OUVERTURE DU MARCHÉ DES TÉLÉCOMS AU ROYAUME-UNI

I. INTENSITÉ CONCURRENTIELLE DANS LA TÉLÉPHONIE FIXE

Le marché de la téléphonie fixe est entièrement ouvert à la concurrence tant en ce qui concerne les communications longue distance que les communications locales. Le Royaume-Uni ayant été le premier pays en Europe à libéraliser son marché, la concurrence y est plus développée que dans les autres pays, y compris sur les appels locaux, et ceci avant même l'entrée en vigueur du dégroupage de la boucle locale 152 ( * ) . Toutefois, la mise en place de ce dernier a donné lieu à de nombreux développements réglementaires qui ont eu pour effet de décourager beaucoup de candidats au dégroupage.

1. Une libéralisation précoce

Au Royaume-Uni, la libéralisation a débuté très tôt, en 1981, avec le British Telecom Act qui organise la séparation de BT et du Post Office et instaurant un duopole dans le téléphone fixe (BT, Mercury) et les radiocommunications (BT Cellnet, Racal Vodafone). La privatisation de BT intervient en 1984 et coïncide avec le Telecommunications Act de 1984 qui crée l'autorité de régulation indépendante : l'OFTEL. La libéralisation se poursuit en 1991 avec la Duopoly Review , menée au terme des sept premières années de duopole, qui établit les bases d'une nouvelle réglementation permettant une entrée complète dans le marché britannique des télécommunications au travers de licences. La Duopoly Review autorise aussi aux câblo-opérateurs à fournir des services de télécommunications sur leurs réseaux.

La présélection du transporteur n'a été introduite par l'OFTEL qu'à la fin de l'année 2000, à la demande expresse de la Commission européenne. Elle concerne aussi bien les appels longue distance que les appels locaux. Face à l'échec des négociations entre opérateurs pour des accords d'interconnexion, l'OFTEL a fixé arbitrairement le 8 janvier 2001 les tarifs en la matière.

2. Un marché très concurrentiel

La conséquence de ce processus de libéralisation précoce est un marché actuel qui apparaît comme un des plus concurrentiels d'Europe. En effet, à fin mars 2001, BT ne détenait plus que 67.5% du marché global de la téléphonie fixe en chiffre d'affaires, n'acheminant plus que 60% du volume des communications. Le détail par segment de marché (en chiffre d'affaires) donne une part de 68.6% pour les communications locales, 58.6% pour la longue distance et 44.6% pour l'international. Globalement sur le marché des entreprises, sa part de marché est tombée en deçà de 50%, contre encore 67.1% sur le marché résidentiel. Si la concurrence s'est donc comme partout portée d'abord sur les marchés les plus profitables, le développement rapide de la câblo-téléphonie a permis aussi d'ouvrir largement le segment local, qui reste relativement épargné ailleurs en Europe. En outre, la perte de parts de marché de BT est régulière au fil des années, quel que soit le segment de marché.

Evolution des parts de marché de BT en valeur (chiffre d'affaires)

31/12/1999

31/12/2000

31/03/2001

Téléphonie fixe (appels, abonnements, connexion)

73.9%

70.4%

67.5%

Local

76.8%

72.2%

68.6%

Longue distance

65.6%

58.9%

58.6%

International

52.4%

48.4%

44.6%

Appels vers les mobiles

67.6%

64.7%

61.7%

Téléphonie d'entreprise

56.0%

54.0%

49.5%

Téléphonie résidentielle

79.4%

71.2%

67.1%%

Source : OFTE L

Parts de marché de BT en valeur et en volume pour la téléphonie fixe au 31/12/2000

Source : OFTEL

L'analyse des parts de marché de BT en volume conforte le constat précédent : si BT a mieux résisté sur le segment local (69.1% de parts de marché à la fin 2000, et 67% au 31 mars 2001), en revanche il n'achemine plus que 50.8% des appels longue distance à la fin 2000 (48% au 31/03/2001) et 30.8% des appels internationaux (28% au 31/03/2001).

