b) Les responsabilités particulières de la France

Comment mieux articuler l'aide européenne et la politique de développement française ? Cette question met en jeu non seulement l'efficacité globale de l'aide mais aussi la capacité de donner un prolongement européen aux priorités qu'entend défendre la France en matière de développement et, singulièrement, le maintien d'un flux d'aide substantiel à l'Afrique subsaharienne.

La réponse dépend dans une large mesure de l'influence qu'exerce notre pays sur l'organisation de l'aide communautaire. Certes, le poids de notre pays se retrouve dans les grandes orientations -il a été déterminant, par le passé, pour établir un lien durable entre la Communauté et les Etats ACP ; il s'est manifesté de nouveau avec la signature de l'accord de Cotonou en 2000 destiné à remplacer les accords de Lomé afin de préserver une relation privilégiée avec cette zone et maintenir le volant d'aide que plusieurs Etats membres voulaient revoir à la baisse.

En revanche, l'influence de notre pays dans le circuit de décision, au quotidien, des instances communautaires paraît plus modeste et ne semble en tout cas pas à la mesure de sa contribution financière .

• La France, premier contributeur de l'aide européenne

La participation française à l'aide européenne représente actuellement 14 % du montant total de notre aide publique au développement contre 11 % en 1994. Cette évolution s'explique principalement par l'importance de la quote-part française -24,3 %- au Fonds européen de développement qui place notre pays au premier rang des contributeurs européens.

A l'occasion des discussions relatives au financement du neuvième FED dans le cadre des accords de Cotonou signés le 23 juin 2000, notre pays aurait souhaité un rééquilibrage de sa clé de contribution dans un sens plus conforme à sa part dans le budget communautaire.

Pour préserver l'enveloppe destinée aux pays ACP, contestée par une partie de nos partenaires européens, la France a cependant dû consentir, à l'heure où elle prenait la présidence de l'Union, au maintien des clés de répartition.

Toutefois, la Commission a récemment fait part de son intention de soumettre au Conseil avant 2003 un examen des avantages et des inconvénients d'une budgétisation du FED. L'intégration de l'aide aux pays ACP au sein du budget communautaire permettrait un partage des charges proportionnel aux participations des Etats membres au budget et donc une répartition plus équitable que celle retenue dans le cadre d'un fonds dont les dotations doivent régulièrement être renégociées.

La relative inefficacité de l'aide communautaire dont témoigne la part considérable des engagements non liquidés a conduit certains à se demander s'il était opportun pour la France de maintenir son effort financier et s'il ne serait pas plus efficace de privilégier le canal bilatéral. Le rapport de M. Yves Tavernier au Premier ministre 14 ( * ) s'est fait l'écho de cette interrogation : « l'Europe n'est pas à la hauteur de ses engagements et de ses responsabilités. Son cadre fonctionnel, sa bureaucratie centralisée, ses lourdeurs procédurières et ses contradictions limitent son influence dans le débat sur les valeurs, les objectifs et les moyens. La France, premier contributeur au FED, est en droit de s'interroger sur la lisibilité et l'efficacité de sa dotation ».

• Les conditions d'une influence accrue

Le renforcement de l'influence française peut prendre différentes formes. Mais il apparaîtra d'autant plus efficace qu'il respectera une certaine discrétion et s'appuiera sur les procédures de décision traditionnelles.

Il est possible et souhaitable en premier lieu d'étendre les délégations de crédit comme le permet le neuvième FED sur la base de procédures qu'a encouragées, comme on l'a vu, la déclaration commune du Conseil et de la Commission de novembre 2000. L'AFD a déjà participé à des dispositifs de ce type : elle a signé deux accords financiers lui déléguant la gestion de crédits multilatéraux : ligne de financement de projets PME/PMI pour le compte de la société financière internationale (20 millions de dollars), facilités de refinancement PROPARCO pour le compte de la Banque européenne d'investissement (20 millions d'euros). En juin 1999, l'AFD et la Commission ont signé un protocole d'accord relatif au cofinancement, à la gestion de projets, d'échanges de personnels, de rapprochement des procédures et d'évaluation conjointe des projets. La généralisation de ce dispositif peut toutefois rencontrer certains obstacles : on a déjà dit la réticence de la Commission à jouer le rôle de simple guichet ; en outre, nos autres partenaires européens dont beaucoup restent faiblement représentés dans les pays de la zone ACP soupçonnent parfois la France de privilégier ses intérêts diplomatiques et économiques. Les services de la Communauté leur apparaissent comme une garantie utile de neutralité. C'est pourquoi, la voie des délégations de crédit, qu'il convient de développer, doit être utilisée avec un souci constant d'explication et de transparence de la part de notre pays tant vis à vis de la Commission que des autres Etats membres.

Aussi conviendrait-il de ne pas négliger l' influence indirecte qui peut s'exercer en amont du processus de décision auprès des cadres de la Commission. Le Royaume-Uni est passé maître dans un exercice destiné à influer sur les « décideurs » communautaires, à les convaincre si bien de la pertinence de ses positions qu'ils les font leurs. Cet exemple devrait être médité par la France. D'après les témoignages recueillis par votre délégation auprès de hauts fonctionnaires de la Commission, les Britanniques procurent aux services communautaires des dossiers d'information très documentés et des analyses qui contribuent à nourrir leur réflexion. Plus encore, au cours de 2001, ils ont adressé à une cinquantaine de fonctionnaires de la Commission un document intitulé « Comment influencer l'aide communautaire ? » et organisé par la suite des réunions individuelles avec chacun des destinataires. Les interlocuteurs de vos rapporteurs ont reconnu que ces efforts, conduits intelligemment, avaient pour résultat une certaine imprégnation des choix communautaires par les idées britanniques. La France a-t-elle suffisamment réfléchi à ce type de démarches comme elle y aurait intérêt ?

* 14 Yves Tavernier, la coopération française au développement, rapport au premier ministre, 1999, La documentation française.

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