B. LA FRANCE DOIT ELLE LÉGALISER CES APPAREILS CLANDESTINS ?

1. Les inconvénients d'une prohibition qui singularise notre pays

Avec ce rocher de Sisyphe, la Police nationale et ses partenaires ont du « pain sur la planche » tant que le profit restera aussi juteux pour la pègre.

Or, en Europe, les « gagneuses » ne restent illégales qu'en France et au Portugal.

Encore, dans ce pays, l'attitude des pouvoirs publics serait-elle en train de changer ?

Partout ces machines sont légales, nombreuses et rapportent d'importantes recettes fiscales aux Etats.

France

13 000 machines (casinos) + 6 000 ?

Espagne

252 000

Allemagne

227 000

Grande-Bretagne

215 000

Belgique

68 000

Pour certains, « la France commet une erreur en laissant un espace important à la criminalité du jeu illicite par le biais de l'interdiction de ces machines ».

Il est vrai que le jeu illégal signifie inévitablement emprise du crime organisé, racket, violences et troubles à l'ordre public.

Il est vrai aussi que ces recettes faciles et régulières permettent aux gangs une « accumulation primitive du capital criminel »( Prs Rauffer et Quéré ) qui leur permet de se lancer ultérieurement dans des activités « haut de gamme », organisées et continues telles que trafic de stupéfiants, vols de voitures ou attaques à main armée.

A l'heure actuelle, le pactole des « gagneuses », constitue la base des financements criminels.

2. Les arguments des partisans d'une légalisation sous condition

a) le dilemme des autorités

Les autorités françaises sont donc devant un choix :

- soit elles maintiennent le régime restrictif actuel, durcissent la répression et augmentent leurs moyens de lutte en ne perdant pas de vue que les voyous, s'ils craignent la prison et la saisie de leur argent, n'ont vraiment peur que des exécutions. Quand un truand commandite une de celle-ci et établit le contact avec les « spécialistes »,le langage codé utilise les mots de « barbecue » (s'il s'agit de tuer puis de mettre le feu au véhicule - procédé très à la mode à l'heure actuelle parce qu'il a l'avantage de détruire les traces) ou de « bouillabaisse ». Incontestablement la culture méditerranéenne s'impose !

- soit elles légalisent ces jeux clandestins, définissent et encadrent leur fonctionnement (et perçoivent les recettes fiscales).

Mais votre rapporteur pense que l'Etat, s'il décidait cette légalisation, ne pourrait faire l'économie conjointement d'une répression très dure qui ne saurait s'exercer sans la création au préalable d'une législation adaptée (au moins comparable à celle qui régit la prostitution) et surtout réaliste et applicable par des magistrats convaincus de la gravité de la situation.

b) les demandes des professionnels intéressés

La Société Française d'Automatique demande la légalisation des machines.

L'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH
) plaide avec insistance pour l'autorisation de placer dans les bars, cafés et autres débits de boissons des « machines récréatives à gains limités » fonctionnant avec des mises faibles (5 et 10 francs) et offrant des gains maxima entre 300 et 500 francs. Le dossier de M. Michel Biron, le vice-président de l'UMIH, mérite d'être examiné.

Cette confédération, qui a pris le relais de la Fédération Nationale de l'Industrie Hôtelière créée en 1947, rassemble aujourd'hui 103 organisations départementales, 20 régionales, 30chaines hôtelières et 80 000 adhérents au total.

Elle s'inquiète de la diminution progressive mais considérable du nombre des cafés, bars ou « débits de boissons » . Les chiffres, que l'UMIH fournit, parlent d'eux-mêmes.

En quinze ans, de 1983 à 1998, l'évolution du nombre des entreprises est la suivante:


Restaurants

1983

56 182

1998

90 797

Cafés, bars, débits

 

79 957

 

52 639 - 34 %

Hôtels, hôtels restaurants

 

27 094

 

29 828

Total

 

162 233

 

173 264

Exprimée en nombre d'emplois l'évolution est tout aussi frappante :


Emplois salariés :

 
 
 
 

Restaurants

1983

153 144

1998

276 749

Cafés, bars, débits

 

57 249

 

42 076 - 26 %

Hôtels, hôtels restaurants

 

121 853

 

158 906

Total

 

332 246

 

477 731

Emplois non salariés :

 
 
 
 

Restaurants

1983

72 757

1998

83 453

Cafés, bars, débits

 

74 936

 

55 097 - 26 %

Hôtels, hôtels restaurants

 

34 322

 

24 217

Total

 

181 475

 

162 767

Cette diminution du nombre des cafés et des emplois qu'ils créaient est donc certaine et très forte.

