2. Des délais de jugement jugés excessifs par les entreprises

Les délais de jugement des affaires de contrefaçon impliquant le droit du brevet sont longs : ils seraient de près de trois ans 63 ( * ) en moyenne devant le Tribunal de grande instance de Paris, auxquels s'ajoutent trois ans et demi en moyenne pour la Cour d'appel de Paris. Les auditions par votre rapporteur d'avocats et de magistrats spécialisés en brevets, ont, quant à elles, conduit, sur la base de l'expérience de ces professionnels, à une estimation d'au moins 18 mois en moyenne pour la première instance. Le tableau suivant, tiré d'une étude précitée de l'IRPI 64 ( * ) sur la jurisprudence parisienne relative à la contrefaçon, qui porte sur l'année 1998, montre qu'il s'agit plutôt du bas de la « fourchette » d'estimation :

DURÉE MOYENNE DES AFFAIRES DE CONTREFAÇON DE BREVET

(Juridictions parisiennes)

Nombre d'affaires renseignées

Durée moyenne en mois (en année)

Durée minimale en mois (en année)

Durée maximale en mois (en année)

1 ère instance

126

33,0 (2,7)

18,4 (1,7)

91,7 (7,6)

Appel

25

42,3 (3,8)

18,7 (1,6)

88,2 (7,4)

Source : IRPI 1999

D'après cette étude, dans les juridictions parisiennes 65 ( * ) , en première instance, la majorité des affaires de contrefaçon de brevets est jugée entre deux et trois ans. Parmi les affaires les plus longues, l'IRPI indique que onze cas de contrefaçon de brevets ont été jugés en plus de cinq années, dont un cas au-delà de sept ans. Il est intéressant de noter que la distribution du nombre d'affaires par classes de durée d'affaires apparaît symétrique autour de la moyenne :

NOMBRE D'AFFAIRES DE CONTREFAÇON DE BREVET EN PREMIÈRE INSTANCE PAR CLASSES DE DURÉE D'AFFAIRES

Source : IRPI 99

L'IRPI a également étudié la durée des affaires de contrefaçon de brevets devant la 4 ème chambre de la Cour d'appel de Paris, et a pu observer qu'aucune affaire de contrefaçon de brevet n'avait fait l'objet d'une décision en moins d'un an, et que seulement deux affaires sur vingt cinq avaient été jugées en moins de deux ans. Pour la majorité des affaires concernant un brevet, la durée s'étale entre trois et quatre ans.

NOMBRE D'AFFAIRES DE CONTREFAÇON DE BREVET EN APPEL
PAR CLASSES DE DURÉE D'AFFAIRES

Source : IRPI 1999

A noter que l'étude indique que ces délais sont sensiblement plus élevés que pour les autres types de contrefaçons (marques, dessins et modèles, propriété littéraire et artistique) traités par les mêmes juridictions, où, selon la même étude, la majorité des affaires est traitée en moins de deux ans . Les statistiques du ministère de la justice quant à la durée des procédures de l'ensemble des tribunaux nationaux compétents pour les affaires de brevets terminées en 1999 corroborent peu ou prou cette estimation :

DURÉE MOYENNE DES AFFAIRES TERMINÉES EN 1999 (EN MOIS)

Tribunaux de grande instance

Cours d'appel

Type d'affaires

19,7

17,5

Demande de contrefaçon ou de nullité de brevet

11,8

5,8

Demande de délivrance d'une licence ou de fixation d'une redevance

9,7

18,1

Demande de requalification des contrats de licence-cession de brevets

9,1

16,3

Durée moyenne des affaires civiles en France 66 ( * ) en 1997

Source : Ministère de la justice et étude précitée « propriété industrielle : le coût des litiges » pour les chiffres de la durée moyenne des affaires civiles en France

Ces délais, supérieurs à la moyenne des contentieux civils , sont jugés excessifs par les entreprises. Il existe, certes, la possibilité du recours au référé. Les statistiques ne recensent pas son utilisation mais cette procédure ne serait maniée que rarement et non sans une certaine prudence par les parties.

Il faut dire que les magistrats français auraient chaque année quatre fois plus de cas à traiter que les « juges » des chambres de recours de l'OEB . La croissance des contentieux est constante. Comme le faisait observer à votre rapporteur un avocat spécialisé en propriété industrielle 67 ( * ) , il est symptomatique de constater que la troisième chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, spécialisée dans la propriété industrielle, dispose désormais d'une troisième section de trois magistrats pour faire face à l'inflation du contentieux. En ce qui concerne la Cour d'Appel de Paris, la 4 ème chambre Section A a rendu en 1998, 354 décisions, en 1999, 401 décisions, en 2000, 533, soit une croissance de 50 % en 2 ans , sachant qu'au 23 mai 2001, 274 décisions ont été rendues. Si ce rythme est maintenu, en 2001, ce sont 654 décisions qui auront été rendues, soit un quasi doublement depuis 1999.

Outre la charge de travail écrasante des magistrats , première cause citée par la majorité des personnes entendues, il ressort des consultations menées par votre rapporteur que la complexité des affaires est indéniablement en cause, ainsi que, parfois, semble-t-il, la propension des parties (ou au moins d'une des deux parties) à « faire traîner » les procédures et particulièrement l'expertise -nécessairement contradictoire- censée aider le juge à déterminer le montant des dommages et intérêts. Certains délais de mise en état du dossier sont d'ailleurs incompressibles.

* 63 D'après l'étude précitée de l'Institut de recherche en propriété industrielle Henri Desbois.

* 64 Institut de recherche en propriété intellectuelle.

* 65 3 ème chambre du Tribunal de Grande instance de Paris.

* 66 Source : Etude précitée du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur le coût des litiges de propriété industrielle.

* 67 Maître Fabienne FAJGENBAUM, coordonnateur de la Commission ouverte « propriété industrielle » de l'Ordre des avocats du Barreau de Paris.

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