2. Le ministère des Finances et l'optimisation de la dette de l'Etat

a) Un problème de financement

Par une note en date du 5 juin 2000 135 ( * ) , la Direction du Trésor appelle l'attention du ministre sur les conséquences de la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement pour l'attractivité de la dette française.

« La dette publique française apparaît actuellement en perte de vitesse sur les marchés du fait des initiatives prises ou annoncées outre-Rhin (réforme fiscale, discipline budgétaire en faveur de la réduction des déficits, mise aux enchères des licences UMTS et rachats de dette) en faveur du marché des Bund, qui donnent le sentiment au marché -notamment dans le monde anglo-saxon- qu'un véritable « cercle vertueux » de la dette s'est enclenché en Allemagne, sans équivalent en France ».

Et d'ajouter :

« Le spread 136 ( * ) France-Allemagne s'est élargi sur l'ensemble de la courbe de plusieurs points de base depuis le début du mois de mai ; ce mouvement s'est accéléré ces derniers jours sur les titres à dix ans et, fait sans précédent dans la période récente, un spread en notre défaveur est apparu sur les cinq ans avec l'Allemagne ainsi que sur les dix ans avec les Pays-Bas ».

b) Le fonds de réserve peut-il servir un objectif intermédiaire ?

Devant cette dégradation des conditions du financement de l'Etat français, la Direction du Trésor recommande une annonce sur la réduction du programme de financement et le lancement d'un programme de rachat de dette.

Ainsi que le suggère la Direction du Trésor « cette annonce pourrait utilement être mise en relation avec l'annonce des décisions du Gouvernement quant à l'utilisation des recettes tirées de l'attribution des licences UMTS ».

Les difficultés rencontrées par l'Etat dans les conditions de son financement trouvaient une réponse partielle dans le fonds de réserve des retraites. La Direction du Trésor, proposant des modifications de l'horizon des outils financiers mis à la disposition du fonds de réserve 137 ( * ) prétend que sa recommandation « devrait contribuer à accroître la demande pour les titres français et resserrer ainsi l'écart de taux entre les titres français et allemands dont l'évolution récente est particulièrement préoccupante .

Et cette Direction d'ajouter « En outre, dès lors qu'elles seront investies en titres publics, les sommes placées dans le fonds de réserve des retraites viendront réduire la dette publique brute au sens de la comptabilité nationale ».

Personne ne saurait naturellement rester indifférent aux impératifs d'une bonne gestion de la dette publique mais cette préoccupation ne doit pas interférer avec la mission du fonds de réserve sauf à dériver progressivement vers d'autres préoccupations tout aussi estimables que pourraient être, par exemple, l'aménagement du territoire ou le soutien de l'emploi.

De fait, la Direction du Trésor se montre réservée quand il s'agit d'orienter le placement du fonds de réserver vers des « placements éthiques ou socialement responsables ».

Le danger des objectifs intermédiaires :
les placements éthiques ou socialement responsables

Le 27 septembre 2000, dans sa séance consacrée au fonds de réserve, le Conseil d'orientation des retraites ne s'est pas prononcé sur une politique précise de placement des fonds mais « certains de ses membres ont cependant insisté sur la nécessité que soient fixés, en cas de placement en actions, des critères éthiques, environnementaux ou sociaux susceptibles de guider les choix ».

Le Conseil a demandé à la Direction du Trésor des éléments complémentaires sur le recours à ce type de placement. La Direction du Trésor livre des analyses éclairantes.

Les investissements « éthiques » ou « socialement responsables » existent depuis de nombreuses années aux Etats-Unis mais également au Royaume-Uni, en Suisse et au Canada, et consistent à intégrer aux décisions d'investissements financiers des critères sociaux ou environnementaux.

Les règles de sélection demeurent très hétérogènes, s'appuyant souvent sur les lignes directrices affichées par des organisations internationales (OCDE, World Bank, OIT) relatives aux droits de l'Homme, à l'environnement.

Aux Etats-Unis, par exemple, un filtrage est exercé par ces fonds visant à exclure des secteurs d'activité comme le tabac, l'alcool, les ventes d'armes et les jeux d'argent.

1/ Un risque financier

La Direction du Trésor fait état des mésaventures du fonds de réserve du Québec dont la gestion est confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec :

« La Caisse de dépôt a le pouvoir d'investir les réserves dans des placements diversifiés. Cependant, la loi fixant le montant de la Caisse l'oblige également à contribuer au développement économique du Québec et aux besoins de financement du secteur public. Cela a conduit le régime des rentes du Québec à des investissements qui ont été vivement critiqués par le passé parce que semblant répondre à des pressions politiques. Ces investissements ont par la suite entraîné des pertes élevées pour le fonds de réserve du Québec ».

La Direction du Trésor conclut ainsi « il apparaît qu'un double objectif pour le fonds de réserve peut être source de problèmes importants ».

2/ Un surcoût de gestion

Il est en outre noté que « l'éventuel placement d'une partie des actifs du fonds dans des investissements socialement responsables pourrait entraîner un coût supplémentaire de gestion ».

* 135 Soit un jour avant l'annonce du 6 juin par M. Laurent Fabius.

* 136 Différentiel de taux d'intérêt.

* 137 Cf. IV-A-1.

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