4. Le Centre Saint-Louis

Le Centre Saint-Louis, dont le budget 2000 se monte à 2,14 millions de francs pour seulement 1,6 million de subventions, est l'instrument majeur de l'action culturelle de l'Ambassade de France près le Saint-Siège, qui doit être replacée dans son contexte.

L'action internationale du Saint-Siège est en grande partie fondée sur la culture (formation d'ecclésiastiques venus à Rome du monde entier, problèmes théologiques, réflexions sur l'éthique, etc.). C'est ce qu'a bien compris le philosophe Jacques Maritain, ambassadeur de France entre 1945 et 1948 qui voulut doter l'Ambassade de France près le Saint-Siège d'un Centre culturel et d'un service culturel, et en fit la seule ambassade accréditée auprès du Saint-Siège à disposer d'un tel moyen d'action.

Sa mission est notamment d'assurer une présence de la culture française auprès des institutions pontificales, académies, dicastères, conseils, et, surtout, universités. Fort de 21 établissements d'enseignement supérieur, le paysage universitaire du Saint-Siège est très divers et accueille des étudiants venus du monde entier. Ceux-ci, pour la plupart, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes, seront appelés à jouer, pour beaucoup d'entre eux, un rôle important dans leur pays d'origine (évêques, supérieurs de congrégations). Ils représentent donc un enjeu de première importance et justifient les efforts de notre Ambassade en leur direction (enseignement de la langue française, bourses d'approfondissement de la langue en France, dons de livres français pour les bibliothèques, soutien à la venue de professeurs français...).

L'un des moyens principaux d'action du service culturel de l'Ambassade est le Centre culturel Saint-Louis de France. Dépendant du ministère français des affaires étrangères et de l'ambassade de France près le Saint-Siège, il assure la diffusion de la langue et de la culture françaises à travers de nombreuses activités pédagogiques et culturelles : cours de langue (français et italien) adaptés à tous les niveaux et à toutes les attentes, ainsi que préparation aux examens du DELF et du DALF, mais aussi école de théâtre, visites guidées, expositions, projections cinématographiques, conférences, débats, présentation de livres, concerts, ateliers pour enfants, concours de lecture et d'écriture, cours d'appréciation et de dégustation du vin français, etc. Il dispose en outre d'une bibliothèque riche de plus de 50.000 volumes, avec un pôle d'excellence dans les domaines de la philosophie et des sciences religieuses, 120 périodiques et un espace-jeunesse pour les 5-14 ans.

La note ci-après de M. Jean-Dominique Durand, Conseiller culturel de l'Ambassade de France près le Saint-Siège, directeur du Centre Saint-Louis de France explicite la finalité de cette institution originale.

« Le Centre Saint-Louis de France est né de l'intuition du philosophe Jacques Maritain que le général de Gaulle envoya à Rome en 1945 comme Ambassadeur de la France désormais libérée. Philosophe catholique, auteur de nombreux ouvrages fondamentaux tels que Art et Scolastique, Primauté du Spirituel, Humanisme intégral, il avait joué durant la guerre un rôle clé, comme relais de la France Libre à New York, et auteur, au temps de l'occupation, de A travers le désastre, analyse fine de la défaite qui eut une grande influence sur le développement de la Résistance spirituelle.

Dès son arrivé à Rome le 20 avril 1945, il eut la conviction de l'importance de l'enjeu culturel. Le catholicisme français connaissait alors une remarquable vitalité, tant sur le plan de la théologie (de Lubac, Congar, Chenu), des Lettres (Claudel, Mauriac), de la philosophie (Guitton, Gilson, Mounier), de l'exégèse biblique (École biblique de Jérusalem), de la recherche catéchétique (Père Colomb), de la pastorale avec les débuts de la Mission de France et les premières expériences des prêtres-ouvriers. Ce dynamisme rencontrait au Vatican de la méfiance et une crainte alimentée par le souci de l'emprise communiste, en raison de l'influence de l'Union Soviétique en Europe orientale et centrale, pour des publications et des initiatives dans lesquelles on voyait avant tout un dangereux progressisme. Dans l'esprit de Jacques Maritain, il fallait défendre ce catholicisme-là qui, bien souvent, s'était retrouvé avec lui dans ses combats d'avant-guerre contre la guerre d'Espagne, l'Action Française ou l'antisémitisme.

