N° 416

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 27 juin 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative au nom patronymique ,

Par M. Serge LAGAUCHE,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : Mmes Dinah Derycke, président ; Janine Bardou, Paulette Brisepierre, M. Jean-Louis Lorrain, Mmes Danièle Pourtaud, Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Jean-Guy Branger, André Ferrand, Lucien Neuwirth, secrétaires ; Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Bernadaux, Mme  Annick Bocandé, MM. André Boyer, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Yann Gaillard, Patrice Gélard, Francis Giraud, Alain Gournac, Mme Anne Heinis, MM. Alain Hethener, Alain Joyandet, Serge Lagauche, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Jacques Machet, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. Philippe Richert, Alex Türk, André Vallet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2709 , 2911 , 2901 et T.A. 639

Sénat : 225 (2000-2001)

État civil.

Mesdames, Messieurs,

Par lettre en date du 23 mai 2001, M. le Président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a saisi la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, conformément aux dispositions du paragraphe III de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, d'une demande d'avis sur les conséquences de la proposition de loi relative au nom patronymique adoptée par l'Assemblée nationale le 8 février 2001.

Dans sa séance du 23 mai 2001, la délégation a donné un avis favorable à la saisine et a bien voulu me faire l'honneur de me désigner comme rapporteur.

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Destiné à désigner une personne pour l'individualiser et l'identifier dans la société, le nom patronymique ou le patronyme, plus couramment appelé « nom de famille », a une connotation résolument masculine par la référence qu'il induit au nom du père.

Or, cette situation, qui trouve son origine dans la formation du droit de la famille, constitue aujourd'hui, sinon un anachronisme, du moins un vestige d'une conception patriarcale du droit et un remugle d'une époque que l'on voudrait révolue.

La proposition de loi déposée par M. Gérard Gouzes, député, et les membres du groupe socialiste et apparenté, adoptée le 8 février 2001 par l'Assemblée nationale, vient opportunément adapter le droit du patronyme avec le droit positif en favorisant l'égalité entre les femmes et les hommes par l'introduction du nom parental. Cette réforme s'inscrit dans l'approfondissement et le perfectionnement du droit de la famille et répond à l'attente d'un grand nombre de personnes -en particulier des femmes- qui y voient à juste titre l'abolition d'un symbole fort d'une conception dépassée de la transmission du nom.

I. UNE RÉFORME QUI FAVORISE L'ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Le dernier tiers du XX e siècle a été marqué par une évolution sensible du droit civil, en particulier du droit des personnes. Les lois qui sont intervenues l'ont été dans le sens d'une recherche patiente de la parité des droits entre les hommes et les femmes. Qu'il s'agisse des régimes matrimoniaux, du divorce, des règles de la filiation, le législateur a constamment cherché à faire disparaître ou à corriger les aspérités de l'ancien droit tout imprégné d'une conception patriarcale dominatrice.

A cet égard, on peut se féliciter de la réforme de la dévolution du nom patronymique et l'on ne peut nier qu'elle s'impose. Elle permettra si elle est adoptée de mettre un terme à un régime qui s'est créé de façon empirique, qui était discriminatoire vis-à-vis des femmes et qui traduisait se faisant une réelle inégalité entre les parents.

A. LA FIN D'UN RÉGIME DE TRANSMISSION DU NOM EMPIRIQUE, DISCRIMINATOIRE ET INÉGALITAIRE

Les règles d'attribution du nom patronymique empruntent depuis plus de deux siècles, davantage à la coutume et à la jurisprudence qu'à la loi proprement dite. En effet, initialement, le Code civil ne faisait que des allusions au nom et n'en réglait pas de façon précise la dévolution. Certes, la loi du 6 fructidor an III dispose qu' « aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autre que ceux exprimés dans son acte de naissance », ajoutant que « ceux qui les avaient quittés seront tenus de les reprendre » et l'article 57 du Code civil d'ajouter que tout acte de naissance doit comporter le nom du père et de la mère.

Mais c'est en fait la jurisprudence qui, tout au long du XIX e siècle, affirmera la prééminence du nom paternel, dans un régime où l'état de la femme mariée était en sujétion complète vis-à-vis de son mari et où la puissance paternelle était exclusive de tout autre autorité au sein de la famille.

Le législateur ne fera qu'une tardive traduction dans le Code civil de la transmission coutumière ou jurisprudentielle du nom patronymique, avec la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation et l'article 332-1 du Code civil sur la légitimation par le mariage.

Cette transmission du seul nom du père est aujourd'hui ressentie comme quelque peu discriminatoire et en décalage avec les évolutions récentes du droit de la famille. Si on la rapproche avec la réforme des régimes matrimoniaux survenue avec la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, l'introduction de l'autorité parentale avec la loi n° 70-459 du 4 juin 1970, et la réforme du divorce avec la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975, ou encore la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux permettant d'utiliser à titre d'usage un autre nom que celui qui a été transmis par les parents, la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 sur l'autorité parentale et enfin la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, force est de constater qu'il existe un hiatus avec l'attribution quasi exclusive du nom du père alors même que les textes précités ont eu pour objet de corriger progressivement jusqu'à l'effacement complet les discriminations qui frappaient les femmes et affirmer corrélativement la parité des droits des femmes et des hommes au sein du couple.

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