F. UNE ORGANISATION ADMINISTRATIVE ORIGINALE

Les parlementaires peuvent s'appuyer sur quatre niveaux de ressources humaines : leurs collaborateurs personnels, les collaborateurs des commissions, les collaborateurs des partis au sein de chaque chambre, enfin les fonctionnaires du Congrès.

• En premier lieu, les parlementaires perçoivent une dotation globale substantielle pour la rémunération de leurs collaborateurs politiques personnels et pour leurs frais généraux (abonnements, frais de transports et de représentation, mailings, location de bureaux dans leurs circonscription). En l'an 2000, cette dotation s'élevait à 987.000 dollars par an pour les membres de la chambre des Représentants. Pour les Sénateurs, elle est plus élevée et dépend de la population de leur Etat.

Avec cette dotation, les parlementaires peuvent notamment embaucher des collaborateurs politiques, qu'ils recrutent librement, mais qui ne peuvent en principe les aider pour leurs campagnes électorales.

Les Représentants sont limités à 18 collaborateurs permanents plus quatre non-permanents. En moyenne, ils employaient 14,6 collaborateurs en l'an 2000. Pour leur part, les sénateurs disposaient en moyenne de 35 staffers en l'an 2000 (contre trois pour les parlementaires français).

Les parlementaires sont ainsi de véritables chefs de PME, et, au total, les parlementaires employaient environ 10.000 collaborateurs politiques en l'an 2000.

La rémunération des staffers des personal offices est très lâchement encadrée : d'un côté, elle doit dépasser le salaire minimum (5,15 dollars par heure depuis 1997, soit un peu moins de 10.000 dollars par an pour un temps complet) ; de l'autre, elle ne peut excéder le plafond prévu pour les rémunérations dans la fonction publique (136.759 dollars annuels en l'an 2000).

Le Chief of staff d'un membre du Congrès est en moyenne un quadragénaire bien rémunéré (117.000 dollars par an en moyenne pour les Chiefs of staff des Sénateurs, et 98.000 dollars par an en moyenne pour ceux des Représentants), selon les données rassemblées par la Congressional Management Foundation , une organisation sans but lucratif qui propose divers services aux parlementaires pour les aider à gérer leur personnel et leur budget.

Cependant, à l'exception parfois des deux ou trois principaux cadres du s taff , la plupart des autres staffers des parlementaires sont relativement mal rémunérés : de l'ordre de 25.000 à 45.000 dollars par an pour ceux des Représentants.

En moyenne, ils sont donc relativement jeunes (souvent moins de 30 ans, presque toujours moins de 40 ans) et leur turnover est élevé.

Les staffers des parlementaires bénéficient toutefois de délégations de pouvoir importantes et d'un statut reconnu.

• En second lieu, les commissions disposent d'équipes propres (les committee staffers ), qui peuvent parfois comprendre plus d'une centaine de personnes (contre au plus une quarantaine pour les commissions permanentes des assemblées en France).

Contrairement à la France, les staffers des commissions ne sont pas des fonctionnaires parlementaires astreints à la neutralité politique et à un strict devoir de réserve, mais des collaborateurs politiques, recrutés à la Chambre pour deux-tiers par la majorité de la commission (en pratique, par le président de la commission) et pour un tiers par la minorité de la commission. Le règlement intérieur du Sénat prévoit pour sa part que la répartition des staffers doit être proportionnelle à la répartition partisane au sein de l'assemblée (50-50 depuis janvier 2001)

Chaque commission comprend donc deux équipes de staffers partisans .

Il incombe alors aux staffers de la majorité, en principe plus nombreux, de remplir les tâches dévolues dans les assemblées françaises aux fonctionnaires du service des commissions (préparation des auditions, organisation matérielle des travaux, préparation des rapports), tandis que les staffers de la minorité aident les parlementaires de la minorité à affiner leur stratégie et à choisir les personnes auditionnées dans les créneaux réservés à la minorité, puis préparent les auditions et rédigent leurs opinions dissidentes.