Elle trouve son explication dans la désertification des campagnes, des villages, de grands quartiers urbains frappés par les restructurations industrielles mais aussi dans les modifications de la consommation des particuliers et la diminution ou la disparition de certaines recettes annexes des cafés comme la vignette auto ou les timbres fiscaux.

A coté de ces raisons majeures, il n'est pas sûr que le principal de cette réduction des activités des « estaminets » français résulte des efforts des gouvernements successifs pour réduire l'alcoolisme et le tabagisme.

L'inquiétude de l'UMIH est donc fort compréhensible et on peut la partager car on connaît l'importance de ces établissements, au même titre que les bureaux de poste ou les boulangeries, pour la vie de proximité et pour la convivialité des villages et des quartiers mais aussi pour certains services marchands et pour le sacré saint « aménagement du territoire » dont on nous rappelle « l'ardente obligation » à longueur de journée.

L'UMIH, pour convaincre l'Etat, développe un certain nombre d'arguments. Pour la confédération, l'autorisation de mises en place dans les cafés de « machines récréatives à gains limités », de classe B :

• Contribuerait à développer toute une nouvelle industrie de services créatrice d'emplois ;

• Apporterait une forte augmentation de recettes à une profession menacée de disparition ;

• Eliminerait les jeux illégaux en les remplaçant par des jeux autorisés mais placés sous un contrôle strict ;

• Apporterait à l' Etat et éventuellement aux collectivités locales des recettes nouvelles importantes ; cette situation serait plus convenable que l'actuelle où l'Etat ne touche rien, dépense beaucoup pour une répression difficile tandis que seul le « milieu » s'enrichit.

• En matière de recettes fiscales annuelles (TVA sur le produit brut des jeux, vignettes ou timbres), l'Espagne percevrait 120,6 milliards de pesetas, l'Allemagne 1,128 milliard de deutsch marks, le Royaume-Uni 791 millions de livres (1999).
Consciente des difficultés pour les pouvoirs publics d'établir toute une nouvelle législation, l'UMIH présente une étude très complète traitant des définitions des machines nécessaires, de leurs caractéristiques techniques, de la nature des entreprises de fabrication ou d'importation, de leur obligatoire classification Iso 9000.

Cette étude apporte de nombreuses données sur l'identification des machines, les descriptions des jeux, leur homologation, treize clauses de conformité technique, quinze dispositions du contrôle par l'Administration, les sanctions, etc.

Si le lecteur s'étonne de la place consacrée dans ce rapport aux dires de l'UMIH sur le sujet, il en saisira mieux les raisons dans les conclusions.

Pour votre rapporteur, l'Etat subit plus qu'il ne maîtrise la situation actuelle et, compte tenu de la gravité des faits et des perspectives, il doit reprendre l'initiative.
c) la proposition de loi du sénateur Nicolas About

Pour sa part le sénateur UDF Nicolas About, maire de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines )a déposé le 16 janvier 2001 une proposition de loi sur le sujet.

L'infatigable et très « pointu » membre du Groupe Républicain et Indépendant de la Haute Assemblée note que « depuis quelques années, la loi est bafouée par le développement de nouvelles pratiques qui semblent échapper au contrôle de l'Etat : loteries en ligne sur le réseau Internet et machines à sous trafiquées dans les bars et cafés ».

Nicolas About souligne le caractère « particulièrement criminogène » de ces activités et propose en conséquence d'autoriser ces machines sous certaines conditions : délivrance d'un agrément préalable de l'Administration, respect de normes strictes, définies en Conseil d'Etat, pour la fabrication, l'installation et l'exploitation des machines autorisées, la création de taxes fiscales.

Il y ajoute très opportunément l'interdiction aux moins de 18 ans et l'établissement de périmètres d'interdiction autour des écoles et des établissements de soins.

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