5. La durée d'incubation de la maladie humaine : des incertitudes mais des projections rassurantes

a) Les modélisations britanniques et françaises

Les épidémiologistes ne sont pas des devins et n'ont pas la possibilité de déterminer avec certitude le nombre de cas de « nouveau variant » à venir.

L'épidémiologiste Roy Anderson a effectué des modélisations pour le Royaume-Uni qui vont de quelques dizaines de cas à 136.000 victimes.

La modélisation la plus pessimiste tient compte d'une durée d'incubation moyenne de soixante ans . Cette durée est très longue : pour presque plus de 50 % des patients, elle signifierait une durée supérieure à soixante ans. Rappelons que, dans le cas du Kuru, la durée d'incubation a été comprise entre quatre et quarante ans.

Si l'on considère que la durée d'incubation moyenne ne dépassera pas soixante ans, le nombre de cas attendus en Grande-Bretagne chute à 6.000, ce qu'a confirmé M. Jacques Drucker, directeur général de l'Institut national de veille sanitaire : « les chiffres les plus raisonnables sur le plan scientifique publiés par nos collègues anglais font état d'une fourchette allant de 150 cas, hypothèse la plus basse, à environ 6.000 cas dans les trente prochaines années au Royaume-Uni » .

A partir des données de Roy Anderson, Mme Annick Alpérovitch a réalisé une évaluation pour la France -qu'elle a qualifiée elle-même de « très simpliste »-, au vu de l'exposition au risque de la population. Estimant, compte tenu des importations françaises d'abats anglais, que la population française a consommé vingt fois moins de produits contaminés par l'ESB que les Britanniques, Mme Alpérovitch en a déduit qu'il y aurait vingt fois moins de cas en France qu'en Grande-Bretagne : 6 à 300 personnes pourraient développer cette maladie au cours des soixante prochaines années.

Une telle évaluation nécessiterait pour être affinée d'apprécier réellement le risque représenté par la consommation d'abats anglais importés jusqu'en 1990, puis de la consommation d'abats français et européens jusqu'en 1996.

Ces chiffres ont été repris par M. Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé, qui a confirmé « en avoir parlé » avec Mme Dominique Gillot, alors secrétaire d'Etat à la santé, avant qu'elle ne s'exprime dans la presse sur cette question. On notera au passage que la même information a été jugée « inquiétante », lorsqu'elle a été annoncée par Mme Dominique Gillot en octobre 2000, puis « rassurante », quand elle a été présentée par Mme Annick Alpérovitch, en décembre de la même année.

Si l'on rapporte le chiffre de 300 personnes, pour une période de soixante ans, le nombre moyen de cas annuel serait de 5, ce qui montre le développement très limité du nouveau variant.

M. Lucien Abenhaïm a indiqué à la commission qu'on ne pourrait parler, pour le moment, d'épidémie.

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, a fait observer : « Le risque concerne 2,5 personnes, sachant que je déplore qu'elles soient atteintes et que j'ai développé des agences pour que le principe de précaution soit employé, ce que je ferai toujours, mais il faut savoir raison garder. Voyons les conséquences et les difficultés qui sont devant nous. Quand je vois qu'en France, il existe 750.000 cancéreux dont la santé publique ne tient pas assez compte et que l'on ne peut pas faire de prévention et de recherche suffisamment en amont, sans attendre que les personnes soient malades, je pense qu'il faut agir dans ce domaine et pour le reste, comme pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob » .

Sans prendre en compte le risque résultant de la consommation de viandes importées, M. Marian Apfelbaum, partant de l'hypothèse pessimiste de 136.000 cas au Royaume-Uni, a considéré que le nombre de cas pouvait être évalué en France à 136, puisque le nombre de cas d'ESB français est de l'ordre du millième du nombre de cas britanniques 74 ( * ) : « En d'autres termes, le danger pour la santé publique, en France, à consommer de la viande bovine, n'est pas significativement différent de zéro » .

* 74 Cette estimation rudimentaire ne tient toutefois pas compte du risque représenté par l'importation d'abats britanniques.

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