u) Association des Spécialistes en Propriété Industrielle de l'Industrie (ASPI) - Mardi 22 mai 2001

- M. Pierre Gendraud , président de l'ASPI, entreprise PSA ;

- M. Jacques Bauvir , Vice-président de l'ASPI, Michelin ;

- Mme Catherine Lhoste , administrateur de l'ASPI, L'Oréal.

M. Pierre Gendraud - A une écrasante majorité, les membres de l'ASPI souhaitent que la France signe le protocole de Londres instaurant un régime linguistique simplifié pour le brevet européen. Notre position est sans équivoque.

M. Jacques Bauvir - L'ASPI représente l'ensemble des membres des services « brevets » de l'industrie française.

M. Pierre Gendraud - Nos membres, s'ils ont la même expertise et capacité technique que les conseils en propriété industrielle, sont, du fait de leur appartenance à des sociétés, davantage préoccupés du devenir des entreprises industrielles françaises.

M. Francis Grignon - Une solution où seulement l'Anglais serait retenu vous conviendrait-elle ?

M. Pierre Gendraud - Absolument pas. Utiliser le Français comme langue de procédure à l'OEB est un avantage auquel les entreprises françaises sont très attachées. Avec l'accord de Londres, un brevet délivré en Français sera valable en Allemagne, en Angleterre, ...

Dans un régime trilingue, les trois langues sont réellement pratiquées. Ainsi en est-il du Français dans le système de Munich. Dans un système multilingue, à 11 langues par exemple, l'Anglais s'impose de facto comme mode de communication. Il faut garder un système trilingue.

M. Jacques Bauvir - Le brevet est, depuis deux siècles, un équilibre entre une restriction concurrentielle et une divulgation des inventions. Actuellement, les traductions interviennent trop tardivement de ce dernier point de vue, qui est celui de la veille technologique. Avec les brevets déposés par la voie PCT, les entreprises françaises prennent déjà connaissance en Japonais des dépôts de brevets de leurs concurrents japonais.

M. Pierre Gendraud - Les entreprises françaises sont très attachées au Français comme langue de procédure à l'OEB.

Mme Catherine Lhoste - Il est possible, par exemple, de mener en langue française, à l'OEB, la procédure d'opposition contre un brevet délivré à un concurrent. C'est un avantage très appréciable.

M. Francis Grignon - Que pensez-vous de l'OEB ?

M. Pierre Gendraud - L'OEB rencontre actuellement des difficultés de rythme de délivrance des brevets européens, liées à un engorgement consécutif au traitement des demandes PCT, ainsi qu'à des problèmes de personnel.

M. Jacques Bauvir - Mais il faut souligner qu'une entreprise est nécessairement plus intéressée à la délivrance des brevets de ses concurrents qu'aux siens, car le premier rôle de la propriété industrielle est de déterminer la liberté de faire de l'entreprise. La rapidité de la délivrance n'est pas toujours un avantage.

M. Francis Grignon, rapporteur - Pouvez-vous me donner une idée de l'importance des brevets dans la stratégie de vos entreprises ?

M. Pierre Gendraud - En général, c'est 5 % du budget recherche et développement, qui représente lui-même entre 2 et 6 % du chiffre d'affaires de l'entreprise, disons en moyenne 4 %. Au total, on peut estimer que les brevets représentent 0,2  % du chiffre d'affaires. Ce pourcentage est d'autant plus élevé que le chiffre d'affaires est faible.

M. Francis Grignon, rapporteur - D'après votre expérience, quel est le coût d'un brevet européen ?

M. Pierre Gendraud - Environ 400.000 francs. Dans mon entreprise, je ne valide pas dans tel ou tel pays un brevet pourtant délivré par l'OEB, en raison du coût important des traductions, des validations et des taxes de maintien en vigueur. J'opère une restriction en raison des coûts afférents. Le marché peut d'ailleurs être bloqué avec une désignation de quelques pays européens seulement.

M. Jacques Bauvir - Il en coûte plus cher, dans mon entreprise, en Europe qu'aux Etats-Unis et au Japon pour la propriété industrielle, en raison :

- du coût des traductions dans le système européen (20 à 25.000 francs par pays) ;

- du coût élevé des taxes de maintien en vigueur.

Un des intérêts du brevet européen est sa souplesse : on peut ne désigner que quelques pays sur les 20 possibles.

Les traductions actuellement obligatoires ne sont pas consultées. Elles interviennent bien trop tardivement pour être des informations utiles. Pour la veille technologique, nous utilisons les publications des demandes, 18 mois après le dépôt.

M. Francis Grignon - Pensez-vous que les entreprises françaises ont assez bien intégré, dans leur organisation, l'enjeu de la propriété industrielle ?

M. Pierre Gendraud - Aux Etats-Unis, l'unité « brevets » est fréquemment rattachée à la direction générale. En France, on trouve trois types de rattachement :

- à la direction de la recherche -pas toujours en prise sur la stratégie- ;

- à la direction juridique -où il existe un risque de perte de lien avec les chercheurs- ;

- ou un double rattachement juridique et scientifique. C'est le cas dans mon entreprise.

M. Jacques Bauvir - Chez Michelin, après un rattachement auprès de la direction technique, c'est désormais à la direction juridique que rapporte l'unité « propriété industrielle ». Les grandes orientations de propriété industrielle sont déterminées, sur sa proposition, par les trois dirigeants du groupe.

Mme Catherine Lhoste - Chez L'Oréal, la propriété industrielle est directement rattachée à la direction générale de la recherche, responsable de la recherche, des contrats et de la réglementation.

M. Francis Grignon, rapporteur - Pourquoi les PME françaises déposent-elles si peu de brevets ?

M. Jacques Bauvir - Elles ont une vision de la propriété industrielle trop axée sur la « protection » et pas assez sur la « liberté d'exploitation ». L'inflation actuelle du dépôt de brevets manifeste plutôt l'extension du champ de la brevetabilité que l'augmentation de l'inventivité.

M. Francis Grignon, rapporteur - Pourquoi les PME allemandes déposent-elles plus de brevets que leurs homologues françaises ?

M. Pierre Gendraud - A cause du régime -favorable outre Rhin- de rémunération des inventions de salariés.

Mme Catherine Lhoste - Les PME françaises ne se rendent parfois compte de l'importance du brevet que lorsqu'elles sont bloquées, dans leur développement, par un brevet déposé par un concurrent.

M. Pierre Gendraud - Le coût des litiges (500.000 francs en moyenne) n'est pas couvert en France par les indemnités accordées (250.000 francs en moyenne). Les frais de procédure sont très mal remboursés. Et les dossiers sont très mal, sinon pas du tout, renseignés sur les dommages subis. Enfin, les juges désignent trop peu souvent des experts pour déterminer le montant des dommages et intérêts.

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