II. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE L'EAU :
ÉVOLUTION ACTUELLE ET PERSPECTIVE

3. Intervention de M. Jean-François SAGLIO, président d'honneur de l'Institut français de l'environnement

Quel sera le financement de la politique de l'eau dans l'avenir ? L'obligation qui nous est faite de respecter les différentes directives et d'entretenir ou de restaurer nos équipements d'adduction et d'assainissement entraînera une majoration probable du prix de l'eau de 5 à 7 francs le mètre-cube, à consommation constante, augmentation qui n'est pas négligeable.

Parallèlement, le financement des investissements va poser de sérieux problèmes : les collectivités locales ont peu de marge de manoeuvre pour leurs possibilités de financement direct, les agences de l'eau, quant à elles, sont aussi au maximum alors que l'on parle de réduire leurs moyens. Si tel était le cas, la France ne pourrait pas respecter ses engagements internationaux ni répondre à ses besoins.

C'est dire si l'effort de tous est indispensable et si le maintien des mécanismes de financement actuel est vital.

A. LE RÔLE DU DÉPARTEMENT AU SEIN DE COMPÉTENCES PARTAGÉES - SITUATION ET PERSPECTIVES.

4. Intervention de M. Claude HALBECQ, vice-président du Conseil général de la Manche, Assemblée des départements de France

Le département doit, aujourd'hui, jouer un rôle fondamental dans la répartition des compétences. Même si les responsables de la gestion de l'eau et de l'assainissement sont les communes et leurs groupement, il faut souligner que les acteurs de cette politique, bien que nombreux (consommateur, collectivités et prestataires de service), parviennent à mener une action constructive et positive autour des bassins et des agences.

Les Conseils généraux sont engagés depuis longtemps dans les politiques de l'eau. Les lois de décentralisation leur ont accordé quelques pouvoirs dans les domaines de l'investissement et de l'assistance technique. Toutefois, les actions menées par les Conseils généraux ne sont pas contraintes par ces lois, elles dépendent uniquement de politiques volontaristes. Elles s'appuient sur l'eau comme facteur de développement et d'aménagement du territoire. Parce qu'elle a un rôle politique, économique et environnemental, l'eau participe de la notion de gestion des sols. En agissant sur le secteur de l'eau, les départements mènent des stratégies prospectives.

Celles-ci se traduisent à la fois par un concours financier important, par un engagement dans la gestion et le développement des bassins, par un engagement responsable dans la programmation du Fonds national d'adduction en eau, mais aussi par la proposition aux communes d'une aide technique et financière.

L'action au niveau départemental me semble tout à fait pertinente. Elle assure notamment une cohérence des produits, permet de garantir le principe de solidarité territoriale et répartit de manière optimale l'ensemble des moyens financiers.

Les départements engagent, en moyenne, un budget annuel de 10 milliards de francs pour les politiques environnementales. 5 milliards de francs sont consacrés aux politiques de l'eau et 80 % de ces fonds concernent les politiques d'investissement, notamment pour la gestion des eaux usées . Du reste, il faut savoir que si les collectivités, en particulier les départements, ne s'étaient pas fortement engagées financièrement en faveur des politiques de l'eau, le prix de l'eau aurait été encore davantage affecté.

La décentralisation et la clarification des compétences de chacun dans le domaine de l'environnement n'étant pas encore achevées, l'action des départements s'est construite autour de politiques de contractualisation. La formule, simple et efficace, s'articule autour d'un projet, un maître d'ouvrage et des financements croisés.

Mais une telle démarche nécessite une bonne connaissance initiale des données de la politique de l'eau, afin de mieux planifier les actions à engager. Dans ce cadre, les départements ont initié, avec les ministères de l'environnement et de l'agriculture et Canalisateurs de France, des études permettant d'évaluer les investissements entrepris dans les politiques de l'eau. Cette approche, étendue à plusieurs départements, permettra de programmer dans la durée les investissements.

La mise en place de la politique de l'eau par la loi de 1992 pose néanmoins un certain nombre de problèmes. Tout d'abord, cette loi néglige certaines données fondamentales , telle que la connaissance des eaux souterraines, des réseaux et des liens avec les eaux superficielles. De plus, la question de l'évaluation des politiques de l'eau reste en suspens : un suivi permanent et efficace doit encore être organisé. Par ailleurs, l'insuffisance de moyens d'application a largement freiné la mise en oeuvre de la loi. Les procédures d'élaboration des SAGE sont trop lentes et complexes. L'insuffisance notoire des périmètres de protection des captages et l'absence de surveillance des forages abandonnés exposent les ressources à des risques de pollution importants. Le principe d'équité économique est de plus en plus difficile à respecter. Enfin, la déstabilisation des structures et la remise en cause des financements par les partenaires -à travers le FNDAE- restent l'écueil le plus douloureux.

En dépit de ces limites, la loi de 1992 a instauré un certain nombre d'acquis fondamentaux : le principe " pollueur payeur ", l'approche par bassin versant ou encore le rôle des agences de l'eau. La réforme qui est en cours et la préparation du VIII e programme des agences suscitent plusieurs interrogations : Comment parvenir à une meilleure organisation de la logique contractuelle ainsi qu'à une harmonisation des procédures ? Comment permettre une meilleure maîtrise d'ouvrage des SAGE ? Quels sont les périmètres d'intervention les plus pertinents ? Peut-on compter, par ailleurs, sur des solidarités agricoles dans la maîtrise des ressources et des pollutions ? Comment garantir enfin le maintien des moyens financiers affectés à l'eau, que ce soit vers les agences ou les collectivités, notamment dans le contexte de l'alimentation du Fonds national de la solidarité pour l'eau (FNSE) ou d'autres politiques qui ont tendance à accentuer cette dérive ?

Je tiens à signaler que les instances départementales ont été appelées à prendre position sur les éléments de la réforme de la politique de l'eau. Leur congrès de septembre 2000 a été l'occasion d'une délibération de synthèse.

Les Conseils généraux estiment tout d'abord que la décentralisation est bien mise à mal par l'avant-projet de loi. Or ils considèrent que le pouvoir local doit continuer à exercer ses droits. Les règles ne doivent pas être figées au niveau national. En conséquence, le département doit enfin être reconnu comme territoire pertinent pour la planification globale de l'assainissement et de l'eau potable.

En outre, les départements souhaitent que soient attentivement étudiées et débattues les répercussions des mesures annoncées, en particulier :

- la stabilité du produit des redevances des agences de l'eau face à la forte demande d'investissement des collectivités ;

- la suppression de la part fixe de la facture d'eau, qui ne constitue pas forcément une mesure très démocratique ;

- l'application du principe d'équité de traitement de tous les usagers de l'eau ;

- la réforme du FNDAE et du Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) qui connaissent un enlisement ;

- les modalités d'application des nouvelles taxes et redevances.

Par ailleurs, les Conseils généraux demandent que la réforme puisse garantir démocratie et équilibres financiers. Ils souhaitent ainsi que la réforme parvienne à plus d'équité dans la répartition des bénéfices potentiels de la gestion de l'eau sur les territoires, notamment les territoires fragiles.

Je tiens aujourd'hui à souligner le voeu des départements de rester des partenaires politiques de l'eau . Prêts à assumer totalement la décentralisation, les Conseils généraux estiment que les contrats ont fait leurs preuves et ils entendent renforcer considérablement leur rôle. Ils comptent notamment assumer les responsabilités financières de contrats librement négociés et conclus avec les partenaires de l'eau .

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