2. Un enchevêtrement de responsabilités

La situation juridique des cours d'eau de la vallée de la Somme est à l'image de son réseau hydraulique, complexe. Elle révèle un enchevêtrement de responsabilités.

a) La Somme

Inscrite à la nomenclature des voies navigables, la Somme appartient au domaine public fluvial de l'État.

La partie du fleuve comprise entre l'écluse de Sormont, qui jouxte le canal du Nord, et celle de Saint-Valéry-sur-Somme a fait l'objet d'un transfert de compétence à la région Picardie par le décret n° 92-648 du 8 juillet 1992 14 ( * ) .

La loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État autorise en effet les régions à assumer de plein droit l'aménagement et l'exploitation des voies navigables situées sur leur territoire, et les départements à faire de même pour les voies non navigables.

L'État conserve la propriété du domaine et la responsabilité de certaines missions régaliennes telles que la police de l'eau.

La région a ensuite concédé, pour une durée de cinquante ans, l'aménagement et l'exploitation des voies au conseil général de la Somme par une convention du 2 octobre 1992. Celui-ci est responsable de l'entretien et de l'exploitation de la voie navigable, de l'étude et de la surveillance des travaux neufs courants et des grosses réparations, ainsi que de la gestion administrative du domaine public fluvial. Il assure la mise en valeur paysagère des sites.

Ne disposant pas de services propres, le conseil général a signé avec l'État une convention prévoyant la mise à disposition des services de la direction départementale de l'équipement pour l'accomplissement de ces tâches. Sont ainsi concernés une cinquantaine d'agents de la subdivision navigation et six agents de la subdivision maritime.

LE « PARTAGE IMPOSSIBLE »
DES SERVICES DÉPARTEMENTAUX DE L'ÉQUIPEMENT

Selon, la mission commune d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation 15 ( * ) , le « partage impossible » des services techniques déconcentrés de l'équipement illustre les obstacles à la partition des services, qui se heurte aux difficultés d'organiser les transferts de personnels correspondants.

Une première disposition 16 ( * ) , restée lettre morte, prévoyait à la fois une partition des services ou parties de services en fonction de la répartition des compétences et la création d'une conférence du parc des ponts et chaussées, coprésidée par le préfet et le président du conseil général.

Puis, en 1987, a été retenue une solution sauvegardant davantage les intérêts de l'État que ceux des conseils généraux 17 ( * ) : le transfert des parties de services intéressant les départements 18 ( * ) , sans que les subdivisions territoriales soient transférées aux conseils généraux, en vertu du principe retenu par le législateur selon lequel ne doivent pas être transférées au département ou à la région les parties de services dont les communes auraient besoin pour assumer correctement leurs compétences. Ainsi, les subdivisions territoriales restaient simplement mises à disposition du conseil général en tant que de besoin. Pour la gestion du parc des ponts et chaussées, deux organismes 19 ( * ) ont été créés, seul celui présidé par le préfet ayant une importance significative.

La mise en oeuvre concrète de ce dispositif réglementaire n'a pas été homogène sur l'ensemble du territoire. En conséquence, la « non-partition » de la direction départementale de l'équipement concentre tous les défauts du dispositif :

- le principe de la loi du 7 janvier 1983, selon lequel la mise à disposition des services de l'État au profit des collectivités locales ne devait être que temporaire, n'a pas été respecté ;

- le décret du 13 février 1987 ne fait pas référence au droit d'option des agents défini par le législateur, compromettant ainsi la réalisation ultérieure de tout partage de services.

Après que les lois de finances pour 1990 et 1991 eurent fixé les modalités de recours des départements aux activités industrielles et commerciales des DDE, le dispositif, expérimenté dans onze départements, a été généralisé par la loi du 2 décembre 1992 20 ( * ) .

Celle-ci avait deux objectifs principaux : elle organisait la mise à disposition des départements du parc et des subdivisions territoriales sous forme conventionnelle 21 ( * ) ; elle clarifiait les relations financières entre l'État et les départements en matière d'équipement et de fonctionnement.

Compromis entre des positions initiales opposées, cette loi a permis de maintenir l'unité du parc de l'équipement, défini comme « un élément du service public de la DDE » et d'éviter un démantèlement de cette direction départementale. Elle permet aussi à l'État de rester activement présent sur l'ensemble du territoire national. Cependant, selon la mission commune d'information du Sénat, elle est incontestablement en contradiction avec l'esprit et la lettre de la loi du 7 janvier 1983.

La commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy, qui a remis son rapport au Premier ministre le 17 octobre 2000, juge quant à elle nécessaire de permettre aux agents de l'État affectés dans les services départementaux d'opter pour la fonction publique territoriale, afin que la clarification intervenue en matière de structure administrative s'accompagne d'une clarification en matière de gestion du personnel.

Ainsi, la proposition n° 53 du rapport « Refonder l'action publique locale » dispose-t-elle que « les agents de l'équipement placés sous l'autorité du président du conseil général doivent pouvoir opter pour la fonction publique territoriale ».

Votre commission d'enquête note que le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 juin 2001, tend à ériger le département en collectivité locale compétente de droit commun en matière d'exploitation, d'entretien et d'aménagement des voies navigables et non navigables.

Il offre la possibilité de compléter le transfert de compétence par un transfert de propriété du domaine concerné, à l'exception des cours d'eau d'intérêt national dont la liste serait fixée par décret. Toutefois, la police de l'eau resterait de la compétence de l'État 22 ( * ) .

* 14 Le transfert de compétence vise précisément le canal de la Somme, du mur aval de l'écluse de Sormont (point kilométrique 39,093) au point kilométrique 54,130, et la Somme canalisée, du point kilométrique 54,130 au mur aval de l'écluse de Saint-Valéry-sur-Somme (point kilométrique 156,448).

* 15 « Pour une République territoriale », rapport n° 447 (Sénat 1999-2000) de M. Michel Mercier au nom de la mission commune d'information présidée par M. Jean-Paul Delevoye et chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales.

* 16 Décret du 31 juillet 1985.

* 17 Décret n° 87-160 du 13 février 1987.

* 18 Transports scolaires, services gérant les ports, voirie départementale, contrôle des subventions départementales.

* 19 Le comité financier de gestion, présidé par le président du conseil général, et le comité des collectivités utilisatrices, présidé par le préfet.

* 20 Loi n° 92-1255 du 2 décembre 1992 relative à la mise à disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l'équipement et à la prise en charge des dépenses de ces services.

* 21 Elle proposait principalement deux formules de conventionnement de l'activité départementale des directions départementales de l'équipement :

- soit les moyens humains et matériels consacrés aux compétences départementales restent communs avec ceux affectés aux missions de l'État et des communes, sous l'autorité du directeur départemental de l'équipement (application de l'article 6 de la loi du 2 décembre 1992) ;

- soit ces moyens sont individualisés dans des services qui se consacrent aux activités départementales, sous l'autorité du président du conseil général (application des articles 6 et 7 de la loi).

Dans les deux cas, le personnel conserve son statut antérieur, reste payé par l'État et placé sous l'autorité hiérarchique du directeur départemental de l'équipement.

* 22 Articles 23 à 27 du projet de loi n° 3205 (Assemblée nationale, onzième législature) portant réforme de la politique de l'eau.

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