Les principaux concurrents de BT sur la téléphonie fixe résidentielle sont les câblo-opérateurs NTL et Telewest, les deux acteurs majeurs du câble au Royaume-Uni depuis la cession des activités câblés résidentielles de Cable & Wirelesss Communications à NTL en mai 2000. Ces deux acteurs sont parvenus à accaparer 23.6% du trafic résidentiel (24% des communications locales résidentielles). Ils représentent 22.2% du chiffre d'affaires de ce segment (27.3% sur le local).

Loin derrière, on trouve Kingston Communications, avec 0.1% du chiffre d'affaires de la téléphonie résidentielle.

Distribution des parts de marché sur la téléphonie résidentielle

au 31/03/2001

en valeur

en volume

BT

73.2%

71.4%

NTL & Telewest

22.2%

23.6%

Kingston

0.1%

n.d.

Autres

4.5%

5%

Source : OFTEL

Sur le marché de la téléphonie d'entreprise, les principaux concurrents de BT sont Cable & Wireless (11.1% du trafic), suivi de NTL et Telewest (10%) et de WorldCom (5.9%).

Distribution des parts de marché sur la téléphonie professionnelle

au 31/03/2001

en valeur

en volume

BT

59.8%

46.5%

C&W

11.9%

11.1%

NTL & Telewest

6.8%

10%

WorldCom

6.0%

5.9%

Kingston

0.3%

n.d.

Autres

15.2%

26.5%

Source : OFTEL

Le segment de marché des appels internationaux est de loin le plus concurrentiel, BT ne représentant plus que 37% du chiffre d'affaires. Les principaux opérateurs alternatifs sur ce segment sont WorldCom (19.2% de part de marché en valeur), Cable & Wireless Comm. (10.4%) et Viatel (7.4%).

Distribution en valeur du marché de la téléphonie internationale

Chiffre d'affaires
(millions de £)

Part de marché
(%)

BT

60.5

37%

WorldCom

31.4

19.2%

C&W Comm

16.9

10.4%

Viatel

12.0

7.4%

RSL Com

5.9

3.6%

Concert

5.7

3.5%

ACC Long Distance

5.2

3.2%

Telewest

4.8

3%

Colt

4.8

2.9%

NTL

3.4

2.1%

Autres

12.7

7.8%

Source : OFTEL

3. La difficile mise en oeuvre du dégroupage

La 1 ère consultation sur le dégroupage de la boucle locale au Royaume-Uni a été lancée en décembre 1998 par l'OFTEL. Cette consultation a abouti en novembre 1999 à la publication d'un relevé de décision intitulé "Access to Bandwidth: Delivering Competition for the Information Age" par lequel l'OFTEL enjoint BT de mettre la boucle locale à la disposition d'autres opérateurs. Un délai de deux ans est accordé à BT pour aboutir à un dégroupage total en juillet 2001.

Cette décision a été complétée par la suite par des publications qui précisent notamment les conditions (condition 83 en août 2000) de fourniture des "Metallic Path Facilities" qui doivent permettre aux opérateurs d'utiliser des boucles locales individuelles du réseau d'accès de BT à compter du 1 er juillet 2001.

En résumé, le dégroupage décrit par l'OFTEL (Local Loop Unbundling) prévoit la mise à disposition du réseau local de paires de cuivre de l'opérateur historique (BT / Kingston) aux autres opérateurs alors en mesure d'"upgrader" les lignes individuelles au moyen des technologies DSL afin d'offrir des services d'accès permanents à Internet directement à leurs clients.

Quatre options de dégroupage ont été définies :

1. moyennant un espace physique colocalisé à l'intérieur du site de l'opérateur historique ;

2. moyennant la colocalisation à distance ;

3. moyennant le partage de ligne (line sharing) ;

4. au niveau du point de connexion primaire (PCP).

A l'origine, une quarantaine d'opérateurs et ISP ont manifesté leur intention de participer au processus de dégroupage conduit par l'OFTEL. La concentration des demandes de colocalisation dans les répartiteurs desservant les zones denses a nécessité l'instauration d'une méthode de prioritisation dite "bow wave process" pour l'attribution de l'espace disponible.

