b) Un bilan positif

Si l'assistance technique a pu montrer certaines limites, elle s'est révélée dans l'ensemble un instrument efficace de l'aide au développement et un relais essentiel de l'influence française.

L'assistance technique dans les pays du champ a fait l'objet de quatre séries de critiques principales :

- la pérennisation des fonctions ; comme le note le rapport Nemo, la carrière des coopérants les plus anciens a pu se dérouler à l'étranger « depuis leur période de volontariat du service national jusqu'aux abords de la retraite » ; cette tendance n'était pas propice au renouvellement des compétences et à l'adaptation de l'aide aux besoins ;

- la pratique d'une coopération de « substitution » et, pour conséquence, un transfert retardé des compétences aux cadres nationaux et une certaine déresponsabilisation des élites locales ;

- un appel insuffisant aux personnels locaux dans la mise en oeuvre des projets d'aide au développement ;

- enfin, la facilité du recours à l'assistance technique a pu conduire, comme le souligne le rapport Nemo, à écarter d'  « autres formules qui auraient pu être mieux adaptées ». Or, « en cas d'impossibilité de disposer d'assistants techniques « directs » pour épauler certains projets, le recours à d'autres formes d'appui en compétence (organismes sous-traitants, bureaux d'études ou de conseil), optiquement plus coûteuses, a le plus souvent conduit à rationaliser l'analyse des besoins réels et à réduire la demande de personnel nécessaire à l'accomplissement des missions, sans pour autant compromettre la bonne fin de ces projets » .

Cependant, la portée de ces critiques reste limitée.

En premier lieu, l'assistance technique a su évoluer au fil des années et corriger les principales faiblesses qui lui étaient reprochées. Ainsi, à partir des années 80, la coopération dite de « substitution » a été progressivement réduite. Parallèlement, à la suite du décret de 1992, le temps de séjour dans un même pays a été ramené à six ans et la mission des coopérants mieux précisée.

Ensuite, et surtout, les avantages du système français apparaissent difficilement contestables. En premier lieu, à la différence des missions d'expertise courte pratiquées par les institutions internationales, un séjour prolongé permet une meilleure connaissance des réalités du « terrain » et des attentes de nos partenaires. Cette expérience a contribué à prémunir la coopération française des excès dont les institutions de Bretton Woods ont parfois fait montre en voulant appliquer sans véritable discernement aux économies en développement les principes inspirés du libéralisme anglo-saxon. La Banque mondiale et le FMI ont, depuis lors, largement infléchi leur politique, donnant raison a posteriori aux orientations françaises. Il est regrettable, à cet égard, que notre pays n'ait pas su réellement valoriser le savoir-faire des coopérants afin de peser sur les décisions des institutions internationales et de prévenir les conséquences, parfois désastreuses, de choix trop dogmatiques.

L'assistance technique représente également un gage d'efficacité pour la politique de développement. Elle fournit, en effet, l'encadrement humain indispensable dans un premier temps à la mise en oeuvre des projets de développement, en particulier lorsqu'il s'agit d'infrastructures sociales (santé et éducation). La présence de coopérants constitue une garantie aux yeux mêmes d'autres bailleurs de fonds. A contrario , l'absence de soutien humain peut constituer une contrainte et conduire le bailleur à se replier sur un nombre limité de projets. Il en est ainsi de l'Union européenne qui, à Madagascar par exemple, tend à privilégier la construction de routes dont la mise en service ne requiert pas, en principe, un véritable accompagnement (bien que l'expérience montre que la pérennité des infrastructures dépend de l'entretien et, partant, d'une organisation et d'une logistique humaine qui trop souvent font défaut).

La présence humaine permet de varier le champ de la coopération, de l'adapter aux besoins des populations et de fournir les bases d'une action plus fine et plus efficace. Certes, l'une des difficultés majeures de la politique de coopération porte sur les conditions dans lesquelles s'organise la relève des assistants. Parfois, en effet, à la suite du départ d'un coopérant, un projet peut péricliter. La formation des responsables locaux, la pérennité de l'action entreprise constituent, à coup sûr, les objectifs fondamentaux de l'action de coopération. Ces éléments apparaissent déterminants pour fixer la durée nécessaire de l'assistance technique sur place. Vos rapporteurs reviendront plus loin sur ce point.

Enfin, l'assistance technique constitue un vecteur de l'influence française , instrument d'autant plus pertinent que, du fait de la durée de leur séjour, les coopérants français peuvent réellement s'intégrer au sein des structures auprès desquelles ils travaillent : ils sont ainsi en mesure de gagner la confiance de leurs partenaires. Par ailleurs, cette présence demeure aussi un relais non négligeable de la diffusion de notre langue.

Source d'un savoir-faire, gage d'efficacité, instrument d'influence, l'assistance technique apparaît comme l'atout majeur de la coopération française . Elle connaît cependant, depuis une décennie, une crise sérieuse dont les effets peuvent se révéler très préjudiciables pour notre politique de développement.

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