Jacques Maritain était soucieux d'assurer la meilleure diffusion possible de la culture française, qu'elle fût catholique ou issue de la tradition laïque. Remettant ses lettres de créance au pape Pie XII, il déclara :

« Il se trouve que pour représenter la France auprès de votre Sainteté, en ces jours où le monde émerge douloureusement de la plus atroce des guerres, le Gouvernement français a choisi un philosophe [...]. En vertu de sa mission, ce n'est pas seulement la France catholique que ce philosophe aura à représenter auprès du Souverain Pontife, c'est la France en sa totalité, avec les diversités internes qu'elle tient de son passé et qui sont réunies dans sa communion nationale. »

Dès son arrivée à Rome, le nouvel Ambassadeur demanda au Département la création d'un Centre français de Documentation catholique. Celui-ci ouvrit ses activités dès la fin de l'année 1945 et prit par la suite le nom de Centre d'Études Saint-Louis de France.

Depuis, le Centre n'a cessé de s'affirmer et de diversifier ses activités. Dirigé longtemps par des ecclésiastiques, les dominicains Félix Darsy (1945-1967) et Olivier de La Brosse (1967-1995), puis Mgr Jean-Michel Di Falco (1995-1997), il a depuis deux ans un directeur laïc venu de l'Université. Le Centre s'est doté dans les années 1950 d'un vaste auditorium qui a reçu les visites prestigieuses du général de Gaulle, des Papes Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II. Il lui a permis de développer des activités de conférences, de colloques, de cinéma auxquelles sa rénovation en cours, dont l'achèvement est prévu en février 2000, donnera un nouvel élan. Les cours de langue ont reçu une forte impulsion, et depuis un an une école de théâtre a été ouverte et le Centre s'est doté un orchestre de musique de chambre composé de jeunes musiciens de grande qualité, Roma Ensemble.

Sa bibliothèque est dotée de plus de 50.000 volumes. Elle est riche notamment dans les domaines de l'histoire, de la philosophie et bien sûr de la théologie. Un espace jeunesse y a été créé en 1999.

Les activités du centre visent comme le souhaitait Jacques Maritain à « représenter et diffuser la pensée et la culture chrétiennes d'origine française auprès de toutes les personnes résidant à Rome, de quelque nationalité qu'elles soient, mais aussi faire connaître la pensée et la culture de la France laïque auprès du clergé et des religieux de tous les pays ».

De ce fait, il est particulièrement actif auprès des institutions culturelles du Saint-Siège : Universités pontificales, Académies (par exemple l'Académie pontificale des Sciences, l'Académie pontificale des Beaux-Arts), des Conseils et Congrégations qui constituent la Curie romaine (comme le Conseil pontifical de la Culture). La plupart des activités, en particulier les conférences et colloques, sont désormais organisées en partenariat, ce qui permet au Centre de devenir un lieu de rencontres et de dialogue unique à Rome.

Devant l'année jubilaire qui verra affluer à Rome des milliers de pèlerins, parmi lesquels les francophones seront nombreux, le Centre Saint-Louis de France a des responsabilités singulières. Il s'agit de proposer des activités adaptées non seulement aux romains intéressés par la culture française, mais aussi à tout le public de passage afin de souligner l'importance des activités culturelles de notre Ambassade près le Saint-Siège. Le Centre proposera tout au long de l'année un programme de cinéma, avec la programmation des 45 grands films du siècle sélectionnés par la Filmothèque vaticane ; de théâtre avec la pièce de Jean Anouilh « Becket ou l'honneur de Dieu », interprétée par l'École de théâtre du Centre ; des conférences et journées d'études rassemblées autour de deux cycles, « Les Enjeux de notre temps » et « La France et 2000 ans de christianisme » ; de la musique avec un festival Jean-Sébastien Bach, donné par l'orchestre « Roma Ensemble ». Sur le plan musical, s'ajouteront de grands événements créés le plus souvent dans les églises nationales, notamment à la Trinité-des-Monts et à Saint-Louis des Français.

Enfin, une grande exposition préparée avec le soutien d'Alitalia, de Banco di Roma et de la Commune de Rome, réunira des peintres français, italiens et du monde entier sur le thème « Rome et le Jubilé ». Le Centre participe également à l'organisation d'une autre exposition à l'initiative des Pieux Établissements de la France à Rome et à Lorette ; inaugurée dès janvier 2000 dans le cloître de la Trinité-des-Monts, elle portera sur les relations séculaires entre la France et le Saint-Siège.

Ce programme est ambitieux. Il se veut surtout à la hauteur d'une année exceptionnelle et digne de la tradition historique de la présence française à Rome. »

Le rôle éminent de Jacques Maritain démontre quelle peut être le poids de certaines personnalités prestigieuses, lorsqu'il s'agit de donner ou de redonner vie à certaines institutions.

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