CONCLUSION DU COLLOQUE

M. Gérard Larcher, vice-président du Sénat, sénateur des Yvelines

En conclusion de nos débats sur l'avenir des postes européennes, il convient tout d'abord de se souvenir qu'à Lisbonne il y a eu un accord unanime des Quinze pour poursuivre la démarche de nouvelle réglementation postale engagée depuis plus de dix ans. La traduction française « dérégulation » pourrait laisser croire à un mode d'organisation sans règles, alors qu'il existe des règles nouvelles ; il ne s'agit pas de la naissance d'une quelconque société débridée.

Par ailleurs, il m'apparaît que l'enjeu postal est d'importance pour les pays de l'Union européenne. Sommes-nous capables de construire des opérateurs de taille mondiale, au bénéfice de nos économies nationales et de l'Europe ? Pouvons-nous affirmer que La Poste saura être un acteur majeur dans une économie mondialisée, une chance pour l'économie française et européenne, tout en préservant les valeurs essentielles du pacte républicain, qui sont : le service public, l'aménagement du territoire et le service bancaire de base ?

La Commission européenne et la France n'ont pas toujours eu les mêmes positions sur le dossier postal. Néanmoins, trois demandes très fortes émergent. La première exige de clarifier l'avenir en opérant au niveau communautaire un arbitrage politique, afin de donner une visibilité prospective à tous les acteurs. Quel est l'arbitrage politique acceptable ? Cette décision reste une vraie interrogation.

Deuxièmement, comment assurer une plus grande transparence des comptes postaux, comment défendre des activités telles que les services financiers, tout en trouvant un équilibre avec d'autres acteurs du territoire ?

Troisièmement, comment garantir les droits des personnels et des opérateurs exposés au changement ? Les entreprises postales sont, en effet, d'abord des entreprises de main-d'oeuvre. A l'intérieur de ces entreprises, la réalité humaine, avec la richesse dont elle est porteuse, ne peut être niée.

Il apparaît qu'il y a globalement un blocage très fort entre les tenants de la libéralisation et les tenants d'une libéralisation plus prudente. Ce blocage autorise-t-il la programmation dès maintenant d'une ouverture totale à la concurrence ?

Enfin, une question majeure, Monsieur le Ministre : qu'en est-il de l'autorité de régulation et du régulateur ? Le futur médiateur postal a-t-il vocation a exercer ce rôle ? Les propos tenus par mes prédécesseurs laissent penser que le changement postal peut faire peur, et en même temps ne doit pas faire peur. L'évolution de la poste allemande peut rassurer et inquiéter, car au croisement des deux courbes, il y a une courbe de bénéfice et une courbe de personnel. Il y a une courbe de marché et de croissance de marché. La difficulté de l'exercice d'un opérateur qui est en train de devenir mondial est perceptible ici.

Un autre enseignement : La Poste, même pour les plus libéraux, n'est pas une entreprise comme les autres, elle a un rôle territorial, un rôle de lien social. Cependant, sa spécificité ne doit pas devenir un alibi pour l'immobilité.

Autre interrogation : qu'en est-il du service universel européen ? D'un système qui intégrerait davantage les peuples ? Rappelons le relatif isolement de la France par rapport à ses autres partenaires dans l'affirmation d'un concept de service public. Nous devons, d'une part, faire acte de pédagogie, mieux expliquer les valeurs qui fondent le pacte républicain pour tenter de les faire partager, et, d'autre part, être en mesure d'imaginer que d'autres formes d'organisations ont pu sceller des pactes de nations.

Nous avons tous noté un indéniable engagement de La Poste dans une démarche clientèle et on ne peut que s'en féliciter. Par ailleurs, je voudrais dire à la presse que sur La Poste pèse une part de charges qui ne sont pas compensées et qui viennent du transport des journaux vers leurs lecteurs. Il est important pour La Poste de participer à l'expression démocratique en transportant la presse mais elle ne saurait en assumer une part excessive du coût dans un contexte concurrentiel. L'évolution des accords Galmot exigera beaucoup de transparence et d'objectivité, dans l'intérêt tant de la démocratie que de la presse.

Enfin, une grande question : Peut-on être chez nous protectionnistes, et conquérants chez les autres ?

Merci à tous.

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