II. VUE D'ENSEMBLE DES MOYENS D'INFORMATION DU CONGRÈS

A. UN PARLEMENT PUISSANT, DONC UN AFFLUX D'INFORMATIONS

De manière générale, le Congrès étant puissant, il est spontanément soumis à un afflux d'informations.

En premier lieu, les staffers des parlementaires et des commissions sont continûment démarchés par la dizaine de milliers de lobbyists opérant à Washington, alors que les professionnels représentant des entreprises ou des groupes de pression ne sont que quelques centaines en France, et s'adressent principalement au gouvernement et aux administrations.

Souvent difficiles à distinguer de ceux des lobbyists , tant ils tendent de plus en plus à promouvoir des idées politiques, les travaux des Think Tanks , sont également envoyés de manière assez systématique aux parlementaires.

De même, les départements ministériels, les agences fédérales et surtout l'administration présidentielle sont en contact étroit avec les membres du Congrès et leurs staffers . En effet l'exécutif a besoin du Congrès pour faire avancer ses projets. Il n'est d'ailleurs pas rare que le Président des États-Unis saisisse son téléphone pour convaincre un par un des Sénateurs réticents.

Enfin, les membres du Congrès jouent, comme les parlementaires français, un rôle de médiation entre leurs électeurs et l'administration, et le courrier parlementaire constitue une source précieuse d'information. Ce rôle peut d'ailleurs aller relativement loin : le président de la commission du budget de la chambre a récemment ouvert un site internet invitant le public à faire état de gaspillages de deniers publics.

Compte tenu par ailleurs du nombre de leurs collaborateurs, les parlementaires reçoivent ainsi un volume considérable d'informations, et les commissions du Congrès sont en mesure de suivre très étroitement les activités des administrations fédérales de leur ressort.

En fait, les membres du Congrès éprouvent plutôt des difficultés à gérer et à hiérarchiser l'afflux d'informations qui leur sont destinées, et qui sont pour la plupart politiquement orientées, d'où leur appétence pour des synthèses objectives telles qu'en produisent des agences du Congrès.

B. DES POUVOIRS DE CONTRÔLE ÉTENDUS

Au delà de l'information qui leur parvient spontanément, les membres du Congrès disposent de pouvoirs de contrôle étendus.

Le pouvoir de contrôle du Congrès est en effet traditionnellement considéré comme un prolongement direct du pouvoir de légiférer, dans la mesure où ces contrôles permettent in fine d'améliorer la législation : la première grande enquête parlementaire date d'ailleurs de 1792. Elle portait alors sur la conduite de la guerre contre les Indiens.

Ce pouvoir de contrôle a été formalisé et délégué aux commissions permanentes dans le cadre des Legislative Reorganization Acts de 1946 et de 1970.

Les commissions permanentes ont d'ailleurs non seulement le droit, mais aussi le devoir de suivre la mise en oeuvre des lois dont elles ont eu à connaître, et, par extension, le fonctionnement des administrations concernées. Les commissions permanentes doivent ainsi établir un programme de contrôle et en publier périodiquement des compte rendus .

Pour ce faire, les commissions disposent de prérogatives étendues. En particulier, elles peuvent assigner des témoins à comparaître et les obliger à déposer sous serment, y compris si ces témoins sont des fonctionnaires. Le refus de déposer ou de transmettre des documents est un délit passible d'un an de prison, et le Congrès a engagé près de trois cents procédures judiciaires sur ce fondement depuis 1945. L'obligation de déposer n'exclut cependant pas le droit des témoins à bénéficier de la protection du 5 ème amendement, qui interdit l'utilisation de leurs propos dans toutes les actions judiciaires ultérieures.

En pratique, les commissions peuvent sub-déléguer leurs missions de contrôle à des sous-commissions permanentes. De même, les chambres du Congrès peuvent constituer des commissions d'enquête.

La Cour suprême a fixé des limites au pouvoir d'enquête du Congrès : le Congrès ne peut en effet enquêter que s'il y a un intérêt législatif à le faire et si la fin justifie les moyens. En particulier, depuis la décision Watkins v. US , postérieure aux années sombres du maccarthysme, le Congrès ne peut enquêter à la seule fin d'exhiber des faits et les droits des témoins sont protégés comme devant tout tribunal (les témoins peuvent donc être assistés de leur avocat).

