3. La non-anticipation du choc financier des retraites

Les premières projections provisoires du Conseil d'orientation sur les retraites (COR), instance de réflexion et de concertation mise en place par le gouvernement en juin 2000, confirment en grande partie le diagnostic dressé en 1999 par le commissaire général au Plan, Jean-Michel Charpin.

Ces projections, basées notamment sur l'hypothèse d'un taux de chômage à 4,5 % en 2010 avec 3,1 millions d'actifs occupés supplémentaires, prévoient qu'à l'horizon 2020 le régime de retraite de base des salariés du privé connaîtrait un besoin annuel de financement de l'ordre de 72 à 99 milliards de francs. Les deux extrémités de la fourchette dépendant, pour l'essentiel, du profil de progression de la retraite moyenne dans les prochaines années. En 2040, le déficit annuel de ce régime d'assurance-vieillesse atteindrait 261 milliards de francs au minimum, 325 milliards de francs au maximum. Lesdites projections sont un peu moins pessimistes que celles du rapport Charpin qui, avec des hypothèses de départ similaires, prévoyait un déficit de la caisse nationale d'assurance vieillesse compris dans une « fourchette » de 100 à 125 milliards de francs.

S'agissant des régimes complémentaires (AGIRC et ARRCO), le déficit prévu par le COR à l'horizon 2020 est respectivement de 13 et 7 milliards de francs, tandis qu'à l'horizon 2040 ce déficit s'élève à 27 et 93 milliards de francs.

Le régime des fonctionnaires connaîtrait lui un déficit annuel de 132 milliards de francs en 2020 et de 241 milliards de francs en 2040. Enfin, s'agissant de la fonction publique territoriale, ce besoin annuel de financement s'élèverait à 48 milliards de francs à l'horizon 2020 et 137 milliards de francs à l'horizon 2040.

Ces chiffres ne font que confirmer l'effort financier qu'il reste à accomplir pour assurer l'équilibre du système de retraite, même dans une conjoncture favorable.

Les déficits futurs des régimes de retraite (chômage à 4,5 % en 2010)

Besoin de financement annuel en milliards de francs

2020

2040

Régimes des salariés

- 72 à - 99

- 261 à - 325

Agirc

- 13

- 27

Arrco

- 7

- 93

Fonctionnaires

- 132

- 241

CNRACL (fonction publique territoriale)

- 48

- 137

Source : COR

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Laurent Fabius, a déclaré, après avoir pris connaissance de ces projections du COR : « il existe à terme un vrai problème d'équilibrage des retraites et il va falloir le résoudre, ce sera l'un des axes majeurs de la prochaine présidence ». En outre, il a affirmé que la répartition « doit rester le socle des retraites, même s'il peut y avoir des aménagements complémentaires ».

Votre rapporteur ne peut que constater qu'une fois encore, le gouvernement affirme de grands principes sans y adjoindre de réelles décisions. Or, les projections du COR le confirment, si rien n'est fait rapidement, les hypothèses les plus pessimistes concernant l'avenir de notre système de retraite seront validées. En outre, votre rapporteur ne peut que se rallier à l'analyse précitée de notre collègue Alain Vasselle concernant l'avenir « hypothéqué » du fonds de réserve des retraites. Selon lui, le FRR souffrira dès sa deuxième année d'existence d'un déficit de 15 milliards de francs sur les 55 milliards de francs de recettes escomptées par le gouvernement.

Le FRR doit être doté de 1.000 milliards de francs d'ici à 2020, selon le plan annoncé par le Premier ministre en mars 2000 ce qui suppose des recettes annuelles moyennes de l'ordre de 30 à 35 milliards de francs. Or, pour l'année 2000, le FRR accuse déjà un retard de 15 milliards de francs avec seulement 20 milliards de francs accumulés. En 2001, ce retard va s'aggraver puisqu'au lieu des 55 milliards de francs prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FRR ne devrait bénéficier que d'une dotation de 40 milliards de francs.

En outre, comme il a déjà été souligné, le FRR est en grande partie privé des excédents du FSV que l'Etat « ponctionne » pour financer ses mesures sociales : politique de réduction du temps de travail, allocation personnalisée d'autonomie ou prise en charge de la dette de l'Etat à l'égard de l'AGIRC-ARRCO. Au total, ce sont 540 milliards de francs cumulés en 2020, intérêts financiers non compris, qui seront prélevés sur le FSV, autant de fonds détournés de leur destination principale : le FRR.

Pourtant, dans son rapport préparatoire au présent débat, le gouvernement indique : « Pour ne pas faire peser sur les générations les plus jeunes l'ensemble de cet ajustement et trouver les moyens d'assurer le financement des retraites sur le long terme, le gouvernement a souhaité prendre de l'avance et décidé en 2000 de constituer un fonds de réserve des retraites qui devrait représenter environ 10 points de PIB (1.000 milliards de francs actuels) d'ici à 2020 ».

En définitive, ce sont en réalité les excédents de la branche famille captés par le FSV en contrepartie partielle des ponctions qu'il a subies qui sont susceptibles de financer le fonds de réserve des retraites. Ainsi, sur 725 milliards de francs d'excédents confondus du FSV (310 milliards de francs) et de la branche famille (415 milliards qui viennent alimenter le FSV par transfert de charge et prélèvement sur recettes), seul un quart (185 milliards de francs) pourrait lui être attribué.

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