Hiérarchisées, les équipes de staffers sont placées le plus souvent sous les autorités directes respectives du président et du chef de la minorité de chaque commission : au contraire des fonctionnaires du service des commissions au Sénat français, elles ne constituent donc pas toujours une source d'expertise technique à la disposition des parlementaires individuels, notamment s'ils sont en désaccord avec le chef de leur parti au sein de la commission ou s'ils sont membres d'une autre commission.

Les staffers des commissions bénéficient de délégations de pouvoir étendues. Par exemple, le président et le chef de la minorité de chaque commission peuvent parfois demander à leurs staffers respectifs d'interroger les personnes auditionnées. De même, ce sont souvent les staffers qui négocient les compromis techniques.

Les fonctions de staffer de commission sont donc enviées : le chef du staff de la majorité d'une commission importante peut bénéficier d'un prestige analogue à celui du directeur ou du directeur-adjoint d'un cabinet ministériel en France.

• Par ailleurs, le leadership de chacun des deux partis politiques dispose de ses propres staffers , qui s'apparentent aux collaborateurs des groupes politiques et aux membres du cabinet du Président dans les assemblées françaises.

Ces staffers ne sont toutefois pas très nombreux (de l'ordre d'une grosse centaine par chambre, soit un ordre de grandeur légèrement supérieur à celui des effectifs cumulés des groupes et de la présidence dans les assemblées françaises), ce qui reflète la faible centralisation du pouvoir au sein du Congrès.

Le rôle de ces staffers est pourtant crucial : ce sont souvent eux qui sont chargés de proposer des astuces de procédure pour accélérer ou pour bloquer les débats.

• Enfin, le Congrès emploie près d'une quinzaine de milliers de fonctionnaires de carrière recrutés sur des critères exclusivement professionnels (soit cinq fois plus que le parlement français).

L'organisation de la fonction publique parlementaire est sensiblement différente aux États-Unis.

En effet, moins d'un cinquième de ces fonctionnaires sont spécifiquement affectés à l'une ou l'autre chambre, pour y exercer des tâches de gestion ou d'organisation matérielle.

Pour le reste la fonction publique parlementaire est bicamérale .

Les forces de police du Congrès, les services d'impression et de distribution et les services de l'architecte du Capitole sont ainsi conjoints, ce qui est d'ailleurs logique puisque les deux chambres occupent le même bâtiment, et ne sont séparées que par la rotonde du Capitole, qui abrite les commissions mixtes paritaires.

Ces services, ainsi que la bibliothèque du Congrès, qui joue aux États-Unis le rôle de notre Bibliothèque nationale, sont ainsi placés sous l'autorité de commissions mixtes paritaires permanentes ( Joint committees ).

De même, les agences du Congrès travaillent simultanément pour les deux chambres . Cette configuration prévient la duplication des moyens, et concourt sans doute à la qualité de l'expertise disponible. Cette configuration tend aussi à accroître l'indépendance de ces agences vis à vis de chacune des deux chambres.

Notons que les fonctionnaires parlementaires américains sont astreints à un devoir de neutralité politique dans l'exercice de leurs fonctions, et que ce principe est appliqué de manière beaucoup plus rigide qu'en France.

En effet, sauf exceptions, les fonctionnaires parlementaires américains ne participent pas à la réalisation de documents de nature politique. Par exemple, les commentaires politiques des rapports parlementaires sont en principe préparés par les staffers des commissions, même si des fonctionnaires du Congrès peuvent rédiger les parties techniques de ces rapports. De même, les fonctionnaires du Congrès ne préparent pas, en principe, des supports de communication politique (communiqués de presse, discours, etc.).

Les fonctionnaires du Congrès peuvent toutefois être détachés comme staffer pour une durée n'excédant pas un an.

Par contraste, on peut rappeler que les fonctionnaires parlementaires français sont conduits à rédiger des documents politiques pour des parlementaires de tout bord.

Si elle peut apparaître plus claire, l'organisation des tâches au sein du Congrès n'est cependant pas sans inconvénients.

En effet, la distinction fonctionnelle expertise technique / expertise politique conduit les fonctionnaires du Congrès à multiplier les documents écrits et les briefings formels à destination des staffers politiques, sans que l'utilité immédiate de ces travaux soit toujours assurée.

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