VII. L'APPORT DU TRANSPORT FLUVIAL MAL APPRECIE

Le transport fluvial ne représente qu'une part modeste (7,2 milliards de t-km en 2000, soit 2 % environ) des acheminements de marchandises au niveau national. A cela deux principales raisons :

• Le réseau à grand gabarit, seul vecteur possible du développement du fret fluvial, n'irrigue qu'un nombre limité de départements, et a le désavantage de se répartir entre divers bassins (Seine - Oise, Moselle, Rhin, Saône - Rhône) non interconnectés.

• Les opérateurs fluviaux français n'ont pas la tradition et la puissance des compagnies belges, hollandaises et allemandes.

Toutefois, après une baisse régulière entre 1980 et 1996 (- 40 % sur toute la période), une dynamique nouvelle, forte et durable, est apparue à partir de 1998 (1998 : + 9,2 % ; 1999 : + 10 % ; 2000 : + 6 % en t-km). La réorganisation de la profession, la suppression du « tour de rôle » à partir de janvier 2000 et des politiques commerciales efficaces des ports fluviaux et des armateurs ont largement contribué à cette évolution qui a permis :

• d'élargir les marchés traditionnels (charbon, matériaux de construction, granulats, céréales, produits sidérurgiques,....) à de nouveaux marchés (conteneurs, colis lourds, déchets ménagers, déchets industriels, produits chimiques,...) ;

• de développer le transport fluvio-maritime, notamment sur le Rhône et sur la Moselle.

• Et finalement, d'afficher une croissance continue entre 6 et 10 % par an au cours de ces dernières années (+ 28 % en t-km de 1997 à 2000) , sans infrastructure fluviale nouvelle.

Face à ce constat, les ambitions du document SMSCT restent assez modestes pour un mode de transport alternatif à la route qui devrait être réellement favorisé 76 ( * ) :

• L'objectif de croissance moyenne de 3,5 % sur la période 1996-2020 77 ( * ) est très en dessous de ce qui est constaté actuellement.

• Un seul grand projet est évoqué, Seine-Nord, avec une double incertitude qui tient à l'évocation d'un « aménagement progressif » et un financement (15 milliards de francs) non assuré 78 ( * ) .

Figure 9 : Evolution passée des tonnes-kilomètres sur le réseau fluvial français, et progression future suivant le scénario MV

Le scénario de VNF présenté le 15 juin 2000 ( scénario qui considère une "dynamisation des politiques publiques en faveur de la voie d'eau"), estime atteignable un trafic de 13 milliards de t-km en 2010 , hors apport de la liaison Seine-Nord.

L'étude économique de la liaison Seine - Nord, réalisée par VNF en 1998, montre qu'à l'horizon 2015, dans l'hypothèse d'une mise en service en 2010, 13 millions de tonnes de marchandises pourraient emprunter le canal Seine - Nord, contre 3 millions aujourd'hui sur le canal du Nord.

En conséquence, avec Seine - Nord en service, l'objectif de 13 milliards de t-km prévu en 2020 par le scénario MV a toute chance d'être largement dépassé. Il y a là une anomalie vis-à-vis de l'objectif général de développement des modes alternatifs à la route pour le fret ; objectif qui devrait d'ailleurs normalement conduire à affirmer dans les schémas de services la réalisation rapide du canal Seine- Nord.

Il convient de rappeler que le transport fluvial continue à progresser dans les pays où les zones industrielles et les ports maritimes sont accessibles aux convois à grand gabarit. La part de ce mode peut alors non seulement s'avérer important (comme l'illustre le tableau ci-après) mais aussi être la condition indispensable pour des créations ou des extensions d'industries lourdes.

Répartition par mode de transport dans les pays européens proches de la France disposant d'un réseau à grand gabarit, en % des t-km

Pays

Route

Rail

Fluvial

Pipeline

Total

Allemagne

67,4 %

15,7 %

13,7 %

3,2 %

100%

Belgique

69,3 %

15,1 %

12,5 %

3,1 %

100%

France

75,0 %

16,5 %

1,9 %

6,6 %

100%

Luxembourg

70,9 %

18,9 %

10,1 %

0 %

100%

Pays Bas

47,9 %

3,9 %

42,0 %

6,2 %

100%

Source : Eurostat

Le taux de 1,9 % pour la France métropolitaine devient 9 % (source VNF en 1998) si l'on considère la France « mouillée », c'est à dire les territoires desservis par la voie d'eau.

Le projet de canal à grand gabarit « Saône - Moselle » est inscrit au schéma directeur européen. La connexion entre les bassins de la Moselle et du Rhin et du bassin Saône - Rhône revêt un intérêt évident et créerait l'infrastructure nord-sud européenne qui manque à ce jour (cf. carte du réseau fluvial européen à la section 1.12). Il serait légitime que les SMSCT évoquent ce projet, ne serait-ce que pour permettre l'engagement des études qui permettraient d'apprécier son utilité 79 ( * ) .

* 76 A noter que la multiplicité des opérateurs facilite pour les chargeurs une qualité de service qu'il est plus difficile d'atteindre dans le cas où l'opérateur modal dispose d'un monopole.

* 77 A noter qu'il n'y a pas cohérence entre ce chiffre du tableau récapitulatif de la page 108 et l'objectif de doublement en 10 ans indiqué à la section 222 page 65. Une croissance de 3,5 % par an conduit à une progression de 41 % en 10 ans, ce qui est bien éloigné d'un doublement !

* 78 « Le financement .... impliquerait une ressource publique spécifique », page 123, section 333.

* 79 Par ailleurs si le projet Seine-Nord est réalisé au cours de la prochaine décennie, il pourrait être regrettable qu'aucun projet ne puisse être engagé avant 2020 si l'efficacité économique et environnementale du transport fluvial se confirme.

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