Les opérateurs autorisés à participer au processus d'attribution de l'espace ont signé le protocole ANFA (Access Network Facilities Agreement) qui décrit les relations entre BT et les opérateurs alternatifs impliqués dans le dégroupage. Le "bow wave proccess" s'est déroulé en deux phases : la première phase a débuté en septembre 2000 et a concerné une sélection de 381 sites. La seconde phase, initiée en décembre 2000, a porté sur 360 sites supplémentaires. Le "bow wave process" a pris fin en mai 2001.

Les conditions financières associées à la fourniture des " Metallic Path Facilities" ont été publiées par l'OFTEL en décembre 2000. Elles établissent, pour chaque ligne transférée :

t les frais de connexion à 88 GBP (142 €),

t les frais annuels de location à 122 GBP (197 €).

Pour 100 paires, les frais associés au câble de raccordement interne :

t les frais de connexion à 863 GBP (1 395 €),

t les frais annuels de location à 21 GBP (34 €).

Les coûts liés à la colocalisation dans les immeubles des répartiteurs ne sont pas péréqués mais négociés au cas par cas. L'annonce de ces prix, qui dépendent naturellement du nombre d'opérateurs colocalisés, a fait l'objet de plaintes auprès de l'OFTEL qui a lancé une étude d'investigation sur ce sujet.

L'ISP Redstone est a priori le seul opérateur à avoir opté pour la colocalisation à distance de ses DSLAM. Selon l'opérateur, cette option permet de réaliser des économies considérables et garantit un accès libre de contraintes à ses équipements.

Les frais de colocalisation de BT s'élèveraient à 255 000 GBP (363 747 €) pour chaque répartiteur, avec facturation des services de présence des ingénieurs de BT lors des visites des techniciens de l'opérateur alternatif non incluses.

Les négociations afférentes aux conditions financières associées à l'option du partage de ligne ont pris fin en octobre 2001. L'OFTEL a finalement établi à 53 GBP (86 €) la location annuelle de la ligne et à 117 GBP (189 EUR) par ligne les frais de connexion.

Statistiques à propos du processus de dégroupage au Royaume-Uni (10/2001)

Nombre total de sites MDF au R-U

Approx. 5 600

Nombre de lignes fixes au R-U

Approx. 35 000 000

Nombre de connexions ADSL

Approx. 90 000

Nombre de sites en expérimentation LLU au R-U (depuis janvier 2001)

4

Battersea, Leeds, Edimburg et Belfast

Sites (en option colocalisation physique) en cours de construction

10 achevés et 9 en construction

Nombre de sites en option de colocalisation à distance

45 construits

6 en cours de construction

Nombre d'études de colocalisation entreprises

Plus de 700 dont 360 achevées

Source : OFTEL

Fin octobre 2001, une dizaine d'opérateurs serait finalement encore impliqué de manière active dans le processus de dégroupage et leur demande de colocalisation porterait sur quelque 200 centraux contre 2 100 au lancement. Les conditions financières sur le marché, les modalités pratiques de colocalisation et les charges associées annoncées par BT expliquent pour une large part la désaffection relative que connaît actuellement le processus de dégroupage au Royaume-Uni.

A la fin octobre 2001, 45 sites sont équipés conformément à des demandes correspondant à l'option de colocalisation à distance tandis que 14 sites sont opérationnels en mode de colocalisation physique. BT a également enregistré des défections liées aux procédures de liquidation concernant certains opérateurs tels que OnCue. Ces défections ont conduit à la suspension des travaux de conception entrepris sur 57 des 63 sites concernés pour lesquels des demandes de colocalisation à distance avaient été enregistrés par BT.

L'option 3, dénommée également "Line sharing" ou encore "DSL Interconnect", devrait être disponible de manière opérationnelle début 2002.

Au mois de septembre, l'OFTEL a précisé qu'un peu plus de 100 lignes dégroupées avaient été effectivement connectées sur les 4 sites de test de Battersea, Edimbourg, Belfast et Leads, ce nombre est évalué à 150 lignes au mois d'octobre.

* 152 On notera d'ailleurs que les autorités britanniques, soucieuses de favoriser l'investissement des opérateurs dans les réseaux de télécommunications ne se sont intéressé que tardivement au dégroupage et à la présélection.

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