En pratique, ce pouvoir d'enquête demeure toutefois très large.

Par ailleurs, le Congrès a multiplié les institutions ou les procédures destinées à assurer un contrôle automatique du fonctionnement des administrations publiques, en sus du General Accounting Office , l'équivalent américain de la Cour des Comptes, dont les activités seront détaillées chapitre V.

C'est ainsi le Congrès, et non l'administration fédérale, qui a créé des inspections internes statutairement indépendantes dans près d'une soixantaine de départements ministériels et d'agences fédérales (y compris la CIA). Leurs rapports et leurs programmes de travail sont transmis au Congrès.

De même, le Congrès a adopté en 1993 le Government Performance and Results Act qui oblige depuis 1996 les principales agences fédérales et les principaux départements ministériels à préparer des rapports de performance annuels et des plans stratégiques soumis au Congrès et au Président.

En pratique, ces documents semblent à ce jour relativement formels . Déclinés unité par unité au sein de chaque agence, ils constituent toutefois un outil de réflexion interne et un levier de changement. En outre, les plans stratégiques contiennent des engagements qui, même formulés en des termes relativement généraux, obligent les administrations concernées à rendre publiquement des comptes . Ces documents ont également permis au Congrès d'identifier certaines redondances, ce travers étant aux États-Unis la contrepartie du démembrement de l'administration en agences autonomes.

Enfin, la procédure budgétaire s'avère souvent un puissant instrument de contrôle du fonctionnement des administrations fédérales. Lors des auditions organisées par les commissions dépensières ou par les sous-commissions en charge de leurs crédits, les responsables des agences fédérales sont en effet soumis à des questions inquisitoriales, et doivent justifier de l'existence et de l'efficacité de leurs administration, comme de la conformité des politiques publiques dont ils ont la charge avec l'intention du législateur. Il n'est alors pas rare que les crédits d'une administration ou d'un programme soient minorés, ou bien que le Congrès adopte des cavaliers budgétaires restreignant ou interdisant explicitement à des administrations la poursuite de certaines de leurs activités.

Au total, les organes du Congrès disposent en principe de moyens de contrôle étendus.

Le nombre et l'intensité des contrôles se sont d'ailleurs accrus au cours des années 1990, en lien notamment avec :

- la dégradation de la situation des finances publiques ;

- l'impopularité croissante des administrations fédérales à la suite de la révélation d'abus commis par la CIA, le FBI ou l'administration fiscale ;

- la défiance croissante du Congrès envers l'exécutif à la suite de l'Irangate , et plus généralement le durcissement de la « cohabitation » entre le Congrès et le Président ;

- enfin, la couverture médiatique croissante dont bénéficiaient ces investigations.

Notons toutefois que ces contrôles, surtout lorsqu'ils sont effectués directement par des organes politiques du Congrès, et non pas par le General Accounting Office (GAO), se heurtent à de réelles difficultés , de sorte que les parlementaires se plaignent souvent du peu d'effets pratiques de leurs investigations.

Ces difficultés proviennent des réticences de l'exécutif.

Mais ces difficultés résultent aussi du fonctionnement du Congrès. Il est en effet difficile à des parlementaires de formuler des recommandations directement opérationnelles et d'en suivre étroitement la mise en oeuvre. En outre, le manque de continuité, d'unité et de cohérence du Congrès ne lui permettent pas toujours de surmonter l'inertie de l'administration, d'autant plus que les intérêts des commissions sont divergents. Par exemple, les commissions dépensières tendent à multiplier les taxes affectées, qui contournent le contrôle exercé par les commissions des crédits.

Enfin, la fragmentation de l'administration en agences autonomes dont les missions s'enchevêtrent, et l'externalisation croissante de missions de service public à des acteurs privés, rendent plus délicate la recherche de « responsables ». S'agissant par exemples des retards ou des surcoûts relatifs aux programmes d'armement, le Congrès peine parfois à démêler les responsabilités relatives des différentes administrations et des entreprises privées concernées.

Au total, même aiguillonné par les média, le Congrès ne peut pas toujours imposer sa « volonté ».

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