1.323,98

1.359,06

773,68

1.851,42

1,77

Cette situation est si peu satisfaisante que, dans la proposition de loi déposée à l'Assemblée Nationale, les crédits évaluatifs et provisionnels sont presque totalement supprimés. Seules les charges d'intérêt versées sur la dette de l'Etat pourraient désormais donner lieu à des crédits évaluatifs.

Cette solution paraît extrême. En effet, certaines causes de dépenses sont, par nature, difficiles à maîtriser. C'est pour en tenir compte qu'il est proposé de maintenir l'existence des seuls crédits évaluatifs, mais pour les seules dépenses réunissant ces caractéristiques.

Cette souplesse accordée au gouvernement dans l'exécution des lois de finances ne doit pas être comprise comme le dispensant d'une évaluation sincère desdites charges. Au contraire, elle doit avoir pour contrepartie une demande de ratification des crédits ainsi ouverts dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'exercice concerné. Cette ratification ne fait pas actuellement l'objet d'une demande formelle, excepté pour les décrets d'avances intervenant dans la mécanique des crédits provisionnels. Cette dernière catégorie de crédits serait quant à elle supprimée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page