M. Jean DRUCKER, président du Conseil de surveillance de M6
Je
commencerai par deux remarques relatives aux résultats du sondage qui
vient de vous être commenté par Roland Cayrol. Ce sondage met en
évidence le manque d'intérêt a priori du public, ce qui est
normal car le sujet est aride et un peu mystérieux pour la plupart des
gens.
Cela montre aussi qu'en l'absence de toute pression de l'opinion, on peut
aborder tranquillement et sans hâte le dossier du numérique
terrestre.
On apprend, d'autre part, que les gens n'ont pas très envie de payer, ce
qui semble être une contradiction habituelle. Plus de programmes oui,
payer non.
Par ailleurs, je voudrais indiquer clairement qu'à mes yeux, le
problème n'est pas celui du numérique, technologie qui s'impose,
mais bien celui des conditions du lancement du numérique terrestre.
Un coup d'oeil en arrière nous incite à l'humilité et
à la prudence. Notre système de communication et notre
télévision ne sont pas si mauvais, mais certaines bévues
du passé doivent nous inciter à faire très attention avant
de lancer un grand projet. Faut-il rappeler le plan câble, le lancement
des satellites TDF1 et TDF2, la mort de la Cinq...
Regardons les expériences étrangères puisque en Europe,
trois pays se sont lancés avant nous.
On s'aperçoit que ni en Suède, ni en Espagne, ni en Grande
Bretagne, le succès n'est au rendez-vous. Cela ne signifie pas que
l'idée n'est pas bonne, mais que les conditions de lancement
n'étaient pas optimales.
Tirons donc méticuleusement les enseignements des expériences
déjà en cours dont on voit qu'elles sont aujourd'hui des
échecs.
N'oublions pas que le paysage audiovisuel français, qui a une histoire
houleuse a, au bout de quinze ans, trouvé un équilibre, mais que
celui-ci est fragile ; rien ne doit être fait qui conduirait
à le compromettre.
Il faut donc être précautionneux.
Il y a trois segments qui sont solidaires.
Celui dont on parle le plus mais qui paradoxalement pose le moins de
problèmes : l'attribution des canaux. La loi dresse le cadre, nous
connaissons la feuille de route du CSA, il y aura des candidats, des
reçus et des recalés.
Mais je ne suis pas sûr que l'amont et l'aval soient balisés.
En amont le numérique soulève des problèmes techniques, en
particulier celui de l'initialisation. Or dans ce type de projet
l'équipement est un point décisif.
En aval, la grande question est de savoir qui commercialise. Qui va prendre en
charge, et dans quelles conditions, le soin de transformer une belle
technologie en un grand succès commercial, ceci bien entendu en
évitant que les deux bouquets et le câble fassent les frais de
cette initiative nouvelle. Cette délicate question n'est pas
tranchée.